Livv
Décisions

Cass. com., 4 octobre 2023, n° 22-15.456

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Bélaval

Avocat général :

Mme Henry

Avocat :

SCP Jean-Philippe Caston

Grenoble, ch. com., du 3 févr. 2022

3 février 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 3 février 2022), le 23 mai 2012, un tribunal a ouvert le redressement judiciaire de la société Actuel Immo Invest, qui a été converti en liquidation judiciaire le 18 juillet suivant. Le 29 mars 2017, M. [L] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire en remplacement d'un autre professionnel.

2. Le 2 août 2018, à la suite de la vente d'un immeuble et en vue de la distribution du prix, le liquidateur a établi l'état de collocation des créanciers en vertu duquel il a adressé à la société Austell France participations (la société Austell), créancier hypothécaire, un dividende de 268 955,52 euros.

3. Le 18 juin 2020, M. [L], ès qualités, a assigné la société Austell en restitution d'une somme de 24 224,49 euros qui aurait dû être réglée, selon lui, prioritairement à l'AGS.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. [L], ès qualités, fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « que le créancier qui a reçu un paiement en violation de la règle de l'égalité des créanciers chirographaires ou par suite d'une erreur sur l'ordre des privilèges doit restituer les sommes ainsi versées ; qu'en retenant, pour débouter M. [L], ès qualités, de sa demande de restitution de l'indu, que malgré l'admission définitive au passif de la créance de l'UNEDIC CGEA au titre de l'AGS pour une somme de 24 224,49 € et son inscription sur l'état des créances privilégiées, ce créancier n'avait pas été appelé à la distribution du prix de vente du bien immobilier par l'état de collocation dressé le 2 août 2018 et que si cet état de collocation n'avait pas été dressé en conformité avec l'état des créances privilégiées admises, le paiement opéré par le liquidateur à la société Austell France participations était intervenu dans le respect de l'ordre établi par lui, de sorte que la demande de restitution trouvait son origine, non pas dans une erreur commise dans l'acte de collocation sur le classement légal des droits de préférence, mais dans le défaut de collocation d'un créancier qui disposait du droit d'y participer, et qu'elle constituait en réalité une contestation de l'état de collocation, quand l'omission d'appeler un créancier privilégié à la distribution du prix de vente ayant entraîné un paiement indu au profit d'un autre créancier constituait une erreur sur l'ordre des privilèges, la cour d'appel a violé l'article L. 643-7-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 643-7-1 du code de commerce :

5. Selon ce texte, le créancier qui a reçu un paiement à la suite d'une erreur sur l'ordre des privilèges doit restituer les sommes ainsi versées. Il en résulte que, lorsqu'un paiement à un créancier privilégié a été effectué à la suite de l'omission sur l'état de collocation d'un créancier de meilleur rang, le liquidateur peut agir en restitution des sommes versées au créancier qui a reçu ce paiement.

6. Pour rejeter la demande de restitution, l'arrêt, après avoir énoncé qu'il résulte de la combinaison des articles R. 643-6 et R. 643-7 du code de commerce que le liquidateur procède au règlement des créanciers sur le fondement de l'état de collocation dressé en conformité avec l'état des créances définitivement admises, relève, que, malgré l'admission définitive au passif de la créance de l'UNEDIC CGEA au titre de l'AGS pour une somme de 24 224,49 euros et son inscription sur l'état des créances privilégiées, ce créancier n'a pas été appelé à la distribution du prix de vente du bien immobilier par l'état de collocation dressé le 2 août 2018, et que le paiement adressé par le liquidateur à la société Austell est intervenu dans le respect de l'ordre réglé par lui.

7. L'arrêt en déduit que la demande de restitution du liquidateur ne trouve pas son origine dans une erreur commise dans l'acte de collocation sur le classement légal des droits de préférence, mais bien dans le défaut de collocation d'un créancier qui disposait du droit d'y participer, que la demande constitue en réalité une contestation de l'état de collocation qui doit intervenir dans le mois de la publicité de son dépôt, devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire, et que le paiement intervenu en vertu de l'état de collocation du 2 août 2018, dont il n'est pas justifié qu'il ait fait l'objet de contestation, n'est donc entaché d'aucune erreur dans l'ordre des privilèges qu'il a réglé.

8. En statuant ainsi, alors que la somme dont la restitution était demandée par le liquidateur à la société Austell lui avait été versée à la suite de l'omission d'un créancier de meilleur rang, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble autrement composée.