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Décisions

CA Paris, 16e ch. b, 31 janvier 2008, n° 07/01722

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SCI SAINT MARTIN

Défendeur :

VIDAL (M.), VIDAL (Mme)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. BOULY de LESDAIN

Conseiller :

M. MAUBREY

Avoués :

Me PAMART, SCP FANET-SERRA

Avocats :

Me GUILLEMIN, Me LE CAM

TGI Melun, Chambre 1 Cabinet 1, du 9 jan…

9 janvier 2007

Vu le jugement rendu le 9 janvier 2007 par le tribunal de grande instance de MELUN.

Vu l'appel formé le 29 janvier 2007 par la S.C.I. SAINT MARTIN.

Vu les conclusions déposées le 16 octobre 2007 par les époux VIDAL.

Vu les conclusions déposées le 7 novembre 2007 par la S.C.I. SAINT MARTIN.

Vu l'ordonnance de clôture du 4 octobre 2007.

Considérant que M. et Mme VIDAL exploitent un fonds de commerce de librairie-papeterie-presse devant le centre commercial Auchan à BRIE-COMTE-ROBERT (SEINE-ET-MARNE) dans des locaux appartenant à la S.C.I. SAINT MARTIN laquelle a, par acte d'huissier du 14 septembre 2005, donné congé aux preneurs au visa de l'article L 145-18 du code de commerce au motif que 'dans le cadre de la reconstruction du centre commercial, les locaux actuellement exploités sont voués à la démolition pour permettre la création et l'aménagement d'un emplacement de parking, conforme aux besoins d'un nouveau centre';

Considérant que sur assignation du 5 décembre 2005, M. et Mme VIDAL qui considéraient d'une part que le motif invoqué au congé n'était pas conforme aux exigences de l'article L 145-18 du code de commerce et d'autre part que le local qu'on leur offrait en remplacement était inadapté à leur activité, le jugement déféré a dit que le congé du 14 septembre 2005 était valide, le motif de la démolition n'ayant pas d'influence sur la validité du congé dès lors que sa matérialité était établie, mais que le local offert en remplacement ne correspondait pas aux besoins et possibilités des preneurs et en conséquence jugé que la S.C.I. SAINT MARTIN devait payer à M. et Mme VIDAL une indemnité d'éviction, une expertise étant ordonnée à cette fin ;

Considérant que la S.C.I. SAINT MARTIN demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a validé le congé mais de le réformer pour le surplus en jugeant que M. et Mme VIDAL ont violé la clause 'destination' du bail du 2 février 1982 en exerçant une activité de loterie dans les lieux loués, violations notifiées par acte d'huissier du 19 septembre 2007 à l'occasion des opérations d'expertise, activité non connexe ou complémentaire aux activités autorisées par le bail, l'article 575 du nouveau code de procédure civile ne pouvant être invoqué utilement s'agissant de motif grave et légitime ;

Que, subsidiairement, la S.C.I. SAINT MARTIN conclut que le local de remplacement qui leur a été proposé correspond aux conditions de l'article L 145-18 du code de commerce ; qu'ils doivent être expulsés des lieux et condamnés à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle hors taxes et hors charges de 2500 € à compter de l'arrêt ;

Que subsidiairement encore, la S.C.I. SAINT MARTIN demande à la cour de dire que la mission confiée à l'expert devra préciser la consistance du fonds de commerce au jour de la prise d'effet du congé et l'indemnité déterminée au jour le plus proche de l'éviction, à l'exclusion de toute référence à la situation du fonds de commerce avant la transformation du centre commercial ;

Considérant que M. et Mme VIDAL demandent pour leur part à la cour de constater la nullité du congé délivré le 14 septembre 2005 pour non respect des dispositions de l'article L 145-18 du code de commerce, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté que le local offert en remplacement ne correspond pas à leurs besoins et possibilités et de débouter la S.C.I. SAINT MARTIN, en application de l'article 564 du nouveau code de procédure civile, de sa demande de refus de renouvellement du bail fondé sur un motif grave et légitime dont la bailleresse avait d'ailleurs connaissance avant la présente procédure (activité de Loto) ;

SUR CE

Considérant que le propriétaire a, par acte du 19 septembre 2007, soit au cours de la présente procédure, refusé le renouvellement du bail pour motif grave et légitime après avoir découvert, selon lui, au cours des opérations d'expertise seulement (30 mai 2007) que les preneurs exercent une activité de Loto sans y être autorisés par le bail ;

Que cependant M. et Mme VIDAL justifient que le propriétaire avait connaissance de l'activité qui leur est reprochée antérieurement à l'époque qu'il prétend puisque la sommation du 30 mai porte la date du fax de Me GUILLEMIN du 24 mai 2007 et que lors de la communication de pièces devant le tribunal, le 12 octobre 2006, la S.C.I. SAINT MARTIN avait produit en pièce numéro 12 une série de photographies dont une faisait ressortir le logo du Loto sur les lieux loués ; que dans ces conditions, l'acte du 19 septembre 2007 ne peut prospérer ;

Considérant que selon les dispositions de l'article L 145-18 du code du commerce le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail pour construire ou reconstruire l'immeuble existant à charge de payer une indemnité d'éviction sauf s'il offre au locataire évincé un local correspondant à ses besoins et possibilités situé à un emplacement équivalent ;

Considérant que les premiers juges ont à juste raison considéré que le motif de la démolition n'avait pas d'influence sur la validité du congé dès lors que sa matérialité était établie comme en l'espèce puisque le projet d'extension du centre commercial et du parking attenant était ancien et que dès 2000 les preneurs étaient informés du projet de reconstruction des locaux commerciaux annexes dans lesquels ils étaient installés ;

Considérant que le commerce de librairie journaux des preneurs est exercé dans les restes - aujourd'hui au milieu d'un parking neuf - d'un bâtiment qui abritait jadis plusieurs autres commerces, déplacés depuis que les locaux dans lesquels ils se trouvaient ont été démolis, M. et Mme VIDAL restant seuls sur place ;

Considérant qu'indépendamment du désavantage de leur situation au milieu d'un parking, récemment aménagé, les locaux dans lesquels M. et Mme VIDAL exercent leur commerce sont vétustes, inesthétiques et jouxtent des toilettes-douches dont le voisinage ne peut pas être revendiqué comme un élément de valorisation ;

Considérant que les locaux qui sont proposés à M. et Mme VIDAL, à proximité immédiate de leur actuel magasin, sont neufs et s'intègrent dans un ensemble d'autres commerces pharmacie, pressing, boulangerie, boutique), en arc-de-cercle et apparemment avec élégance, sur le parking neuf du supermarché champion ; qu'en soi, le déplacement du magasin de presse ne peut donc avoir aucune incidence négative sur sa fréquentation par la clientèle, s'agissant d'ailleurs du seul commerce de cette nature exercé dans le supermarché champion ;

Considérant que les locaux qui sont proposés aux époux VIDAL, outre l'intérêt de leur modernité et de leur confort, présentent une superficie supérieure pour un même prix ; que la seule réduction de la façade de vente de 15 mètres actuellement à 6,70 mètres linéaires n'est pas de nature à démontrer qu'il n'est pas offert à M. et Mme VIDAL un local correspondant à leurs besoins et possibilités sur un emplacement équivalent, mais plutôt le contraire ;

Considérant que le jugement déféré doit être réformé et une expertise ordonnée pour connaître le coût qui sera mis à la charge du bailleur pour l'aménagement du nouveau local dans des conditions identiques à celles du local actuel ;

Qu'il sera en conséquence sursis sur les demandes portant sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a validé le congé délivré le 14 septembre 2005 ;

Le réformant pour le surplus ;

Dit que le local offert en remplacement correspond aux besoins et possibilités des preneurs ;

Déboute la S.C.I. SAINT MARTIN de ses autres demandes ;

Ordonne une expertise pour évaluer le coût de l'aménagement du nouveau local dans des conditions identiques à celles du local actuel ;

Commet pour y procéder :

Mme Elizabeth BOITARD

[...]

[...]

tél : [...]

Dit que pour le 29 janvier 2008 au plus tard, la S.C.I. SAINT MARTIN consignera à la Régie de la Cour d'Appel de PARIS la somme de 4 000 € à valoir sur la rémunération de l'expert ;

Dit que lors de la première réunion d'expertise, l'expert fera connaître aux parties le coût définitif prévisible de ses travaux ;

Dit que l'expert déposera son rapport pour le 30 mai 2008 ;

Désigne Renaud BOULY de LESDAIN, Président de la 16ème chambre section B, pour suivre l'expertise ;

Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 26 juin 2008 à 13 heures ;

Réserve les dépens.