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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 15 septembre 2023, n° 21/16661

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SIN (SARL)

Défendeur :

Samsung Electronics France (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme Primevert, Mme L'Eleu de La Simone

Avocats :

Me Sportes, Me Monod, Me Olivier, Me Boutron

T. com. Lyon, du 21 juin 2021, n° 2015J4…

21 juin 2021

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Il sera succinctement rapporté que la sas Sin a pour activité la réparation de produits électroniques grand public (pièce 2 Sin).

La sas Samsung Electronics France a pour activité la commercialisation en France de produits électroniques grand public et de téléphones mobiles de marque Samsung. Elle propose à ses clients un service après-vente dont l'objet est entre autres de procéder à des réparations sur les téléphones défaillants ou aux retours techniques des appareils ayant subi des pannes à la mise en service (« PMS ») c'est-à-dire dans les quinze jours suivant leur achat par le consommateur.

Par contrat de prestation de services du 9 mai 2011 (pièce 4 Sin) Sin s'est engagée à exécuter, pour le compte de Samsung, des prestations regroupées en trois catégories :

- des prestations opérationnelles : gestion des retours techniques : PMS (« pannes à la mise en service »), Hors délais, 3e SAV et multi-retours

- des prestations dites « de support » : réparation des PMS, revente et logistique Hors garantie

- des prestations annexes : réparation sous garantie, et l'accueil du consommateur au comptoir.

Le contrat a été conclu pour une durée déterminée de 3 ans, rétroactivement à compter du 1er janvier 2011 pour se terminer le 31 décembre 2013. L'article 6.1 du contrat prévoyait qu'au-delà de cette période, le contrat se transformerait en contrat à durée indéterminée et pourrait être dénoncé à tout moment par chacune des parties, moyennant un préavis d'un an après envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception. Les articles 6.2 et suivants listaient pour leur part les conséquences d'une rupture après cette période.

Le 21 mars 2012 Samsung a déposé plainte des chefs de vol, recel et complicité de ces délits auprès du procureur de la République de Lyon (pièce 10 Samsung), en invoquant l'absence de remise par Sin de téléphones devant être détruits à la société chargée de procéder à cette destruction Après différents échanges, par lettre recommandée avec avis de réception du 1er juin 2012, Samsung a notifié à Sin la résiliation du contrat à la date de présentation de cette lettre, en visant différents griefs et en concluant : « la confiance que nous avions placée dans votre société se trouve irrémédiablement et définitivement perdue et les faits graves que nous dénonçons rendent la rupture nécessaire et indispensable » (pièce 27 Samsung).

Contestant cette version des faits, Sin a saisi le tribunal de commerce de Lyon le 25 juillet 2012 aux fins de voir condamner Samsung à lui verser une indemnité de résiliation contractuelle réclamée à hauteur de 1.566.374,47 €.

Par décision du 23 juillet 2015, le tribunal de commerce de Lyon a sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale poursuivie devant le tribunal judiciaire de Lyon, dans laquelle Samsung s'était par ailleurs constituée partie civile.

Le tribunal correctionnel de Lyon a été rendu son jugement le 16 juillet 2019 ; la procédure a été reprise devant le tribunal de commerce.

***

Vu le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 21 juin 2021 qui :

- juge que la rupture intervenue ne peut caractériser une rupture brutale des relations commerciales au vu de la gravité des fautes commises.

- déboute la Société SIN de ses demandes de préavis et de dommages associés ;

- déboute la Société SIN de l'ensemble de ses demandes

- condamne la Société SIN à payer à la Société SAMSUNG ELECTRONIC FRANCE la somme de 7.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ainsi qu'aux entiers dépens.

***

Les parties indiquent que la sas Sin a interjeté appel le 12 juillet 2021 devant la cour d'appel de Lyon et que le 14 septembre 2021 le conseiller de la mise en état les a invitées à faire toutes observations sur la compétence exclusive de la cour d'appel de Paris en matière de rupture brutale des relations commerciales établies. Par acte du 20 septembre 2021 la sas Sin a saisi la cour d'appel de Paris.

***

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 17 décembre 2021 pour la sarl Sin, par lesquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et 1147 anciens du code civil

Vu l'article L. 442-6 ancien du code de commerce

- RÉFORMER le jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 21 juin 2021 en ce qu'il a jugé que la rupture ne pouvait caractériser une rupture brutale des relations commerciales au vu de la gravité des fautes commises, a débouté la société SIN de ses demandes de préavis et dommages associées, a débouté la société SIN de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée au paiement de la somme de 7 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Et statuant à nouveau,

- DECLARER recevable, justifiée et bien fondée l'action de la société SIN.

Par conséquent,

- DIRE ET JUGER que la société SIN n'a commis aucun manquement contractuel.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- DIRE ET JUGER que les manquements de la société SIN ne revêtent pas la gravité suffisante aux fins de justifier une résiliation unilatérale du contrat du 9 mai 2011.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- CONDAMNER la société SAMSUNG ELECTRONICS FRANCE à verser à la société SIN la somme de 1 566 374,47 euros au titre de l'indemnité contractuelle de rupture anticipée, outre intérêt légal à compter de la mise en demeure du 15 juin 2012.

- DIRE ET JUGER que la société SAMSUNG ELECTRONICS FRANCE a rompu brutalement les relations commerciales établies avec la société SIN

- DIRE ET JUGER que la société SIN aurait du bénéficier d'un délai de préavis de 1 an à compter de la rupture des relations commerciales.

- CONDAMNER la société SAMSUNG ELECTRONICS FRANCE à verser à la société SIN la somme de 389 492,33 euros correspondant à la marge brute escomptée pendant la durée du préavis.

- CONDAMNER la société SAMSUNG ELECTRONICS FRANCE à verser à la société SIN la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'en tous les dépens de l'instance.

- DEBOUTER la société SAMSUNG ELECTRONICS FRANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 17 mars 2022 pour la sas Samsung Electronics France, par lesquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles 4, 5 et 462 du Code de procédure civile,

Vu les articles 1134, 1135 et 1147 du Code civil (dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce),

Vu l'article L. 442-6 du Code de commerce (dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce),

Vu le contrat du 9 mai 2011,

Vu le jugement du Tribunal correctionnel de Lyon du 16 juillet 2019,

Vu la jurisprudence visée,

Vu les pièces versées aux débats et notamment les éléments issus de la procédure pénale portant sur les faits objets de la présente instance,

A TITRE PRINCIPAL

- CONSTATER que l'article 6.3 du contrat conclu le 9 mai 2011 entre les sociétés SIN et SEF exclut toute indemnité conventionnelle en cas de rupture anticipée du contrat pour faute ;

- CONSTATER que la faute de la société SIN est incontestablement rapportée par sa condamnation pour abus de confiance au préjudice de SEF ;

- CONSTATER que la résiliation du contrat par la société SEF, sans préavis de rupture, était pleinement justifiée au vu de la gravité des fautes commises par la société SIN ;

En conséquence,

- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté la société SIN de l'intégralité de ses demandes.

- DEBOUTER la société SIN de l'intégralité de ses demandes, fins ou conclusions.

A TITRE SUBSIDIAIRE

- CONSTATER que la société SIN ne justifie pas du montant réclamé au titre de de l'indemnité conventionnelle ;

- CONSTATER que la société SIN ne rapporte pas la preuve de la durée de la relation commerciale alléguée ;

- CONSTATER que le calcul de la marge avancé par la société SIN est faux, ainsi qu'il ressort de ses propres comptes ;

En conséquence,

- DECLARER que la société SIN n'a subi aucun préjudice du fait de la résiliation du contrat et de la prétendue rupture brutale de la relation commerciale ;

- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté la société SIN de l'intégralité de ses demandes.

- DEBOUTER la société SIN de l'intégralité de ses demandes, fins ou conclusions.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- CONSTATER le caractère abusif de l'appel interjeté par la société SIN au regard de la gravité des fautes commises et de la condamnation pénale prononcée à son encontre du chef d'abus de confiance au préjudice de la société SEF ;

En conséquence,

- CONDAMNER la société SIN à verser à la société SEF la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exercice abusif d'une voie de recours.

- CONDAMNER la société SIN à verser à la société SEF la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

- DEBOUTER la société SIN de l'ensemble de ses plus amples demandes, fins et prétentions.

Vu l'ordonnance de clôture du 23 mars 2023,

***

SUR CE, LA COUR,

Sur l'indemnité de rupture réclamée.

En vertu de l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne. En l'espèce, le contrat litigieux a été conclu en 2011, pour une durée déterminée de trois ans ; il a été résilié avant la fin de cette période et avant le 1er octobre 2016, de sorte qu'il est ainsi soumis au code civil tel qu'antérieur à cette réforme.

En application de l'article 1134 du code civil ainsi applicable, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1147 prévoit que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En application de l'article 1184 du même code, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Aux termes de l'article 6.3 du contrat, intitulé « indemnité de rupture », en cas de rupture anticipée du contrat par Samsung, hors motif de fautes, celle-ci s'engageait à verser au prestataire une indemnité dont le montant serait égal au chiffre d'affaires main d'œuvre estimé sur la période restant à courir pour atteindre le terme du contrat calculé sur la base du chiffre d'affaires de l'exercice comptable 2009-2010. C'est cette indemnité que réclame en tout premier lieu Sin.

Le contrat conclu le 9 mai 2011 entre Sin et Samsung a été signé pour Sin par M. [E] [B], son gérant (pièce 4 Sin). Samsung avait ainsi confié à Sin la charge de prestations regroupées en trois catégories :

- des prestations opérationnelles : gestion des retours techniques : PMS (« pannes à la mise en service »), Hors délais, 3e SAV et multi-retours

- des prestations dites « de support » : réparation des PMS, revente et logistique Hors garantie

- des prestations annexes : réparation sous garantie, et l'accueil du consommateur au comptoir.

Contrairement à ce qu'indique Sin, le nombre de téléphones évoqués par Samsung concernant les détournements des appareils qui auraient dû être remis pour destruction, dans la lettre recommandée avec avis de réception du 26 avril 2012 (pièce 23 Samsung), n'a pas à être démontré pour justifier le bienfondé de la rupture, non seulement car cette lettre ne constitue pas la lettre de résiliation, intervenue seulement le 1er juin 2012 (pièce 27) mais encore parce que le motif de la rupture consiste en la perte de confiance due à ces détournements. Seuls ces faits, et leur gravité, doivent être rapportés par Samsung.

Or il résulte du jugement définitif du tribunal correctionnel de Lyon du 16 juillet 2019 que chacune des parties invoque (notamment pages 108 et suivantes, pièce 20 Sin), et alors que l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et pénale, sur sa qualification, et s'étend en outre aux motifs qui constituent le soutien nécessaire de la décision pénale :

- que M. [E] [B], né le 4 mars 1968 à [Localité 5], chef d'entreprise, était poursuivi, notamment, pour avoir détourné des téléphones qui lui avaient été remis et qu'il avait accepté à charge d'en faire un usage déterminé, en l'espèce aux fins de réparation ou de destruction, au préjudice de la société Samsung Electronics France,

- qu'il est résulté de l'enquête, de l'instruction et des débats à l'audience que dans le cadre des relations contractuelles qui avaient été créées entre la société Sin et la société Samsung Electronics France, cette dernière confiait depuis plusieurs années à la date de la prévention à la société Sin la charge de faire un inventaire et une expertise des téléphones de marque Samsung objets de panne lors de la mise en service dont une partie après diagnostic étaient réparés et les autres voués à la destruction,

- que les investigations effectuées ont confirmé que certains de ces téléphones de manière marginale n'avaient pas été détruits puisque plusieurs d'entre eux ont été retrouvés soit sur le territoire espagnol, soit en possession de personnes étant également poursuivies dans ce dossier pénal, et que très vraisemblablement, M. [E] [B] en avait fait don à celles-ci ou à leur conjoint,

- que [E] [B], comme [X] [O], également poursuivi, avait expliqué qu'il s'agissait très vraisemblablement de téléphones qui auraient dû être détruits et qui ne l'avaient pas été ou qui avaient été reconstitués à partir d'éléments de téléphones destinés à la destruction, caractérisant ainsi par ses déclarations au-delà de la découverte de certains téléphones déterminés, les éléments constitutifs de l'infraction reprochée,

- que [E] [B] a été condamné pour ces faits ainsi que les autres faits dont il a été déclaré coupable, à la peine de 9 mois d'emprisonnement délictuel assorti du sursis simple, ainsi qu'au paiement d'une amende de 4.000€ ; le tribunal a également ordonné la confiscation du produit de la vente du véhicule Ferrari à hauteur de 40.000 € et la confiscation des objets saisis à son domicile.

Si le jugement précise que l'enquête et l'instruction n'ont pas permis de déterminer quelle était l'ampleur exacte de ces détournements et s'il s'agissait d'une pratique systématique ou marginale, [E] [B] a confirmé cependant que la société Sin était amenée à traiter plusieurs milliers de téléphones par mois. En effet, s'agissant de l'ampleur des détournements, la multiplicité des personnes poursuivies notamment pour corruption de fonctionnaires dépositaires de l'autorité publique, détournements de fonds, et abus de bien de confiance, et des faits concernés, n'a pas permis à l'instruction de détailler plus avant les faits commis au préjudice de Samsung. Pour autant, s'agissant de cette dernière déclaration de [E] [B] sur le nombre de téléphones traités par mois, la cour relève qu'elle correspond en effet à la présentation faite par Samsung dans la présente instance lorsqu'elle indique que « dans le cadre de sa mission de gestion des retours techniques, la société SIN recevait, de la part de la société Samsung, pas moins de 5.500 téléphones mobiles par mois, soit 66.000 unités par an ».

Par ailleurs si l'annexe décrivant les modalités de destruction des téléphones n'est pas signée par Sin, et si Sin explique que « la réparation des appareils téléphoniques n'était ni contractualisée ni systématique puisque lorsqu'ils étaient économiquement irréparables, les appareils étaient voués à la destruction, étant précisé que dans cette hypothèse, la société Sin laissait les produits à la disposition de la société Samsung qui devait les enlever ou les faire enlever pour recyclage. Ce recyclage était en pratique effectué par la société Envie Sud Est laquelle récupérait, pour le compte de la société Samsung, les produits auprès de la société SIN pour retraitement, conformément à la norme DEEE », il résulte :

- des écoutes sur la ligne téléphonique de [E] [B] menées dans le cadre de la procédure pénale que lors de la consultation d'une diseuse de bonne aventure, [E] [B] a demandé à son interlocutrice : « Et Samsung « ça va donner quoi » Parce que je pense que je vais « avec les embrouilles que je suis en train de leur faire aujourd'hui "je crois" je crois qu'ils vont me tomber dessus dans pas longtemps. Ça va se passer comment », laquelle lui a alors demandé : « Quelles embrouilles que tu leur as fait », et celui-ci de répondre : « Ils ont-ils mis un système en place pour euh pour des téléphones. Et moi' et moi' ben j'ai utilisé un autre système. Ça fait exactement pareil sauf que j'ai écarté leur système à eux, j'ai pris le mien. Et ils sont pas au courant. Dès qu'ils vont le savoir, je crois qu'ils vont monter au plafond »,

- comme des déclarations de [X] [O] selon lesquelles depuis la fin de l'année 2011, un certain nombre de téléphones n'étaient pas détruits, la formule « il y avait tout de même des téléphones qui partaient à la benne » permettant de déduire que les téléphones non détruits et donnés à des clients pour les fidéliser constituant une part importante du stock (pièce 42 Samsung), puis expliquant que des cartons de pièces détachées étaient donnés à des fins de fidélisation à des partenaires commerciaux qui les revendaient 1€ pièce (pièce 42 Samsung), ce que confirme un de ces partenaires précisant qu'il ne s'agissait que des pièces détachées de la marque Samsung (pièce 49 Samsung),

- déclarations confirmées par [E] [B] ensuite qui indiquait « c'est vrai il a raison j'ai menti (') » (pièce 43 Samsung),

- qui ajoutait dans une conversation avec [X] [O] (procès-verbal de transcription de communication téléphonique pièce 38 samsung) au sujet de la lettre que Sin venait de recevoir le 26 avril 2012 de Samsung évoquant les détournements des téléphones qui auraient dû être détruits, se rendant compte que leur procédé avait été démasqué : « faut faire quoi à ton avis », à quoi [X] [O] répondait : « A mon avis, ça va être la fin de notre contrat », et [E] [B] faisant alors cette proposition : « Tu crois  Après, tu peux dire que ça vient d'[I] », représentant la société Envie Sud Est chargée du recyclage de ces téléphones et à laquelle Sin devait remettre lesdits appareils,

Que :

- les modalités de remise à la société Envie Sud Est pour destructions des téléphones avaient ainsi bien été convenues entre Sin et Samsung, et que cette remise était bien à la charge de Sin,

- Sin n'a pas respecté ces modalités de remise des téléphones destinés à la destruction, propriété de Samsung,

- ces pratiques n'ont pas revêtu un caractère marginal dès lors qu'il ressort du jugement correctionnel que plusieurs téléphones mobiles ont été offerts en échange de services à des fonctionnaires ou à leur conjoint, ainsi que de nombreuses pièces détachées données pour fidéliser d'autres partenaires commerciaux, ce qui ressort également des déclarations qui viennent d'être rappelées de [E] [B] et de [X] [O].

Ainsi, le manquement par Sin à une obligation qui était ainsi bien contractuelle, a revêtu un caractère suffisamment grave pour d'une part faire l'objet d'une procédure pénale dans laquelle Samsung a dû se constituer et qui a conduit à la condamnation du gérant de Sin, et d'autre part rompre toute confiance entre les partenaires commerciaux.

L'altération du lien de confiance entre les partenaires commerciaux du fait du comportement du représentant de Sin est encore aggravée par les propos de [E] [B] rapportés par la retranscription d'une communication à destination de [X] [G], représentant de Samsung, suite à la dénonciation par Samsung des détournements de téléphones (pièce 40 Samsung) : « ouais non j'ai eu ton courrier surtout, ton courrier j'ai été assez choqué, mais bon je tenais juste à te dire, je tenais juste à te dire que protège tes miches toi aussi mon pote parce que tu joues je vais jouer » (') « tu vas avoir deux ou trois surprises, tu verras, tu vas avoir deux trois surprises qui vont pas te faire sourire » (...) « tu verras ça va te faire bizarre et que ça va se retourner contre toi mon pote et ce jour-là et ben c'est moi qui rigolerai et c'est pas [X] ou [U], c'est [B] [E], c'est [B] [E] qui te parle, tu joues, t'as envie de jouer à ces jeux-là, à tes petits jeux de fourbe tes petits jeux de de prendre pour un petit peu de galons dans ta boîte à deux balles ».

La gravité du manquement contractuel, et le caractère irrémédiable de la perte de confiance du fait du comportement du représentant de Sin, sont ainsi établis et justifient la résiliation unilatérale sans préavis notifiée par Samsung.

En conséquence, l'indemnité de rupture prévue par l'article 6-3 du contrat n'est pas due, dès lors que la rupture résulte de la faute de Sin, le contrat prévoyant que l'indemnité est du « hors motif de fautes ».

Il y a donc lieu de débouter Sin de cette demande principale.

Sur la rupture brutale des relations commerciales

Aux termes de l'article L. 442-6 I, 5° du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

Le champ d'application de ce texte requiert des relations commerciales établies, soit une relation commerciale entre les parties qui revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et dans laquelle la partie victime de la rupture pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

L'article L. 442-6 I, 5° du code de commerce vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou s'il a été délivré, l'insuffisance du préavis, lequel doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, dont l'état de dépendance économique de l'entreprise évincée c'est-à-dire de l'impossibilité, pour l'entreprise de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle avait nouées avec ce partenaire, et des circonstances prévalant au moment de la notification de la rupture susceptibles d'influencer le temps nécessaire pour le redéploiement de l'activité du partenaire victime de la rupture, telles que les capacités de l'entreprise à retrouver des débouchés.

Il ressort de ce qui a été précédemment analysé que l'inexécution contractuelle de Sin a caractérisé un manquement suffisamment grave de celle-ci à ses obligations contractuelles pour justifier la rupture sans préavis de sa relation commerciale avec Samsung, quelle qu'ait été sa durée.

En conséquence, le caractère brutal de la rupture, alors que le lien de confiance était irrémédiablement rompu du fait du comportement de Sin, ne peut être constaté.

Sin doit ainsi être déboutée de ses demandes de ce chef et le jugement sera en conséquence confirmé.

Ainsi le jugement sera confirmé dans l'ensemble de ses dispositions.

Sur la demande au titre de la procédure abusive.

Si aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés, il n'est rapporté en l'espèce ni que le droit fondamental d'accès à une juridiction d'appel aurait dégénéré en abus, ni l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par la condamnation aux dépens et aux frais irrépétibles engagés.

En conséquence, Samsung sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens.

Le jugement, confirmé dans l'ensemble de ses dispositions, sera également confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et frais irrépétibles de la première instance.

Statuant de ces chefs en cause d'appel, l'appelante qui succombe sera condamnée aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Sin, tenue aux dépens, sera en conséquence condamnée à payer à Samsung la somme de 15.000€ au titre des frais irrépétibles, en application de l'article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

DÉBOUTE la sas Samsung Electronics France de sa demande au titre de la procédure abusive,

CONDAMNE la sarl Sin aux dépens de l'appel,

CONDAMNE la sarl Sin à payer à la sas Samsung Electronics France la somme de 15.000 € (quinze mille euros) au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,