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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 28 septembre 2023, n° 20/05941

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Selima (SAS)

Défendeur :

CSF (SAS), Carrefour Proximité France (SAS), FCL Distri (SARL), Carfuel (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grevin

Conseillers :

Mme Leroy-Richard, Mme Vannier

Avocats :

Me Doyen, Me Della Vittoria, Me Gacquer Caron, Me Drode, Me David, Me Wilhelm, Me Boudoux d'Hautefeuille, Me Tessler, Me Gacquer Caron

T. com. Amiens, du 24 nov. 2020

24 novembre 2020

Le 1er décembre 2011 la société Carrefour proximité France (ci-après CPF) qui venait de faire l'acquisition d'un fonds de commerce situé [Adresse 3] à [Localité 10] exploité sous l'enseigne Shopi a consenti à la SARL FCL Distri gérée par Mme [N] [D] (société constituée le 28 novembre 2011 entre elle et la société Profidis filiale du groupe Carrefour) un contrat de location gérance destiné à l'exploitation de ce fonds.

Le 4 décembre 2012 la société Profidis a cédé à Mme [D] sa part détenue dans le capital de la SARL FCL Distri, puis M. [D] est devenu associé aux côtés de son épouse en 2013.

Le 31 octobre 2013 Mme [D] en qualité de gérante de la FCL Distri a notamment été autorisée par l'assemblée générale des associés à faire l'acquisition pour le compte de la société qu'elle gère du fonds de commerce exploité depuis 2011sous enseigne «'Carrefour contact'» et à conclure les contrats de franchise et d'approvisionnement avec les sociétés Carrefour Proximité France et CSF membre du groupe Carrefour.

Le 9 décembre 2013 la société Selima, filiale du groupe Carrefour a été agréée en qualité d'associé de la SARL FCL Distri détenant 26 % du capital social et les époux [D] 74 % (51% Mme [D] et 23% M. [D]).

Pour les besoins de l'exploitation du fonds commerce, la SARL FCL Distri a conclu le 18 décembre 2013 et pour une durée de 7 ans renouvelable par tacite reconduction :

- un contrat de franchise avec CPF ;

- un contrat d'approvisionnement avec CSF qui avait comme fournisseur agréé la société Carfuel pour les produits pétroliers et gaziers.

Dans ces circonstances la SARL FCL Distri, gérée par Mme [N] [D], exploitait le fonds de commerce en qualité de franchisée depuis 2013, sous enseigne « Carrefour Contact » d'une superficie de 600 m² dont une station-essence.

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) du 11 décembre 2019, reçue le 12 décembre 2019, Mme [D], en sa qualité de gérante, et son époux, M [B] [D], associé au sein de la SARL FCL Distri, ont dénoncé les contrats de franchise et d'approvisionnement à effet en décembre 2020.

Se prévalant de difficultés économiques et juridiques la SARL FCL Distri représentée par sa gérante a déposé le 7 janvier 2020 une requête auprès du tribunal de commerce d'Amiens, aux fins d'ouverture d'une procédure de sauvegarde.

Par jugement du 9 janvier 2020, le tribunal de commerce a fait droit à cette demande et a désigné la SELARL V & V en qualité d'administrateur judiciaire avec mission de surveillance et la SELARL Grave [Z], en qualité de mandataire judiciaire.

Suivant déclaration du 27 janvier 2020, la SAS CSF et la SAS CPF ont formé tierce opposition à ce jugement.

La société CPF en cours d'instance a assigné en intervention forcée la société Selima par acte du 19 août 2020.

Par jugement contradictoire du 24 novembre 2020, le tribunal de commerce d'Amiens statuant sur tierce opposition et assignation en intervention forcée a joint les trois instances, déclaré recevable l'intervention volontaire de la SAS Carfuel mais l'a dite mal fondée en ses prétentions, déclaré irrecevables les conclusions de la société Selima, les a dites au demeurant mal fondées, condamné la SAS Selima à payer à la SARL FCL Distri la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a également dit recevables les tierces oppositions des sociétés CSF et CPF au jugement d'ouverture de sauvegarde de la SARL FCL Distri mais a dit mal fondées ces sociétés en leurs prétentions, dit n'y avoir lieu en conséquence à rétractation du jugement.

La SAS Selima a relevé appel de cette décision par déclaration du 4 décembre 2020.

La SAS CPF a également relevé appel (n° RG 20/05947) de cette décision par déclaration du même jour.

Suivant ordonnance du 3 juin 2021, les deux affaires ont été jointes sous le n° RG 20/05941.

Entre temps, par jugement du 9 avril 2021 le tribunal de commerce d'Amiens a arrêté le plan de sauvegarde de la SARL FCL Distri, jugement également frappé d'opposition.

Différents incidents ont été initiés.

Suivant ordonnance d'incident du 22 février 2022, le conseiller de la mise en état saisi par les intimés d'une demande tendant à déclarer l'appel irrecevable a :

- débouté la SARL FCL Distri, la SELARL V&V, ès-qualités et la SELARL Grave-[Z], ès-qualités, de toutes leurs demandes ;

- condamné la SARL FCL Distri, la SELARL V&V, ès-qualités et la SELARL Grave-[Z], ès-qualités, à payer à la SAS CPF la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par ordonnance du 7 avril 2022 le conseiller de la mise en état saisi a déclaré recevable la procédure d'incident engagée par les SAS Carfuel et CSF, dit que la cour n'est pas saisie, comme irrecevable, d'appels incidents portant sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la SAS Carfuel et sur la recevabilité de la tierce opposition de la SAS CSF et débouté les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, a dit que les sociétés FCL Distri, V et V, Grave [Z] ès qualités respectivement d'administrateur et de mandataire judiciaire de la société FCL Distri supportent les dépens de la procédure d'incident.

Par dernières conclusions remises le 24 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la société Selima demande à la cour de déclarer recevable son intervention volontaire, d'infirmer le jugement du 9 janvier 2020 en toutes ses dispositions, de débouter la société FCL Distri et les organes de la procédure de leurs demandes et de condamner la SARL FCL Distri à lui payer 2'500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions remises le 8 février 2023, expurgées des demandes qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la société CSF et Carfuel demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a joint les instances, déclaré recevable l'intervention volontaire de Carfuel et déclaré recevable la tierce opposition de la société CSF et de l'infirmer pour le surplus. Elles demandent à la cour de débouter la société FCL Distri et les organes de la procédure de leurs demandes, d'ordonner la rétractation du jugement du 9 janvier 2020, qu'il soit fait défense d'exécuter ledit jugement sous peine de dommages et intérêts, d'ordonner la rétractation des jugements et actes subséquents et en tout état de cause de condamner la société FCL Distri solidairement avec les organes de la procédure à leur payer la somme de 7'500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions remises le 3 mai 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés la société Carrefour proximité France (CPF) demande à la cour de rejeter l'appel incident de FCL Distri des chefs de la recevabilité de l'intervention volontaire de Carfuel, forcée de Selima et de la recevabilité de la tierce opposition de la société CPF, de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de Carfuel, l'intervention forcée de Selima, joint les instances et déclaré recevable sa tierce opposition.

Elle demande l'infirmation du jugement pour le surplus et statuant à nouveau d'ordonner en conséquence la rétractation du jugement du 9 janvier 2020, qu'il soit fait défense d'exécuter ledit jugement sous peine de dommages et intérêts, la condamnation de FCL Distri à lui payer la somme de 3'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 9 février 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la SARL FCL Distri et les organes de la procédure demandent à la cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Amiens du 24 novembre 2020 en ce qu'il a déclaré irrecevables les conclusions de Selima et dit ses prétentions mal fondées, dit n'y avoir lieu à rétractation du jugement ouvrant la procédure de sauvegarde, de débouter Selima de ses demandes, de rejeter sa tierce opposition et en tout état de cause de confirmer le jugement en ce qu'il a liquidé les dépens et laissés ces derniers à la charge des parties qui en ont fait l'avance et condamner Selima à leur payer la somme de 10'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par avis en date du 10 février 2023, communiqué aux parties, le ministère public s'en rapporte.

SUR Ce':

A titre liminaire il est souligné que l'intervention volontaire de la société Carfuel aux côtés de la société CSF tiers opposant n'est plus discutée.

Sur la recevabilité de l'intervention forcée de la société Selima

La société Selima prétend à la recevabilité de son intervention forcée au visa des articles 325 et 331 du code de procédure civile et partant à l'infirmation du jugement, aux motifs qu'elle n'était pas représentée à l'audience au cours de laquelle a été évoquée la question de l'ouverture de la procédure de sauvegarde et qu'elle a intérêt à ce que la décision lui soit déclarée opposable. Elle explique qu'il importe peu qu'elle n'ait pas formé tierce opposition dès lors qu'elle été mise en cause.

Elle fait également valoir qu'elle a des intérêts propres à défendre dans la mesure où, bien qu'associée minoritaire de la SARL FCL DIstri elle est également membre du groupe Carrefour et que ses intérêts sont antagonistes avec ceux de la SARL FCL Distri. Elle explique que la gérante de la société FCL Distri a demandé le bénéfice de la procédure de sauvegarde sans son accord, en fraude de ses droits et pour échapper à ses obligations contractuelles.

La société CPF soutient que les conclusions de la société Selima sont recevables ainsi que son intervention forcée en raison des liens l'unissant à cette société en raison de leur appartenance au groupe Carrefour, que ces liens capitalistiques sont au c'ur du litige en raison du caractère frauduleux du recours à la procédure de sauvegarde par la société FCL Distri.

La SARL FCL Distri demande la confirmation du jugement ayant déclaré irrecevables les conclusions de la société Selima comme tardives et mal fondée son intervention forcée à défaut de répondre aux critères édictés par l'article 331 du code de procédure civile. Elle fait valoir que la société CPF n'a assigné en intervention la société Selima qu'en raison de la carence de cette dernière à former tierce opposition au jugement d'ouverture de la sauvegarde dans le délai prévu par l'article R.661-2 du code de commerce. Elle explique qu'à ce stade les droits de la société Selima ne sont pas affectés et ce d'autant qu'apprenant de ses erreurs elle a formé tierce opposition au jugement arrêtant le plan de sauvegarde.

La société CPF ne peut prétendre à la recevabilité des conclusions de la société Selima en application de la règle selon laquelle «'nul ne plaide par procureur'».

Aux termes de l'article 331 du code de procédure civile un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal.

Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.

Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense.

Selon l'article 325 du code du même code l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

En l'espèce la société CPF a assigné en intervention forcée la société Selima par acte du 19 août 2020 après avoir formé tierce opposition au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la SARL FCL Distri, du fait de sa qualité d'associée de cette dernière (cf assignation). Outre le fait qu'elle n'a pas d'intérêt à agir contre la société Selima, elle ne démontre pas l'intérêt dont elle se prévaut pour agir de la sorte à défaut comme déjà rappelé d'être habile à défendre les droits de la société Selima. Par ailleurs le lien capitalistique unissant les sociétés CPF et Selima comme membres du groupe Carrefour est insuffisant à caractériser le lien unissant les prétentions des parties.

Si la préservation des droits propres de Selima ne peuvent être défendus que par cette dernière sans avoir recours pour ce faire à la diligence d'une autre société du groupe, elle ne s'explique pas sur sa carence à former tierce opposition étant observé que la tierce opposition qu'elle a formée à l'encontre du jugement arrêtant le plan arrêté par le tribunal de commerce suffit à préserver au besoin ses droits.

En conséquence l'intervention forcée de la société Selima n'est pas recevable.

L'intervention forcée de la société Selima n'étant pas recevable il n'y a pas lieu de statuer sur la recevabilité de ses conclusions déposées en première instance sur assignation de la société CPF.

Sur la recevabilité de la tierce opposition de la société CPF

Le conseiller de la mise en état ayant dit que la cour n'est pas saisie d'un appel incident portant sur la recevabilité de la tierce opposition de la société CPF par ordonnance du 7 avril 2022 non déférée à la cour, le débat portant sur ce point est inopérant.

Dans ces circonstances il n'y a plus de débat portant sur la recevabilité des tierces oppositions pratiquées.

Sur le bien-fondé des tierces oppositions de la société CPF et de la société CSF

Ces appelantes et la société Carfuel aux côtés de la société CSF prétendent à la rétractation du jugement du 9 janvier 2020 à défaut pour la société SARL FCL Distri de remplir les conditions pour bénéficier de la protection du tribunal dans le cadre d'une sauvegarde judiciaire.

Elles soutiennent que la SARL FCL Distri ne justifie pas des difficultés insurmontables de nature à permettre l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, que le jugement dont appel a été rendu en fraude de leurs droits et qu'elles justifient chacune de moyens propres à conduire à la rétractation.

Plus particulièrement la société CPF soutient que la société FCL Distri utilise la procédure de sauvegarde en fraude de ses droits, de façon stratégique afin de bénéficier de la protection du tribunal de commerce et des dispositions protectrices du code de commerce le temps de s'extraire du réseau de franchise'Carrefour et de rejoindre un groupe concurrent lui permettant d'exercer sous une autre enseigne alors qu'elle ne rencontrait pas de difficultés juridiques et financières insurmontables, les difficultés financières invoquées étant purement fictives.

Elle entend démontrer que la demande d'ouverture de sauvegarde judiciaire s'inscrit dans un schéma frauduleux orchestré par les sociétés franchisées'avec l'aide d'un tiers animateur agissant pour le compte du groupe concurrent, et que si la société FCL Distri n'était pas adhérente de l'association des franchisés qui tente de déstabiliser le groupe Carrefour, elle a adopté un comportement similaire et ne conteste pas avoir été approchée par M. [H], ancien directeur juridique du département juridique chez Carrefour, devenu directeur national adjoint ralliement de Coopérative U Enseigne.

Elle fait valoir que la SARL FCL Distri n'est pas transparente sur sa situation financière, qu'elle ne communique plus ses comptes de gestion depuis 2016 en violation du contrat de franchise, circonstance qui la prive de la possibilité d'apprécier les difficultés invoquées.

Elle déplore que la société FCL Distri n'ait pas alerté le franchiseur de sa demande de protection du tribunal de commerce ni sollicité son aide au besoin.

Elle considère que la démonstration de difficultés insurmontables n'est pas faite, que les problèmes financiers allégués le sont pour les besoins de la cause à savoir exercer sous une enseigne du groupe Ségurel.

Elle ajoute que de la même façon la démonstration de difficultés juridiques insurmontables n'est pas faite et que la société FCL Distri a transgressé toutes les règles contractuelles et statutaires notamment dans sa relation avec son associé minoritaire Selima.

Elle s'inscrit en faux contre la motivation des premiers juges qui font référence à un assujettissement juridique et économique auquel serait soumise la franchisée alors que l'autorité de la concurrence a récemment rappelé que les dispositions statutaires en cause caractérisent l'influence déterminante du groupe Carrefour sur la société commune franchisée et l'existence d'un contrôle conjoint de sorte qu'elles ne sont pas illicites ni anticoncurrentielles. Elle en conclut que les contraintes contractuelles ne sont prévues que dans le but de protéger un savoir-faire, qu'elles constituent des entraves normales à la sortie du système et non disproportionnées et assurent la pérennité du réseau.

Elle affirme qu'elle dispose de moyens propres pour fonder sa tierce opposition, que le jugement lui cause préjudice en raison de la désorganisation du réseau instigué par un concurrent du groupe ayant notamment pour conséquence la perte d'un point de vente.

Les sociétés CSF et Carfuel s'associent aux moyens développés par la société CPF, soutiennent que la preuve des difficultés financières en lien avec des tarifs non compétitifs n'est pas rapportée, s'étonnent que la société FCL Distri ne produise pas de comparatif de taux de marge entre celui dégagé alors qu'elle exploitait le fonds sous enseigne Carrefour et celui dégagé depuis qu'elle l'exploite sous une enseigne Coccinelle du groupe Ségurel.

Elles font remarquer que la société FCL s'est acquittée de ses factures de livraison de marchandises et de carburants sans incidents de paiement, que les premiers impayés proches de l'ouverture de la procédure de sauvegarde ne sont que la conséquence des révocations des autorisations de prélèvement concomitamment aux lettres de résiliation mais également qu'elles ont déclaré leurs créances au passif de la sauvegarde, que ces dernières ont été admises sans contestation.

Elles en concluent que le tribunal a ouvert une procédure de sauvegarde sur la base d'affirmations péremptoires et injustifiées, les difficultés alléguées n'étant que la conséquence d'une instrumentalisation des chiffres.

Elles font également valoir qu'au mépris des dispositions contractuelles la société FCL Distri n'a pas soumis le différend relatif à l'exécution du contrat à la procédure de conciliation prévue par l'article 8 du contrat d'approvisionnement et n'ont relaté que des difficultés hypothétiques pour obtenir le bénéfice de la procédure de sauvegarde.

Elles caractérisent la fraude par le fait pour la société FCL Distri d'avoir volontairement généré des impayés pour bénéficier des règles de la procédure collective pour changer d'enseigne sereinement en profitant de la réduction du délai de préavis ou en l'aménageant en réduisant le volume de commande.

Elles considèrent que les premiers juges ont fait une analyse erronée pour considérer que leurs droits étaient protégés par les règles de la procédure collective relatives aux déclarations de créance.

Elles prétendent justifier en qualité de fournisseurs d'un intérêt propre, en soutenant avoir perdu un client important et avoir dû déclarer leurs créances, que les marchandises ont été revendues sans perception du prix, que dans ces circonstances la société FCL Distri s'est constitué de la trésorerie pour financer le changement d'enseigne.

L'intimée conteste cette analyse et prétend à la confirmation du jugement dont appel, développant qu'elle a légitimement demandé la protection du tribunal de commerce en raison de réelles difficultés financières et juridiques qu'elle n'était pas en mesure de surmonter seule. Elle précise que la preuve de l'usage frauduleux de la procédure de sauvegarde, qui pèse sur les appelantes n'est pas rapportée.

Elle fait valoir que ne souhaitant pas le renouvellement des contrats la liant aux différentes sociétés du groupe Carrefour, elle a refusé leur reconduction en respectant le délai de préavis mais avec la plus grande inquiétude quant aux conséquences de ce choix stratégique, que cependant elle souhaitait pouvoir augmenter le taux de marge ce qui était devenu impossible en raison du coût d'achat des marchandises et de la présence à proximité de concurrents pouvant pratiquer des prix plus faibles, dans un milieu rural où il ne peut être pratiqué le même niveau de prix qu'en milieu urbain. Elle explique qu'elle ne pouvait continuer à se contenter de dégager de la marge uniquement par la vente de carburant.

Elle fait remarquer que le bilan économique et social dressé par l'administrateur confirme ses craintes dans la mesure où il fait état de résultats financiers très inquiétants. Ce bilan est complété selon elle par le contenu du rapport de maître [Z] qui fait état d'un ensemble de facteurs rendant le commerce moins attractif à la fois par le choix des produits et les prix pratiqués.

Elle affirme justifier de l'amélioration de sa marge dès qu'elle a réduit ses approvisionnements auprès du groupe Carrefour et que cette situation a été confirmée par Maître [V].

Elle ajoute qu'en dénonçant les contrats elle prenait le risque de ne plus être approvisionnée dans de bonnes conditions, situation susceptible également d'affecter sa situation financière.

Sur les difficultés juridiques elle fait remarquer qu'elle a été très perspicace au regard de l'agressivité procédurale de ses cocontractants issus du groupe Carrefour.

Elle explique qu'il existe un conflit de date d'échéance entre les contrats de franchise et d'approvisionnement, que la structure capitalistique la prive de la possibilité de changer d'objet social sans l'accord de son associé minoritaire filiale du groupe Carrefour, de sorte qu'en dehors de toute fraude et analysant cette construction elle a considéré que la fin des relations contractuelles pouvait avoir des conséquences qu'elle ne pouvait surmonter seule à raison de cet imbroglio juridique.

Elle précise que les contentieux qu'elle supputait étaient de nature à la placer dans une situation d'inconfort commercial et d'incertitude incompatible avec la marche normale d'une entreprise déjà fragilisée et rappelle les contentieux l'opposant à la société Selima (son associé minoritaire) qui depuis l'ouverture de la procédure de sauvegarde et qu'alors qu'elle convoque des assemblées générales, pour modifier la clause portant sur l'objet social et les conditions de majorité, s'oppose systématiquement.

Elle en conclut que ces difficultés ne sont pas fictives et fondent sa demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde.

A titre liminaire, il est précisé que le moyen développé par les appelantes, tiré de la recevabilité de leur tierce opposition en raison de la possibilité de se prévaloir de moyens qui leur sont propres, est inopérant dès lors que la recevabilité de ce recours n'est pas discutée mais seulement le bien-fondé.

Aux termes des articles L.620-1 et L.620-2 du code de commerce, il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d'un débiteur qui sans être en cessation des paiements justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter, cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif.

Il est admis que le juge pour apprécier les conditions d'ouverture doit se placer au jour où il statue sur la demande et il n'est pas nécessaire que les difficultés soient liées à l'activité économique déployée par le débiteur.

Hors le cas de fraude, l'ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut être refusée au débiteur au motif qu'il chercherait ainsi à échapper à ses obligations contractuelles dès lors qu'il justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter qui sont de nature à le conduire à la cessation des paiements.

En l'espèce il ressort des bilans et comptes de résultat de la SARL FCL Distri, établis par la société Fiducial expertise, que pour l'exercice du 1er février 2017 au 31 janvier 2018 le résultat d'exploitation de cette société est de 5'459 € alors que sur l'année précédente il était de 32'687 € avec une forte diminution de la capacité d'autofinancement, que pour la période du 1er février 2018 au 31 janvier 2019 le résultat était déficitaire de ' 7 313 € et que sur l'exercice du 1er février 2019 au 31 janvier 2020 il était déficitaire de ' 8 649 €.

Ces documents renseignent également sur le fait que les charges composées des impôts et taxes, salaires et traitements, charges sociales, dotations aux amortissement et autres ont diminué sur les mêmes périodes.

Dans ces circonstances, si ces chiffres ne caractérisent pas un état de cessation des paiements, état qui exclut au demeurant la possibilité de bénéficier d'un plan de sauvegarde, ils caractérisent des difficultés financières et constituent un signal d'alerte que le dirigeant ne peut ignorer en raison des responsabilités attachées à la fonction, dans la mesure où malgré une réduction des charges sus décrites le résultat ne cesse de baisser, caractérisant une tendance baissière du résultat d'exploitation dans le temps.

Contrairement à ce que soutiennent les tierces opposantes ces difficultés ne sont pas la conséquence d'un accroissement fictif des charges et notamment de la rémunération de la gérante dès lors que prises dans leur globalité les charges ci-dessus décrites diminuent.

Par ailleurs, il est également établi qu'entre 2013 et 2019 le modèle économique de la distribution s'est profondément transformé par le développement croissant de la formule «'drive'», Mme [D] expliquant dans sa note jointe à la requête en ouverture de procédure de sauvegarde et sans être contredite qu'elle a dû faire face à ses frais à une clientèle ayant passé commande et réglé ses courses sur internet au profit de Carrefour, servant ainsi de dépôt pour cette dernière sans contrepartie financière.

Il n'est pas plus contredit que la vente de carburant permettait de maintenir un certain niveau de chiffre d'affaires alors que son métier premier est celui de l'épicerie au sens large, la vente de carburant n'étant qu'un élément d'attraction de la clientèle.

Dans ces circonstances, Mme [D] qui gère la société FCL Distri depuis plusieurs années, en milieu rural, qui est implantée dans un village de 1'000 habitants, qui est de fait en relation avec les commerçants du secteur et qui a vu s'implanter d'autres enseignes dans un rayon de 10 kilomètres pratiquant des prix plus bas (Intermarché, Match et Leclerc), ce qu'elle ne pouvait faire en raison de la situation économique sus décrite, a pu légitimement s'interroger, afin de stopper les pertes encore peu importantes par rapport au volume de chiffre d'affaires mais symptomatiques, sur les moyens' de faire face à la concurrence, et augmenter sa marge, sur le fait de poursuivre ou non les relations contractuelles avec les sociétés du groupe Carrefour et sur la possible restructuration de la société, rappelant qu'il pèse sur le gérant l'obligation de diriger la société dans l'intérêt social de cette dernière.

Bien qu'ayant signalé ses difficultés en 2016 à son conseiller en franchise et sans amélioration, elle a sollicité d'autres personnes au sein du groupe et in fine le PDG, elle a renouvelé cette démarche en 2018 en vain. Le groupe Carrefour ne justifie pas des réponses et de l'accompagnement déployé et il est établi qu'une rencontre avec un monsieur [P] n'a pas abouti alors que Mme [D] justifiait rencontrer des difficultés notamment de facturation à savoir que la société CSF facturait des produits non livrés, situation obligeant Mme [D] à effectuer un pointage minutieux et à demander des avoirs.

Par dernières conclusions remises le 8 février 2023, expurgées des demandes qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la société CSF et Carfuel demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a joint les instances, déclaré recevable l'intervention volontaire de Carfuel et déclaré recevable la tierce opposition de la société CSF et de l'infirmer pour le surplus. Elles demandent à la cour de débouter la société FCL Distri et les organes de la procédure de leurs demandes, d'ordonner la rétractation du jugement du 9 janvier 2020, qu'il soit fait défense d'exécuter ledit jugement sous peine de dommages et intérêts, d'ordonner la rétractation des jugements et actes subséquents et en tout état de cause de condamner la société FCL Distri solidairement avec les organes de la procédure à leur payer la somme de 7'500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions remises le 3 mai 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés la société Carrefour proximité France (CPF) demande à la cour de rejeter l'appel incident de FCL Distri des chefs de la recevabilité de l'intervention volontaire de Carfuel, forcée de Selima et de la recevabilité de la tierce opposition de la société CPF, de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de Carfuel, l'intervention forcée de Selima, joint les instances et déclaré recevable sa tierce opposition.

Elle demande l'infirmation du jugement pour le surplus et statuant à nouveau d'ordonner en conséquence la rétractation du jugement du 9 janvier 2020, qu'il soit fait défense d'exécuter ledit jugement sous peine de dommages et intérêts, la condamnation de FCL Distri à lui payer la somme de 3'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 9 février 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la SARL FCL Distri et les organes de la procédure demandent à la cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Amiens du 24 novembre 2020 en ce qu'il a déclaré irrecevables les conclusions de Selima et dit ses prétentions mal fondées, dit n'y avoir lieu à rétractation du jugement ouvrant la procédure de sauvegarde, de débouter Selima de ses demandes, de rejeter sa tierce opposition et en tout état de cause de confirmer le jugement en ce qu'il a liquidé les dépens et laissés ces derniers à la charge des parties qui en ont fait l'avance et condamner Selima à leur payer la somme de 10'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par avis en date du 10 février 2023, communiqué aux parties, le ministère public s'en rapporte.

SUR Ce':

A titre liminaire il est souligné que l'intervention volontaire de la société Carfuel aux côtés de la société CSF tiers opposant n'est plus discutée.

Sur la recevabilité de l'intervention forcée de la société Selima

La société Selima prétend à la recevabilité de son intervention forcée au visa des articles 325 et 331 du code de procédure civile et partant à l'infirmation du jugement, aux motifs qu'elle n'était pas représentée à l'audience au cours de laquelle a été évoquée la question de l'ouverture de la procédure de sauvegarde et qu'elle a intérêt à ce que la décision lui soit déclarée opposable. Elle explique qu'il importe peu qu'elle n'ait pas formé tierce opposition dès lors qu'elle été mise en cause.

Elle fait également valoir qu'elle a des intérêts propres à défendre dans la mesure où, bien qu'associée minoritaire de la SARL FCL DIstri elle est également membre du groupe Carrefour et que ses intérêts sont antagonistes avec ceux de la SARL FCL Distri. Elle explique que la gérante de la société FCL Distri a demandé le bénéfice de la procédure de sauvegarde sans son accord, en fraude de ses droits et pour échapper à ses obligations contractuelles.

La société CPF soutient que les conclusions de la société Selima sont recevables ainsi que son intervention forcée en raison des liens l'unissant à cette société en raison de leur appartenance au groupe Carrefour, que ces liens capitalistiques sont au c'ur du litige en raison du caractère frauduleux du recours à la procédure de sauvegarde par la société FCL Distri.

La SARL FCL Distri demande la confirmation du jugement ayant déclaré irrecevables les conclusions de la société Selima comme tardives et mal fondée son intervention forcée à défaut de répondre aux critères édictés par l'article 331 du code de procédure civile. Elle fait valoir que la société CPF n'a assigné en intervention la société Selima qu'en raison de la carence de cette dernière à former tierce opposition au jugement d'ouverture de la sauvegarde dans le délai prévu par l'article R.661-2 du code de commerce. Elle explique qu'à ce stade les droits de la société Selima ne sont pas affectés et ce d'autant qu'apprenant de ses erreurs elle a formé tierce opposition au jugement arrêtant le plan de sauvegarde.

La société CPF ne peut prétendre à la recevabilité des conclusions de la société Selima en application de la règle selon laquelle «'nul ne plaide par procureur'».

Aux termes de l'article 331 du code de procédure civile un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal.

Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.

Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense.

Selon l'article 325 du code du même code l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

En l'espèce la société CPF a assigné en intervention forcée la société Selima par acte du 19 août 2020 après avoir formé tierce opposition au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la SARL FCL Distri, du fait de sa qualité d'associée de cette dernière (cf assignation). Outre le fait qu'elle n'a pas d'intérêt à agir contre la société Selima, elle ne démontre pas l'intérêt dont elle se prévaut pour agir de la sorte à défaut comme déjà rappelé d'être habile à défendre les droits de la société Selima. Par ailleurs le lien capitalistique unissant les sociétés CPF et Selima comme membres du groupe Carrefour est insuffisant à caractériser le lien unissant les prétentions des parties.

Si la préservation des droits propres de Selima ne peuvent être défendus que par cette dernière sans avoir recours pour ce faire à la diligence d'une autre société du groupe, elle ne s'explique pas sur sa carence à former tierce opposition étant observé que la tierce opposition qu'elle a formée à l'encontre du jugement arrêtant le plan arrêté par le tribunal de commerce suffit à préserver au besoin ses droits.

En conséquence l'intervention forcée de la société Selima n'est pas recevable.

L'intervention forcée de la société Selima n'étant pas recevable il n'y a pas lieu de statuer sur la recevabilité de ses conclusions déposées en première instance sur assignation de la société CPF.

Sur la recevabilité de la tierce opposition de la société CPF

Le conseiller de la mise en état ayant dit que la cour n'est pas saisie d'un appel incident portant sur la recevabilité de la tierce opposition de la société CPF par ordonnance du 7 avril 2022 non déférée à la cour, le débat portant sur ce point est inopérant.

Dans ces circonstances il n'y a plus de débat portant sur la recevabilité des tierces oppositions pratiquées.

Sur le bien-fondé des tierces oppositions de la société CPF et de la société CSF

Ces appelantes et la société Carfuel aux côtés de la société CSF prétendent à la rétractation du jugement du 9 janvier 2020 à défaut pour la société SARL FCL Distri de remplir les conditions pour bénéficier de la protection du tribunal dans le cadre d'une sauvegarde judiciaire.

Elles soutiennent que la SARL FCL Distri ne justifie pas des difficultés insurmontables de nature à permettre l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, que le jugement dont appel a été rendu en fraude de leurs droits et qu'elles justifient chacune de moyens propres à conduire à la rétractation.

Plus particulièrement la société CPF soutient que la société FCL Distri utilise la procédure de sauvegarde en fraude de ses droits, de façon stratégique afin de bénéficier de la protection du tribunal de commerce et des dispositions protectrices du code de commerce le temps de s'extraire du réseau de franchise'Carrefour et de rejoindre un groupe concurrent lui permettant d'exercer sous une autre enseigne alors qu'elle ne rencontrait pas de difficultés juridiques et financières insurmontables, les difficultés financières invoquées étant purement fictives.

Elle entend démontrer que la demande d'ouverture de sauvegarde judiciaire s'inscrit dans un schéma frauduleux orchestré par les sociétés franchisées'avec l'aide d'un tiers animateur agissant pour le compte du groupe concurrent, et que si la société FCL Distri n'était pas adhérente de l'association des franchisés qui tente de déstabiliser le groupe Carrefour, elle a adopté un comportement similaire et ne conteste pas avoir été approchée par M. [H], ancien directeur juridique du département juridique chez Carrefour, devenu directeur national adjoint ralliement de Coopérative U Enseigne.

Elle fait valoir que la SARL FCL Distri n'est pas transparente sur sa situation financière, qu'elle ne communique plus ses comptes de gestion depuis 2016 en violation du contrat de franchise, circonstance qui la prive de la possibilité d'apprécier les difficultés invoquées.

Elle déplore que la société FCL Distri n'ait pas alerté le franchiseur de sa demande de protection du tribunal de commerce ni sollicité son aide au besoin.

Elle considère que la démonstration de difficultés insurmontables n'est pas faite, que les problèmes financiers allégués le sont pour les besoins de la cause à savoir exercer sous une enseigne du groupe Ségurel.

Elle ajoute que de la même façon la démonstration de difficultés juridiques insurmontables n'est pas faite et que la société FCL Distri a transgressé toutes les règles contractuelles et statutaires notamment dans sa relation avec son associé minoritaire Selima.

Elle s'inscrit en faux contre la motivation des premiers juges qui font référence à un assujettissement juridique et économique auquel serait soumise la franchisée alors que l'autorité de la concurrence a récemment rappelé que les dispositions statutaires en cause caractérisent l'influence déterminante du groupe Carrefour sur la société commune franchisée et l'existence d'un contrôle conjoint de sorte qu'elles ne sont pas illicites ni anticoncurrentielles. Elle en conclut que les contraintes contractuelles ne sont prévues que dans le but de protéger un savoir-faire, qu'elles constituent des entraves normales à la sortie du système et non disproportionnées et assurent la pérennité du réseau.

Elle affirme qu'elle dispose de moyens propres pour fonder sa tierce opposition, que le jugement lui cause préjudice en raison de la désorganisation du réseau instigué par un concurrent du groupe ayant notamment pour conséquence la perte d'un point de vente.

Les sociétés CSF et Carfuel s'associent aux moyens développés par la société CPF, soutiennent que la preuve des difficultés financières en lien avec des tarifs non compétitifs n'est pas rapportée, s'étonnent que la société FCL Distri ne produise pas de comparatif de taux de marge entre celui dégagé alors qu'elle exploitait le fonds sous enseigne Carrefour et celui dégagé depuis qu'elle l'exploite sous une enseigne Coccinelle du groupe Ségurel.

Elles font remarquer que la société FCL s'est acquittée de ses factures de livraison de marchandises et de carburants sans incidents de paiement, que les premiers impayés proches de l'ouverture de la procédure de sauvegarde ne sont que la conséquence des révocations des autorisations de prélèvement concomitamment aux lettres de résiliation mais également qu'elles ont déclaré leurs créances au passif de la sauvegarde, que ces dernières ont été admises sans contestation.

Elles en concluent que le tribunal a ouvert une procédure de sauvegarde sur la base d'affirmations péremptoires et injustifiées, les difficultés alléguées n'étant que la conséquence d'une instrumentalisation des chiffres.

Elles font également valoir qu'au mépris des dispositions contractuelles la société FCL Distri n'a pas soumis le différend relatif à l'exécution du contrat à la procédure de conciliation prévue par l'article 8 du contrat d'approvisionnement et n'ont relaté que des difficultés hypothétiques pour obtenir le bénéfice de la procédure de sauvegarde.

Elles caractérisent la fraude par le fait pour la société FCL Distri d'avoir volontairement généré des impayés pour bénéficier des règles de la procédure collective pour changer d'enseigne sereinement en profitant de la réduction du délai de préavis ou en l'aménageant en réduisant le volume de commande.

Elles considèrent que les premiers juges ont fait une analyse erronée pour considérer que leurs droits étaient protégés par les règles de la procédure collective relatives aux déclarations de créance.

Elles prétendent justifier en qualité de fournisseurs d'un intérêt propre, en soutenant avoir perdu un client important et avoir dû déclarer leurs créances, que les marchandises ont été revendues sans perception du prix, que dans ces circonstances la société FCL Distri s'est constitué de la trésorerie pour financer le changement d'enseigne.

L'intimée conteste cette analyse et prétend à la confirmation du jugement dont appel, développant qu'elle a légitimement demandé la protection du tribunal de commerce en raison de réelles difficultés financières et juridiques qu'elle n'était pas en mesure de surmonter seule. Elle précise que la preuve de l'usage frauduleux de la procédure de sauvegarde, qui pèse sur les appelantes n'est pas rapportée.

Elle fait valoir que ne souhaitant pas le renouvellement des contrats la liant aux différentes sociétés du groupe Carrefour, elle a refusé leur reconduction en respectant le délai de préavis mais avec la plus grande inquiétude quant aux conséquences de ce choix stratégique, que cependant elle souhaitait pouvoir augmenter le taux de marge ce qui était devenu impossible en raison du coût d'achat des marchandises et de la présence à proximité de concurrents pouvant pratiquer des prix plus faibles, dans un milieu rural où il ne peut être pratiqué le même niveau de prix qu'en milieu urbain. Elle explique qu'elle ne pouvait continuer à se contenter de dégager de la marge uniquement par la vente de carburant.

Elle fait remarquer que le bilan économique et social dressé par l'administrateur confirme ses craintes dans la mesure où il fait état de résultats financiers très inquiétants. Ce bilan est complété selon elle par le contenu du rapport de maître [Z] qui fait état d'un ensemble de facteurs rendant le commerce moins attractif à la fois par le choix des produits et les prix pratiqués.

Elle affirme justifier de l'amélioration de sa marge dès qu'elle a réduit ses approvisionnements auprès du groupe Carrefour et que cette situation a été confirmée par Maître [V].

Elle ajoute qu'en dénonçant les contrats elle prenait le risque de ne plus être approvisionnée dans de bonnes conditions, situation susceptible également d'affecter sa situation financière.

Sur les difficultés juridiques elle fait remarquer qu'elle a été très perspicace au regard de l'agressivité procédurale de ses cocontractants issus du groupe Carrefour.

Elle explique qu'il existe un conflit de date d'échéance entre les contrats de franchise et d'approvisionnement, que la structure capitalistique la prive de la possibilité de changer d'objet social sans l'accord de son associé minoritaire filiale du groupe Carrefour, de sorte qu'en dehors de toute fraude et analysant cette construction elle a considéré que la fin des relations contractuelles pouvait avoir des conséquences qu'elle ne pouvait surmonter seule à raison de cet imbroglio juridique.

Elle précise que les contentieux qu'elle supputait étaient de nature à la placer dans une situation d'inconfort commercial et d'incertitude incompatible avec la marche normale d'une entreprise déjà fragilisée et rappelle les contentieux l'opposant à la société Selima (son associé minoritaire) qui depuis l'ouverture de la procédure de sauvegarde et qu'alors qu'elle convoque des assemblées générales, pour modifier la clause portant sur l'objet social et les conditions de majorité, s'oppose systématiquement.

Elle en conclut que ces difficultés ne sont pas fictives et fondent sa demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde.

A titre liminaire, il est précisé que le moyen développé par les appelantes, tiré de la recevabilité de leur tierce opposition en raison de la possibilité de se prévaloir de moyens qui leur sont propres, est inopérant dès lors que la recevabilité de ce recours n'est pas discutée mais seulement le bien-fondé.

Aux termes des articles L.620-1 et L.620-2 du code de commerce, il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d'un débiteur qui sans être en cessation des paiements justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter, cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif.

Il est admis que le juge pour apprécier les conditions d'ouverture doit se placer au jour où il statue sur la demande et il n'est pas nécessaire que les difficultés soient liées à l'activité économique déployée par le débiteur.

Hors le cas de fraude, l'ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut être refusée au débiteur au motif qu'il chercherait ainsi à échapper à ses obligations contractuelles dès lors qu'il justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter qui sont de nature à le conduire à la cessation des paiements.

En l'espèce il ressort des bilans et comptes de résultat de la SARL FCL Distri, établis par la société Fiducial expertise, que pour l'exercice du 1er février 2017 au 31 janvier 2018 le résultat d'exploitation de cette société est de 5'459 € alors que sur l'année précédente il était de 32'687 € avec une forte diminution de la capacité d'autofinancement, que pour la période du 1er février 2018 au 31 janvier 2019 le résultat était déficitaire de ' 7 313 € et que sur l'exercice du 1er février 2019 au 31 janvier 2020 il était déficitaire de ' 8 649 €.

Ces documents renseignent également sur le fait que les charges composées des impôts et taxes, salaires et traitements, charges sociales, dotations aux amortissement et autres ont diminué sur les mêmes périodes.

Dans ces circonstances, si ces chiffres ne caractérisent pas un état de cessation des paiements, état qui exclut au demeurant la possibilité de bénéficier d'un plan de sauvegarde, ils caractérisent des difficultés financières et constituent un signal d'alerte que le dirigeant ne peut ignorer en raison des responsabilités attachées à la fonction, dans la mesure où malgré une réduction des charges sus décrites le résultat ne cesse de baisser, caractérisant une tendance baissière du résultat d'exploitation dans le temps.

Contrairement à ce que soutiennent les tierces opposantes ces difficultés ne sont pas la conséquence d'un accroissement fictif des charges et notamment de la rémunération de la gérante dès lors que prises dans leur globalité les charges ci-dessus décrites diminuent.

Par ailleurs, il est également établi qu'entre 2013 et 2019 le modèle économique de la distribution s'est profondément transformé par le développement croissant de la formule «'drive'», Mme [D] expliquant dans sa note jointe à la requête en ouverture de procédure de sauvegarde et sans être contredite qu'elle a dû faire face à ses frais à une clientèle ayant passé commande et réglé ses courses sur internet au profit de Carrefour, servant ainsi de dépôt pour cette dernière sans contrepartie financière.

Il n'est pas plus contredit que la vente de carburant permettait de maintenir un certain niveau de chiffre d'affaires alors que son métier premier est celui de l'épicerie au sens large, la vente de carburant n'étant qu'un élément d'attraction de la clientèle.

Dans ces circonstances, Mme [D] qui gère la société FCL Distri depuis plusieurs années, en milieu rural, qui est implantée dans un village de 1'000 habitants, qui est de fait en relation avec les commerçants du secteur et qui a vu s'implanter d'autres enseignes dans un rayon de 10 kilomètres pratiquant des prix plus bas (Intermarché, Match et Leclerc), ce qu'elle ne pouvait faire en raison de la situation économique sus décrite, a pu légitimement s'interroger, afin de stopper les pertes encore peu importantes par rapport au volume de chiffre d'affaires mais symptomatiques, sur les moyens' de faire face à la concurrence, et augmenter sa marge, sur le fait de poursuivre ou non les relations contractuelles avec les sociétés du groupe Carrefour et sur la possible restructuration de la société, rappelant qu'il pèse sur le gérant l'obligation de diriger la société dans l'intérêt social de cette dernière.

Bien qu'ayant signalé ses difficultés en 2016 à son conseiller en franchise et sans amélioration, elle a sollicité d'autres personnes au sein du groupe et in fine le PDG, elle a renouvelé cette démarche en 2018 en vain. Le groupe Carrefour ne justifie pas des réponses et de l'accompagnement déployé et il est établi qu'une rencontre avec un monsieur [P] n'a pas abouti alors que Mme [D] justifiait rencontrer des difficultés notamment de facturation à savoir que la société CSF facturait des produits non livrés, situation obligeant Mme [D] à effectuer un pointage minutieux et à demander des avoirs.

Les sociétés tierces opposantes sans remettre en cause cette difficulté, la minimisent.

Les contrats liant la société FCL Distri aux tierces opposantes étant d'une durée déterminée avec possibilité de les dénoncer un an avant l'échéance, et face au mutisme du groupe Carrefour, Mme [D] a pu s'interroger sur la poursuite des relations contractuelles et dans ce cas sur la possibilité de travailler avec une autre enseigne au modèle économique différent afin de trouver une solution, les difficultés financières étant clairement objectivées et non fictives.

Si les mécontentements de certains franchisés exploitant un fonds de commerce dans le cadre de la même structure juridique qu'elle, ont pu faire écho à sa situation, il n'est pas démontré qu'ils soient à l'origine de sa démarche visant à ne pas renouveler les contrats de franchise et d'approvisionnement et à demander la protection du tribunal pour restructurer la société.

Si Mme [D] reconnaît exploiter aujourd'hui la société qu'elle gère sous l'enseigne Coccinelle appartenant au groupe Ségurel et justifie d'une très bonne santé financière en dégageant des résultats de 47'888 € et 54'269 €, il n'est pas plus démontré comme les tierces opposantes l'affirment que ce dernier l'a démarchée, rappelant qu'il n'est pas interdit dans le cadre de la liberté du commerce de l'industrie de changer de partenaire commercial.

Cependant si Mme [D] a pris la décision de changer d'enseigne en dénonçant les contrats dans les délais prévus, la structure capitalistique de la SARL FCL Distri imposée par le groupe Carrefour rendait difficile voir quasiment impossible ce changement dans la mesure où cette décision ne pouvait être prise que par un vote des associés représentant plus de ¿ des parts sociales c'est-à-dire 75 % du capital alors que M et Mme [D] n'en détenaient que 74 %, la société Sélima filiale à 100 % du groupe Carrefour détenant les autres 26 % et de son propre aveu ayant des intérêts antagonistes avec ceux de la SARL FCL Distri.

D'ailleurs si l'autorité de la concurrence a pu relever l'existence d'un contrôle conjoint de la société franchisée elle a également relevé que les dispositions statutaires caractérisaient l'influence déterminante du groupe Carrefour.

Dans les faits cette structure capitalistique et les clauses statutaires du contrat de société imposées, empêchaient et /ou rendaient difficile le changement d'enseigne, la filiale du groupe Carrefour bien qu'associée minoritaire ne pouvant accepter de voter en faveur de ce changement.

Dans ces circonstances si la franchisée décidait de ne pas renouveler les contrats de franchise et d'approvisionnement cette dernière ne pouvait changer d'enseigne sauf à la filiale du groupe Carrefour de voter contre les intérêts de ce dernier ce qui dans les faits était illusoire.

Il est observé que si l'effet réseau peut être théoriquement d'un soutien important pour le franchisé en l'espèce il n'est pas démontré que l'appartenance à ce dernier ai permis à Mme [D] en sa qualité de dirigeante de la SARL FCL Distri de trouver une solution aux difficultés qu'elle traversait pour se restructurer.

Dans ces circonstances lorsque le tribunal de commerce a statué sur l'ouverture de la procédure de sauvegarde le 9 janvier 2020 les difficultés financières étaient établies depuis 2017 et persistaient sans avoir pu être surmontées. Les contrats ayant été dénoncés en décembre 2019 la société FCL Distri était confrontée à des problèmes juridiques insurmontables en lien avec le blocage sus décrit.

Ainsi la procédure de sauvegarde au jour où elle a été ouverte était nécessaire pour faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif.

Les conditions pour bénéficier de la procédure de sauvegarde étant remplies, et les sociétés tierces opposantes étant défaillantes à établir que la SARL FCL Distri a pu surprendre le consentement des juges du tribunal de commerce par l'emploi de moyens déloyaux en présentant faussement une situation, de façon contraire à leurs intérêts alors qu'elles ont pu déclarer leurs créances et qu'elles sont payées dans le cadre du plan et que la perte d'un franchisé n'est que la conséquence de la vie des affaires et de la liberté contractuelle, le jugement dont appel est confirmé.

Sur les demandes accessoires

Les appelantes qui succombent supportent les dépens de première instance et d'appel à parts égales.

Le jugement dont appel est confirmé en ce qu'il a condamné la société Selima à payer à la SARL FCL Distri la somme de 2'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et y ajoutant elle est condamnée à payer à la SARL FCL Distri la même somme au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe';

Confirme le jugement sauf sur les dispositions portant sur les dépens';

Statuant du chef infirmé et y ajoutant';

Condamne les SAS Selima, CSF, Carfuel et CPF aux dépens de première instance et d'appel à parts égales.

Condamne la SAS Selima à payer à la SARL FCL Distri la somme de 2'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.