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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 5, 13 septembre 2023, n° 19/07084

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Eiffage Energie Systèmes - Clemessy Services (SAS)

Défendeur :

Naval Group (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Sentucq

Conseillers :

Mme Thevenin-Scott, Mme Pelier-Tetreau

Avocats :

Me Ingold, Me Pieto, Me Boccon Gibod, Me Ravion

T. com. Paris, du 18 févr. 2019, n° 2016…

18 février 2019

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SAS Eiffage Energies Systèmes-Clemessy services, précédemment dénommée Eiffel industrie, ci-après dénommée pour les besoins du litige, Eiffel, est une société du groupe Eiffage, née du rapprochement fin 2009 de différentes sociétés du groupe, dont la société Camom. Elle est spécialisée dans le domaine de la mécanique, la tuyauterie et la chaudronnerie lourde.

La SA Naval group, anciennement SA Dcns, ci-après dénommée pour les besoins du litige Dcns, est spécialisée dans la conception, la construction et les opérations d'entretien ou de modernisation des navires militaires, à destination de la marine nationale et des marines étrangères.

Eiffel a été retenue par Dcns, à la suite d'un appel d'offre lancé fin 2008, dans le cadre d'un programme de construction de 12 frégates Fremm, pour l'exécution de prestations de montage de tuyauterie classique et thermoplastique.

Plusieurs contrats à durée déterminée ont été conclus, chacun assorti de tranches fermes et optionnelles ; un premier contrat cadre conclu le 1er septembre 2009 n° 5175144 concernant les frégates Fremm 1 et 2 a été par la suite étendu à la frégate Fremm 3.

Les difficultés rencontrées par Eiffel lors de l'exécution du premier contrat-cadre, ont donné lieu à un accord d'indemnisation signé le 28 mars 2011 avec Dcns accordant à la société prestataire une somme de 480 000 euros à titre de dédommagement exceptionnel pour les difficultés rencontrées sur Fremm 1 sous forme de bon de commande n° 5287379.

Un nouveau contrat cadre n° 5368344 dans sa version éditée le 28 mars 2008, a été conclu le 18 juin 2012 concernant les frégates Fremm 4, 5 et 6. Le préambule du contrat cadre énonce qu''aux fins de construction des frégates Fremm, Naval Group souhaite confier dans le cadre du présent contrat composé d'une tranche ferme pour une (1) frégate et cinq( 5) tranches optionnelles, la réalisation des prestations à la société Clemessy Services ci-après dénommée le Prestataire.'

Lors de la mise en œuvre du 2ème contrat cadre, Eiffel a émis de nouvelles réclamations par lettres du 5 juin 2013, du 21 mai 2014 et du 9 octobre 2014 couvrant les périodes de septembre 2012 à septembre 2014 concernant les frégates 4, 5 et 6.

La lettre du 5 juin 2013 dénonçait des dysfonctionnements affectants :

- les lignes de produits repères (LPR) non disponibles ou non conformes.

- les livraisons incomplètes et/ou non conformes.

- le rallongement des délais de livraison entraînant des modifications incessantes de planification et de l'ordre de montage.

- l'absence de livraison sur ASM05 pendant plusieurs semaines en raison d'un problème d'amiante dans la zone de stockage des tronçons de la PLC et la démobilisation et remobilisation du personnel.

Eiffage annexait à cette lettre les échanges de mails avec les interlocuteurs de Dcns et formait une réclamation à hauteur de 238 000 euros pour ASM04 et 105 000 euros pour ASM05.

La lettre du 21 mai 2014 couvrant la période postérieure du mois de juillet 2013 au mois d'avril 2013, élevait une réclamation supplémentaire à hauteur de 301 268,91 euros concernant les pertes financières détaillées mois par mois liées au déplacement dans les différents lieux de montage, du matériel nécessaire au montage et au coût de non-productivité associé.

La lettre du 9 octobre 2014, reprenant l'ensemble des points évoqués dans les deux précédentes réclamations récapitulait les préjudices ainsi :

1- passif cumulé jusqu'en avril 2014 : 644 268 euros.

2- passif cumulé de mai 2014 à septembre 2014 correspondant aux attachements présentés de manière hebdomadaire : 80 620 euros.

3- préjudices complémentaires

- défaut de commande sur LPR : 101 138 euros.

- travaux supplémentaires non traduits en commande : 14 871 euros.

- travaux en fond de forme : 26 852 euros.

- dégressivité : 68 451 euros.

- travaux supplémentaires sur buses flexibles et manchons coupleurs : 91 289 euros.

- staff supplémentaire sur gestion des dysfonctionnements : 583 200 euros.

- aléas présentés non régularisés : 52 635 euros.

Eiffage réclamait ainsi une somme globale de 1 663 324 euros outre 160 000 euros au titre des frais financiers.

A la demande de Dcns, ensuite de la réunion organisée le 3 novembre 2014, Eiffel transmettait à cette dernière le 28 novembre 2014 une synthèse de tous les éléments étayant ses demandes de compensation.

Par courrier du 5 mars 2015 Dcns mettait en avant 'les non-conformités récurrentes de responsabilité d'Eiffel', l'augmentation inexplicable en l'espace de quelques mois du montant de la réclamation, son refus d'indemnisation des pertes énoncées dans le courrier du 23 mai 2014, le caractère disproportionné de la réclamation au regard des dysfonctionnements constatés, soulignant que certaines réclamations portent sur des prestations déjà intégrées dans les barèmes et ne sont pas indemnisables, notamment pour les travaux supplémentaires affectés au montage des buses, flexibles et manchons coupleurs, le caractère non recevable des pertes de productivité résultant 'de non-conformités de responsabilité d' Eiffel', son incompréhension quant au poste Staff supplémentaire gestion des dysfonctionnements, et les réclamations en double présentées au titre des prestations réalisées lors du premier contrat cadre ASM01 et ASM02.

Acceptant d'analyser 5 des 7 postes mais relevant la défaillance d'Eiffel dans les prestations de montage de buses et manchons coupleurs sur la frégate Asmos, l'obligation de Dcns de se substituer à Eiffel dont elle évaluait l'impact financier à 13 516 euros, y ajoutant une facture impayée de 34 888 euros HT correspondant à un écart contractuel ayant eu pour conséquence une pollution du réseau, Dcns offrait d'indemniser Eiffage à hauteur de 61 687 euros.

Eiffel répondait le 26 mars 2015 que cette somme non détaillée était largement insuffisante pour couvrir son préjudice global et avant de se prononcer, demandait l'indemnisation du préjudice subi du fait des défaillances de Dcns dans l'exécution des commandes de montage de tuyauterie sur les frégates multi-missions n° 4 à 6. Eiffel s'interrogeait également sur la pertinence de son engagement auprès de Dcns sur le site de [Localité 4] pour ses projets actuels et à venir.

Dcns opposait que les éléments d'indemnisation afférents à la Fremm 3 auraient dû être présentés plus tôt particulièrement lors de l'accord de revalorisation des barèmes pour les Fremm 1 à 3, le montant total sollicité étant incompréhensible, les courriels invoqués n'étant pas de nature à documenter les surcoûts réclamés et les propositions de calcul n'ayant pas de sens d'un point de vue contractuel, Eiffel entendant faire prévaloir un ratio d'indemnisation non aligné sur l'assiette contractuelle. Dcns s'étonnait également de l'argument nouveau selon lequel Eiffel aurait été affectée sur des travaux dans des zones géographiques difficiles alors qu'aucune zone ne lui était contractuellement attribuée par le contrat.

Eiffel répondait le 8 juillet 2015 qu'elle avait dû intégrer à sa troisième réclamation des éléments relatifs aux Fremm 1 à 3 car il lui avait fallu du temps pour analyser son préjudice s'agissant de former une réclamation et non de régulariser des commandes.

Elle rappelait que la Fremm 3 avait, aux dires de Dcns, « permis de franchir un cap et de mettre en place le contrat Fremm série qui devait s'appuyer en théorie sur le retour d'expérience des 3 premiers navires » or elle avait observé en réalité ' n'avoir jamais été mise en position de relever le pari de productivité ambitieux négocié avec Dcns' alors qu'il était de l'essence même du contrat Fremm série de reproduire de la façon la plus fidèle ce qui avait été réalisé sur les ouvrages précédents. Eiffel rappelait avoir, lors des points mensuels, systématiquement alerté Dcns sur les problématiques litigieuses à la fois par courriels et lors des réunions, avoir consigné la mobilisation des équipes dans les comptes rendus de chantier, réfutant le fait que les travaux de pré-armement à [Localité 3] aient pu compenser les changements d'affectation de zones s'agissant d'une commande spécifique et que si un lot technique a été retiré à Eiffel d'autres ont été ajoutés.

Elle affirmait que :

- la reconnaissance que le changement de l'outil informatique de Dcns avait généré 10 % de perturbation est inférieur à la réalité.

- s'agissant des pré-requis, les alertes et questions avaient été transmis à Dcns en temps utile.

- sur la complétude des LPR, le non-engagement de 100 % de disponibilité ne permettait pas d'admettre les 90 % d'écart constaté sur le terrain.

- les demandes d'échafaudage avaient bien été formulées en temps et heure.

- les barèmes intègrent le coût du management dès lors que la réalisation et les conditions de chantier sont conformes à la description du client lors de la négociation de la commande or, ce qui a été considéré comme étant à la charge d'Eiffel a été valorisé à 0.

- la responsabilité originelle des écarts peut être débattue tandis que ce qui est décrit par Dcns ne permet pas terme de volume d'expliquer et justifier le besoin de renforcement d'Eiffel.

Un nouvel appel d'offres a été lancé en février 2015 pour la suite du programme Fremm (7 et suivants) auquel Clemmessy services, après avoir demandé à bénéficier d'un report de la date d'échéance, report qui a été accepté, n'a que partiellement répondu.

Eiffel a quitté le chantier début février 2016, sans avoir terminé l'ensemble des commandes qui lui avaient été passées. Un procès-verbal du "reste à faire" a été établi contradictoirement le 26 avril 2016.

Par exploit délivré le 18 février 2016, la société Clemessy services a attrait la société Naval group devant le tribunal de commerce de Paris en réparation des préjudices subis au cours de l'exécution des marchés Fremm et du fait de la rupture brutale des relations commerciales outre les intérêts à compter de l'assignation, la capitalisation des intérêts et les frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire du 18 février 2019, le tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes :

« Condamne la SA Naval group anciennement dénommée SA Dcns à payer à la SAS Clemessy services anciennement dénommée SAS Eiffel industrie la somme de 214 246, 13 euros au titre de la réparation du préjudice matériel, avec intérêt au taux légal à compter du jour de l'assignation, et que (sic) les intérêts seront capitalisés après une année conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil,

Déboute la SAS Clemessy services anciennement dénommée SAS Eiffel industrie de sa demande de la somme de 196 659,32 euros au titre de la réparation du préjudice financier,

Déboute la SAS Clemessy services anciennement dénommée SAS Eiffel industrie de sa demande de la somme de 1 793 819, 86 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales,

Déboute la SA Naval group anciennement dénommée SA Dcns de sa demande de la somme de 183 636, 06 euros de dommages et intérêts au titre de la violation par le demandeur des dispositions de l'article L. 442-6, para. 1. et 4 du code de commerce,

Déboute la SA Naval group anciennement dénommée SA Dcns de sa demande de la somme de 180 000 euros de dommages et intérêts, au titre de la violation par le demandeur des dispositions de l'article L. 442-6, para. 5 du code de commerce (à titre principal), ou à raison de la résiliation unilatérale et fautive du contrat par le demandeur sans préavis donné à son cocontractant (à titre subsidiaire), ou à raison de l'inexécution par cette dernière de ses obligations justifiant la résolution judiciaire du contrat à ses torts exclusifs (à titre infiniment subsidiaire),

Condamne la SAS Clemessy services anciennement dénommée SAS Eiffel Industrie à payer à la SA Naval group anciennement dénommée SA Dncs la somme de 67 689, 93 euros TTC, outre les intérêts au taux de trois fois l'intérêt légal à compter de la date d'exigibilité des factures figurant en pièce Dcns n° 43 et l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros, pour chacune de ces 6 factures, soit la somme de 240 euros,

Déboute la SA Naval group anciennement dénommée SA Dcns de sa demande de la somme de 171 894, 15 euros pour les prestations de tiers et de 95 400 euros TTC pour le coût de la main d'œuvre au titre des conséquences des sinistres survenus sur la Fremm Auvergne,

Déboute la SA Naval group anciennement dénommée SA Dcns de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de la somme de 150 000 euros, au titre de l'absence de bonne foi de la SAS Clemessy services anciennement dénommée SAS Eiffel industrie dans l'exécution du contrat et dans l'exercice de son droit d'agir en justice,

Déboute la SA Naval group anciennement dénommée SA Dcns de sa demande de la somme de 10 000 euros au titre de la faute de la SAS Clemessy services anciennement dénommée SA Dcns et celles demandées à la SAS Clemessy services anciennement dénommée SAS Eiffel industrie,

Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision nonobstant appel et sans caution,

Condamne la SA Naval group anciennement dénommée SA Dcns aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82, 44 euros dont 13,52 euros de TVA. »

Par déclaration en date du 1er avril 2019, la SAS Eiffage Energie systèmes - Clemessy services a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour d'appel de Paris la SA Naval group.

Dans ses conclusions en date du 26 octobre 2022, la SAS Eiffage Energie systèmes - Clemessy services demande à la cour de :

Constater l'échec de la tentative de médiation entre les parties, et, reprenant l'instance :

Juger recevable et bien fondée l'action de la société Clemessy services à l'encontre de la société Naval group ;

En conséquence réformer partiellement le jugement dont appel et statuant à nouveau des chefs critiqués, condamner la société Naval group,

- 1° au titre du préjudice subi au cours de l'exécution des marchés Fremm,

À payer à la société Clemessy services une somme de 1 571 859,28 euros au titre de la réparation du préjudice matériel,

À payer à la société Clemessy services une somme de 196 659,32 euros au titre de la réparation du préjudice financier consécutif à actualiser au jour de la décision à intervenir,

- 2° au titre du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales,

À payer à la société Clemessy services une somme de 1 793 819,86 euros ,

- dire que toutes ces sommes porteront intérêt à compter du jour de l'assignation et que les intérêts seront capitalisés après une année conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil ;

- condamner la société Naval group à payer à Clemessy services une somme de 40 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance,

- condamner la société Naval group à payer à Clemessy services une somme 15 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause,

- Dire irrecevables ou mal fondées l'ensemble des demandes reconventionnelles de la société Naval group et en conséquence la débouter de son appel incident et de ses toutes demandes, moyens, fins et conclusions à ce titre,

- Débouter la société Naval group de toutes autres demandes, fins moyens et conclusions,

- Subsidiairement, au cas où la cour ordonnerait une expertise pour trancher la question du recours à la garantie de Clemessy services sur l'événement du 17 décembre 2018, la cour ordonnerait la mise à la charge exclusive de Naval group des coûts relatifs à cette expertise.

- Condamner la société Naval group à payer les entiers dépens de première instance et d'appel et pour ces derniers, distraction au profit de la SELARL Ingold & Thomas, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions signifiées le 7 novembre 2022, la SA Naval group demande à la cour de :

1. Déclarer l'absence d'une quelconque rupture brutale de la relation commerciale par Naval group, en l'absence de relation commerciale établie et en l'absence de rupture de la relation par Naval group et déclarer à l'inverse l'abandon de chantier par Clemessy services, ainsi que la menace d'abandon de chantier qui l'a précédée, et en cela confirmer les termes du jugement du tribunal de commerce de Paris, du 18 février 2019 ;

En conséquence,

Juger que Clemessy services a engagé sa responsabilité en tentant d'obtenir, y compris sous la menace d'un abandon de chantier, un avantage ne correspondant à aucun service effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, puis ne parvenant pas à ses fins, en abandonnant le chantier, sans préavis donné à son cocontractant, violant à cette occasion les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce et à ce titre :

- Condamner la société Clemessy services à devoir payer à Naval group la somme de 183 636,06 euros, à titre de dommages et intérêts, à raison de la violation par Clemessy services des dispositions de l'article L. 442-6, para. 1° et 4° du code de commerce, infirmant en cela le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 février 2019 ;

- Condamner, Clemessy services à devoir payer à Naval group la somme de 180 000 euros, à titre de dommages et intérêts, à raison de la violation par Clemessy services des dispositions de l'article L. 442-6, para. 5° du code de commerce (à titre principal), ou à raison de la résiliation unilatérale et fautive du contrat par Clemessy services, sans préavis donné à son cocontractant (à titre subsidiaire), ou à raison de l'inexécution par cette dernière de ses obligations justifiant la résolution judiciaire du contrat à ses torts exclusifs (infiniment subsidiaire), infirmant en cela le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 février 2019 ;

2. Dire et juger que Clemessy services a engagé sa responsabilité contractuelle au titre de divers manquements et malfaçons contractuels et la condamner à ce titre à devoir payer à Naval group à la somme de 185 732,93 euros TTC, outre les intérêts légaux (3 x taux légal, à compter de la date d'exigibilité des factures figurant en pièce Dcns n° 43) et l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros, pour chacune de ces factures (sauf à parfaire), infirmant en cela partiellement le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 février 2019 qui n'a pas fait droit à ses demandes indemnitaires en relation avec les commandes non achevées au moment de l'abandon de chantier pour un montant de 121 043 euros TTC ;

3. Dire et juger (i) que Clemessy services doit sa garantie contractuelle à Naval group s'agissant des conséquences du sinistre survenu sur la Fremm Auvergne, (ii) que Naval group était fondé à faire réaliser les réparations rendues nécessaires du fait de ce sinistre, aux frais et risques de Clemessy services et (iii) qu'elle est à présent fondée, au titre de la garantie contractuelle stipulée à l'article 16.2 du Contrat, à obtenir le complet remboursement par Clemessy services des sommes avancées par ses soins à cette occasion, condamner en conséquence Clemessy services au paiement de la somme de 171 894,15 euros TTC pour ce qui est des prestations de tiers et de 95 400 euros TTC pour le coût de main d'œuvre exposé par Naval group à cette occasion, infirmant en cela le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 février 2019.

4. Déclarer et juger prescrites, forcloses et/ou infondées au regard des dispositions contractuelles liant les parties, les demandes formulées par Clemessy services au terme de ses réclamations respectivement en date des 23 juin 2013, 21 mai 2014 et 09 octobre 2014 et de ses demandes plus amples et complémentaires résultant de ses écritures, infirmant en cela partiellement le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 février 2019, notamment en ce qu'il a fait droit à diverses demandes de Clemessy services pour un montant total de 214 246,13 euros ;

5. Débouter les demandes plus amples et complémentaires de Clemessy services, notamment au titre de la demande d'indemnisation en relation avec une prétendue rupture brutale de la relation commerciale alléguée par cette dernière, confirmant en cela le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 février 2019 ;

6. Déclarer et juger que Clemessy services a manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat et dans l'exercice de son droit d'agir en justice et la condamner à ce titre à devoir payer à Naval group la somme de 150 000 euros, par application combinée de l'article 1134 du code civil (ancienne rédaction) et de l'article 32-1 du code de procédure civile, infirmant en cela le jugement du tribunal de commerce du 18 février 2019 ;

7. Déclarer et juger que Clemessy services a commis une faute dans l'exercice de son droit d'agir en justice et la condamner à ce titre à devoir payer au trésor public la somme de 10 000 euros, en application de l'article 32-1 du code de procédure civile, infirmant en cela le jugement du tribunal de commerce du 18 février 2019 ;

8. Condamner Clemessy services à devoir payer à Naval group la somme de 100 000 euros, au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, au fondement l'article 700 du code de procédure civile et à devoir prendre en charge les entiers dépens, infirmant en cela le jugement du tribunal de commerce du 18 février 2019 ;

9. Déclarer et juger que toutes les sommes ci-dessus porteront intérêt à compter du 15 septembre 2017, date de la régularisation par Naval group de ses demandes reconventionnelles, avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1153 du code civil (ancienne rédaction), infirmant en cela le jugement du tribunal de commerce du 18 février 2019.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 8 novembre 2022.

SUR QUOI,

LA COUR

I L'appel principal

1- La recevabilité de l'action de la société Clemessy Services (Eiffel)

1-1 A raison de la prescription de l'action

Le tribunal a jugé que compte tenu de la complexité de ce moyen soulevé tardivement par le défendeur, le demandeur n'a pas été à même d'y apporter une réponse circonstanciée et que dès lors, le principe du contradictoire n'ayant pas été respecté, ce moyen doit être écarté.

La société Naval group (Dcns) soutient qu'ayant annoncé à Eiffel Industrie son intention de se prévaloir de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'article L. 110-4 du code de commerce en amont de l'audience de plaidoiries par courrier du 22 novembre 2018 et de la clôture des débats, sa demande était présentée dans un délai compatible avec l'exercice du contradictoire et se trouve recevable au sens des dispositions de l'article 123 du Code de procédure civile.

Au rappel de la renonciation des demandes de la société Clemessy Services au titre des Fremm 1 à 3, celle-ci se rangeant selon l'appelante à l'avis du tribunal de commerce qui a considéré que les réclamations afférentes aux trois premiers navires ont déjà fait l'objet d'un accord d'indemnisation, la société Naval group, au visa de l'article L. 110-4 du Code de commerce demande à la cour de juger que :

- les prestations de Clemessy services en relation avec la Fremm 4 ont été livrées, réceptionnées et payées au plus tard le 26 décembre 2014 soit plus d'une année avant l'introduction de la présente instance le 16 février 2016 et sont donc prescrites ;

- les prestations en relation avec la Frem 5 n'ont pas été achevées par Clemessy services concernant les épreuves, seuls les travaux de montage étant terminés tandis que les réclamations de Clemessy services portent sur la période de mai 2012 à septembre 2014 antérieure à l'achèvement de la prestation de montage constatée contradictoirement le 31 mars 2015, Naval group ayant dû, pour le "reste à faire", se substituer à Clemessy services ce dont elle infère que c'est à la date du 29 janvier 2015 qu'il convient de se placer pour le point de départ de la prescription, "toute autre solution conduisant à permettre à Eiffel de se prévaloir de ses retards pour échapper à la prescription".

La société Clemessy services (Eiffel) oppose, au rappel des articles 2 et 14-1 du contrat cadre, qu'aucun procès-verbal de réception définitive n'a été établi conformément aux dispositions contractuelles pour l'ensemble des travaux et prestations effectués pour les frégates n° 4,5 et 6 cependant que le prétendu transfert de propriété progressif des travaux ne vaut pas réception quand le critère de propriété est d'autant moins pertinent dès lors que, sauf exceptions très minoritaires, la totalité des matières et fournitures utilisées par le Prestataire sont des fournitures de Naval group et sont déjà sa propriété. Elle souligne également que la réception finale des frégates par le client, en l'occurrence le Gouvernement pour lequel la frégate est construite, n'est pas opposable dans la relation contractuelle qui lie les parties cependant qu'en tout état de cause les dates de réception des frégates 4,5 et 6 s'échelonnant entre le mois de juin 2015, mars 2016 et avril 2017 l'assignation délivrée le 18 février 2016 a valablement interrompu la prescription.

Réponse de la cour,

Selon les dispositions de l'article L. 110-4 du Code de commerce dans sa version en vigueur depuis le 17 juin 2013, applicable au litige :

I.-Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

II.-Sont prescrites toutes actions en paiement :

1° Pour nourriture fournie aux matelots par l'ordre du capitaine, un an après la livraison ;

2° Pour fourniture de matériaux et autres choses nécessaires aux constructions, équipements et avitaillements du navire, un an après ces fournitures faites ;

3° Pour ouvrages faits, un an après la réception des ouvrages.

L'objet des prestations commandées à la société Clemessy services pour les frégates 4,5 et 6 est défini à l'article 3 Objet du contrat cadre n° 5368344 signé le 18 juin 2012 comme une 'prestation de montage de tuyauterie, classique et titane d'une part, thermoplastique d'autre part.

Selon le type de tuyauterie chaque contrat comporte une tranche ferme commandée dès la signature du contrat et plusieurs tranches optionnelles définies en annexe 3.

Ces prestations correspondent donc à la réalisation d'un ouvrage au sens de 3° de ce texte, le point de départ de la prescription annale courant donc à compter de la réception de l'ouvrage.

Selon les dispositions de l'article 14 du contrat cadre :

Réception

14-1 Généralités

1- DCNS dispose d'un délai de 30 jours à compter du jalon contractuel concerné pour émettre, le cas échéant, des réserves sur les vices apparents ou en cas de non-conformités des fournitures ou des prestations. A l'expiration de ce délai DCNS peut être mis en demeure par le Prestataire de procéder aux opérations de réception. Toute réception définitive n'est prononcée qu'après signature par DCNS du dernier des procès-verbaux de réception définitive et sans réserve selon le modèle joint en annexe 5.

En cas de non-conformité, DCNS peut de plein droit et à sa seule discrétion, soit émettre des réserves sur la partie des prestations qui lui apparaît non conforme, soit ajourner les opérations de réception, soit rejeter la totalité des fournitures ou des prestations non conformes, le tout sans préjudice du droit de DCNS d'exiger la rupture des accords contractuels aux torts du Prestataire ainsi que le paiement de pénalités de retard et/ou de dommages et intérêts.'

La réception de travaux de réparation navale est l'acte par lequel celui qui les a commandés les accepte, avec ou sans réserves cependant que la formulation de la clause article 14-1-1 sous-tend que les parties ont entendu soumettre la réception définitive à la signature d'un procès-verbal or, en l'espèce, aucun procès-verbal de réception définitive signée par Eiffel n'est communiqué, les deux parties produisant un état des lieux contradictoire des commandes non soldées' établi le 26 avril 2016 en présence des représentants de la société Eiffage Industrie, Monsieur [K] [Z] et Monsieur [X] [G], par référence au contrat cadre n° 5368344, à la commande ponctuelle sur CGA n° 6203138 du 3 mars 2015 ainsi qu'à la commande PSIM GWD Egypte n°6224638, signé par Dcns seule.

Cet état des lieux fait référence aux procès-verbaux de réception intermédiaires, validant l'accord de Dcns, au vu des paiements associés, pour l'émission d'un procès-verbal de réception et des factures correspondantes pour solder les postes suivants :

A- ASM06 : commandes 6179487, 6139953, 6056485 et 6197288 et 6183710 correspondants  aux prestations de montage et épreuves associées, prestations thermoplastiques, montage et protection, pour les commandes 6126509, 618865, 66223063, 6180919, 6121664, 6145880, 6184506, 6133105, 617743.

B-ASM07 : commande 6203138 (R06H).

Cependant aucun procès-verbal de réception définitive signé contradictoirement par les parties n'est produit de sorte que le délai annal de l'article L. 110-4 n'ayant pas commencé à courir, l'action en paiement diligentée des chefs visés dans les bons de commande précités n'était pas prescrite à la date de l'assignation délivrée le 18 février 2016.

S'agissant des autres commandes :

- commande 6202590 et 629739 du poste ASMS06, l'état des lieux mentionne une "absence totale d'exécution."

- pour le poste 1 R03H du poste ASM07 l'état des lieux mentionne un 'désaccord sur l'étendue de l'exécution de la prestation'

- pour le poste GWD Egypte l'état des lieux indique une "non-réalisation par EI du circuit inox et un défaut de montage sur la réalisation du circuit acier."

Partant le délai d'exercice de l'action annale, en l'absence de réception définitive actée par un procès-verbal signé, n'a là encore pas commencé à courir.

Il s'en suit que l'action en paiement pour les ouvrages faits, engagée par la société Clemessy Services (Eiffel) ensuite des réclamations relatives aux Fremm 4,5 et 6 adressées par courriers du 5 juin 2013, 21 mai 2014 et 9 octobre 2014 n'est pas prescrite et que celle-ci est recevable à agir en paiement à l'encontre du donneur d'ordre la société Naval groupe.

1-2 A raison de la forclusion des réclamations

Le tribunal a jugé, au visa de l'article 10.6 du Contrat cadre relatif aux heures perdues, que la plupart des problèmes rencontrés ont été signalés par courriels dans des délais très courts ou ont été évoqués lors de points hebdomadaires ou mensuels sur le chantier et qu'il n'y a eu aucune novation dans la manière de traiter les problèmes entre les premières et dernières frégates de sorte le moyen tiré de la forclusion est inopérant.

La société Naval group (Dcns) soutient au visa de l'article 10-6 du Contrat cadre que la disposition imposant au Prestataire de former sa demande d'indemnisation dans la semaine n'a pas été respectée par Eiffel de sorte que celle-ci est forclose en ses demandes relatives aux heures perdues.

Réponse de la cour,

L'article 10-6 du Contrat cadre énonce : « Si en raison d'un arrêt des travaux d'au moins une heure consécutive résultant d'une faute exclusive et dûment prouvée de Dcns, le Prestataire justifie avoir subi un préjudice, il est expressément convenu entre les parties que le Prestataire est en droit de réclamer l'indemnisation du préjudice subi dûment justifiée seulement pour les travaux commandés sur barème et sans que ladite indemnisation puisse excéder le prix horaire prévu dans le tableau du prix. La demande d'indemnisation doit obligatoirement être faite par le Prestataire dans la semaine suivant le préjudice sous peine de forclusion.

Si l'arrêt des travaux est d'une durée moindre à une heure consécutive ou résulte d'aléas normaux du chantier le prestataire ne peut exercer aucun recours contre Dcns. »

Ces dispositions fixent le point de départ du délai de forclusion de 8 jours à la date du préjudice et non du dommage ce qui sous-tend que le délai ne court qu'à compter du jour où le Prestataire dispose de la pleine connaissance des éléments lui permettant d'évaluer les conséquences du dommage.

Les huit cents courriels produits font la preuve qu'Eiffel a signalé de manière systématique à Dcns chacun des points bloquants et des dysfonctionnements affectant les lignes de produits repères, au fur et à mesure de leur révélation, cependant que les lettres de réclamation ont été adressées par Eiffel le 5 juin 2013, le 21 mai 2014 et le 9 octobre 2014 ensuite de l'analyse de tous ces éléments lui permettant d'établir son préjudice et ce conformément à la clause article 10.6.

Il en résulte qu'aucune forclusion n'est encourue par Eiffel du chef de l'article 10-6 du contrat cadre et que son action est recevable.

2- Le bien-fondé de l'action en paiement de la société Clemessy Services (Eiffel)

2-1 la réclamation au titre des Lignes de Produits Repère (LPR)

Le tribunal a jugé que les documents contractuels ne définissent pas de manière précise les limites acceptables en matière de taux de Lignes de Produits Repères (LPR), voire la nature des défaillances et que dès lors le moyen relatif au taux de défaillance doit être écarté faute de précision sur ce point.

Il a estimé non justifiée :

- la durée de temps allégué comme perdu du fait des défaillances relatives à l'inexistence des LPR pour le montant demandé de 3 430 euros et de leur non-conformité pour un montant demandé de 13 720 euros.

- l'indisponibilité liée au problème de l'amiante pour le montant demandé de 1 575 euros.

- la réalité du temps perdu en lien avec l'indisponibilité des LPR pour le montant réclamé de 209 230 euros.

- la défaillance de Naval Group dans la mise à disposition des LPR à bord pour un montant de 6 860 euros au regard du tableau des aléas intégré dans les barèmes de prix.

- le rallongement des délais de livraison celui-ci n'ayant pas été contractualisé.

- les coûts supplémentaires liés à la nécessité pour Eiffel de s'approvisionner en magasins pour le montant demandé de 301 268,93 euros au regard des aléas intégrés dans la demande de prix et de la non justification des heures réclamées.

Il a estimé justifiée dans la limite de 9 831,85 euros la demande formée par Eiffel tendant aux montages supplémentaires faits sur les LPR.

La société Naval group (Dcns) au soutien de l'infirmation partielle du jugement fait valoir que les difficultés invoquées par Eiffel sont exclusivement liées aux retards et aux non conformités relevées dans les compte rendus de chantier à partir du 5 juillet 2013, au regard du nombre important de fiches d'écart contractuels faisant la preuve de la dégradation de la qualité des prestations fournies tandis que les contrôles menés auprès de la plateforme logistique et du magasin de proximité, mettaient en lumière "des incohérences troublantes s'agissant de la justification de l'incomplétude des LPR puisque sur un échantillon donné, 80 % des déplacements des personnels d'Eiffel n'était pas justifié."

Elle soutient qu'Eiffel, dans sa réclamation du 21 mai 2014, a gonflé artificiellement ses demandes en appliquant un forfait de temps de 3 heures pour récupérer à l'atelier chaque RP manquant au sein des LPR alors que 20 mn sont habituellement comptabilisées.

Elle rappelle en tout état de cause que les aléas dont se prévaut Eiffel ont été intégrés dans le champs contractuel et qu'Eiffel est tenue d'une obligation de résultat, les prestations dont elle demande à être indemnisée étant incluses dans le barème des prix et la rendant irrecevable en ses réclamations.

Réponse de la cour,

Selon les dispositions des articles suivant du Code civil dans leur version antérieure à l'Ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige :

- Article 1315 : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »

- Article 1147 : « Le débiteur est condamné s'il y a lieu au payement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation soit à raison du retard dans l'exécution toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée encore qu'il n'y ait eu aucune mauvaise foi de sa part.

- Article 1149 : « Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général de la perte faite et du gain dont il a été privé (') »

- Article 1150 : « Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus au contrat lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée. »

Le cahier des charges des travaux de montage de tuyauterie Projet de frégates Fremm signé des parties et annexé au Contrat cadre, décrit les travaux de montage de tuyauterie réalisés sur les ouvrages dont la construction est confiée à Dcns.

Les lots de montage (LM) sont définis dans le glossaire comme le Regroupement de Lots entiers de Préparation (LPR) dénommé également plus haut par les parties, Lignes de Produits Repères, montables et disponibles pour une tâche de montage. Chaque lot regroupe des produits, leurs documents et les contrôles associés, il est spécifique à l'exemplaire (non réutilisable), lié à une tâche ordonnancée de montage et décrit comme étant constitué d'après l'analyse de disponibilité et de montabilité.

La Préfabrication est définie comme la mise en forme réalisée sur le tronçon ( tuyauterie ou ventilation) avant mise à disposition au monteur quel que soit le degré de finition.

Les Prestations désignent tout ou partie des travaux et services de toute nature à la charge du Fournisseur au titre d'une commande.

Le Cahier des charges prévoit :

Article 5-1 : « le Fournisseur réalise des opérations exécutées directement à bord et dans les ateliers de soutien des chantiers pour ce qui concerne : les lignes de tuyauterie, les lignes de ventilation, les matériels et accessoires intégrés aux lignes et réseaux récités, les opérations de soudage. »

Article 5.1.2.2.1 : « les opérations de montage sont couvertes par des lignes de barème.

Lequel varie selon le diamètre de la ligne de tuyauterie : celles dont le diamètre est inférieur à 15 sont confectionnées par le Fournisseur, Eiffel, celles dont le diamètre est supérieur ou égal à 15 sont préfabriquées par tronçon en atelier Dcns. »

Les opérations élémentaires à réaliser pour les lignes de tuyauterie pour chaque phase ainsi que les éléments de liaison sont décrites dans un tableau au bas duquel il est noté (page 13/41) que : « les opérations suivantes sont comprises dans les lignes de barème de montage comme étant à la charge du fournisseur Eiffel :

- réalisation de l'épreuve d'étanchéité à l'air,

- réalisation de l'épreuve de résistance sur les tronçons de réglage des lots de montage à hauteur de 20 % des tronçons sur l'ensemble du marché,

-présence lors des épreuves d'étanchéité et/ou de résistance lors des mises en service

- une décomposition par tronçon et par ligne de barème est demandée au fournisseur.

Les opérations supplémentaires suivantes non comprises dans les prix unitaires forfaitaires de montage feront l'objet de travaux payés forfaitairement. Le forfait sera fonction des lignes de barème et des plages de longueur pour la réalisation des épreuves de résistance et/ou d'étanchéité(...) »

Article 5.1.2.2.3 Spécificités tuyauterie : « Les extrémités de chaque tronçon des tuyaux sont classées en 3 catégories MA (monté définitivement par Dcns) MB 0 et MB montés à bord par le Fournisseur. Les lignes de ventilation sont couvertes par les lignes de barème et le prix proposé dans chacune des lignes de barème correspond uniquement à la réalisation de l'opération concernée, les opérations élémentaires à réaliser étant décrites dans l'Annexe 1. »

L'article 5.1.3 décrit une exigence particulière relative à l'éventualité d'une commande par Dcns « dans le cas d'un changement de politique industrielle, de lots forfaitaires correspondant au montage de tuyauteries à l'intérieur d'une tranche pont ou d'une macro-zone. Le chiffrage des lots sera basé sur les barèmes de prix du présent contrat. Ils seront pondérés par un coefficient en fonction de la spécificité de la zone concernée et du niveau d'aléas à intégrer. »

L'article au 5.1.4 pour le lot forfaitaire se déroulant à [Localité 3] précise : ' Les conditions de montage pré-armement tuyauterie réalisées par le Fournisseur à [Localité 3] ont les spécificités suivantes.

Dcns prend à sa charge les tâches de préparation suivantes :

- sortie des plans de montage, isométriques, nomenclature de montage RP et accessoires, vues product view, classeur de contrôle.

- vérification des pré-requis vision macro : jusqu'à une semaine avant le début de la phase de montage chaud du domaine Dcns [Localité 3] et après cette date, du domaine Fournisseur.

- rédaction et suivi des FA, aléas.

Aspect soudage ( centralisation des fiches de suivi des soudures, renseignement du fichier informatique de suivi, échanges avec SCCS.

- soutien à la production ( vues, modèles, GIR).

L'article 5-2 Limite de Responsabilité et de Fourniture met à la charge de Dcns « les traitements, peinture, contrôle soudure et les pitonnages de manutention et à la charge du Fournisseur, outre la réalisation des travaux de tuyauterie et de ventilation définis par les bons de commande, la préparation du poste de travail, la propreté et la protection du matériel. »

L'article 5.2.2 précise que : « les prestations sont réalisées à partir des données fournies par Dcns document de référence applicable, informations disponibles dans l'outil Etrave, documents relatifs à SSTE : le Fournisseur a la charge de vérifier l'exhaustivité des éléments du dossier de référence et des bases de données. Il dispose de 5 jours ouvrables pour examiner ces données d'entrée. En cas de doute ou de contradiction pouvant résulter de la mise en application de ces documents, il est de sa responsabilité de s'informer auprès de Dcns [Localité 4] des suites à donner. Passé ce délai et faute d'avoir signalé avant l'expiration de celui-ci une quelconque erreur, anomalie ou imprécision, il ne pourra par la suite faire valoir des demandes de suppléments en raison d'erreurs ou incorrections dans les documents d'entrée remis par Dcns. Pour toute question ou demande recevable, Dcns donne sa réponse et les documents nécessaires dans un délai de 5 jours ouvrables. Il est de la responsabilité du Fournisseur de s'assurer que les documents avec lesquels il travaille sont à jour (dernier indice).

Sauf cas particuliers, Dcns ne prévoit pas la transmission des documents sur support papier mais, un exemplaire sur support informatique en français et en anglais ou éventuellement par courriel.

La base de données Etrave sera consultable, elle indiquera notamment :

- la commande de montage scindé en lots de montage sera constituée d'une liste de repères produits et lots de préparation

-les éléments sur les matériels ( nomenclature, listes de confections internes...)

- délimitation du travail, fiches d'opérations, liste d'outillages, documents à utiliser, lans métier

- documents de référence, fiche de modification

- plan de montage

- isométrique par RP

- infos techniques et dimensionnelles si pars ISO ( ex : vannes, appareils)

- infos de contrôle à effectuer (épreuves, radios, CRCM...)

- les éléments d'attestation de la conformité et de la réalisation ( fin de tâche)

5.3 Données de sortie (...)

Selon l'article 6 Matériels de fourniture : Dcns a la charge de la fourniture de la totalité des matériels à monter ainsi que les produits d'apport de soudage, les joints et les produits d'étanchéité.'

La Gestion des aléas est prévue par l'article 7.3.3.

Les aléas normaux de chantier indépendamment de la durée de l'évènement de chantier pouvant survenir sont donnés à titre d'exemple comme étant :

- les intempéries

- la présence des équipages à bord

- les arrêts Sécurité dont les exercices évacuation/incendie

- la co-activité

- les retouches, rectifications à l'atelier ou à bord

Il est en outre précisé : ' les situations exceptionnelles telles que l'interdiction d'accès au lieu de travail pourront être examinées par Dcns.

Exemples d'évènements qui, s'ils se prolongent, peuvent faire l'objet d'une négociation dans les conditions fixées au contrat dans la mesure où la preuve du préjudice est apportée par le fournisseur :

- les attentes de grues

- les bons à feu, pompiers, bons à risques

- les attentes de bons de feu et matériels fournis par Dcns en particulier matériaux d'apport

- les coupures de courant

- les problèmes d'alimentation en air

- les problèmes de ventilation

- les problèmes de réseau informatique (...)

La surveillance des espaces confinés est à la charge du Fournisseur et incluse dans les prix unitaires applicables à ce type de travaux.

L'article 7.3.4 Gestion du soutien logistique met à la charge du fournisseur « la rédaction des demandes de soutien logistique (énergie, échafaudage, manutention...) nécessaires à sa prestation avant son besoin dans le strict respect des consignes locales (...) »

L'article 9.2 énumère les moyens à la charge de Dcns et lui imposent notamment de mettre à la disposition du fournisseur :

- les matériaux d'apport de soudage agréés par Dcns, l'air comprimé, l'oxygène, le crylène ou acétylène et l'électricité. »

L'article 9.3 met à la charge du Fournisseur les travaux définis dans les bons de commande qui portent sur :

- les contrôles de conformité en cours de production

- les contrôles de conformité du produit fini

- la production de la documentation en attente

- le suivi de l'état d'avancement technique, la saisie informatique de l'état de montage

- la préparation du poste de travail

L'article 9.3.3 Echafaudages met ceux-ci à la charge de Dcns pour les hauteurs supérieures à 3 mètres.

L'article 9.3.4 Stockage prévoit que Lors de la prise en charge des matériels et dans le cas où le défaut est détectable immédiatement, le Fournisseur devra signaler, par fiche d'anomalie, les non-conformités éventuelles ; dans le cas contraire, toute remise en état restera de sa responsabilité et de sa charge.

Les dispositions du Cahier des charges précitées doivent être lues à l'aune de celles du Contrat cadre dont l'article 10 régit les conditions d'exécution du contrat en ces termes :

10-2 Modifications techniques, alinéa 2 : (...) 2- Sans préjudice de ce qui précède Dcns peut présenter au prestataire toute demande visant à réaliser toutes autres modifications techniques que celles mentionnées au paragraphe 1 ci-dessus et/ou à commander la livraison de fournitures et prestations supplémentaires. Le Prestataire s'engage à répondre à chaque demande de modification de Dcns dans un délai de 15 (quinze) jours à compter de sa réception et, le cas échéant, à soumettre dans le même délai à Dcns une proposition technique et commerciale relative aux modifications demandées qui comporte un prix qui ne peut être supérieur aux prix habituellement pratiqués sur le marché pour des fournitures et/ou prestations similaires et qui respecte les conditions des autres conventions éventuellement conclues entre les Parties applicables auxdites modification.

Les conditions de réalisation des modifications convenues entre les parties font l'objet d'un avenant au contrat.

Il s'évince de ces dispositions lues les unes par rapport aux autres qu'Eiffel est fondée à demander réparation des surcoûts liés à des opérations non comprises dans les lignes de barème de montage fixant des prix unitaires forfaitaires, à charge de rapporter la preuve qui lui incombe que les opérations réalisées ne sont pas comprises dans lesdites prestations de montage qui incluent l'étanchéité à l'air et les épreuves de résistance ( Article 5.1.2.2.1), cependant que l'obligation de résultat dont elle est débitrice à raison de la livraison des prestations commandées est interdépendante des obligations incombant au donneur d'ordre Dcns lequel :

- doit fournir outre les matériels à monter, les produits d'apport de soudage, joints et étanchéité,

- doit mettre à la disposition du Prestataire l'ensemble des données d'entrée dans l'applicatif dédié (Etrave) Eiffel ayant la charge de vérifier leur mise à jour sur le dernier indice et d'informer Dcns de toute anomalie dans les 5 jours ( article 5.2.2),

- a la charge de spécificités contractées pour le chantier de [Localité 3] (article 5.1.4) s'agissant avant la phase de montage de vérifier la nomenclature du montage à chaud et l'ensemble des pré-requis,

Ensuite de ces dispositions le Fournisseur (Eiffel) a la charge de la preuve d'un dommage en lien avec des situations exceptionnelles, excédant la gestion des aléas prévisibles ( article 7.3.3.) tenant aux évènements cités de manière non exhaustive par cet article à titre d'exemple tels le réseau informatique, la ventilation, l'alimentation air, les attentes de grues...

En l'espèce les huit cent courriels de réclamation envoyés par Eiffel à Dcns entre les 4 octobre 2012 et le 12 avril 2013 décrivent dans le détail les inexécutions imputables à celle-ci relatives aux mises à disposition des matériels à monter et des produits d'apport, aux retards de livraisons et aux dysfonctionnements nombreux qui ont affecté la logistique des lignes de produits repères empêchant Eiffel d'émettre une demande de matière ou de matériel sous la forme d'un ordre de fabrication ou d'un ordre de production en vue de la réalisation des LPR commandées.

Ainsi sont caractérisés par Eiffel et non utilement contredits par Dcns pour les frégates ASM04 et ASM05 :

Les lignes de produits repères (LPR) non disponibles ou non conformes du fait de tuyaux non confectionnés, d' accessoires non disponibles entraînant une modification et une désorganisation de l'ordre de montage donc une productivité non conforme au chiffrage

Les livraisons incomplètes en raison du manque d'accessoires : vannes, clapets, « RTS », flexibles et tronçons, particulièrement dans les zones E23 et D123 soulignant que les mannequins manchons coupleurs ne sont pas livrés dans les LPR et doivent être récupérés auprès de la PLC ( Contrôleur Logique Programmable), également pour les flexibles

Les livraisons non conformes du fait de la livraison des anciens modèles de cales à la place des nouveaux, des manchettes hermétiques fournies avec le mauvais diamètre, des problèmes de cohérence entre les nomenclatures empêchant de vérifier la complétude des LPR livrés lors de la réception

Les recherches des LPR à bord : LPR non trouvés à bord après plusieurs recherches et plusieurs relances, retards de livraison par rapport à la date demandée.

Le rallongement des délais de livraison.

Les LPR montés en supplément des prestations de montage commandées initialement et n'ayant pas fait l'objet d'une commande de régularisation.

Les délais de livraison : rallongement substantiel des délais de livraison, de 5 à 7 jours à l'été 2012 et de 7 à 10 jours ouvrés au début de l'année 2013 soit 2 semaines calendaires entraînant des modifications incessantes de planification et de l'ordre de montage pour un seul accessoire.

Un problème d'amiante dans la zone de stockage des tronçons de la PLC, et l'absence de livraison sur ASM05 pendant plusieurs semaines entraînant une démobilisation et une remobilisation du personnel sur différents navires.

Ces signalements réitérés font la preuve que Dcns n'a pas été en mesure de mettre à disposition du Prestataire la fourniture des matériels à monter et des produits d'apport à laquelle elle s'était contractuellement engagée, cependant qu'aucun défaut d'anticipation et d'identification des pré-requis ne peut sérieusement être imputé à Eiffel qui justifie des déplacements récurrents rendus nécessaires au magasin de proximité et/ou à la plate-forme logistique pour compléter ou modifier les fournitures, situation exceptionnelle excédant les aléas prévisibles contractualisés au sens de l'article 7.3.3 du Cahier des charges.

Les dommages et intérêts sont donc dus par Dcns à raison de la perte subie par Eiffel et du gain dont elle a été privée, cependant que la responsabilité du débiteur est limitée par la prévisibilité des éléments constitutifs du dommage or Dcns dispose de l'expertise nécessaire pour discuter les évaluations qui sont sollicitées n'apporte aucune contradiction utile à celles-ci dûment corroborées par les signalements décrits, étant rappelé que la gestion des aléas et l'obligation contractée par le donneur d'ordre d'étudier les réclamations liées aux situations exceptionnelles est expressément prévue par la clause article 7.3.3.

Eiffel justifie ainsi des pertes suivantes :

Défaillances relatives à l'inexistence des LPR dans le système de gestion de stocks de naval group : 3 430 euros

Non conformités des LPR : 13 720 euros

Indisponibilité des LPR relative à l'amiante :1 575 euros.

Recherches LPR à bord : 6 860 euros.

Délais de livraison : 3 430,50.

S'agissant des postes « Autres indisponibilités » et « Coûts supplémentaires Magasin- Productivité » ceux-ci ne sont pas étayés par Eiffel et ne sauraient se déduire des inexécutions précédemment décrites. Eiffel sera déboutée de ces deux demandes.

Dcns sera condamnée à lui régler au titre des LPR, sur infirmation du jugement, la somme totale de 29 015,50 euros.

2-2 Les préjudices liés à la problématique des points bloquants.

Sur la forclusion des demandes présentées à ce titre par Eiffel le tribunal a estimé que celles-ci avaient été signalées par courriels dans des délais très courts ou évoquées à l'occasion des points hebdomadaires ou mensuels du suivi du chantier.

Le tribunal, sur le fond, a estimé non justifiés :

- les reports de planning liés à la découverte de défaillances lors du contrôle des prérequis pour un montant réclamé de 46 445 euros au regard des aléas intégrés dans les barèmes de prix.

- la non-conformité des échafaudages pour le montant demandé de 9 520 euros.

- l'augmentation des effectifs liée à la réduction unilatérale des délais d'exécution par Naval Group au regard des aléas intégrés dans les barèmes de prix pour un montant demandé de 40 600 euros.

- les prestations bloquées dans les zones de jonction du fait de l'impossibilité d'accès pour un montant demandé de 3 570 euros et dans les zones consignées pour un montant de 1 715 euros.

Il a estimé justifié les demandes relatives aux perturbations imputables au défaut de coordination de Naval group qu'il a ramenées à la somme de 35 552,93 euros au lieu de 52 635 euros demandé.

Dcns au soutien de l'infirmation du jugement rappelle au visa de l'article 10.6 du Contrat cadre qu'à défaut d'avoir régularisé sa demande d'indemnisation dans le délai prévu à cet article Eiffel n'est plus recevable à solliciter une indemnisation quand en tout état de cause le chiffrage est révélateur d'une volonté de revenir sur les prix négociés alors que les demandes ne sont aucunement étayées par Eiffel.

Réponse de la cour,

Il a été vu plus haut qu'Eiffel n'est pas forclose en ses réclamations régulièrement élevées dès qu'elle a pris la mesure de ses préjudices.

Les huit cents courriels échangés font la preuve des nombreux points bloquants relevés par Eiffel lors des pré-requis : carlingage mal positionné, manchettes non posées, percées absentes.

Ces points bloquants ont engendré des retards lors du montage faute de pouvoir accéder aux zones et aux blocs aux dates prévues et la nécessité pour Eiffel d'augmenter les effectifs sur les blocs et d'engager des heures supplémentaires à la suite des retards de la coque et des mouvements de blocs.

Il est également établi que l'inadaptation des échafaudages dont la mise à disposition incombait à Dcns a entraîné des problèmes de coordination et de montage des LPR et que des zones ont été consignées sans préavis pour les équipes d'Eiffel mobilisées en pure perte.

Ces éléments au demeurant non utilement contredits par Dcns fondent la réclamation d'Eiffel au titre des points bloquants identifiés ci-après :

Points bloquants découvert lors du contrôle des pré-requis et entraînant des reports de planning : 46 445 euros.

Non-conformités des échafaudages modifications nécessaires avant commencement des travaux : 9 520 euros.

Réduction des délais d'exécution imposée par Dcns ayant entraîné une augmentation des heures supplémentaires et des heures travaillées le samedi hors devis : 40 600 euros.

Prestations effectuées dans les zones de jonction dont l'accès est rendu impossible ou retardé : 3 570 euros

Prestations impossible du fait de la consignation de zone sans préavis entraînant des démobilisations et remobilisations : 1 715 euros.

S'agissant du poste « Défaillance relatives à des aléas n'incombant pas à Dcns, ce préjudice non identifiable n'est pas indemnisable et de ce chef Eiffel sera déboutée.

Dcns sera donc condamnée à régler à Eiffel la somme totale de 101 850 euros au titre des points bloquants.

2- 3 Les travaux supplémentaires non régularisés par des commandes

Le tribunal, au rappel de la clause article 10.6 du contrat cadre relatif à l'arrêt des travaux imputable au donneur d'ordre, a jugé non justifiée la durée de temps perdu estimée de manière forfaitaire et a écarté les demandes s'appuyant sur un calcul forfaitaire en l'absence de démonstration que Dcns porte l'entière responsabilité des arrêts et/ou retards allégués.

Il a cependant fait droit aux demandes de régularisation des travaux supplémentaires au regard des écarts contractuels constatés à hauteur de :

- 80 620 euros pour les travaux supplémentaires récapitulés chaque semaine,

- 59 910,35 euros au lieu de 106 161 euros demandé pour les prestations nouvelles sur buses et flexibles pour les Fremm 4,5 et 6,

- 1191 euros pour la prestation de contrôle propreté non prévue au bordereau du prix,

Il a néanmoins écarté les travaux supplémentaires réclamés au titre du compte-rendu du contrôle de montage bien prévu à l'article 7-5-6 du Cahier des charges à hauteur de 1 715 euros.

La société Naval group dite Dcns, au soutien de l'infirmation du jugement, rappelle que les prétendus surcoûts invoqués par Eiffel ne sauraient être qualifiés de préjudices indemnisables en application du contrat sauf à remettre en cause sa force obligatoire puisque les buses, flexibles et manchons pour lesquels une indemnisation est réclamée sont intégrés au barème des prix. Elle soutient que le contrat ne prévoit pas d'exclusivité de travail sur certaines zones du navire ni un quelconque ratio d'allocation de certaines zones de travail mais prévoit expressément l'exécution de travaux en fond de forme lesquels sont valorisés avec un coefficient "pré-armement" et non "armement" qui tient précisément compte de la difficulté alléguée par Eiffel de sorte que celles-ci ont déjà donné lieu à compensation par application du barème des prix contractuels.

Réponse de la cour,

Les heures perdues en raison d'un arrêt des travaux d'au moins une heure consécutive résultant d'une faute exclusive et dûment prouvée de Dcns font l'objet d'une indemnisation régie par l'article 10-6 Heures perdues pour travaux barèmes du Contrat cadre selon lequel : « Si, en raison d'un arrêt des travaux d'au moins une heure consécutive résultant d'une faute exclusive et dûment prouvée de Dcns, le Prestataire justifie avoir subi un préjudice, il est expressément convenu entre les parties que le Prestataire est en droit de réclamer l'indemnisation du préjudice subi dûment justifié seulement pour les travaux commandés sur barème et sans que ladite indemnisation puisse excéder le prix horaire prévu dans le tableau des prix. La demande d'indemnisation doit obligatoirement être faite par le Prestataire dans la semaine suivant le préjudice subi sous peine de forclusion. »

Les heures supplémentaires réclamées par Eiffel font suite aux travaux supplémentaires non régularisés par Dcns dont la justification à raison des postes suivants n'est pas utilement contredite par Dcns concernant :

Les écarts contractuels constatés chaque semaine au niveau des attachements hebdomadaires : 80 620 euros.

Les prestations nouvelles sur buses, manchons coupleurs et flexibles ensuite de leur non mise à disposition par Dcns : 106 161 euros.

La prestation relative au contrôle propreté non prévue par le contrat cadre : 1 191 euros.

Concernant les outils de gestion et contrôles qualité, les prestations de contrôle de montage de caisse sont incluses dans les barèmes de prix contractuels comme le stipulent l'article 7-56 et 7-33 du Cahier des Charges, la réclamation d'Eiffel est donc infondée.

Le préjudice indemnisable d'Eiffel s'élève donc à 187 972 euros que la société Naval group (Dcns) sera condamnée à lui régler au titre des travaux supplémentaires non régularisés.

2-3 La clause de dégressivité et de la perte de productivité

Le tribunal a écarté la responsabilité de Naval group dans l'impossibilité alléguée par Eiffel de bénéficier de la productivité liée à la répétition des opérations du fait de l'évolution des conditions et des zones de montage d'une frégate à l'autre.

Il a cependant fait droit à la perte de productivité réclamée à hauteur de 27 140 euros pour les travaux réalisés en fond de forme perturbés par les mouvements de portiques en l'absence de contestation sérieuse de Naval Group.

La société Clemessy Services (Eiffel) fait valoir au visa de l'Annexe 2 du tableau des prix du contrat-cadre que les prix ont été fixés à un tarif inférieur de 5 % pour la Frégate n° 5 à ceux de la Tranche ferme puis de 5 % pour la Frégate n° 6 à ceux de la Frégate n° 5 pour tenir compte du caractère répétitif des prestations à effectuer et du gain potentiel découlant de l'effet de série or, selon l'appelante, il n'est pas contesté que les zones de travaux confiées à Eiffel ont évolué de telle manière qu'elle a été conduite à travailler dans des zones plus confinées des navires qui supposent la mise en œuvre de moyens sans commune mesure avec les moyens initialement prévus. Elle souligne que Dcns a constaté sa propre incapacité à gérer ses défaillances en qualité de maître d'œuvre et de fournisseur de matières et matériels en sollicitant ses fournisseurs et sous-traitants en vue d'une étude pour l'amélioration de la coordination des travaux sur les programmes de frégates et corvettes. Eiffel demande par conséquent, sur infirmation du jugement, la neutralisation de la clause de dégressivité et la revalorisation du coût des prestations pour les frégates n° 5 et 6 dans la mesure où les conditions de dégressivité attendues n'ont pas été fournies et la condamnation de Naval Group au paiement d'une somme de 68 451 euros de ce chef.

La société Naval group (Dcns) sollicite l'infirmation partielle du jugement qui a fait droit à la demande au motif des pertes de temps liées à la modification des zones d'intervention d'Eiffel alors que le contrat ne prévoit aucune exclusivité de travail sur certaines zones du navire mais prévoit expressément l'exécution des travaux en fond de forme lesquels sont valorisés avec un coefficient pré-armement et non armement tenant compte précisément de la difficulté alléguée par Eiffel laquelle a donc déjà donné lieu à compensation le préjudice réclamé n'étant pas indemnisable.

Réponse de la cour,

Les parties ont prévu à l'Annexe 2 du Tableau des prix du contrat cadre une dégressivité des prix entre la frégate 5 et la frégate 6 pour tenir compte de la répétitivité des tâches et des gains de production en découlant, cependant il incombe à Eiffel de faire la preuve d'un préjudice indemnisable en lien avec la perte de productivité qu'elle allègue or rien ne vient étayer les éléments de calcul des préjudices qu'elle invoque notamment par la comparaison entre la productivité atteinte pendant la période litigieuse avec celle qui aurait été atteinte en l'absence des dysfonctionnements quand par ailleurs les préjudices liés à l'augmentation des heures travaillées, aux attachements, à la discontinuité des travaux entraînant la démobilisation et la remobilisation des équipes ont été réparés plus haut.

Ainsi la seule affirmation par Eiffel d'un préjudice qu'elle évalue à 68 451 euros au titre de l'inapplicabilité des clauses de dégressivité faute de répétitivité des zones de travaux à bord et à 27 140 euros, pour la perte de productivité pour les travaux réalisés en fond de forme perturbés par les mouvements de portiques est insuffisante à faire la preuve de son préjudice.

De ces chefs et sur infirmation, Eiffel sera déboutée de ses demandes.

2-4 Les frais financiers

Le tribunal a écarté cette demande en l'absence de démonstration d'un préjudice distinct de la demande formée au titre des intérêts.

La société Clemessy Services (Eiffel), au soutien de l'infirmation du jugement, fait valoir qu'elle apporte la justification des charges supplémentaires supportées du fait des défaillances de Naval Group au titre de ses obligations en vertu des contrats cadre et des bons de commande en raison du personnel en surplus nécessaire à la gestion documentaire du chantier. Elle affirme également que le décompte des frais financiers générés par le déficit de trésorerie a été explicité par les pièces produites, le taux d'intérêt retenu de 8 % l'an étant usuellement appliqué dans les marchés du groupe Eiffage. Elle observe que contrairement à ce qui a été jugé les frais financiers ont été calculés pour la période 2013/2015 alors que la demande relative à l'intérêt ne concerne que les condamnations courant à compter de l'assignation.

Réponse de la cour,

Le tableau des réclamations produit par Eiffel en pièce n° 17 évalue à 583 200 euros le préjudice lié au surplus de personnels nécessaire à la gestion du chantier et à la gestion documentaire consécutive à la désorganisation du chantier et aux réclamations précédentes outre la somme de 196 659,32 euros pour les frais financiers incidents après actualisation.

Cependant Eiffel ne produit pas ses états financiers à l'appui du déficit de trésorerie qu'elle invoque et aucune analyse comptable ne vient justifier des frais financiers allégués quand les frais de personnels supplémentaires ont par ailleurs été indemnisés.

Le jugement qui a débouté Eiffel de sa demande sera donc confirmé.

3- La rupture brutale des relations commerciales invoquées à l'encontre de la société Naval group

Le tribunal a jugé que la relation entre les parties s'insère dans un cadre contractuel assorti de tranches fermes et optionnelles soumise à des procédures d'appels d'offre et ne peut être considérée comme établie au sens de l'article L. 442-6 du Code de Commerce quand par ailleurs la preuve de la faute commise par Naval Group dans le processus de sélection n'est pas rapportée Il a écarté la demande indemnitaire formée par Eiffel à hauteur de 1 793 819,86 euros.

Eiffel fait valoir au soutien de l'infirmation du jugement que le caractère brutal de la rupture des relations commerciales établies est avéré tant il est manifeste selon elle, que sous couvert de négociations sur la question des travaux supplémentaires, Naval group avait d'ores et déjà décidé d'écarter Eiffel de l'ensemble des marchés et de lui refuser toute indemnisation. Elle soutient que le préjudice subi résulte de l'absence d'annonce loyale avec un préavis suffisant qui eût permis à Eiffel de démobiliser en douceur le personnel. Elle demande réparation des surcoûts liés au défaut de préavis générés par les détachements de personnels sur d'autres chantiers, les charges de personnels improductifs en attente d'affectation, les coûts des départs négociés auxquels elle ajoute la perte de rentabilité sur investissement Fremm n° 7 à 12, la perte de marge sur ces mêmes frégates, les recherches commerciales consécutives à la rupture, le surcoût annuel du maintien de la structure à [Localité 4] motivé initialement par la perspective des marchés.

Réponse de la cour,

Aux termes des dispositions de l'article 442-6 5° du Code de commerce dans sa version en vigueur du 11 décembre 2016 au 26 avril 2019 :

« I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas ; »

Selon les dispositions de l'article 3 alinéa 3 Objet du Contrat cadre : « Le contrat comporte d'une part une tranche ferme qui est commandée dès la signature du contrat et d'autre part deux tranches optionnelles qui sont affermies comme indiqué dans l'article « Modalités de confirmation des tranches optionnelles ci-dessous. »

Les modalités de confirmation des tranches optionnelles sont déterminées à l'article 4 éponyme selon lequel.

1- Dcns est libre de demander au Prestataire d'exécuter l'une des tranches optionnelles prévues au contrat ou d'y renoncer.

Dcns peut lever l'option à n'importe quel moment pendant la période de validité par l'envoi au prestataire d'une lettre recommandée avec avis de réception, la date de première présentation du courrier étant considérée comme la date d'entrée en vigueur de la tranche optionnelle concernée.'

2- Si Dcns ne lève pas la présente option pendant sa période de validité, le Prestataire est alors libre de tout engagement envers Dcns relatif à cette option. Le Prestataire ne peut prétendre à aucune indemnité d'aucune sorte.

L'Annexe 3 de cet accord fixe un calendrier de confirmation des tranches optionnelles prévoyant des dates d'affermissement au plus tard « pour la tranche 01 Fremm 5 et 6 au 16 janvier 2013, pour la tranche 02 Fremm 7 à 9 au 16 septembre 2014, pour la tranche 03 Fremm 10 au 16 mars 2017, pour la tranche 04 Fremm 11 au 15 janvier 2018 et pour la tranche 05 Fremm 12 au 16 septembre 2018. »

Il suit de ces dispositions légales et contractuelles que le régime de la rupture brutale des relations commerciales établies suppose une relation commerciale antérieure à la rupture présentant un caractère suivi, stable et habituel par le fait de laquelle la partie victime de l'interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Cependant en l'espèce, le recours régulier à des appels d'offres est de nature à conférer à la relation commerciale, quelle que soit sa durée, une précarité exclusive de toute rupture brutale, la pratique des appels d'offres pour la réalisation des tranches optionnelles étant génératrice d'un aléa ne permettant pas à Eiffel d'avoir une croyance légitime en la pérennité de cette relation.

Il s'en suit qu'Eiffel n'est pas fondée en sa demande de dommages et intérêts formée au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et que de ce chef, le jugement qui l'a déboutée de sa demande sera confirmé.

II L'appel incident,

1- La rupture brutale imputé à Eiffel au visa de l'article L. 442-6 1° et 4° du Code de commerce.

Le tribunal a écarté la demande de Naval Group tendant à voir reconnaître qu'Eiffel aurait utilisé dans son calcul préjudiciel sur les LPR incomplets une méthode tendant à accroître l'évaluation du temps perdu par le prestataire et à appliquer in fine dans le cadre de sa troisième réclamation des forfaits de calcul du temps perdu pour accroître artificiellement le montant des heures perdues puis aurait à dessein menacé Naval group d'abandonner le chantier le 6 novembre 2015 pour faire pression sur le donneur d'ordre et obtenir plus rapidement le bénéfice de ses réclamations aux motifs des nombreux échanges entre les partis témoignant de la réalité des difficultés et des écarts les opposant et de l'infirmation immédiate par la direction d'Eiffage de l'annonce par ses équipes de la fin anticipée des activités de montage au 6 novembre 2015.

Il a également relevé que les suites de l'appel d'offre adressé le 15 février 2015 ne laissaient à Naval group aucun doute sur la fin prochaine des travaux confiés à Eiffel.

Il a enfin réfuté toute assimilation du départ prématuré d'Eiffel à une rupture abusive du contrat au sens de l'article 1184 du Code civil dès lors que le reste à faire a été pris en charge sans délai par une autre entreprise présente sur le chantier sans aucun dépassement par rapport au coût prévu et que l'ouvrage a été livré à la bonne date.

Dcns au visa de l'article L. 442-6 1 1° et 4° du Code de commerce fait valoir au soutien de l'infirmation partielle du jugement qu'Eiffel a tenté d'obtenir pendant plus de 2 années le paiement de prestations ne correspondant à aucun service effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service concerné justifiant selon elle que ses peines et soins soient fixées à 10% des sommes injustement réclamées par Eiffel. Elle assimile en tout état de cause l'abandon du chantier par Eiffel à une faute grave justifiant à elle seule le prononcé de la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs de celle-ci.

Réponse de la cour,

Selon les dispositions de l'article L. 442-6 1° et 4° du Code de commerce dans leur version en vigueur du 11 décembre 2016 au 26 avril 2019 applicable au litige :

I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

« 1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation ou de promotion commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins, du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat ou de la rémunération de services rendus par une centrale internationale regroupant des distributeurs. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d'affaires, en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients ou en une demande supplémentaire, en cours d'exécution du contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité ;

4° D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente »

Il a été vu qu'Eiffel a fourni des prestations de montage de tuyauterie en contre partie de leur paiement, a obtenu gain de cause sur la majeure partie de ses réclamations fondées au regard des inexécutions imputables à Dcns cependant qu' aucun élément n' est produit au soutien de l'avantage perçu ou de sa tentative de perception, quand la rupture de la relation contractuelle n'a donné lieu à aucune obtention ou tentative d'obtention de prix, de délais de paiement ou de modalités particulières de service mais fait suite au désaccord des parties quant aux réclamations indemnitaires présentées par Eiffel lesquelles ont été tranchées par le présent arrêt.

Le jugement sera donc confirmé qui a rejeté les demandes de Dcns formées au titre des dispositions de l'article 442-6 1° et 2°, la demande tendant à la résolution du contrat aux torts exclusifs d'Eiffel étant examinée plus bas.

2-Les manquements invoqués à l'encontre d'Eiffel

2-1 Les malfaçons et non façons

Le tribunal a écarté la demande de Naval Group en paiement des travaux non réalisés à la date du 8 février 2016, faisant ressortir un "reste à faire" de 121 043 euros TTC celui-ci ayant été pris en charge par l'autre entreprise présente sur le chantier.

Il a cependant fait droit aux demandes formées :

- au titre du montage des buses et manchons coupleurs sur la Fremm 5 pour le montant de 12 737,88 euros TTC

- au titre des frais d'intervention ensuite de l'installation défectueuses d'un clapet à hauteur de 41 726,05 euros TTC.

- au titre de la pénalité technique à hauteur de 720 euros TTC.

- au titre de la pénalité technique et réclamation à hauteur de 5 896,80 euros TTC.

- au titre de la pénalité SST de 2 000 euros TTC.

- au titre de la pénalité technique et réclamation de 1 609,20 euros TTC représentant une somme globale de 64 689,93 euros TTC.

La société Clemessy Services (Eiffel) conteste la valorisation du reste à faire réclamer par Dcns au motif qu'elle n'a reconnu qu'un solde non réalisé sur les marchés des Fremm n° 4,5 et 6 à hauteur de 5 460 euros.

Elle conteste le coût des reprises mis à sa charge rappelant que la reprise de la prestation montage de buses et de manchons coupleurs sur la frégate n°5 est la conséquence de l'incapacité de Naval Group de fournir les buses et manchons en temps utile. Elle affirme que la pollution que Dcns lui impute résulte d'une erreur de celle-ci qui a inversé le clapet sur un circuit avant d'en effectuer l'épreuve et que Dcns n'a en outre pas procédé à l'installation d'un système de désamiantage entre le réseau d'eau industrielle et le réseau d'eau douce. Elle observe que l'application des pénalités techniques ne sont ni justifiées ni reconnues.

La société Naval Group, (Dcns), au soutien de l'infirmation partielle du jugement fait valoir qu'Eiffel a engagé sa responsabilité délictuelle en raison de la violation de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce ou à tout le moins sa responsabilité contractuelle pour la rupture fautive du contrat.

Elle sollicite en sus de la somme de 64 689,93 euros TTC allouée par le tribunal au titre des inexécutions contractuelles, l'octroi d'une somme complémentaire de 121 043 euros pour réparer le préjudice lié aux commandes non honorées. Elle demande également les intérêts au taux légal (3 x le taux) à compter de l'émission de chaque facture et l'indemnité forfaitaire de recouvrement pour chacune des factures.

Réponse de la cour,

Dcns au soutien de ses demandes produit un procès-verbal d'état des lieux contradictoire non signé par Eiffel mais établi en sa présence, récapitulant l'état d'avancement des commandes en cours à la date de l'abandon du chantier par Eiffel, faisant la liste des réfactions et des montants des commandes à résilier à hauteur des sommes respectives de 178,30 euros et 1809 euros cependant qu'Eiffel reconnaît un solde de travaux non réalisés à la date de l'abandon du chantier à hauteur de la somme de 5 460 euros, non utilement remis en cause par Dcns, qui ne produit aucune pièce à l'appui du préjudice invoqué ensuite du montage des buses et des manchons coupleurs et communique en outre une facture de 41 726 euros TTC en date du 17 janvier 2014, insuffisante à faire la preuve de l'inexécution de la prestation de pose d'un clapet qu'elle impute à Eiffel sans aucune mise en cause préalable.

Dcns échoue donc à faire la preuve des inexécutions précitées qu'elle impute à Eiffel cependant que l'application des pénalités techniques qui n'ont été précédées d'aucune réclamation préalable qu'elle appuie par de simples factures qui sont insuffisantes à faire la preuve des inexécutions alléguées ne sont pas applicables dès lors qu'il n'est pas fait droit au règlement des factures invoquées.

Le jugement sera donc infirmé sur le quantum des demandes formées par Dcns et sur les pénalités et Eiffel condamnée à régler à Dcns une somme de 5 460 euros au titre du solde du marché non réalisé tandis qu'il sera constaté qu'il ne résulte pas des circonstances qui viennent d'être décrites une inexécution suffisamment grave au sens des dispositions de l'article 1184 du Code civil, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'Ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, de nature à justifier le prononcé de la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs d'Eiffel, demande dont Dcns sera sur confirmation du jugement, déboutée.

2-2- Les conséquences du sinistre de la Fremm Auvergne le 17 décembre 2017.

Le tribunal a écarté la demande formée à ce titre à hauteur de 171 894,15 euros TTC pour les prestations confiées à des tiers et à hauteur de 95 400 euros TTC pour le coût de la main-d’œuvre au motif de la non-démonstration de l'imputabilité de l'avarie à la pose des tuyauteries par Eiffel.

La société Naval Group, (Dcns) au soutien de l'infirmation du jugement, fait valoir que la date prévisionnelle de fin des travaux pour ce navire était prévue au 16 août 2016, que la réception finale par le client ne pouvait être que postérieure à cette date et qu'elle était dès lors fondée à solliciter la mise en œuvre de la garantie de la prestation due par Eiffel le 20 décembre 2017. Elle observe que l'absence d'Eiffel au constat d'huissier n'enlève rien à sa force probante, la réalité du sinistre étant par ailleurs corroborée par le procès-verbal de constat de la Marine Nationale, que le montage de la vanne concernée située sur le tronçon « R06 haut de tranche E00 » relevait précisément de la responsabilité d'Eiffel tandis que la recette sur pièces invoquée par Eiffel ne la dédouanait pas de son obligation, en qualité de fournisseur, d'effectuer les contrôles techniques et de déclarer les non conformités, en l'occurrence le montage inversé, ce qu'elle n'a pas fait, conformément aux obligations mises à sa charge par l'article 7.5.6.3 du contrat cadre.

La société Clemessy Services, (Eiffel) oppose, au soutien de la confirmation du jugement, que la vanne litigieuse n'est pas elle-même spécifiée et que la preuve que l'envahissement d'eau soit dû à la défaillance d'une vanne montée par Eiffel n'est pas établie puisque les tuyauteries dont les références sont mentionnées ont été dûment « recettées » techniquement par les services de Naval group, que ce dommage n'a pas pu être constaté visuellement par Eiffel en raison d'impératifs de sûreté et de gardiennage, au demeurant non justifiés, et que manquent au rapport de la Marine Nationale, la cartographie des zones touchées par l'avarie et les interventions effectuées par le bord pour remédier à l'avarie. Elle souligne enfin que le préjudice dont Naval Group demande réparation est sans lien avec les demandes formées par la Marine Nationale au bas du rapport.

Réponse de la cour,

Dcns produit un constat établi par Maître [T] huissier de justice le 22 décembre 2017, certes de manière non contradictoire à l'égard d'Eiffel qui n'a pas été appelée aux opérations, lequel met en exergue la défectuosité apparente du « montage actuel d'origine compte tenu du positionnement d'un raccord pour le séchage du conduit à l'air basse pression ».

Ce constat est cependant corroboré par les Annexes 1,2 et 3 du procès-verbal de la Marine Nationale attestant des zones impactées par l'envahissement d'eau de mer dans les circuits d'air BP de la frégate n° 6, sinistre survenu lors de la mise en œuvre par l'équipage du système d'arrosage des superstructures et l'extrait du logiciel Etrave établissant l'étape d'avancement de cette prestation, déclarée conforme par Eiffel ensuite de la commande d'achat n° 6069728 du 2 juillet 2013, incluant le montage de la vanne et du tronçon de tuyau concernés par le sinistre.

Contrairement à ce qui est soutenu par Eiffel, la recette des ouvrages sur pièces due par le Fournisseur, tenu d'effectuer les contrôles techniques conformément à la spécification des travaux prévu à l'article 7.5.6.1, dont la complétude a été déclarée par Eiffel dans le logiciel Etrave le 13 octobre 2015 qui a conduit à l'acceptation de l'ouvrage par Dcns, ne l'exonère pas de sa responsabilité au regard du montage inversé de la vanne constaté lors de la purge des tuyauteries de l'eau de mer au mois de décembre 2017.

L'imputabilité du désordre à Eiffel est donc étayée par les pièces produites et Dcns fondée à solliciter la réparation de l'ensemble des conséquences du dommage soit le coût du remplacement des matériels endommagés en contact avec l'eau de mer pour permettre la passivation du circuit d'air ainsi que les prestations pour leur installation représentant une somme totale de 171 894,15 euros, le surplus des sommes réclamées par Dcns au titre des coûts de main d'œuvre n'étant pas étayé.

Eiffel sera donc condamnée à régler à Dcns la somme de 171 894,15 euros sur infirmation du jugement au titre du sinistre survenu sur la Fremm 6 le 17 décembre 2017.

3- le manquement à l'obligation de bonne foi et l'abus du droit d'agir en justice

Le tribunal a écarté cette demande non justifiée.

La société Naval Group (Dcns) fait valoir que Eiffel a présenté des demandes relevant d'aléas ou de prestations supplémentaires couvertes par les prix du contrat et par l'accord intervenu entre les parties et qu'ayant été « conseillée par l'un des plus grands cabinets d'avocat au monde elle ne pourra prétendre s'être méprise sur la portée ou l'étendue de ses droits. »

Le tribunal a écarté ces demandes les estimant non justifiées.

Réponse de la cour,

L'exercice du droit d'appel est un droit fondamental qui ne peut constituer un abus de droit lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré quand aucune circonstance particulière n'est au demeurant invoquée par Dcns de nature à caractériser une faute faisant dégénérer en abus l'exercice du droit d'ester en justice, étant observé que la présente instance, en donnant partiellement gain de cause à Eiffel, établit la légitimité de son recours.

Par conséquent le jugement qui a écarté les demandes de Dcns des chefs de la mauvaise foi et de l'abus du droit d'ester en justice sera confirmé.

4- Les intérêts dus

Le tribunal a assorti la condamnation de Dcns des intérêts au taux légal dus à compter de l'assignation et ordonné la capitalisation desdits intérêts selon les dispositions de l'article 1153 du Code civil.

Il a assorti la condamnation d'Eiffel des intérêts au taux de trois fois l'intérêt légal à compter de la date d'exigibilité de chaque facture figurant en pièce Dcns n° 43 et de l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros pour chacune des 6 factures soit 240 euros.

La société Naval group, (Dcn)s demande que les sommes mises à la charge d'Eiffel portent intérêts à compter du 15 septembre 2017, date de la régularisation de ses demandes reconventionnelles, avec capitalisation conformément à l'article 1153 du Code civil ancienne rédaction, sur infirmation du jugement.

La société Clemessy Services, (Eiffel) demande que toutes les sommes portent intérêts à compter du jour de l'assignation et soient capitalisées après une année conformément à l'article 1153 du Code civil

Réponse de la cour,

Selon les dispositions de l'article 1153 du Code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'Ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige : « Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit.

Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. »

Le présent arrêt a rétabli les droits et obligations des parties dans leurs créances respectives.

Les intérêts au taux légal seront donc dus sur infirmation du jugement à compter du prononcé de l'arrêt.

Selon les dispositions de l'article 1154 du Code civil : « Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. »

La capitalisation des intérêts est due pour chacune des créances dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.

5- Les frais irrépétibles et les dépens

Le sens de l'arrêt conduit à laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles exposés en première instance, sur infirmation du jugement, et ajoutant au jugement, en appel.

Eiffel/Clemessy Services et Dcns/Naval Group seront donc déboutées du chef des demandes formées au titre des frais irrépétibles.

Les dépens seront mis à la charge de Naval Group Dcns à hauteur des trois quarts et d'Eiffel/Clemessy Services à hauteur d'un quart, chacune étant condamnée à paiement dans cette proportion.

Le jugement sera confirmé pour le surplus de ses dispositions non entreprises par le présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

DECLARE RECEVABLE l'action en paiement de la société Eiffage Energies Systèmes ' Clemessy Services ;

INFIRME le jugement en ce qu'il a statué sur les créances respectives des parties, les inexécutions imputables à Eiffage Energies Systèmes 'Clemessy Services, les intérêts, les pénalités, les frais irrépétibles et les dépens ;

Statuant à nouveaux de ces seuls chefs,

CONDAMNE la société Naval Group à régler à la société Eiffage Energies Systèmes-Clemessy Services à titre de dommages et intérêts les sommes de :

29 015,50 euros au titre des lignes de produits repères (LPR),

101 850 euros au titre des points bloquants,

187 972 euros au titre des travaux supplémentaires non régularisés,

5 460 euros au titre du solde du marché,

CONDAMNE la société Eiffage Energies Systèmes 'Clemessy Services à régler à la société Naval Group la somme de 171 894,15 euros à titre de dommages et intérêts ensuite du sinistre survenu sur la Fremm 6 le 17 décembre 2012 ;

DEBOUTE la société Eiffage Energies Systèmes-Clemessy Services de ses demandes au titre de la clause de dégressivité et de la perte de productivité ;

DEBOUTE la société Naval Group de ses demandes au titre des intérêts majorés et des pénalités forfaitaires ;

DIT que les intérêts au taux légal sont dus à compter du prononcé de l'arrêt ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;

CONDAMNE la société Naval Group et la société Eiffage Energies Systèmes Clemessy Services aux dépens dans les proportions d'un quart à la charge de la société Eiffage Energies Systèmes 'Clemessy Services et des trois quart à la charge de la société Naval Group ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;

CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions non entreprises par le présent arrêt.