Cass. 3e civ., 10 janvier 1996, n° 94-12.348
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauvois
Rapporteur :
M. Chollet
Avocat général :
M. Lucas
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, SCP Delaporte et Briard
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 14 décembre 1993), statuant sur renvoi après cassation, que la société Compagnie générale immobilière de France (Cogifrance), propriétaire de locaux à usage commercial pris en location par les époux X..., leur a donné congé avec offre de renouvellement du bail suivant un nouveau prix ; que, les locataires ayant accepté cette offre, la bailleresse a rétracté celle-ci au motif que les lieux étaient irrégulièrement exploités par la société Entreprise X... ;
Attendu que cette société et les époux X... font grief à l'arrêt de décider que ces derniers n'ont pas droit au renouvellement du bail, alors, selon le moyen, d'une part, que, par application des articles 4 et 5 du décret du 30 septembre 1953, le bailleur qui délivre un congé avec offre de renouvellement que le preneur accepte, est en droit de se rétracter, une fois accepté par le preneur le principe du renouvellement, à la condition qu'il établisse qu'à la délivrance du congé le motif du refus de renouvellement n'existait pas ou ne pouvait être connu de lui ; qu'en énonçant, pour décider que les époux X... n'avaient pas droit au renouvellement du bail commercial, qu'ils ne rapportaient pas la preuve que Cogifrance avait connaissance de la mise en location-gérance du fonds de commerce, la cour d'appel a 1o interverti la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil, 2o privé sa décision de toute base légale au regard des articles 4 et 5 du décret précité ; d'autre part, que la société Cogifrance avait, avant de le rétracter, signifié aux époux X... un congé avec offre de renouvellement ; qu'un tel congé, s'il est donné en connaissance du vice affectant la location-gérance, manifeste la renonciation du bailleur à se prévaloir de la déchéance du droit au renouvellement du bail en résultant ; qu'en énonçant que, même à la supposer avérée, la connaissance par le bailleur du vice affectant la location-gérance ne saurait suffire à démontrer le consentement de celui-ci et sa volonté d'entériner le fait accompli, la nullité de la location-gérance ne pouvant justifier la résiliation du bail par la bailleresse, la cour d'appel, qui a omis l'existence du congé délivré avec offre de renouvellement, a statué par une motivation inopérante et, partant, privé sa décision de toute base légale au regard des articles 4 et 5 du décret du 30 septembre 1953 ;
Mais attendu que le bailleur ayant offert le renouvellement du bail pouvant, même s'il avait eu lors de cette offre connaissance de la situation, ultérieurement rétracter cette offre sans payer une indemnité d'éviction s'il établit que les conditions d'application du statut des baux commerciaux ne sont pas remplies, la cour d'appel, qui a relevé que le contrat de location-gérance consenti, en 1978, par M. X... à la société X... était nul faute pour celui-ci d'avoir alors exploité le fonds depuis 2 années au moins, et a exactement retenu que la société Cogifrance, qui n'avait pas renoncé à se prévaloir de la déchéance du bénéfice du statut, pouvait invoquer, en tout état de cause, l'inapplicabilité de ce statut résultant de la nullité du contrat de location-gérance, a, par ces seuls motifs, sans modifier la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.