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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 28 septembre 2023, n° 20/18452

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Icaruss Ingenieurs Conseils Associés (SARL)

Défendeur :

Demathieu Bard Construction (Sasu), NGE Génie Civil (SAS), Guintoli (SAS), NGE Fondations (SAS), Impresa Pizzarotti (Sté), Implenia Suisse (Sté), Franki Foundations Belgium (Sté), Atlas Fondations (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Renard, Mme Soudry

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Le Bars, Me Leboucq Bernard, Me Salamand, Me Hatet-Sauval, Me Faure

T. com. Paris, 10e ch., du 27 nov. 2020,…

27 novembre 2020

EXPOSE DU LITIGE

A l'occasion de travaux du tunnel foré de [18] à [Localité 16] [Localité 22] [Localité 17], la Société du Grand [Localité 20], maître d'ouvrage, a, sous la maîtrise d'œuvre de la société Systra, confié des prestations aux sociétés Demathieu Bard Construction, NGE Génie Civil, Guintoli, NGE Fondations, Impresa Pizzarotti & Cie, Implenia Suisse, Franki Foundations Belgium et Atlas Fondations, qui ont conclu une convention de groupement momentané d'entreprises conjointes et désigné la société Demathieu Bard Construction en qualité de mandataire.

Par actes des 23, 27, 26, 29 août 2019 et 2 septembre 2019, la société Icaruss Ingénieurs Conseils Associés (la société Icaruss) a assigné les sociétés Demathieu Bard Construction, NGE Génie Civil, Guintoli, NGE Fondations, Impresa Pizzarotti, Implenia Suisse, Franki Fondations Belgium, et Atlas Fondations devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de factures de prestations de contrôle externe et de coordination-pilotage.

Par jugement du 27 novembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Icaruss de sa demande de condamnation des membres du Groupement à lui payer la somme de 256 559,30 euros hors taxes soit 307 871,16 euros toutes taxes comprises ;

- débouté la société Icaruss de sa demande en paiement de prestations additionnelles ;

- débouté la société Icaruss de sa demande en paiement de la somme de 100 527,97 euros en réparation d'un préjudice subi par la résiliation du contrat de sous-traitance et débouté la société Icaruss pour le surplus de sa demande ;

- débouté les sociétés Demathieu Bard Construction, NGE Génie Civil, Guintoli, NGE Fondations, Impresa Pizzarotti, Implenia Schweiz, Franki Fondations Belgium et Atlas Fondations de leur demande de condamnation de la société Icaruss à payer la somme de 280 000 euros ;

- débouté la société Icaruss de sa demande de condamnation à une astreinte ;

- rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;

- condamné la société Icaruss aux dépens.

Par déclaration du 16 novembre 2020, la société Icaruss a interjeté appel des chefs du jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il :

- l'a déboutée de sa demande de condamnation des membres du Groupement à lui payer la somme de 256 559,30 euros hors taxes soit 307 871,16 euros toutes taxes comprises ;

- l'a déboutée de sa demande en paiement de prestations additionnelles ;

- l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 100 527,97 euros en réparation d'un préjudice subi par la résiliation du contrat de sous-traitance et pour le surplus de sa demande ;

- l'a déboutée de sa demande de condamnation à une astreinte ;

- a rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;

- l'a condamnée aux dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 18 août 2021, la société Icaruss demande, au visa de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance et de l'article 700 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu l'existence d'un contrat entre la société Icaruss et les cotraitants ;

- infirmer, en toutes ses autres dispositions, le jugement en ce qu'il :

* l'a déboutée de sa demande de condamnation des membres du Groupement à lui payer la somme de 256 559,30 euros hors taxes soit 307 871,16 euros toutes taxes comprises ;

* l'a déboutée de sa demande en paiement de prestations additionnelles ;

* l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 100 527,97 euros en réparation d'un préjudice subi par la résiliation du contrat de sous-traitance et pour le surplus de sa demande ;

* l'a déboutée de sa demande de condamnation à une astreinte ;

* a rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires mais seulement en ce qu'il a rejeté ses demandes ;

* l'a condamnée aux dépens.

et, statuant à nouveau :

- à titre principal, de dire et juger que les sociétés Demathieu Bard Construction, NGE Génie Civil, Guintoli, NGE Fondations, Impresa Pizzarotti, Implenia Schweiz, Franki Fondations Belgium et Atlas Fondations sont débitrices des sommes dues au titre des factures impayées augmentées des intérêts de retard, de l'exécution des prestations additionnelles, de l'indemnité due au titre de la résiliation abusive du contrat de sous-traitance ;

- les condamner solidairement à lui payer :

* la somme de 307 871,16 euros toutes taxes comprises au titre des factures impayées, augmentée des intérêts de retard et de l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros par facture ;

* la somme de 359 193,65 euros toutes taxes comprises au titre de l'exécution des prestations additionnelles ;

* la somme de 114 202,98 euros au titre de la résiliation abusive du contrat de sous-traitance et de frais financiers encourus à cause des retards de paiement des cotraitants ;

* la somme de 18 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

- à titre subsidiaire, de dire et juger que la société Demathieu Bard Construction et la société NGE Génie Civil sont débitrices des sommes dues au titre des factures impayées augmentées des intérêts de retard, de l'exécution des prestations additionnelles, de l'indemnité due au titre de la résiliation abusive du contrat de sous-traitance ;

- les condamner solidairement à lui payer :

* la somme de 307 871,16 euros toutes taxes comprises au titre des factures impayées, augmentée des intérêts de retard et de l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros par facture ;

* la somme de 359 193,65 euros toutes taxes comprises au titre de l'exécution des prestations additionnelles ;

* la somme de 114 202,98 euros au titre de la résiliation abusive du contrat de sous-traitance et de frais financiers encourus à cause des retards de paiement des cotraitants ;

* la somme de 18 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

- à titre extrêmement subsidiaire, de dire et juger que la société NGE Génie Civil est débitrice des sommes dues au titre des factures impayées augmentées des intérêts de retard, de l'exécution des prestations additionnelles, de l'indemnité due au titre de la résiliation abusive du contrat de sous-traitance ;

- la condamner à lui payer :

* la somme de 307 871,16 euros toutes taxes comprises au titre des factures impayées, augmentée des intérêts de retard et de l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros par facture ;

* la somme de 359 193,65 euros toutes taxes comprises au titre de l'exécution des prestations additionnelles ;

* la somme de 114 202,98 euros au titre de la résiliation abusive du contrat de sous-traitance et de frais financiers encourus à cause des retards de paiement des cotraitants ;

* la somme de 18 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

- en tout état de cause, rejeter les conclusions reconventionnelles formulées au titre des conclusions responsives et tendant au paiement d'une somme de 280 000 euros.

Par leurs dernières conclusions notifiées le 5 avril 2023, les sociétés Atlas Fondations et Franki Foundations Belgium demandent de :

- à titre principal, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Icaruss de toutes ses demandes et débouté toutes demandes formées à l'encontre des sociétés Atlas Fondations et Franki Foundations Belgium ;

- à titre incident, infirmer le jugement en ce qu'il a débouté les membres du Groupement, et notamment les sociétés Atlas Fondations et Franki Foundations Belgium, de leur demande de condamnation de la société Icaruss à leur payer une somme de 280 000 euros ;

- en conséquence, condamner la société Icaruss à verser aux sociétés Atlas Fondations et Franki Foundations Belgium ainsi qu'aux autres sociétés membres du Groupement une somme de 280 000 euros ;

- à titre subsidiaire, débouter toutes demandes formées à l'encontre des sociétés Atlas Fondations et Franki Foundations Belgium ;

- en tout état de cause, condamner la société Icaruss à verser aux sociétés Atlas Fondations et Franki Foundations Belgium une somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Par leurs dernières conclusions notifiées le 10 décembre 2021, les sociétés Demathieu Bard Construction, NGE Génie Civil, Guintoli, NGE Fondations, Impresa Pizzarotti et Implenia Schweiz demandent de :

- confirmer le jugement, notamment en ce qu'il a débouté la société Icaruss de l'ensemble de ses demandes et aux dépens ;

- à titre incident, infirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Demathieu Bard Construction, NGE Genie Civil, Guintoli, NGE Fondations, Impresa Pizzarotti et Implenia Schweiz de leur demande de condamnation de la société Icaruss à payer la somme de 280 000 euros ;

- condamner toute partie succombante au paiement de la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 avril 2023.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes tendant à "constater" et "dire et juger" en ce qu'elles ne sont pas, exception faite des cas prévus par la loi, des prétentions, mais uniquement des moyens.

- Sur les relations entre les parties :

En application de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Selon les articles 6 et 9 du code de procédure civile, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires à leur succès.

Le 27 septembre 2016, la société Icaruss a soumis au groupement momentané d'entreprises conjointes Alliance une offre de prestations de contrôle externe d'études d'exécution et de coordination et pilotage.

Cette offre n'a pas fait l'objet d'une acceptation.

Un contrat de sous-traitance a été proposé à la société Icaruss, qui a sollicité des modifications et ne l'a pas conclu.

Pour autant, une déclaration de sous-traitance, désignant la société Demathieu Bard Construction en qualité de mandataire et la société NGE Génie Civil titulaire du marché, et portant sur la réalisation de prestations de pilotage général et de contrôle des études d'exécution, a été adressée au maître de l'ouvrage qui l'a signée le 18 février 2017.

Il résulte des courriels et des compte-rendus de réunion versés aux débats que des prestations de contrôle externe et de pilotage et coordination ont bien été confiées à la société Icaruss.

Il n'est pas contesté que des factures émises par la société Icaruss ont été réglées.

Le groupement Alliance est un groupement momentané d'entreprises conjointes, sans stipulation de solidarité.

Le titulaire du marché, pour lequel les prestations ont été sous-traitées à la société Icaruss, est la société NGE Génie Civil.

Ainsi, si aucun contrat écrit n'a été conclu, une relation contractuelle a bien existé entre la société NGE Génie Civil et la société Icaruss visant à sous-traiter une partie du marché confié par le maître de l'ouvrage.

- Sur les prestations :

En l'absence d'acceptation de l'offre de la société Icaruss et de conclusion d'un contrat de sous-traitance, les prestations confiées à la société Icaruss n'ont pas été formalisées par un écrit.

Il résulte d'échanges de courriels que la société NGE Génie Civil et la société Icaruss se sont opposées sur l'étendue des prestations.

Si l'offre non acceptée de la société Icaruss du 27 septembre 2016 est antérieure au marché de génie civil conclu le lendemain, le 28 septembre 2016, entre la société Demathieu Bard Construction et la Société du Grand [Localité 20] et à la convention du 22 novembre 2016 de groupement momentané d'entreprises conjointes, dénommé Alliance, elle stipule que les prestations de contrôle externe sont rémunérées « selon spécifications du CCTP et (item par item) et chapitres 3.2.F et 3.2.H du mémoire 1 de l'offre Alliance ».

Le CCTP du marché de génie civil stipule, en son article 17.2., que « tous les documents d'exécution devront faire l'objet d'un contrôle externe de type 3, selon les préconisations de Syntec publié dans le moniteur du 7 juillet 2006. »

L'article 3.2.h du mémoire technique du groupement Alliance vise un contrôle externe de type 3.

Ainsi, les prestations confiées à la société Icaruss, en qualité de sous-traitant, portaient sur un contrôle externe de type 3.

Un différend est rapidement survenu concernant la rémunération des prestations.

La société Icaruss n'a pas exécuté de contrôle de type 3, le limitant à un contrôle de type 2.

L'offre de la société Icaruss fixait les prestations de contrôle externe à un montant de 227 480 euros et celles de pilotage à un montant de 322 784 euros incluant une "participation à la cellule de synthèse" à hauteur de 150 000 euros, soit 550 264 euros HT.

La déclaration de sous-traitance porte sur la réalisation de prestations de pilotage général et de contrôle des études d'exécution pour un montant maximum de 550 264 euros HT, soit 660 316,80 euros TTC.

Elle reprend ainsi les prix fixés par la société Icaruss.

Plusieurs factures émises par la société Icaruss ont été réglées, portant sur la mission de coordination-pilotage entre octobre 2016 et juillet 2017 (228 000 euros TTC) avec une avance (19 367,04 euros), pour un montant total de 247 367,04 euros, et sur une avance concernant la mission de contrôle externe d'un montant de 13 648 euros TTC.

La société Icaruss réclame le paiement de 5 factures, 7009.02-02, 7009.02-03, 7009.03-09, 7009.03-10, 7009.03-11.

Il convient de relever que la société Icaruss n'a pas assigné le maître de l'ouvrage, et n'a donc pas exercé d'action directe contre ce dernier.

La société Icaruss invoque une acceptation tacite de ses factures par le groupement en application de l'article 8 de la loi n° 75-13334 du 31 décembre 1975 qui dispose que « l'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation » et que « passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées. »

Elle fait valoir qu'elle a transmis les factures par lettre recommandée avec accusé de réception, qui porte la date de distribution au groupement Alliance du 11 décembre 2017, et que les cotraitants ne les ont pas contestées.

Cependant, il résulte des termes de cette lettre recommandée que la société Icaruss ne s'est pas prévalue auprès de la société NGE Génie Civil, titulaire du marché, de la procédure du paiement direct pour réclamer le paiement de ses factures.

Elle n'est dès lors pas fondée à invoquer une acceptation tacite de la société NGE Génie Civil résultant de l'absence d'un refus d'acceptation signifié dans le délai de quinze jours de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975.

Les trois factures, 7009.03-09, 7009.03-10 et 7009.03-11, relatives à la "réalisation de la coordination des études d'exécution du lot T2C pour le marché de la Société du Grand [Localité 20] 2015-PN-028 selon offre 0010-04-49/Ru du 27.09.2016", portent sur des prestations de coordination au titre des mois d'août, septembre, octobre et novembre 2017, pour des montants respectivement de 22 800 euros, 22 800 euros et 26 710,20 euros TTC, soit 72 310,20 euros TTC.

Les factures relatives aux mois précédents ont été réglées sans contestation.

La société NGE Génie Civil a contesté l'exécution de cette mission de coordination pour la période d'août, septembre, octobre et novembre 2017.

Aux termes de sa lettre du 24 novembre 2017, la société Icaruss a indiqué qu'au 31 octobre 2017, ses prestations afférentes à la mission de pilotage et de coordination s'élevaient à la somme de 171 600 euros.

Or, les factures émises et payées au titre de cette mission entre octobre 2016 et juillet 2017 représentent un montant total de 247 367,04 euros.

La société Icaruss ne justifie pas du bien-fondé de sa réclamation au titre des trois factures 7009.03-09, 7009.03-10 et 7009.03-11 émises.

Les deux autres factures 7009.02-02 et 7009.02-03 portent sur la « réalisation du contrôle externe des études d'exécution du lot T2C pour le marché de la Société du Grand [Localité 20] 2015-PN-028 selon offre 0010-04-49/Ru du 27.09.2016 » .

La facture 7009.02-02 d'un montant de 188 466,80 euros HT, soit 226 136,16 euros TTC, mentionne "contrôle externe études EXE".

La facture 7009.02-03 d'un montant de 7 854 euros, soit 9 424,80 euros TTC, indique "contrôle externe études PM (8 %)" et "contrôle externe études structures (8 %)".

Le montant réclamé au titre du contrôle externe s'élève donc à un montant total de 235 560,96 TTC euros.

La société NGE Génie Civil a contesté la facture 7009.02-02 par lettre du 23 novembre 2017.

Elle a invoqué des "fiches d'observations ambigües ou non fermées" et l'attitude de la société Icaruss pénalisant le chantier et le planning des études d'exécution, a rappelé le contenu des deux missions confiées et la proposition de modifier la rémunération à hauteur de 450 250 euros comprenant la somme de 54 000 euros "pour les prestations de coordination effectivement réalisées et la somme de 396 250 euros pour le contrôle externe dont 38 264 euros en supplément pour les prestations additionnelles et 130 506 euros "en supplément pour réaliser un contrôle externe de type 3 en lieu et place du type 2 que vous prétendez avoir chiffré", proposition refusée par la société Icaruss.

Par cette même lettre, la société NGE Génie Civil a proposé un nouveau contrat pour un montant total de 506 938 euros correspondant à :

Contrôle externe de base : 227 480 euros.

Rémunération des prestations complémentaires : 69 105 euros.

Indemnisation pour augmentation du volume de document et exercice du contrôle externe de niveau 3 : 156 353 euros.

Prestation de coordination et pilotage : montant du contrat de base déduction faite des prestations non effectuées : 54 000 euros.

La société Icaruss n'a pas signé ce contrat.

La société NGE Génie Civil a établi sa propre « analyse de la demande Icaruss (synthèse du 16/04/2018) au regard de son avancement réel à novembre 2017 » qui mentionne les montants convenus de 227 480 euros au titre du contrôle externe de base et de 322 784 euros au titre de la mission de pilotage et coordination, et évalue à 124 282,80 euros le contrôle externe de base effectué, dont elle déduit 70 000 euros au titre d'une "moins-value pour contre calcul non effectué au titre du contrôle externe de type 3" estimée sur la base de "la demande d'indemnisation de 156 353 euros pour la réalisation de cette prestation, à 36 000 euros la "participation d'Icaruss aux réunions de coordination organisée par Alliance", et reconnaît une rémunération de 69 105 euros au titre des prestations complémentaires.

La société Icaruss, qui produit des fiches de contrôle externe, a exécuté partiellement la prestation de contrôle externe confiée en le limitant à un type 2.

Pour autant, la société NGE Génie Civil a reconnu, aux termes de sa lettre du 23 novembre 2017 que des "prestations complémentaires", d'un montant de 69 105 euros repris dans son "analyse", et une "augmentation du volume de document", non repris dans son "analyse", devaient être rémunérées.

Au regard de ces éléments, il sera retenu que la demande en paiement de ces deux factures 7009.02-02 et 7009.02-03, d'un montant total de 197 891,60 euros, correspond aux prestations effectivement réalisées par la société Icaruss comprenant un contrôle externe de type 2, les prestations complémentaires et l'augmentation du volume des fiches.

La demande supplémentaire en paiement de prestations additionnelles, qui n'ont pas été facturées et ne sont pas justifiées, sera rejetée.

Le groupement Alliance est un groupement momentané d'entreprises conjointes, sans stipulation de solidarité.

Le titulaire du marché, pour lequel les prestations ont été sous-traitées à la société Icaruss, est la société NGE Génie Civil.

Ainsi, seule la société NGE Génie Civil est débitrice de la somme due de 197 891,60 euros TTC au titre des deux factures impayées 7009.02-02 et 7009.02-03 de la société Icarrus.

En conséquence, la société NGE Génie Civil sera condamnée au paiement de cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2018, date de la mise en demeure, outre celle de 200 euros (5 x 40 euros) au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement.

- Sur la rupture :

La société Icaruss invoque le caractère abusif de la rupture sur le fondement des dispositions de l'article 1226 du code civil et de l'article L. 442-I II du code de commerce.

L'article 1226 du code civil dispose :

« Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. »

La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution."

Selon l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa version applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

La brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures.

La relation commerciale est établie lorsqu'elle présente un caractère suivi, stable et habituel, et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux dans la durée.

Cette disposition sanctionne la brutalité de la rupture et non pas son caractère abusif.

Elle n'est dès lors pas applicable en l'espèce, la société Icaruss réclamant l'indemnisation d'une rupture abusive.

En outre, la société Icaruss ne justifie pas du caractère établi de la relation commerciale au regard du désaccord entre les parties sur le contenu des prestations et la rémunération les ayant conduites à envisager la rupture de leur relation.

Par lettre du 23 novembre 2017, la société NGE Génie Civil a mis en demeure la société Icaruss de signer le contrat proposé pour un montant total de 506 938 euros, de produire et transmettre dans les 48 heures l'ensemble des fiches de contrôle externe.

Par lettre du 24 novembre 2017, la société Icaruss a proposé trois solutions :

1- l'arrêt immédiat et définitif des prestations de contrôle externe avec le paiement de la somme de 443 960 euros, et la poursuite de la mission "en régie" jusqu'à l'"identification d'un prestataire qui puisse reprendre cette tâche"

2- la poursuite des activités de contrôle externe "à l'exception des OA circulaires" au prix de 535 805,60 euros.

3- la poursuite de toutes les activités au prix de 669 398,35 euros.

Par lettre du 19 décembre 2017, la société NGE Génie Civil a rappelé que la société Icaruss avait mis un terme à l'exercice de sa mission de contrôle interne en arrêtant, depuis le 10 novembre, de diffuser les fiches de contrôle externe, et que, lors d'une entrevue du 26 novembre, les deux sociétés avaient convenu que seule la solution 1 était envisageable.

Elle a, par cette lettre, confirmé sa décision de mettre un terme aux prestations de pilotage et contrôle externe.

En réponse, la société Icaruss a, par lettre du 24 janvier 2018, reconnu que "compte tenu de l'impossibilité pour les parties de convenir des modalités juridiques, techniques et financières au titre desquelles l'exécution des conventions de sous-traitance pourrait se poursuivre dans des conditions équilibrées pour l'ensemble des parties", elle avait " évoqué auprès du groupement l'option de mettre fin aux dites conventions de sous-traitance", que "cette résiliation serait prononcée d'un commun accord entre les parties, sous réserve du paiement de l'intégralité des factures dûment émises", et a déclaré qu'elle "serait prête à accepter la résiliation unilatéralement prononcée par le Groupement... sous réserve du paiement de l'intégralité" des factures.

La société Icaruss était partiellement fondée à réclamer le paiement de ses factures.

Elle a exigé à tort une rémunération supplémentaire d'un contrôle de type 3, refusant, dès décembre 2016, pour ce motif de formaliser le contrat de sous-traitance, et a proposé la rupture de la relation contractuelle comme solution au différend.

Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir un caractère abusif de cette rupture dont elle avait convenu du principe sans invoquer un préjudice en résultant.

Sa demande en indemnisation sera rejetée.

- Sur les frais financiers complémentaires :

La société Icaruss fait valoir que les retards de paiement l'ont contrainte à ouvrir une ligne de crédit hypothécaire d'un montant de 103 000 euros générant des frais financiers d'un montant de 13 675,01 euros, le 31 mai 2017.

Elle justifie avoir contracté un prêt de 103 000 prenant effet au 31 mai 2017.

Elle ne produit aucun élément sur sa situation financière et comptable de nature à établir que ce prêt aurait été nécessité par le règlement tardif de ses factures échues à cette date.

Elle n'a adressé aucune mise en demeure de régler ses factures, se contentant d'un courriel du 2 avril 2017 demandant le paiement des factures échues depuis le 1er mars.

Elle reconnaît avoir reçu paiement de factures les 7 juin et 27 septembre 2017.

Elle ne justifie pas que le prêt octroyé aurait été souscrit en raison des retards de paiement de ses factures.

Sa demande sera rejetée à ce titre.

- Sur la demande reconventionnelle en indemnisation :

Les sociétés membres du groupement Alliance invoquent l'application de pénalités par le maître d'œuvre, sans cependant justifier avoir reçu une réclamation à ce titre.

La demande sera rejetée.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens.

La société NGE Génie Civil, succombant partiellement, sera condamnée aux dépens d'appel.

Il apparaît équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont exposés en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement du 27 novembre 2020 du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a rejeté la demande de la société Icaruss en condamnation des membres du Groupement à lui payer la somme de 256 559,30 euros hors taxes soit 307 871,16 euros toutes taxes comprises ;

Confirme le jugement en ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne la société NGE Génie Civil à payer à la société Icaruss Ingénieurs Conseils Associés la somme de 197 891,60 euros TTC au titre des deux factures 7009.02-02 et 7009.02-03, avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2018, date de la mise en demeure, outre celle de 200 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement, et rejette le surplus de la demande ;

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société NGE Génie Civil aux dépens de la procédure d'appel.