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Décisions

Cass. com., 9 novembre 1966, n° 62-12.005

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guillot

Rapporteur :

M. Papon

Avocat général :

M. Robin

Avocats :

Me Calon, Me Coulet, Me Mayer

Pau, du 7 mars 1962

7 mars 1962

Sur le premier moyen:

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les dames Courtois de Viscose et Lavanture, faisant état de ce que le but des sociétés anonymes est de distribuer des dividendes et reprochant à la société des Chaux et Ciments de Grappier Lameignère d'Orthez, dont elles sont actionnaires et dont elle ont des parts bénéficiaires, de ne pas exécuter de bonne foi ses obligations à cet égard, ont demandé l'annulation des délibérations prises aux assemblées générales de cette société les 21 juin 1958 et 27 juin 1959, au motif que ces délibérations privent arbitrairement la minorité des associés de leurs parts, dans les bénéfices, par la constitution de réserves abusives et par l'attribution aux quatre administrateurs qui forment la majorité, de rémunérations fictives ou excessives;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt, qui a rejeté cette demande, de n'avoir pas répondu aux conclusions qui faisaient valoir que les "réserves de réévaluation" avaient été constituées par le groupe majoritaire en fraude des droits de la majorité et d'avoir estimé qu'il n'était pas démontré que la constitution de "réserves pour achat de matériel" n'était pas justifiée par l'intérêt de la société, alors que, dans leurs conclusions qui ont été dénaturées, les dames Courtois de Viscose et Lavanture avaient soutenu que ces réserves étaient fictives et n'avaient pas d'autre but que de dissimuler les bénéfices distribuables, moyen auquel il n'a d'ailleurs pas été répondu;

Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que "les réserves dégagées par les réévaluations ne correspondent pas, dans la plupart des cas, à des bénéfices certains distribuables", et, d'autre part, "qu'en ce qui concerne la réserve pour achat de matériel, il est loin d'être établi que la décision de la majorité ne répond pas aux prévisions d'un bon administrateur", la Cour d'Appel a, sans les dénaturer, répondu aux conclusions visées par le moyen;

Que par suite le dit moyen n'est pas fondé;

Mais sur le second moyen, pris en ses diverses branches:

Vu l'article 7 de la loi du 20 avril 1810;

Attendu que les dames Courtois de Viscose et Lavanture ayant demandé l'annulation, comme abusives, des délibérations de l'assemblée générale des actionnaires, qui ont alloué aux quatre administrateurs des rémunérations arbitraires pour l'accomplissement de fonctions de direction totalement ou partiellement fictives, l'arrêt déféré a rejeté cette demande aux motifs: en ce qui concerne le Président Directeur Général que, malgré son grand âge, "il avait participé à la vie sociale, dès l'origine de la société" et que la rémunération accordée n'apparaissait pas excessive "compte tenu de l'importance de la société", et en ce qui concerne les autres membres du Conseil d'Administration qu'ils ont "des connaissances techniques ou une expérience commerciale leur permettant d'exercer (les) fonctions qui leur ont été confiées et que la suppression des appointements et frais qui leur ont été reconnus "ne modifierait pas de façon appréciable le résultat des exercices (sociaux) considérés";

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, comme le prétendaient les dames Courtois de Viscose et Lavanture dans leurs conclusions, les bénéficiaires des rémunérations critiquées avaient réellement rempli les fonctions qui leur ont été données, la Cour d'Appel n'a pas légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS:

CASSE et ANNULE, mais seulement dans les limites du second moyen l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'Appel de Pau le 7 mars 1962; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'Appel de Toulouse à ce désignée par délibération spéciale prise en la Chambre du Conseil.