Cass. 2e civ., 5 octobre 2023, n° 20-23.523
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martinel
Rapporteur :
M. Cardini
Avocat général :
Mme Trassoudaine-Verger
Avocats :
SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 14 décembre 2020), le 3 août 2018, l'établissement public Bureau de recherches géologiques et minières a pratiqué, sur le fondement d'un arrêt du 29 mai 2007, rectifié le 4 septembre 2007 et signifié à la société Dilo Guyane les 16 décembre 2016 et 22 mai 2017, ayant condamné cette dernière à lui payer une certaine somme, une saisie-attribution à l'encontre de cette société, laquelle a assigné cet établissement public, ainsi que sa « division comptable », devant un juge de l'exécution.
Sur le moyen relevé d'office
2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles L. 111-3, 1°, et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution et les articles 501, 502 et 503 du code de procédure civile :
3. Selon le premier de ces textes, constituent des titres exécutoires les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire.
4. Selon le second, l'exécution des titres exécutoires mentionnés, notamment, au 1° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
5. Il en résulte que le délai de dix ans pendant lequel l'exécution d'une décision de justice mentionnée à l'article L. 111-3, 1°, du code des procédures civiles d'exécution peut être poursuivie court à compter du jour où, ayant acquis force exécutoire, cette décision constitue un titre exécutoire au sens de ce texte.
6. Pour constituer un tel titre, le jugement exécutoire, au sens de l'article 501 du code de procédure civile, doit, en application de l'article 503 du même code, avoir été notifié au débiteur, à moins que l'exécution n'en soit volontaire, et être revêtu, en application de l'article 502 du même code, de la formule exécutoire, à moins que la loi n'en dispose autrement.
7. Pour dire prescrite l'action et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution, l'arrêt retient qu'il se déduit des articles 480 et 500 du code de procédure civile que l'arrêt du 29 mai 2007, rectifié par celui du 4 septembre 2007, non susceptible d'un recours suspensif, avait, dès son prononcé, autorité et force de chose jugée et que le point de départ de la prescription court donc à compter du 29 mai 2007, l'arrêt rectifié n'ayant pas pour nature de reporter la date d'effet de l'arrêt qu'il rectifie. Il ajoute que, par application combinée des articles 502 et 503 du code de procédure civile, un arrêt ne peut être exécuté, même ayant acquis autorité et force de chose jugée, qu'une fois la copie exécutoire délivrée et après notification ou signification, revêtant alors la qualification de titre exécutoire, que la signification d'un arrêt est une condition préalable à son exécution forcée afin de la rendre exécutoire et qu'il s'en excipe que si la signification du 22 mai 2017 est une condition préalable, elle n'est pas assimilée toutefois à un acte d'exécution. Il en déduit que la saisie-attribution, diligentée le 3 août 2018, est tardive.
8. En statuant ainsi, alors que l'arrêt du 29 mai 2007, passé en force de chose jugée dès son prononcé, n'avait été signifié à la société Dilo Guyane que le 16 décembre 2016, la cour d'appel, qui ne pouvait que constater que la saisie-attribution avait été pratiquée dans le délai de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, d'une part, il infirme le jugement en ce qu'il a validé la saisie-attribution diligentée le 3 août 2018 et condamné la société Dilo Guyane à une indemnité de procédure de 2 500 euros et aux entiers dépens, d'autre part, statuant à nouveau, dit prescrite l'action en recouvrement de la division comptable du Bureau de recherches géologiques et minières et ordonne la mainlevée de la saisie-attribution diligentée le 3 août 2018, l'arrêt rendu le 14 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Cayenne.