Cass. com., 6 décembre 2016, n° 15-10.041
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 23 octobre 2014), que Mme X... détenait des parts dans la SARL Tuyauterie industrielle, chaudronnerie, mécanique (la société TICM), ainsi que dans les SARL Metallerie picarde et Calorifuge isolation 2000 ; que le 17 décembre 2009, elle a créé avec son père, M. X..., la SARL Djena ; que le 23 avril 2010, elle a cédé à celui-ci sa participation dans le capital de cette société ; que par acte du 26 juillet 2010, elle a cédé à la société Djena la totalité des parts qu'elle détenait dans les sociétés TICM, Metallerie picarde et Calorifuge isolation 2000 ; que le même jour, elle a fait donation à son père des sommes dont elle était créancière envers la société Djena du fait des cessions consenties à cette dernière ; que Mme X... a ultérieurement assigné M. X... et la société Djena en annulation de cette donation ainsi qu'en paiement : que ces derniers se sont opposés à ces demandes en invoquant l'existence de conventions de prête-nom conclues entre M. X... et sa fille ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que ni les liens de parenté unissant les parties, ni le degré d'estime, de confiance et d'intimité ayant existé entre elles, ne suffisent à caractériser une impossibilité morale de justifier d'une preuve littérale ; qu'en se bornant, pour dispenser M. X... de rapporter la preuve littérale des mandats, à énoncer que ce dernier était dans l'impossibilité morale de se procurer un écrit compte tenu des liens de confiance qu'il avait avec sa fille, sans expliciter en quoi les liens de confiance ayant existé entre la fille et son père plaçaient ce dernier dans l'impossibilité morale d'exiger un écrit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1348 du code civil ;
2°/ qu'en se fondant, pour dispenser M. X... de rapporter la preuve littérale des mandats, sur la circonstance que, plusieurs années plus tard, ce dernier avait formalisé par écrit la restitution du prix de vente des actions et le règlement de leurs comptes, s'expliquant par la perte de confiance envers sa fille qui n'avait pas accepté dans un premier temps d'opérer les restitutions, circonstance qui n'était pourtant pas de nature à expliquer en quoi les liens de confiance ayant existé entre la fille et le père lors de la conclusion des supposés mandats constituaient un obstacle à la rédaction d'un écrit, la cour d'appel qui s'est déterminée par des motifs inopérants, a violé l'article 1348 du code civil ;
3°/ que dans son attestation du 29 août 2011, M. Y..., expert-comptable, indiquait, après avoir exposé que le « régime d'exonération fiscale de l'impôt sur les sociétés, pour la création d'entreprises nouvelles » « interdisait la détention » du capital social « par des personnes ayant des responsabilités dans d'autres entreprises préexistantes », qu'il avait été décidé, sur son conseil, que « M. X... n'aurait aucune part, ni fonction dans la nouvelle structure, afin de mettre le maximum d'atouts pour prétendre au bénéfice de ce dispositif », précisait que le capital social de la société TICM, créée le 26 janvier 1993, avait été divisé entre sa fille, Linda, et son fils, Mustapha, sans « qu'aucun fonds [n'ait] été apporté par ses personnes » et soulignait à cet égard « qu'un contrôle fiscal portant sur la période de 1993 à 1995 [s'était] déroulé en 1996 et [avait abouti] à la remise en cause du bénéfice du dispositif d'exonération » ; qu'en affirmant, pour écarter la fraude fiscale et débouter Mme X... de sa demande en nullité des conventions de prête-nom, que l'attestation de M. Y...ne suffisait pas à démontrer que l'exonération fiscale ait été la cause déterminante des conventions de prête-nom, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette attestation desquels il résultait que M. X... avait, pour bénéficier de l'exonération fiscale, réparti le capital social de la société TICM et dont il était le seul et véritable détenteur, entre ses deux enfants, de manière à ne pas apparaître comme le détenteur des parts sociales, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
4°/ que la convention de prête-nom ayant pour but de faire échec à une règle d'ordre public est nulle pour fraude à la loi ; qu'en se fondant, pour dire que les conventions de prête-nom n'avaient pas été causées par la volonté de M. X... de frauder les droits de son épouse dans la communauté durant la procédure de divorce, sur la circonstance que la souscription ou l'achat des parts des deux premières sociétés, en l'occurrence les sociétés TICM et Métallurgie Picardie, avaient eu lieu cinq ou six ans avant l'introduction de la procédure de divorce en 1999, circonstance qui n'était pourtant pas de nature à exclure l'existence d'une fraude aux droits de l'épouse de M. X..., la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants et a violé les articles 1321 et 1133 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que sous le couvert de griefs non fondés de défaut de base légale et de violation de la loi, les deux premières branches du moyen ne tendent qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la cour d'appel, laquelle, ayant relevé les liens de confiance existant entre Mme X... et son père, en a déduit que celui-ci s'était trouvé dans l'impossibilité morale de se procurer une preuve par écrit ;
Et attendu, en second lieu, que c'est sans dénaturation et dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a retenu que les conventions de prête-nom conclues entre M. X... et sa fille ne revêtaient aucun caractère frauduleux ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.