Cass. 3e civ., 25 juin 1997, n° 95-16.433
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. BEAUVOIS
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 mars 1995), que la société Beau de Rochas, ayant pris à bail pour douze années des locaux à usage commercial, en a reçu congé sur le fondement des articles 8 et 10 du décret du 30 septembre 1953, pour le terme de la deuxième période triennale; que la société Logement et patrimoine, bailleresse, l'a assignée en expulsion et fixation des indemnités d'éviction et d'occupation ;
Attendu que la société Beau de Rochas fait grief à l'arrêt de fixer l'indemnité d'éviction à une certaine somme, alors, selon le moyen, "1°) que l'indemnité d'éviction doit correspondre à la valeur du droit au bail dès lors que cette valeur est, à elle seule, supérieure à la valeur marchande du fonds de commerce; qu'en présence d'un congé avec refus de renouvellement donné en cours de bail en application des dispositions de l'article 10 du décret du 30 septembre 1953, la valeur du droit au bail doit s'apprécier, entre autres paramètres, par référence au loyer acquitté au jour du congé par le preneur évincé sans qu'il puisse être procédé à un quelconque déplafonnement en l'absence de toute procédure engagée dans les termes de l'article 27 du décret du 30 septembre 1953; qu'en décidant qu'à la suite du congé donné par la société Logement et patrimoine avec effet à l'expiration de la deuxième période triennale du bail initialement conclu pour une durée de douze années, la valeur du droit au bail devait être appréciée par référence au montant du loyer tel qu'il aurait été déplafonné lors de la révision triennale si une telle révision avait été effectuée, et non par référence au loyer effectivement acquitté par la société Beau de Rochas au 31 juillet 1991, date d'effet du congé, la cour d'appel a violé les articles 8 et 10 du décret du 30 septembre 1953; 2°) qu'en décidant que l'expert avait, à juste titre, conclu au "déplafonnement du loyer consécutif à une révision triennale" du fait d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, sans rechercher, bien qu'y ayant été expressément invitée, si la prise en charge par la société Beau de Rochas, à ses seuls frais, d'importants travaux concernant la structure de l'immeuble, ne devait pas être prise en considération pour apprécier la valeur locative des locaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8, 10 et 23-3 du décret du 30 septembre 1953; 3°) que, dans ses conclusions d'appel, la société Beau de Rochas avait fait valoir, à l'instar de l'analyse retenue par les premiers juges, que le congé avec refus de renouvellement ayant été délivré en cours de bail, alors que six années restaient encore à courir, la réparation intégrale du préjudice résultant de la perte du droit au bail supposait des juges du fond qu'ils dissocient la période restant à courir du bail originaire de la période correspondant à la durée du bail à renouveler, la société Beau de Rochas étant en droit d'obtenir, à tout le moins, réparation de 15 annuités; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement le préjudice entraîné par l'éviction, la cour d'appel, devant laquelle la société Beau de Rochas faisait valoir qu'ayant effectué des travaux dans les lieux, elle avait, en contrepartie, bénéficié d'un loyer minoré, et qui n'était donc pas tenue de procéder à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision en se référant à la situation qu'aurait connue la société Beau de Rochas jusqu'à l'expiration du bail tel que les parties en avaient prévu la durée et, relevant qu'une modification des facteurs locaux de commercialité avait entraîné, par elle-même, une variation de plus de 10 % de la valeur locative en en déduisant, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que l'évaluation du droit au bail devait se faire en fonction du loyer déplafonné, des caractéristiques des locaux, de leur intérêt commercial et de leur état d'entretien ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.