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Décisions

Cass. com., 27 octobre 2009, n° 08-16.870

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 30 mai 2008

30 mai 2008

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mai 2008), que la société Pierre X... (la société X...), ayant pour activité le commerce de viande en gros, a obtenu, le 8 août 2003, de l'office national interprofessionnel des viandes de l'élevage et de l'aviculture (l'OFIVAL), la délivrance de deux certificats d'importation ouvrant droit à l'importation à taux réduit d'un certain nombre de veaux de Pologne ; qu'estimant que cette opération d'importation, intervenue au cours de l'année 2003, avait en réalité été réalisée par la société Y..., ayant pour activité le négoce et le transport d'animaux vivants, et non par la société X..., l'administration des douanes a dressé, à l'encontre de cette dernière et de la société Gondrand frères (le commissionnaire en douanes), un procès-verbal de constat d'une infraction douanière qualifiée de manoeuvre ayant pour but ou pour effet d'obtenir un avantage à l'importation, puis a émis à leur encontre deux avis de mise en recouvrement (AMR) ; que celles-ci ont assigné l'administration douanière en annulation des ces AMR ;

Sur le premier et le deuxième moyens, rédigés en termes identiques ou similaires, réunis :

Attendu que la société X... et le commissionnaire en douanes font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en annulation des AMR, alors, selon le moyen :

1°/ que, selon l'article 345 du code des douanes, seules peuvent faire l'objet d'un AMR les créances préalablement "constatées" par l'administration des douanes, ce qui suppose un ordre de recette notifié au débiteur ; qu'un procès-verbal de constat ou de notification d'infraction ne peut constituer un tel ordre de recette ; qu'en décidant que les AMR pouvaient être directement notifiés aux redevables, la cour d'appel a violé les articles 341 et 345 du code des douanes ;

2°/ que, selon l'article 345, alinéa 3, du code des douanes, l'AMR indique le fait générateur de la créance ainsi que sa nature, son montant et les éléments de sa liquidation ; qu'en l'espèce, les AMR litigieux ne comportent aucune indication sur les éléments de liquidation de la créance invoquée et notamment sur la nature des droits applicables et leur taux ; qu'ainsi, en déclarant réguliers les AMR, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

3°/ que le principe général des droits de la défense impose, même sans texte, le droit pour toute personne d'être entendue avant qu'une mesure qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; qu'en affirmant que les droits de la défense étaient suffisamment garantis par la possibilité d'exercer un recours à l'encontre des AMR une fois ceux-ci émis et notifiés, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

4°/ que les droits de la défense et le principe du contradictoire supposent que le redevable à l'encontre duquel l'administration des douanes envisage de délivrer un AMR puisse faire connaître son avis dans un délai donné en ayant eu au préalable connaissance de tous les éléments qui fondent la position de l'administration des douanes ; qu'en retenant que le représentant des exposantes avait pu répondre aux enquêteurs et faire valoir ses observations lors de la notification des procès-verbaux d'infraction, ce qui n'impliquait pas qu'elles aient pu disposer du délai nécessaire, et de tous les éléments du dossier, la cour d'appel a encore violé le principe susvisé ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'article 345 du code des douanes n'exige pas que l'établissement d'un AMR, qui constitue un titre exécutoire par lequel la créance douanière est constatée, soit subordonné à la constatation préalable de cette créance ;

Attendu, en second lieu, qu'il ne ressort ni de l'arrêt ni de leurs conclusions que les sociétés demanderesses aient soutenu devant la cour d'appel que les AMR litigieux seraient nuls au regard des exigences posées à l'article 345, alinéa 3, du code des douanes, dès lors qu'ils ne comporteraient aucune indication sur les éléments de liquidation de la créance invoquée, tels que la nature et le taux des droits applicables ; que le moyen est donc nouveau ; qu'il est mélangé de fait et de droit ;

Attendu, en troisième lieu, que, par motifs adoptés, l'arrêt relève que tant les responsables de la société X... que le déclarant en douane de la société Gondrand ont été auditionnés et ont pu faire valoir leurs explications sur les quatre opérations d'importation litigieuses, ainsi que fournir tous documents justificatifs ; qu'il relève encore, toujours par motifs adoptés, que les représentants légaux des sociétés demanderesses ont assisté à la rédaction du procès-verbal de notification d'infraction les concernant et ont pu faire valoir leurs observations ; qu'en l'état de ces constatations abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la troisième branche, la cour d'appel a statué à bon droit ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur les troisième et quatrième moyens, rédigés en termes identiques ou similaires, réunis :

Attendu que la société X... et le commissionnaire en douanes adressent le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que, sauf dispositions l'interdisant, un importateur peut confier à un tiers la responsabilité commerciale de l'achat de la marchandise et la responsabilité de la logistique ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations des juges du fond que les bovins ont été achetés en Pologne par la société X... qui les a ensuite revendus à la société Y...; qu'il ressort en outre des procès-verbaux de constat visés par l'arrêt attaqué que le prix d'achat a bien été payé par la société X... à l'éleveur polonais ; qu'enfin, il était constant que les bovins ont été mis en libre pratique au nom de la société X...; qu'en retenant néanmoins que les bovins avaient été en réalité importés par la société Y... qui les avaient choisis et transportés et que les certificats d'importation avaient été en réalité transmis à la société Y..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 du code civil ensemble les règlements CE n° 1128/1999 du 28 mai 1999 et n° 954/2002 du 4 juin 2002 ;

2°/ qu'il ne peut y avoir cession ou transmission d'un certificat d'importation lorsque le bénéficiaire de ce certificat a acquis la marchandise et l'a mise en libre pratique en son nom et sous couvert du certificat ; qu'en reprochant à la société X... d'avoir transmis irrégulièrement des certificats d'importation, tout en relevant qu'elle avait acquis les marchandises et qu'elle les avaient mises en libre pratique sous couvert des certificats, la cour d'appel a violé l'article 9 du règlement CE n° 954/2002 du 4 juin 2002 ;

3°/ qu'à la suite de l'adhésion le 1er mai 2004 de la Pologne à l'union européenne, les dispositions communautaires relatives notamment à la libre circulation des marchandises sur le territoire douanière de la communauté économique européenne et celles relatives à l'interdiction de toutes mesures restrictives ou d'effet équivalent sont devenues applicables sur le territoire de la Pologne ; que par suite en application du principe de la rétroactivité in mitius, l'infraction d'importation sans déclaration de marchandises provenant de Pologne ou de cession de certificats d'importation ne pouvait plus être poursuivie ; qu'en se fondant sur la commission d'une infraction douanière, la cour d'appel a violé l'article L. 112-1 du code pénal ;

4°/ qu'aucune disposition ne prévoit que la transmission ou la cession irrégulière de certificats d'importation entraîne pour le bénéficiaire de droits d'importation et pour le commissionnaire en douane, l'obligation de payer des droits de douane correspondant à la réduction de droits de douane attribuée par les certificats ; qu'en outre l'importation des veaux ayant été faite sous couvert de certificats authentiques et réguliers, ainsi que le relève l'arrêt attaqué, n'a entraîné aucune violation du contingent accordé par la communauté européenne et donc aucune atteinte à ses intérêts financiers de sorte qu'aucun droit n'a été éludé ; qu'en retenant que l'administration des douanes pouvait réclamer le paiement des droits et taxes éludés, la cour d'appel a violé les dispositions des règlements CE n° 1128/1999 du 26 mai 1999 et n° 954/2002 du 4 juin 2002 ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt constate que les opérations d'importation litigieuses n'avaient pas été réalisées pour le compte de la société X..., mais uniquement pour celui de la société Lillier, qui en était le seul et véritable donneur d'ordre, que la cour d'appel en a justement déduit que les certificats d'importations se rapportant à ces opérations avaient été irrégulièrement transmis de la première à la seconde société ;

Attendu, en deuxième lieu, que le principe de rétroactivité in mitius étant applicable aux seules poursuites pénales, et non à l'action engagée par l'administration douanière devant le juge civil en vue de recouvrir les droits et taxes éludés, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que, celle-ci ne faisant que réclamer le paiement de sa créance douanière, de nature civile, née des droits et taxes éludés, il importait peu que l'entrée de la Pologne dans l'Union européenne ait eu pour conséquence la disparition des infractions pénales relatives à la cession prohibée de certificats d'importation de veaux en provenance de ce pays ;

Attendu, en troisième lieu, que c'est à bon droit que la cour d'appel, faisant application de l'article 426-4 du code des douanes national et de l'article 201 du code des douanes communautaire, a retenu que la société X... et le commissionnaire en douanes étaient solidairement redevables de la dette douanière correspondant au montant des droits et taxes éludés ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.