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Décisions

CA Paris, 3e ch. B, 23 octobre 1992, n° 90/016906

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Européenne de Gestion et de Formation (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leblanc

Conseillers :

M. Feuillard, Mme Jeannin

Avoué :

SCP Narrat-Peytavi

Avocats :

Me Bouyer, Me Mammart, Me Meurisse, Me Aubry

T. com. Paris, 12e ch., du 3 avr. 1990

3 avril 1990

La Cour statue sur l'appel formé par MM. Philippe COURTIN et Claude SEILER contre le jugement du Tribunal de commerce de PARIS (12e chambre, N° 2423/89), du 3 avril 1990, qui a dit que l'assemblée générale extraordinaire de la société EUROGES, tenue le 4 octobre 1989, et l'augmentation de capital qui en est résulté étaient régulières et valables, constaté que, après cette augmentation de capital, le montant des capitaux propres de la société se trouvait inférieur à la moitié du nouveau capital social, accordé, d'office et conformément à l'article 363 de la loi du 24 juillet 1966, à la société un délai de six mois pour régulariser la situation, débouté MM. C0URTIN et SEILER de toutes leurs demandes et ordonné l'exécution provisoire.

La société anonyme Européenne de Gestion "EUROGES" a pour objet la formation de personnels. Les pertes constatées au cours de l’exercice de 1983 ont justifié la tenue d'une assemblée générale extraordinaire, le 29 octobre 1984, appelée à se prononcer sur la continuation de l'activité sociale et la reconstitution des fonds propres.

En 1986, EUROGES a décidé d'ouvrir son capital. A cette occasion, MM. COURTIN et SEILER ont acquis chacun 22 actions. Nommés administrateurs le 30 octobre 1966, ils ont tous deux démissionné de leurs fonctions le 2 juin 1967. A la suite de difficultés relatives à la gestion et aux engagements de la société, ils ont, le 16 décembre 1988, assigné EUROGES en dissolution anticipée du motif que les capitaux propres n'avaient pas été reconstitués dans le délai légal de deux ans.

Une assemblée générale extraordinaire s'est tenue le 4 octobre 1989 qui a décidé une augmentation du capital, laquelle s'est réalisée par voie de compensation.

EUROGES a prétendu que cette augmentation (de 250.000 F. à 500.000 F. par création d'actions nouvelles) avait régularisé la situation.

Les demandeurs ont répliqué que cette opération était nulle, puisque l'assemblée n'avait pas prévu que la souscription des actions nouvelles pouvait se faire par compensation et que l'augmentation n'avait pas eu pour effet de reconstituer les liquidités nécessaires du fonctionnement de la société. 

Par le jugement déféré, le tribunal a relevé qu'une augmentation du capital peut être effectuée par tous moyens, notamment par abandon de créances si ce procédé n'a pas été expressément exclu par l'assemblée ;

Que cependant, après l'opération litigieuse, compte tenu de la situation comptable arrêtée au 31 décembre 1988, le montant des capitaux propres (189.864 F.) se trouvait inférieur à la moitié du nouveau capital social (500.000 F.) ; qu'il y avait donc lieu d'accorder d'office à la société un délai de 6 mois pour régulariser la situa­tion.

APPELANTS, MM. COURTIN et SEILER poursuivent l’infirmation du jugement et demandant à la Cour de prononcer la nullité de l'assemblée générale extraordinaire du 4 octobre 1989 et la dissolution de EUROGES.

Ils font valoir notamment que cette assemblée n'avait pas prévu la possibilité de réaliser l’augmentation du capital par voie de compensation avec une créance sur la société, ce qui est contraire à l'article 178 de la loi du 24 juillet 1966 ; qu'en outre diverses règles de forme n'ont pas été respectées lors de cette assemblée, puisque la résolution unique qui a été adoptée ne comporte pas certaines précisions, en ce qui concerne spécialement le montant des souscriptions qui devait atteindre au moins les 3/4 de l'augmentation prévue en application de l'article 185 de la loi de 1966, et que la lettre R.A.R. avisant les actionnaires de l'ouverture et des modalités de la souscription n'a pas été adressée.

Subsidiairement, ils observent que le délai de régularisation accordé par le tribunal est expiré et qu'il appartient à EUROGES de justifier de la reconstitution de ses fonds propres ; que sa dissolution doit encore être ordonnée de ce chef.

Ils réclament 20.000 F. par application de l'article 700 N.C.P.C.

Intimée la société EUROGES soutient que l'augmentation du capital a été régulière, puisque pouvant être réalisée par l'abandon de créances ; que l'assemblée a été tenue régulièrement, toutes les règles de forme ayant été respectées.

Subsidiairement, elle fait valoir qu'elle est actuellement in bonis.

Elle conclut donc à la confirmation du jugement et demande à la Cour de dire qu'il n'y a pas lieu à dissolution, subsidiairement, de constater qu'elle est actuellement in bonis, qu'elle a pu reconstituer ses fonds propres dans le délai prescrit par le jugement dont appel.

Elle réclame 20.000 F. pour appel abusif plus 20.000 F. au titre de l'article 700 N.C.P.C.

Las appelants répondent que EUROGES n'apporte aucun élément de réponse aux moyens soulevés sur la nullité de l'assemblée générale et se contente d'affirmer qu'elle a "pleinement reconstitué sa situation” sans justifier aucunement de cette allégation ; que, spécialement, il résulte d'un extrait K bis, délivré le 22 mai 1991, que la prétendue augmentation de capital n'avait toujours pas été transcrite.

EUROGES réplique qu'une assemblée générale extraordinaire a réduit son capital social à 300.000 F. et a constaté l’existence de profits substantiels ; que c’est en raison de l'incurie de son mandataire, dont elle met en cause la responsabilité civile professionnelle, que les opérations de transcription ne sont pas intervenues en temps et en heure auprès du greffe du tribunal de commerce ; qu’à la date de ses écritures (20 mars 1992), elle n'est pas en état de produire le bilan au 31 décembre 1991 qui établirait incontestablement que sa situation a été totalement régularisée.

Las appelants rétorquent qu’il apparait que les formalités de transcription et de modification statutaire ne sont intervenues que le 20 mai 1992 ; que la demande de nullité de l'assemblée du 4 octobre 1969 et de dissolution de la société "est donc parfaitement justifiée" ;

Que l'assemblée du 3 octobre 1990, qui a réduit le capital, s'est tenue sans que les appelants aient été convoqués, ce qui entrainé sa nullité ; que cette assemblée a pourtant près des décisions d'une extrême gravite, notamment en ce qui concerne la cession d'un droit au bail.

Ils demandant donc à la Cour, complétant leurs précédentes écritures, en raison du défaut de convocation des appelants, d'annuler l'assemblée générale extraordinaire du 3 octobre 1990, laquelle ne peut constituer valablement la régularisation accordée par le tribunal.

Dans ses ultimes conclusions, EUROGES indique que depuis 1987, MM. COURTIN et SEILER ne se sont présentés à aucune assemblées générale ; qu'elle verse aux débats la convocation concernant chacun desdits actionnaires ; que les retards des formalités de dépôt au greffe ne sont nullement imputables au dirigeant social, mais au mandataire de la société ; qu'elle verse également l'original d'un extrait K bis à jour.

Elle ajoute, compétant les indications données antérieurement, que S.N.P.M.I., dont MM. COURTIN et SEILER sont respectivement président et vice-président, est débiteur à son égard d'une somme de 108.923,71 F. selon un arrêt de la Cour de Céans du 16 octobre 1991 ; que cette décision n'a pas fait l'objet d'un pourvoi ; que S.N.P.M.I. refuse cependant de s'exécuter.

SUR QUOI, LA COUR,

Considérant que, aux termes de l'article 178 de la loi du 24 juillet 1966, la libération des actions nouvelles émises pour augmenter le capital social d'une société anonyme peut se faire par compensation avec des créances détenues sur la société ;

Que ce mode de libération ne peut être contesté que s'il a été exclu par la décision de l'assemblée générale relative à l’augmentation du capital ou si les créances compensées n’étaient pas liquides et exigible ;

Considérant, en l'espèce, qu'il est constant que la résolution de l’assemblée générale extraordinaire de EUROGES du 4 octobre 1989 n'a pas exclu la souscription des actions nouvelles par voie de compensation ;

Que les appelant n'allèguent pas sérieusement que les créances qui ont été compensées n’étaient pas liquides et exigibles ;

Que ce moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;

Considérant, plus généralement, que les autres griefs formulées par les appelants, à les supposer établis et constitutifs de violations de dispositions impératives de la loi de 1966 ou de celles qui régissent les contrats au sens du 2e alinéa de l'article 360 de cette même loi, ce qui n'est pas démontré en l'état, ne peuvent être retenus que si, aucune disposition expresse de cette loi prévoyant la nullité d'un acte modifiant les statuts n'étant invoquée, les appelants justifient d'un intérêt légitime à agir ;

Considérant que les appelants n'agissent évidemment pas dans l'intérêt de la société dont les demandant la dissolution, ne contestant d'ailleurs plus réellement que la société se trouve actuellement in bonis ;

Qu’ils n’invoquent aucun préjudice, même moral, qui aurait résulté pour eux des irrégularités prétendues et ne réclament par suite aucune réparation ;

Que, bien au contraire, le litige qui a opposé EUROGES à S.N.P.M.I. dans les conditions relatées par la première, non démenties par les appelants, laisse à penser que ceux-ci, qui ne contestant pas davantage leurs fonctions au sein de la seconde, poursuivent un but illégitime consistant à permettre à S.N.P.M.I. de se soustraire à l'exécution de l’arrêt qui l'a condamné envers EUROGES ;

Que, le moyen de l’irrecevabilité de l'action des appelants pour défaut d'intérêt n'ayant pas été présenté par l’intimée, il y a lieu de le mettre dans les débats et d'ordonner à cette fin leur réouverture pour permettre aux parties de s‘expliquer ;

PAR CES MOTIFS : 

ORDONNE la réouverture des débats à l’audience du vendredi 26 novembre 1992, à 13 heures 50 ; INVITE les appelants à justifier de leur intérêt à agir ;

INVITE les parties à verser toutes places nouvelles utiles au soutien de leurs prétentions, Spécialement la société EUROGES, pour ce qui concerne l’application éventuelle des dispositions de l'article 362 de la loi du 24 juillet 1966 ;

RENVOIE l’affaire e la mise en état et FIXE au jeudi 18 novembre 1992 la date à laquelle sera rendue la nouvelle ordonnance de clôture ;

RESERVE les dépens.