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Décisions

CJUE, 8e ch., 5 octobre 2023, n° C-296/22

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

A.T.U. Auto-Teile-Unger GmbH & Co. KG, Carglass GmbH

Défendeur :

FCA Italy SpA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Safjan

Juges :

M. Piçarra (rapporteur), M. Gavalec

Avocat général :

M. Sánchez-Bordona

Avocats :

Me Macher, Me Ruttloff

CJUE n° C-296/22

5 octobre 2023

LA COUR (huitième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 61, paragraphes 1 et 4, ainsi que de l’annexe X, point 2.9, du règlement (UE) 2018/858 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018, relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, modifiant les règlements (CE) no 715/2007 et (CE) no 595/2009 et abrogeant la directive 2007/46/CE (JO 2018, L 151, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant A.T.U. Auto Teile Unger GmbH & Co. KG (ci-après « ATU »), une chaîne de réparateurs indépendants, et Carglass GmbH, une entreprise de réparation et de remplacement de vitrages de véhicules, à FCA Italy SpA (ci après « FCA »), une filiale du groupe automobile Fiat Chrysler Automobiles NV, qui fabrique des véhicules particuliers et utilitaires légers, au sujet de la mise à disposition, par cette dernière, du flux de données direct de ses véhicules.

Le cadre juridique

Le droit international

3 Le règlement de l’Organisation des Nations unies (ONU) no 155 – Prescriptions uniformes relatives à l’homologation des véhicules en ce qui concerne la cybersécurité et de leurs systèmes de gestion de la cybersécurité [2021/387] (JO 2021, L 82, p. 30), prévoit, à son point 1.3 :

« Le présent règlement s’entend sans préjudice des autres règlements ONU et textes législatifs régionaux ou nationaux régissant l’accès des parties autorisées au véhicule et à ses données, fonctions et ressources et les conditions de cet accès. [...] »

Le droit de l’Union

Le règlement 2018/858

4 Les considérants 50 et 52 du règlement 2018/858 énoncent :

« (50) L’accès libre aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules, dans un format normalisé permettant l’extraction des données techniques, ainsi qu’une concurrence effective sur le marché des services fournissant de telles informations, sont nécessaires pour améliorer le fonctionnement du marché intérieur, en particulier en ce qui concerne la libre circulation des marchandises, la liberté d’établissement et la libre prestation de services. [...]

[...]

(52) Afin de garantir une concurrence effective sur le marché des services d’information sur la réparation et l’entretien des véhicules ainsi que de préciser que les informations concernées couvrent également les informations devant être fournies aux opérateurs indépendants autres que les réparateurs, de sorte que le marché de la réparation et de l’entretien de véhicules par des opérateurs indépendants puisse dans son ensemble concurrencer les concessionnaires agréés, [...] il est nécessaire de détailler les informations à fournir aux fins de l’accès aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules. »

5 L’article 3 de ce règlement est libellé comme suit :

« Aux fins du présent règlement et des actes réglementaires énumérés à l’annexe II, sauf dispositions contraires y figurant, on entend par :

[...]

2. “réception UE par type” : la procédure par laquelle une autorité compétente en matière de réception certifie qu’un type de véhicule, de système, de composant ou d’entité technique distincte satisfait aux dispositions administratives et aux prescriptions techniques applicables du présent règlement ;

[...]

40. “constructeur” : une personne physique ou morale qui est responsable de tous les aspects de la réception par type d’un véhicule, d’un système, d’un composant ou d’une entité technique distincte, de la réception individuelle d’un véhicule ou de la procédure d’autorisation pour les pièces et équipements, de la garantie de la conformité de la production et des aspects relatifs à la surveillance du marché concernant ce véhicule, ce système, ce composant, cette entité technique distincte, cette pièce et cet équipement, que cette personne soit ou non directement associée à toutes les étapes de la conception et de la construction du véhicule, du système, du composant ou de l’entité technique distincte concerné ;

[...]

45. “opérateur indépendant” : une personne physique ou morale, autre qu’un concessionnaire ou réparateur agréé, qui est directement ou indirectement engagée dans la réparation et l’entretien de véhicules, y compris les réparateurs, les fabricants ou les distributeurs d’équipements, d’outils ou de pièces détachées de réparation ainsi que les éditeurs d’informations techniques, les clubs automobiles, les opérateurs de services de dépannage, les opérateurs proposant des services d’inspection et d’essai et les opérateurs proposant une formation pour les installateurs, les fabricants et les réparateurs des équipements des véhicules à carburant alternatif ; [...]

[...]

48. “informations sur la réparation et l’entretien des véhicules” : toutes les informations, y compris tous les changements et compléments ultérieurs apportés à ces informations, qui sont requises pour le diagnostic, l’entretien et l’inspection d’un véhicule, la préparation en vue de la réalisation du contrôle technique, la réparation, la reprogrammation, la réinitialisation d’un véhicule ou qui sont requises pour l’aide au diagnostic à distance d’un véhicule ou pour le montage sur un véhicule des pièces et équipements, et que le constructeur fournit à ses partenaires, concessionnaires et réparateurs agréés ou qu’il utilise à des fins de réparation ou d’entretien ;

49. “informations du système de diagnostic embarqué (OBD) des véhicules” : les informations générées par un système qui est présent à bord d’un véhicule ou qui est connecté à un moteur, et qui est capable de détecter un dysfonctionnement et, le cas échéant, de signaler sa survenance au moyen d’un système d’alerte, d’identifier la localisation probable du dysfonctionnement au moyen d’informations stockées dans une mémoire informatique et de communiquer ces informations à l’extérieur du véhicule ;

[...] »

6 L’article 61 dudit règlement, intitulé « Obligation des constructeurs de fournir les informations du système OBD et les informations sur la réparation et l’entretien des véhicules », dispose :

« 1. Les constructeurs fournissent aux opérateurs indépendants un accès illimité, normalisé et non discriminatoire aux informations du système OBD des véhicules, aux équipements et outils de diagnostic ou autres, y compris les références complètes et les téléchargements disponibles du logiciel applicable, ainsi qu’aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules. Ces informations sont présentées d’une manière aisément accessible, sous la forme d’ensembles de données lisibles par machine et électroniquement exploitables. [...]

[...]

4. Les prescriptions techniques détaillées concernant l’accès aux informations du système OBD des véhicules et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules, en particulier les spécifications techniques sur la manière dont ces informations doivent être fournies, sont énoncées à l’annexe X.

[...] »

7 L’annexe II du même règlement, intitulée « Prescriptions applicables aux fins de la réception UE par type de véhicules, de systèmes, de composants ou d’entités techniques distinctes », comprend une partie I qui porte le titre « Actes réglementaires applicables aux fins de la réception UE par type de véhicules produits en séries illimitées ». Dans sa version en vigueur jusqu’au 6 juillet 2022, l’élément 63 de cette partie mentionnait le règlement (CE) no 661/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant les prescriptions pour l’homologation relatives à la sécurité générale des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, composants et entités techniques distinctes qui leur sont destinés (JO 2009, L 200, p. 1). Dans sa version résultant du règlement (UE) 2019/2144 du Parlement européen et du Conseil, du 27 novembre 2019, relatif aux prescriptions applicables à la réception par type des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, en ce qui concerne leur sécurité générale et la protection des occupants des véhicules et des usagers vulnérables de la route, modifiant le règlement (UE) 2018/858 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les règlements (CE) no 78/2009, (CE) no 79/2009 et (CE) no 661/2009 du Parlement européen et du Conseil et les règlements (CE) no 631/2009, (UE) no 406/2010, (UE) no 672/2010, (UE) no 1003/2010, (UE) no 1005/2010, (UE) no 1008/2010, (UE) no 1009/2010, (UE) no 19/2011, (UE) no 109/2011, (UE) no 458/2011, (UE) no 65/2012, (UE) no 130/2012, (UE) no 347/2012, (UE) no 351/2012, (UE) no 1230/2012 et (UE) 2015/166 de la Commission (JO 2019, L 325, p. 1, et rectificatif JO 2021, L 398, p. 21), cet élément 63 mentionnait le règlement 2019/2144.

8 L’annexe X du règlement 2018/858, intitulée « Accès aux informations du système OBD des véhicules et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules », prescrit, à son point 2.9 :

« Aux fins du système OBD, du diagnostic, de la réparation et de l’entretien des véhicules, le flux de données direct du véhicule est mis à disposition par l’intermédiaire du port de données sériel du connecteur de liaison de données normalisé, [...]

Lorsque le véhicule est en mouvement, les données sont mises à disposition uniquement pour les fonctions accessibles en lecture seule. »

9 Cette annexe précise, à son point 6.2, que « [l]’accès aux caractéristiques de sécurité du véhicule utilisées par les concessionnaires et réparateurs agréés doit être fourni aux opérateurs indépendants, sous la protection d’une technologie de sécurité ».

10 Aux termes du point 6.4 de ladite annexe :

« La reprogrammation des unités de contrôle est réalisée conformément à la norme internationale ISO 22900-2, SAE J2534 ou TMC RP1210B en utilisant du matériel non propriétaire.

Afin de valider la compatibilité de l’application propre au constructeur et des interfaces de communication du véhicule (VCI) conformes à la norme internationale ISO 22900-2, SAE J2534 ou TMC RP1210B, le constructeur soit propose une validation des VCI résultant d’un développement indépendant, soit fournit les informations nécessaires au fabricant de VCI pour effectuer lui-même cette validation et lui prêter tout matériel spécial requis à cet effet.

[...] »

Le règlement no 661/2009

11 L’article 5 du règlement no 661/2009, intitulé « Exigences générales et essais », prévoyait, à son paragraphe 1 :

« Les constructeurs veillent à ce que les véhicules soient conçus, construits et assemblés de façon à minimiser le risque de blessure pour les occupants et les autres usagers de la route. »

Le règlement 2019/2144

12 Le considérant 27 du règlement 2019/2144 énonce :

« Les modifications de logiciels peuvent transformer considérablement les fonctionnalités d’un véhicule. Il convient donc d’établir des règles et des prescriptions techniques harmonisées pour les modifications de logiciels, en conformité avec les procédures de réception par type. C’est pourquoi les règlements de l’ONU et les autres actes réglementaires concernant les procédures de mise à jour des logiciels devraient être appliqués sur une base contraignante le plus rapidement possible après leur entrée en vigueur. Toutefois, ces mesures de sécurité ne devraient pas porter atteinte aux obligations imposées au constructeur du véhicule de fournir l’accès à des informations diagnostiques complètes et aux données embarquées pertinentes pour la réparation et l’entretien du véhicule. »

13 L’article 4 de ce règlement, intitulé « Obligations générales et prescriptions techniques », dispose, à ses paragraphes 4 et 5 :

« 4. Les constructeurs font en sorte que les véhicules soient conçus, construits et assemblés de façon à minimiser le risque de blessure pour leurs occupants et pour les usagers vulnérables de la route.

5. Les constructeurs font également en sorte que les véhicules, systèmes, composants et entités techniques distinctes soient conformes aux prescriptions applicables énumérées dans l’annexe II, avec effet à compter des dates spécifiées dans ladite annexe, aux prescriptions techniques et aux procédures d’essai détaillées définies dans les actes délégués, ainsi qu’aux procédures uniformes et spécifications techniques prévues dans les actes d’exécution adoptés en vertu du présent règlement, [...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

14 ATU et Carglass sont des opérateurs indépendants, au sens de l’article 3, point 45, du règlement 2018/858, dont l’activité inclut la réalisation de diagnostics de véhicules.

15 FCA, en tant que constructeur, au sens de l’article 3, point 40, de ce règlement, équipe ses véhicules du système dit « Secure Gateway ». Pour pouvoir effectuer des opérations en écriture, purger les codes d’anomalie, procéder à des étalonnages et activer des éléments de ces véhicules, tant les réparateurs indépendants que les réparateurs agréés doivent respecter les exigences définies par FCA, à savoir s’enregistrer au préalable auprès de celle-ci, s’identifier à l’aide de données de connexion personnelles sur un serveur désigné par FCA, acheter un abonnement payant pour l’utilisation d’outils de diagnostic génériques et connecter ces derniers, au moyen d’Internet, à ce serveur.

16 Considérant que l’imposition unilatérale, par FCA, de ces exigences constitue une violation des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 61, paragraphes 1 et 4, du règlement 2018/858, lu en combinaison avec l’annexe X, point 2.9, de ce règlement, ATU et Carglass ont saisi le Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours tendant à ce que FCA soit condamnée à cesser de subordonner, en Allemagne, le diagnostic, la réparation et l’entretien des véhicules à ces exigences, pour autant qu’il ne s’agisse pas de la reprogrammation complète des unités de contrôle.

17 La juridiction de renvoi considère que l’issue du litige dépend de l’interprétation des dispositions combinées de l’article 61, paragraphes 1 et 4, et de l’annexe X, point 2.9, du règlement 2018/858.

18 Elle relève, d’une part, que le libellé de cet article 61, paragraphe 1, ainsi que l’esprit et la finalité de ce règlement plaident pour une interprétation de l’obligation de fournir un accès « illimité », prévue à cette disposition, en ce sens que FCA est tenue de fournir un accès complet au flux de données direct du véhicule par l’intermédiaire de l’interface du système OBD, sans pouvoir subordonner le recours à des outils de diagnostic et leur utilisation à des exigences imposées unilatéralement. Cette juridiction se fonde sur le point 28 de l’arrêt du 19 septembre 2019, Gesamtverband Autoteile-Handel (C 527/18, EU:C:2019:762), pour considérer que l’obligation de fournir un accès « sans restriction », prévue par la réglementation en vigueur avant l’adoption dudit règlement, portait sur le contenu des informations et non pas sur les modalités de la mise à disposition de ces informations. Toutefois, ladite juridiction s’interroge sur la possibilité d’interpréter de la même manière la notion d’accès « illimité », au sens de l’article 61, paragraphe 1, du règlement 2018/858, compte tenu de ce que, selon elle, ce règlement instaure un nouveau régime juridique en la matière.

19 Si cette notion devait être comprise en ce sens qu’elle vise non seulement le contenu des informations, mais aussi les conditions d’utilisation des outils de diagnostic, la juridiction de renvoi se demande si la garantie de sécurité générale des véhicules, visée à l’élément 63 de la partie I de l’annexe II du règlement 2018/858, dans sa version en vigueur jusqu’au 6 juillet 2022 ou dans celle résultant du règlement 2019/2144, impose d’interpréter ladite notion de manière restrictive.

20 Dans ces conditions, le Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 61, paragraphes 1 et 4, du règlement 2018/858, lu en combinaison avec le point 2.9 de l’annexe X de ce règlement, [...] doit-il être interprété, compte tenu également des prescriptions imposées aux constructeurs de véhicules pour garantir la sécurité générale des véhicules, conformément à l’élément 63 de la partie I de l’annexe II dudit règlement,

– lu en combinaison avec le règlement no 661/2009, en ce qui concerne les véhicules réceptionnés par type avant le 6 juillet 2022, notamment [avec] l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement, et

– lu en combinaison avec le règlement 2019/2144, [applicable à partir du] 6 juillet 2022, notamment [avec] l’article 4, paragraphes 4 et 5, de ce règlement,

en ce sens que le constructeur de véhicules doit toujours veiller, même lorsqu’il met en œuvre des mesures de sécurité au titre de ces prescriptions, à ce qu’il demeure possible pour des réparateurs indépendants de procéder [à la consultation des informations du] système OBD des véhicules ainsi qu’au diagnostic, à la réparation et à l’entretien des véhicules, [y] compris [aux] opérations en écriture requises à cet effet, à l’aide d’un outil de diagnostic universel et générique, sans que cet outil doive être connecté via Internet à un serveur désigné par le constructeur et/ou que l’utilisateur doive au préalable s’enregistrer personnellement auprès de ce constructeur, ces conditions n’étant pas expressément prévues par le règlement 2018/858 ? »

Sur la demande d’ouverture de la phase orale de la procédure

21 Par acte déposé au greffe de la Cour le 19 juin 2023, FCA a demandé l’ouverture de la phase orale de la procédure, en application de l’article 83 du règlement de procédure de la Cour, en se prévalant d’un document émis par le Centro Prova Autoveicoli Torino (centre de contrôle des véhicules automoteurs de Turin, Italie), une autorité régionale compétente en matière de réception des véhicules, et d’un courrier du Ministero delle Infrastrutture e dei Trasporti (ministère des Infrastructures et des Transports, Italie), par lequel cette autorité certifierait la compatibilité avec l’article 61, paragraphe 1, du règlement 2018/858 du système « Secure Gateway » dont FCA équipe ses véhicules.

22 En vertu de l’article 83 du règlement de procédure, la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner l’ouverture ou la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu.

23 En l’occurrence, la Cour, l’avocat général entendu, estime, sur la base de la demande de décision préjudicielle et des observations écrites, qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour traiter le présent renvoi préjudiciel et que les documents invoqués par FCA dans sa demande du 19 juin 2023, visés au point 21 du présent arrêt, dont la pertinence pour la procédure au principal doit être appréciée par la juridiction de renvoi, ne constituent pas des faits nouveaux de nature à exercer une influence décisive sur la décision préjudicielle de la Cour.

24 Partant, il n’y a pas lieu d’ordonner l’ouverture de la phase orale de la procédure.

Sur la question préjudicielle

25 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 61, paragraphes 1 et 4, du règlement 2018/858, lu en combinaison avec le point 2.9 de l’annexe X de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un constructeur automobile subordonne l’accès des opérateurs indépendants aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules ainsi qu’à celles du système OBD, y compris l’accès en écriture à ces informations, à des conditions autres que celles prévues par ledit règlement.

26 Il importe de rappeler d’emblée que, lors de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 9 juin 2022, IMPERIAL TOBACCO BULGARIA, C 55/21, EU:C:2022:459, point 44 et jurisprudence citée). La genèse d’une telle disposition peut également fournir des éléments pertinents pour l’interprétation de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2018, Wightman e.a., C 621/18, EU:C:2018:999, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

27 S’agissant de l’interprétation littérale des dispositions en cause, l’article 61, paragraphe 1, du règlement 2018/858 oblige les constructeurs automobiles à fournir aux opérateurs indépendants un accès illimité, normalisé et non discriminatoire aux informations du système OBD, au sens de l’article 3, point 49, de ce règlement, aux équipements et aux outils de diagnostic ou autres, ainsi qu’aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules, au sens de cet article 3, point 48. Ces informations doivent être présentées d’une manière aisément accessible, sous la forme d’ensembles de données lisibles par machine et électroniquement exploitables.

28 L’article 61, paragraphe 4, dudit règlement prévoit que « [l]es prescriptions techniques détaillées concernant l’accès aux informations du système OBD des véhicules et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules, en particulier les spécifications techniques sur la manière dont ces informations doivent être fournies, sont énoncées à l’annexe X ». Cette annexe prescrit, à son point 2.9, que, « [a]ux fins du système OBD, du diagnostic, de la réparation et de l’entretien des véhicules, le flux de données direct du véhicule est mis à disposition par l’intermédiaire du port de données sériel du connecteur de liaison de données normalisé ». Cette dernière disposition précise en outre, à son second alinéa, que, lorsque le véhicule est en mouvement, les données sont mises à disposition uniquement pour les fonctions accessibles en lecture seule.

29 Il en découle, d’une part, que l’obligation, pour les constructeurs automobiles, de fournir un accès illimité, normalisé et non discriminatoire aux informations du système OBD ainsi qu’à celles sur la réparation et l’entretien des véhicules, prévue à l’article 61, paragraphe 1, du règlement 2018/858, comprend l’obligation de permettre aux opérateurs indépendants de traiter et d’exploiter ces informations sans être soumis à des conditions autres que celles prévues par ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2022, ADPA et Gesamtverband Autoteile-Handel, C 390/21, EU:C:2022:837, point 29). D’autre part, il résulte du point 2.9, second alinéa, de l’annexe X dudit règlement que, lorsque le véhicule n’est pas en mouvement, ces opérateurs doivent bénéficier d’un accès plus étendu qu’un accès en lecture seule aux données visées à cette dernière disposition.

30 S’agissant de l’interprétation contextuelle des dispositions en cause, les points 6.2 et 6.4 de l’annexe X du règlement 2018/858 définissent, d’une part, les prescriptions relatives à l’accès aux caractéristiques de sécurité du véhicule et, d’autre part, les exigences relatives à la reprogrammation des unités de contrôle. Ainsi que la Commission européenne l’a relevé dans ses observations écrites, ces points identifient les cas dans lesquels l’accès aux informations du système OBD ainsi qu’à celles sur la réparation et l’entretien des véhicules peut être soumis à certaines conditions en raison de leur importance pour la sécurité. Hormis ces cas, les opérateurs indépendants doivent donc bénéficier d’un droit d’accès à ces informations sans être soumis à des conditions autres que celles prévues par ledit règlement (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2022, ADPA et Gesamtverband Autoteile-Handel, C 390/21, EU:C:2022:837, point 32).

31 L’interprétation figurant au point 29 du présent arrêt est corroborée par l’objectif énoncé aux considérants 50 et 52 du règlement 2018/858, à savoir permettre une concurrence effective sur le marché des services d’information sur la réparation et l’entretien des véhicules, de sorte que le marché de la réparation et de l’entretien des véhicules par les opérateurs indépendants puisse concurrencer celui des concessionnaires agréés (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2022, ADPA et Gesamtverband Autoteile-Handel, C 390/21, EU:C:2022:837, point 30).

32 Les opérateurs indépendants doivent ainsi obtenir un accès illimité aux informations nécessaires pour mener leurs activités dans la chaîne d’approvisionnement du marché de la réparation et de l’entretien des véhicules. Or, soumettre l’accès aux informations visées à l’article 61, paragraphe 1, du règlement 2018/858 à des conditions qui ne sont pas prévues par ce dernier risquerait de diminuer le nombre de réparateurs indépendants ayant accès à ces informations, avec pour effet potentiel de réduire la concurrence sur le marché des services d’information sur la réparation et l’entretien des véhicules ainsi que, partant, l’offre aux consommateurs. Par ailleurs, si les constructeurs pouvaient limiter à leur gré l’accès au flux de données direct du véhicule, au sens du point 2.9 de l’annexe X de ce règlement, il leur serait loisible de subordonner l’accès à ce flux à des conditions susceptibles de le rendre, en pratique, impossible.

33 L’interprétation donnée au point 29 du présent arrêt est également corroborée par la genèse de l’article 61, paragraphe 1, du règlement 2018/858. En effet, alors que la réglementation antérieure – qui opérait une distinction entre, d’une part, l’accès aux informations sur la réparation et l’entretien de véhicules et, d’autre part, le format dans lequel cet accès devait être octroyé – n’excluait des restrictions qu’à l’égard du contenu de ces informations (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, Gesamtverband Autoteile-Handel, C 527/18, EU:C:2019:762, point 28), cet article 61, paragraphe 1, oblige le constructeur non seulement à fournir un accès illimité aux informations visées à cette disposition, mais aussi à présenter ces informations d’une manière « aisément accessible ».

34 Il s’ensuit que l’obligation imposée, à l’article 61, paragraphe 1, du règlement 2018/858, aux constructeurs automobiles d’accorder aux opérateurs indépendants un accès aux informations visées à cette disposition dans un format susceptible de faire l’objet d’un traitement électronique, obligation qui n’a été introduite qu’au cours de la procédure législative afférente à ce règlement, va au delà de celle d’accorder cet accès en simple lecture (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, Gesamtverband Autoteile-Handel, C 527/18, EU:C:2019:762, points 26 et 34).

35 Par ailleurs, s’agissant des exigences relatives à la cybersécurité découlant du règlement no 155 de l’ONU, invoquées par FCA, il suffit de relever que ce règlement prévoit, à son point 1.3, qu’il doit s’entendre sans préjudice, notamment, des « textes législatifs régionaux ou nationaux régissant l’accès des parties autorisées au véhicule et à ses données, fonctions et ressources et les conditions de cet accès ».

36 S’agissant du renvoi opéré par l’élément 63 de la partie I de l’annexe II du règlement 2018/858 au règlement 2019/2144, le considérant 27 de ce dernier règlement énonce expressément que les mesures de sécurité que celui-ci prévoit « ne devraient pas porter atteinte aux obligations imposées au constructeur du véhicule de fournir l’accès à des informations diagnostiques complètes et aux données embarquées pertinentes pour la réparation et l’entretien du véhicule ».

37 Enfin, à l’instar de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 661/2009, auquel cet élément 63 renvoyait jusqu’au 6 juillet 2022, l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2019/2144, auquel ledit élément renvoie à partir de cette date, prévoit que les questions de sécurité doivent être assurées au stade de la conception, de la construction et de l’assemblage des véhicules, et non pas au détriment des autres opérateurs du marché, tels que les opérateurs indépendants, ce qui compromettrait l’objectif rappelé au point 31 du présent arrêt.

38 Il en résulte que des conditions d’accès aux informations visées à l’article 61, paragraphe 1, du règlement 2018/858, autres que celles prévues par ce règlement, telles qu’une connexion de l’outil de diagnostic au moyen d’Internet à un serveur désigné par le constructeur ou un enregistrement préalable des opérateurs indépendants auprès de ce constructeur, ne sont pas admises par ledit règlement.

39 Eu égard aux motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 61, paragraphes 1 et 4, du règlement 2018/858, lu en combinaison avec l’annexe X de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un constructeur automobile subordonne l’accès des opérateurs indépendants aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules ainsi qu’à celles du système OBD, y compris l’accès en écriture à ces informations, à des conditions autres que celles prévues par ledit règlement.

Sur les dépens

40 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

L’article 61, paragraphes 1 et 4, du règlement (UE) 2018/858 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018, relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, modifiant les règlements (CE) no 715/2007 et (CE) no 595/2009 et abrogeant la directive 2007/46/CE, lu en combinaison avec l’annexe X du règlement 2018/858,

doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à ce qu’un constructeur automobile subordonne l’accès des opérateurs indépendants aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules ainsi qu’à celles du système de diagnostic embarqué, y compris l’accès en écriture à ces informations, à des conditions autres que celles prévues par ledit règlement.