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Décisions

Cass. com., 27 mai 2021, n° 19-16.613

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Lefeuvre

Avocat général :

Mme Gueguen

Avocats :

SCP Buk Lament-Robillot, SCP Delamarre et Jehannin

Versailles, du 12 mars 2019

12 mars 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 mars 2019), la société anonyme [Personne physico-morale 1] (la société Antonutti) a été mise en redressement judiciaire le 19 avril 2011.

2. Lors de l'assemblée générale du 16 février 2012, les associés de cette société ont décidé de procéder à une augmentation de capital en numéraire de 400 000 euros par voie de compensation avec le compte courant détenu par la société Get location (la société Get).

3. Le 6 avril 2012, un plan de redressement de la société Antonutti a été arrêté. Le 6 décembre 2013, la résolution du plan a été prononcée. Le 9 décembre 2013, une nouvelle procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Antonutti.

4. Soutenant que l'augmentation de capital votée lors de l'assemblée du 16 février 2012 ne pouvait s'être réalisée par voie de compensation, la société Antonutti a assigné la société Get en paiement du prix d'émission des actions souscrites.

5. La société Antonutti a été mise en liquidation judiciaire le 30 janvier 2015, M. [Y] étant désigné en qualité de liquidateur.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. M. [Y], ès qualités, fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement, alors :

« 1°/ qu'en cas de libération d'actions par compensation de créances sur la société, ces créances font l'objet d'un arrêté de compte établi par le conseil d'administration et certifié exact par le commissaire aux comptes ; qu'il en résulte que le certificat du commissaire aux comptes doit être établi à la date de libération des actions ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la compensation légale des créances des sociétés Antonutti et Get est intervenue le 6 décembre 2013, cependant que le commissaire aux comptes a certifié le 16 février 2012 l'arrêté de compte établi le 31 janvier 2012 ; qu'en retenant pourtant que le certificat du 16 février 2012 ne serait pas "sans valeur pour attester du caractère certain et liquide de la créance de la société Get", cependant qu'établi près de deux ans avant la compensation, il ne pouvait autoriser la libération d'actions par compensation de créances sur la société, la cour d'appel a violé les articles L. 225-146 et R. 225-134 du code de commerce, ensemble l'article 1289 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ qu'aucune compensation de plein droit ne peut s'opérer lorsque l'une des créances est contestée en justice par son prétendu débiteur ; que la contestation en justice interdit la réunion des conditions de la compensation légale quand bien même elle serait postérieure à la date où la prétendue compensation s'est opérée de plein droit ; qu'en l'espèce, M. [Y], ès qualités, a contesté en justice la créance de compte courant d'associé de la société Get location puisque, par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 octobre 2014, il a informé la société Get location qu'il en proposait le rejet ; qu'en retenant pourtant que "la contestation tardive par M. [Y] du 2 octobre 2014 de la déclaration de créance déposée par la société Get location en février 2014 ne peut faire obstacle au mécanisme de la compensation légale au motif qu'elle serait litigieuse", la cour d'appel a violé l'article 1291 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

3°/ que le solde créditeur d'un compte courant d'associé n'est exigible que si le remboursement en est demandé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'au mois de février 2012, la société Antonutti était en période d'observation, de sorte que n'était pas exigible sa dette, non déclarée à la procédure collective, de remboursement du compte courant d'associé de la société Get ; qu'elle a encore relevé que la procédure de redressement judiciaire de la société Antonutti n'avait pris fin que le 6 décembre 2013 ; qu'il en résultait que seule une demande de remboursement du compte-courant d'associé postérieure au 6 décembre 2013 était de nature à rendre exigible la créance invoquée par la société Get ; qu'en retenant pourtant que celle-ci aurait sollicité le remboursement de sa créance "dès le mois de février 2012", la cour d'appel a violé l'article 1291 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

7. En premier lieu, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que le certificat établi le 16 février 2012 par le commissaire aux comptes de la société Antonutti, selon laquelle la société Get était titulaire d'une créance de 413 569,48 euros sur cette société, n'était pas sans valeur pour attester du caractère certain et liquide de cette créance le 6 décembre 2013.

8. En second lieu, ayant rappelé qu'une créance en compte courant d'associé est remboursable à tout moment et relevé qu'il résultait du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire que la société Get avait demandé le remboursement de sa créance en compte courant d'associé dès le mois de février 2012, la cour d'appel a pu en déduire que cette demande avait rendu la créance exigible, peu important qu'elle n'ait pu aboutir immédiatement dès lors qu'il n'était pas prétendu qu'elle eût été rapportée au moment où la compensation légale pouvait s'accomplir.

9. Enfin, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la contestation élevée par le liquidateur le 2 octobre 2014 ne pouvait, au motif que la créance était litigieuse, faire échec à la compensation légale dès lors que celle-ci était intervenue le 6 décembre 2013.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.