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Décisions

Cass. 1re civ., 9 mai 1996, n° 94-14.022

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

Mme Lescure

Avocat général :

M. Gaunet

Avocats :

Me de Nervo, SCP Peignot et Garreau

Aix-en-Provence, du 23 février 1994

23 février 1994

Attendu que, par lettre du 25 juin 1982, Georges Martelly s'est engagé auprès de la société Maanen-Mantel-Plantex (société MMP) à cautionner les dettes de la société Etablissements horticoles de Saint-Maymes, dont le gérant était son gendre, et à vendre " immédiatement " des appartements, tout en précisant " qu'au vu de la conjoncture ", il ne pouvait cependant indiquer la date de ces réalisations ; qu'invité par la société MMP à signer un acte de cautionnement il s'y est refusé, rappelant avoir donné " sa caution morale " ; que la société Etablissements horticoles de Saint-Maymes a été mise en règlement judiciaire ; que, n'ayant pu obtenir le remboursement de sa créance, la société MMP a assigné Georges Martelly sur le fondement de son engagement de caution ; que celui-ci a confié la défense de ses intérêts à M. X..., avocat ; que, par conclusions déposées par ce conseil le 9 janvier 1984, M. Martelly a demandé acte de ce qu'il ne contestait pas s'être porté caution et a sollicité l'octroi de délais en application de l'article 1244 du Code civil ; qu'après avoir changé de conseil il a, ultérieurement, contesté la validité de son engagement ; que, retenant que les conclusions du 9 janvier 1984 constituaient un acquiescement à la demande, la cour d'appel a prononcé condamnation contre les héritiers de Georges Martelly, décédé entre-temps ; que ceux-ci ont mis en cause M. X... et son assureur, la société SIS assurance ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que les consorts Martelly font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande, alors, selon le moyen, que le mandat ad litem n'emporte pas, pour l'avocat, pouvoir d'acquiescer au nom du client ; que, si l'existence d'un mandat spécial conféré à l'avocat est présumé vis-à-vis du juge et de la partie adverse, cette présomption n'existe nullement dans les rapports avec le client ; que l'avocat doit donc établir l'existence d'un mandat spécial selon les modes du droit commun ; qu'en déduisant l'existence du mandat d'acquiescer des seules " circonstances de la cause " la cour d'appel a violé les articles 412 et 1985 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que M. X..., s'il n'était pas tenu de produire un pouvoir spécial pour acquiescer à la demande adverse en application de l'article 417 du nouveau Code de procédure civile, devait, dans ses rapports avec son client, être en mesure de justifier que le mandat reçu lui donnait effectivement cette possibilité, la cour d'appel a, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, retenu, d'une part, l'impossibilité morale dans laquelle cet avocat se trouvait de fournir une preuve littérale en raison des rapports de confiance qui le liaient à M. Martelly, son client depuis 1981, d'autre part, l'existence d'un mandat spécial d'acquiescer dans les termes des conclusions du 9 janvier 1984 ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le grief n'est pas fondé ;

Mais sur la seconde branche du même moyen :

Vu l'article 412 du nouveau Code de procédure civile ensemble l'article 1147 du Code civil ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, la mission d'assistance en justice emporte pouvoir et devoir de conseiller la partie ;

Attendu que, pour écarter les conclusions des consorts Martelly reprochant à M. X... d'avoir manqué à son devoir de conseil en n'ayant pas informé son client des moyens qui lui auraient permis de s'opposer à la demande de la société MMP, la cour d'appel a énoncé que les instructions reçues excluaient tout manquement de cet avocat à son devoir de conseil, celui-ci ne pouvant qu'en prendre acte et s'y conformer ;

Attendu qu'en se prononçant par ces motifs inopérants, alors que cet avocat avait, en tout état de cause, le devoir de conseiller son client, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 1994, entre les parties, par cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.