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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 13 septembre 2023, n° 21/06076

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SCP Mandateam (ès qual.), Sport Elect Institut (SAS)

Défendeur :

Décathlon (SE)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, M. Richaud

Avocats :

Me Ribaut, Me Bouchard, Me Bouzidi-Fabre, Me Raes, Me Deschryver

T. com. Lille, du 9 févr. 2021, n° 20190…

9 février 2021

FAITS ET PROCÉDURE

La société Décathlon SE développe une activité de conception, production et de vente d'articles de sports et de loisirs.

La SAS Sport Elect Institut a pour activité la commercialisation d'appareils d'électro musculation tant pour les professionnels que pour le grand public, distribués essentiellement dans les grandes surfaces et accessoirement dans les moyennes surfaces et sur internet.

Par jugement du tribunal de commerce de Bernay du 8 décembre 2016, une procédure de sauvegarde a été ouverte au profit de cette société.

Par jugement du 10 octobre 2019, le plan de sauvegarde mis en place à son profit a été résolu et une procédure de redressement ouverte à son encontre. Après un plan de cession au profit de la société Noveka par jugement du 29 octobre 2020, la SAS Sport Elect a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 25 février 2021.

La SAS Sport Elect et la société Decathlon ont noué des relations commerciales depuis plus de vingt ans ; chaque année, Décathlon sélectionnait pour certains pays de l'union européenne un ou plusieurs articles de la société Sport Elect Institut destinés à être commercialisés par son réseau.

Par un courrier du 19 décembre 2013, Décathlon a fait savoir à Sport Elect Institut son souhait de réduire le volume d'affaires entre les deux sociétés pour l'année 2014 à hauteur de 25 %. Après plusieurs échanges, la baisse du volume d'affaires pour 2014 n'a été réduite que de 3 %.

Par lettre recommandée du 27 juin 2017, Décathlon informait Sport Elect Institut de sa volonté de réduire de 15 % le volume d'affaires pour l'année 2018.

Par une nouvelle lettre recommandée avec accusé réception du 26 janvier 2018, Décathlon informait son fournisseur de sa décision d'arrêter les relations commerciales entre les deux sociétés à compter du 1er janvier 2021, en précisant que ses achats nets qui s'établissaient à 0,8 ME en 2017 passeront à 0,6 ME en 2018, 0,5 MC en 2019 et 0.2 ME en 2020 avant l'arrêt total et définitif des relations et qu'à compter du 1er novembre 2018, les produits ne pourront plus faire l'objet d'une commande sur le site decathlon.fr.

Par lettre du 23 mai 2019, la SAS Sport Elect Institut a mis en demeure la SA Décathlon d'augmenter son volume d'affaires afin de permettre le paiement de l'échéance du plan de sauvegarde, sans obtenir de réponse.

Par jugement du 9 février 2020, sur assignation du 16 septembre 2019 de Décathlon par la SAS Sport Elect Institut pour rupture brutale des relations commerciales établies, le tribunal de commerce de Lille a statué en ces termes:

- Constate que Maître [U] [I] es qualité d'administrateur et la SCP [S] ZOLOTARENKO représentée par Maître [W] [S] es qualité de mandataire judiciaire sont intervenus volontairement dans le cadre de la présente procédure opposant la SAS SPORT ELEC INSTITUT à la SA DECATHLON.

- Constate, dit et juge que la SA DECATHLON n'a pas rompu brutalement les relations commerciales qui étaient établies avec la SAS SPORT ELEC INSTITUT.

- Déboute la SAS SPORT ELEC INSTITUT de sa demande de condamnation de la SA DECATHLON à lui verser des dommages et intérêts à hauteur de 1 224 000,00 euros.

- Déboute la SAS SPORT ELEC INSTITUT de sa demande de condamnation de la SA DECATHLON à lui verser une somme de 1 000 000 E à titre de dommages et intérêts supplémentaires.

- Déboute la SAS SPORT ELEC INSTITUT de sa demande de condamnation de la SA DECATHLON à lui rembourser de la somme de 212 408 €.

- Déboute la SAS SPORT ELEC INSTITUT de sa demande de condamnation de la SA DECATHLON à lui verser la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts.

- Condamne la SAS SPORT ELEC INSTITUT à payer à la SA DECATHLON la somme de 10 000 e au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamne la SAS SPORT ELEC INSTITUT à la prise charge des frais et dépens, taxés et liquidés à la somme de 73.24 € (en ce qui concerne les frais de Greffe).

- Dit n'y avoir pas lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 30 mars 2021, la société Mandatem ès qualités a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 4 avril 2023 la société Mandatem représentée par Me [W] [S] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sport Elect Institut demande à la Cour de :

Sur le fondement des dispositions de l'article 542 du code de procédure civile.

- Dire et juger que l'appel formé par SCP MANDATEAM est recevable.

Sur le fondement des dispositions des articles 455 et 458 du code de procédure civile.

- Prononcer l'annulation du jugement rendu le 9 février 2021 par le tribunal de commerce de Lille pour défaut de motivation.

Par application des dispositions de l'article 562 al 2 du code de procédure civile, statuer sur le fond.

Sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6,1,5 du code de commerce applicables à la présente espèce.

- Constater que SA DECATHLON a rompu de manière brutale la relation commerciale établie avec SAS SPORT ELEC INSTITUT en ne maintenant pas durant l'exécution du préavis les conditions antérieures ce qui prive le préavis de toute efficacité.

En conséquence,

- Condamner SA DECATHLON à réparer le préjudice subi par SAS SPORT ELEC INSTITUT du fait de cette rupture brutale des relations commerciales établies.

- Condamner SA DECATHLON au paiement de la somme deux millions deux cent vingt-quatre mille euros (2 224 000,00 €) à titre de dommages-intérêts.

- Condamner SA DECATHLON au paiement de la somme de deux cent douze mille euros quatre cent huit euros (212 408,00 €) représentant le montant des produits qui auraient dû être restitués à SAS SPORT ELEC INSTITUT mais qui ont été détruits par SA DECATHLON entre 2012 et 2016 outre une somme de cinquante mille euros (50 000,00 €).

- Condamner SA DECATHLON au paiement de la somme de cinq mille euros (5000,00 €) sur le fondement des dispositions de l'article 700 "c.pr.civ" .

- Condamner SA DECATHLON aux entiers dépens.

Si par impossible la cour d'appel devait ne pas prononcer l'annulation du jugement rendu le 9 février 2021 par le tribunal de commerce de Lille.

- Réformer le jugement rendu le 9 février 2021 par le tribunal de commerce de Lille.

Sur le fondement des dispositions de l'article L 442-6,1,5 du code de commerce applicables à la présente espèce.

- Constater que SA DECATHLON a rompu de manière brutale la relation commerciale établie avec SAS SPORT ELEC INSTITUT en ne maintenant pas durant l'exécution du préavis les conditions antérieures ce qui prive le préavis de toute efficacité.

En conséquence,

Condamner SA DECATHLON à réparer le préjudice subi par SAS SPORT ELEC INSTITUT du fait de cette rupture brutale des relations commerciales établies.

Condamner SA DECATHLON au paiement de la somme de 2 224 000 € à titre de dommages intérêts.

Condamner SA DECATHLON au paiement de la somme de 212 408,00 € représentant le montant des produits qui auraient dû être restitués à la SAS SPORT ELEC INSTITUT mais qui ont été détruits par SA DECATHLON, outre une somme de 50 000 €.

Condamner SA DECATHLON au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du c. pr. Civ.

Condamner SA DECATHLON aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées 25 avril 2023, la société Décathlon demande à la Cour de :

Vu les dispositions des articles l. 442-6-I 5° du Code de Commerce (dans leur version applicable au présent litige)

Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées aux débats,

Dire bien jugé, mal appelé,

- Juger valable le jugement du Tribunal de Commerce de Lille Métropole du 9 février 2021.

- Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Lille Métropole du 9 février 2021 dans son intégralité.

- Débouter Me [S] es qualité de liquidateur judiciaire de SPORT ELEC INSTITUT de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Condamner Me [S] es qualité de liquidateur judiciaire de SPORT ELEC INSTITUT au paiement de la somme de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 mai 2023.

MOTIVATION

Sur l'annulation du jugement,

La société Mandatem ès qualités invoque le défaut de motivation du jugement en ce qu'il se réfère aux motifs d'une décision rendue dans une autre instance non revêtue de l'autorité de la chose jugée, s'agissant de l'ordonnance de référé du tribunal de commerce intervenue antérieurement entre les mêmes parties.

La société Decathlon rétorque que la motivation par référence n'est prohibée que si elle constitue un défaut de motifs et que tel n'est pas le cas en l'espèce, le tribunal ayant motivé sa décision par des motifs propres et ayant analysé l'ensemble des éléments factuels.

Réponse de la Cour,

Dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, la nullité invoquée concerne non pas la saisine du premier juge, mais une défectuosité de la procédure suivie devant lui, en l'occurrence un défaut allégué de motivation du jugement, l'effet dévolutif de l'appel joue pleinement, de sorte que le juge d'appel, saisi de l'entier litige, est tenu de se prononcer sur le fond du droit sans même devoir statuer préalablement sur le moyen pris de l'irrégularité du jugement (Com, 10 juillet 2001, pourvoi 98-19.491).

Il sera néanmoins, répondu que le défaut de motivation allégué du jugement n'est pas constitué dès lors que si le tribunal s'est appuyé sur l'ordonnance de référé du 9 mai 2018 intervenue entre les parties qui n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée, il s'en est approprié les motifs qu'il a rappelés intégralement. Il a ainsi retenu pour dire que la rupture n'était pas brutale, des relations entre les parties de 23 ans et un chiffre d'affaires d'un peu plus de 22 % réalisé par Sport Elect Institut sur les 3 dernières années et une durée maximale de préavis de 14 mois au regard du code des bonnes pratiques mise en place par la Fédération des Entreprises du Commerce et de la Distribution et la Fédération des Entrepreneurs.

Il convient donc de rejeter la demande tendant à voir annuler le jugement.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies,

L'article L 442-6, I, 5 ancien du code de commerce applicable à la cause dispose qu'engage sa responsabilité et s'oblige à réparer le préjudice causé, celui qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages de commerce, par des accords interprofessionnels.

Sur l'existence de relations commerciales établies.

La société Mandatem ès qualités fait valoir :

- que les commandes et la part générée par la société Décathlon dans le chiffre d'affaires de la société Sport Elec Institut démontrent que les parties se trouvaient dans les liens d'une relation commerciale établie,

- qu'en effet, la relation commerciale entre les sociétés Sport Elec Institut et Décathlon s'est nouée en 1994 et a généré pour Sport Elec Institut un chiffre d'affaires annuel de près d'un million quatre cent mille euros (1 400 000,00 €) entre 2007 et 2017,

- que si, au cours de l'année 2013, Décathlon a tenté de procéder à un déréférencement des produits de Sport Elec Institut, elle a accepté de réduire le volume d'affaires de 3 % et non de 25 % comme initialement prévu,

- que si, au cours du mois de juin 2017, Décathlon a procédé à un déréférencement partiel des produits de Sport Elec Institut, ce nouveau déréférencement est le premier acte de la rupture brutale des relations commerciales intervenue en 2018 après 25 années de relations commerciales et ne permet pas de qualifier de précaires les relations commerciales établies entre les parties.

La société Décathlon rétorque :

- que dès 2013, elle avait initié un déréférencement partiel vis à vis de Sport Elec Institut ainsi qu'en atteste un courrier en date du 19 décembre 2013, par lequel elle a notifié à l'intimée une réduction du volume d'affaires à hauteur de 25 % pour l'année 2014,

- qu'après plusieurs échanges, elle a accepté de réduire de 3% le volume d'affaires pour 2014 et non pas de 25 %, de sorte que dès 2012-2013, Sport Elec Institut a été informée de sa volonté de déréférencer ses produits,

- qu'un nouveau déréférencement partiel a eu lieu en 2017, de sorte que Sport Elec Institut ne pouvait légitimement croire, dès cette époque, à un maintien de la relation sur le long terme avec elle selon le même volume d'affaires,

- que la notification de la rupture intervenue en janvier 2018 s'inscrit dans sa volonté de déréférencement des produits de Sport Elec Institut, de sorte que cette dernière ne pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec elle et que leurs relations, ne peuvent être qualifiées d'établies.

Réponse de la Cour,

Une relation commerciale "établie" présente un caractère "suivi, stable et habituel" et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux, ce qui implique, notamment qu'elle ne soit pas entachée par des incidents susceptibles de remettre en cause sa stabilité, voire sa régularité.

En l'espèce, c'est par des motifs justes et pertinents que la Cour adopte que le tribunal a retenu l'existence de relations commerciales établies entre les parties depuis 23 ans.

Il sera seulement ajouté que l'intention de la société Décathlon de réduire de 25 % le flux d'affaires entre elles en 2013 a été ramenée à 3 % après discussion entre les parties et que l'intention de réduire de 15 % le flux d'affaires en 2018, manifestée le 27 juin 2017, n'est pas de nature à précariser les relations, alors que la volonté de mettre un terme "à la relation commerciale établie" a été adressée par une lettre du 16 janvier 2018.

Sur la brutalité de la rupture,

La société Mandatem ès qualités fait valoir que les baisses de commandes que SA Décathlon prétend infliger à SAS Sport Elec Institut sont très importantes au regard du volume d'affaires entretenus entre les parties avant la rupture.

Sur les trois derniers exercices, les commandes ont été les suivantes:

- 166 commandes pour un montant total de 877 333,16 € HT en 2017.

- 127 commandes pour un montant total de 1 042 705,24 HT en 2016.

- 199 commandes pour un montant total de 1 728 451,23 € HT en 2015.

Elle indique que la moyenne sur les trois derniers exercices est donc de cent soixante-quatre commandes (164) commandes par an pour un montant d'un million deux cent seize mille cent soixante-trois euros (1 216 163,00 € HT) pour en déduire que la baisse des commandes annoncées va correspondre à :

- une diminution de 50,66 % par rapport à la moyenne des trois derniers exercices pour l'année 2018.

- une diminution de 58,88% par rapport à la moyenne des trois derniers exercices pour l'année 2019.

- une diminution de 83,55 % par rapport à la moyenne des trois derniers exercices pour l'année 2020.

Selon l'appelante :

- la brutalité de la rupture des relations commerciales est caractérisée et tient au fait que la SAS Décathlon a imposé des baisses de commandes très importantes pendant l'exécution du préavis de rupture ainsi qu'un arrêt de la commercialisation des produits de SAS Sport Elec Institut à compter du 1er novembre 2018 sur le site Internet de SA Décathlon rendant ainsi le préavis inefficace.,

- sur les trois ans de préavis, le chiffre d'affaires de trois millions six cent mille euros (3 600 000,00 €) qui aurait dû être réalisé aurait permis à SA Sport Elec Institut d'avoir un million deux cent mille euros (1 200 000,00 €) de trésorerie en plus, de sorte que le plan de sauvegarde aurait pu être respecté,

- pendant l'exécution du préavis, le déréférencement a été tel qu'il ne pouvait permettre la réorganisation de SA Sport Elect Institut et ce même si SA Décathlon n'a pas une position dominante sur le marché des appareils d'électrostimulation, - les conditions de la rupture doivent s'apprécier au regard des relations contractuelles en cause et non en fonction du marché des appareils d'électrostimulation.

La société Décathlon rétorque que dans le cadre de la relation commerciale Décathlon/Sport Elec Institut :

- aucun investissement n'a été réalisé par Sport Elec Institut au titre de sa relation avec Décathlon,

- aucune exclusivité n'a été demandée,

- le taux de dépendance de 24% revendiqué reste raisonnable.

Elle fait valoir que, dans l'intérêt de son cocontractant, elle a proposé la mise en œuvre d'un préavis de plus de 35 mois, soit le triple du préavis habituel dans ce type de situation en procédant progressivement au déréférencement des produits comme suit :

- En 2018 : 0,6 M€ net HT d'achats.

- En 2019 : 0,5 M€ net HT d'achats.

- En 2020 : 0,2 M€ net HT d'achats.

- En 2021 : arrêt des relations commerciales.

Elle relève qu'au cours des trois derniers exercices précédant la rupture (soit 2015-2016-2017), en se fondant sur les chiffres produits par Sport Elec Institut, le chiffre d'affaires annuel moyen s'est élevé à 1 204 333.00 €, de sorte qu'en respectant un préavis de 12 mois, conforme aux accords interprofessionnels et à la jurisprudence en vigueur, elle aurait dû garantir à Sport Elec Institut sur cette période de 12 mois un chiffre d'affaires de 1 200 000.00 € alors que sur une période de 35 mois, elle s'est engagée à un volume plus important puisque le chiffre d'affaires global annoncé a été de 1 300 000.00 €

Elle observe qu'ainsi :

- En 2018, la somme totale de 678.002 € HT a été facturée par Sport Elec Institut à Décathlon (prévisionnel de 600.000 €),

- En 2019, la somme totale de 514.466 € HT a été facturée par Sport Elec Institut à Décathlon (prévisionnel de 500.000 €),

- Du 1er janvier 2020 au 31 octobre 2020, la somme totale de 149.930 € HT a été facturée à Sport Elec Institut.

Soit un total au 31 octobre 2020 de 1.342.398 € HT, de sorte que le prévisionnel global pour les 3 années, soit au total la somme 1.300.000 €, a été réalisé avec Sport Elec Institut et t qu'elle a commandé au-delà de ce qu'elle avait annoncé dans son courrier du 26 janvier 2018 (+ 42.398 €).

Réponse de la Cour,

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont la dépendance économique, l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués et non amortis, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause.

En l'espèce, il n'existait aucune relation d'exclusivité entre les parties sur ce marché restreint des appareils d'électrostimulation, le taux de dépendance économique de 24 % allégué n'est pas excessif et n'est pas imputable à Décathlon, il n'est justifié d'aucun investissement de la société Sport Elect Institut au titre de cette relation.

La circonstance qu'un préavis de près de 3 ans (35 mois) ait été accordé par Décathlon à Sport Elec Institut par lettre du 26 janvier 2018, avant d'arrêter leurs relations commerciales à compter du 1er janvier 2021, n'obligeait nullement l'auteur de la rupture à maintenir durant toute cette période des relations identiques à celles qui existaient au cours des trois dernières années au regard des éléments qui suivent.

S'agissant de relations commerciales établies entre les parties de 23 ans et d'un chiffre d'affaires de 24 % réalisé par Sport Elect Institut sur les 3 dernières années, le code des bonnes pratiques mis en place par la Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France (FEEF) et la Fédération des entreprises du Commerce et de la Distribution (FCD) le 6 mars 2013 (pièce 26 de l'intimée) pour des relations de plus de 20 ans et une part de chiffres d'affaires allant de 15 à 25 %, prévoit une durée minimale de préavis de 10 mois.

Il s'ensuit qu'en accordant à son partenaire un délai de préavis de 35 mois, en réduisant progressivement le flux d'affaires (de 0,8 ME en 2017 à 0,6 ME en 2018, 0,5 MC en 2019 et 0.2 ME en 2020) avant l'arrêt total et définitif des relations, Décathlon n'a pas rompu brutalement les relations commerciales.

En effet la première baisse de volume en 2017 puis 2018, de l'ordre de 15 % par rapport à l'année précédente n'est pas substantielle, et le préavis étalé sur 35 mois est progressif.

Il sera ajouté que le flux d'affaires sur cette période de 35 mois s'est élevé à 1.342.398 € HT pour un chiffre d'affaires annuel moyen au cours des trois années qui ont précédé la rupture de 1 204 333.00 €.

Ainsi un préavis effectif exclusif de toute rupture brutale a été accordé.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation fondée sur une rupture brutale des relations commerciales établies.

Sur la demande d'indemnisation au titre de l'impossibilité pour Sport Elec Institut de respecter des engagements du plan de sauvegarde

La société Mandatem ès qualités sollicite à ce titre la somme de 1 000 000 € de dommages-intérêts.

Décathlon rétorque avoir respecté jusqu'à la fin, le prévisionnel de commandes notifié en janvier 2018, de sorte qu'elle ne saurait être à l'origine de la liquidation judiciaire de la société Sport Elec Institut. Elle ajoute que la somme de 1.000.000,00 € est fixée arbitrairement et de manière forfaitaire, sans aucune démonstration de nature à établir un lien de causalité entre une faute de sa part et le préjudice revendiqué.

Réponse de la Cour,

Aucune faute n'est retenue à l'encontre de la société Décathlon qui était en droit de rompre ses relations commerciales établies en respectant un délai de préavis suffisant,

De surcroît, ainsi que l'a relevé le tribunal, la lettre de rupture date du 16 janvier 2018 alors que le plan de sauvegarde a été adopté le 26 juillet 2018, soit postérieurement, de sorte que les chiffres d'affaires prévisionnels annoncés par Décathlon et qui ont été respectés, ont nécessairement été pris en compte.

Dès lors cette demande ne peut qu'être rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur la demande d'indemnisation au titre de la destruction des produits défectueux et du préjudice complémentaire.

La société Mandatem ès qualités fait grief à Décathlon d'avoir décidé de détruire les produits défectueux de manière unilatérale et émis des factures pour les produits défectueux sans restituer les produits concernés à Sport Elect Institut laquelle pouvait soit les faire réparer soit les détruire de manière conforme s'agissant de matériel médical.

Ainsi pour la période allant de l'année 2012 à l'année 2016, le montant des produits qui auraient dû être restitués mais qui ont été détruits par Décathlon s'élève à 212 408,00 €, dont elle demande le paiement, outre un préjudice supplémentaire fixé à la somme de 50 000,00 €.

La société Décathlon rétorque que toutes les demandes en paiement portant sur la période antérieure à septembre 2014 sont prescrites et que les factures dont il est demandé le remboursement ne sont pas versées aux débats de sorte qu'il ne peut être fait droit à cette demande.

Réponse de la Cour,

Ainsi que l'a justement retenu le tribunal, les demandes antérieures au mois de septembre 2014 sont prescrites sur le fondement de l'article L. 110-4 du code de commerce.

Par ailleurs, le liquidateur ès qualités ne produit pas les factures en cause ainsi qu'il lui incombe.

Cette demande d'indemnisation sera donc rejetée, de même que la demande au titre du préjudice complémentaire non justifiée et le jugement confirmé de ces chefs.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Le liquidateur ès qualités est condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à verser la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme allouée à ce titre par le tribunal.

La demande de l'appelant sur ce fondement est rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la demande d'annulation du jugement,

CONFIRME le jugement en ses dispositions qui lui sont soumises,

Y ajoutant,

Déboute la société Mandatem représentée par Me [W] [S] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sport Elect Institut de ses demandes ;

La condamne aux dépens d'appel et à payer à la société Décathlon SE la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.