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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 4 mai 2011, n° 10/23733

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

ROUXEL SECAMA (SAS)

Défendeur :

68 VICTOR HUGO (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme BARTHOLIN

Conseillers :

Mme IMBAUD-CONTENT, Mme BLUM

Avoués :

SCP VERDUN - SEVENO, SCP GUIZARD

Avocats :

Me NEVEU, Me PARINAUD

TGI BOBIGNY, du 9 nov. 2010

9 novembre 2010

Par acte sous seing privé en date du 23 septembre 1993, la société Compagnie des entrepôts et magasins généraux de Paris dite EMPG aux droits de laquelle se trouve actuellement la sciVictor Hugo par suite d'un traité d'apport en date du 30 juillet 2004, a donné à bail à effet du 1° octobre 1993 à la société HD aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Rouxel Secama par suite de cession du droit au bail du 12 janvier 1995 , pour une durée de douze années qui ont commencé à courir le 1° octobre 1993 pour se terminer le 30 septembre 2005, un bâtiment n° 302 situé [...] comprenant un local de stockage et des locaux fonctionnels outre deux cours .

 

Par exploit d'huissier des 27 et 28 mars 2002, la société EMPG a délivré congé à la société Rouxel Secama pour le 30 septembre /1° octobre 2002, sur le fondement des articles L 145-4 et L 145-8 du code de commerce, en vue de démolir et reconstruire, comportant offre d'indemnité d'éviction ;

 

Par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Bobigny , un expert a été désigné en la personne de Monsieur Robine avec mission de donner son avis sur les indemnités d'éviction et d'occupation devant être versées au preneur et au bailleur .

 

Avant l'achèvement des opérations d'expertise, les sociétés EMPG et la sci Victor Hugo ont saisi le tribunal de grande instance de Bobigny par assignation du 29 septembre 2004 pour demander de valider le congé et de fixer les indemnités d'éviction et d'occupation . Cette instance a fait l'objet d'une radiation le 1° mars 2006 .

 

Les deux parties ont en effet convenu, par acte sous seing privé du 12 janvier 2006, d'un accord organisant le relogement de la société preneuse dans d'autres locaux et le délaissement parallèle par celle-ci des locaux objet du bail sous la condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire autorisant les travaux visés au descriptif et plan annexés au bail signé le même jour ;

 

Corrélativement et par acte en date du 12 janvier 2006, les parties ont convenu d'un bail signé entre la société EMPG devenue Icade Empg et la société Rouxel Secama portant sur les locaux [...] , le bail étant consenti sous la même condition suspensive de l'obtention par la société Icade Empg d'un permis de construire permettant la réalisation des travaux projetés ; le délai prévu pour la réalisation de la condition suspensive expirait le 4 février 2007 ;

 

La condition n'ayant pas été réalisée en raison des exigences administratives relatives aux emplacements de stationnement, les parties se sont rapprochées pour étudier d'autres solutions de relogement et ont signé un avenant au protocole précédent , les parties convenant ensemble d'étudier en toute bonne foi au mieux de leurs intérêts respectifs les conditions dans lesquelles la société Rouxel Secama pourrait être réinstallée dans le bâtiment que la société Icade Empgavait pour objectif de réaliser à l'emplacement actuel des bâtiments 287 et 286 à Aubervillerssur le site 'Le parc aux portes de Paris ' ;

 

Aucun accord n'étant intervenu dans le délai fixé, la sci Victor Hugo a suivant exploit du 11 avril 2008 donné congé à la société Rouxel secama pour le 31 décembre 2008 , le congé emportant refus de renouvellement et paiement d'une indemnité d'éviction, sous réserve que la société justifie des conditions pour en bénéficier ;

 

La sci Victor Hugo a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny pour obtenir la désignation d'un expert avec mission de donner tous éléments permettant la fixation des indemnités d'éviction et d'occupation .

 

Madame Boitard désignée en qualité d'expert a déposé son rapport le 14 juin 2010 .

 

Par jugement du 9 novembre 2010, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

 

-dit que les locaux situés [...] ne bénéficient pas du statut des baux commerciaux ,

 

-dit que la société Rouxel Secama ne peut prétendre au paiement d'une indemnité d'éviction,

 

-ordonné l'expulsion de la société Rouxel Secama et de tous occupants de son chef dans les quinze jours après la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux, le cas échéant avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier .

 

-autorisé la séquestration des meubles et effets se trouvant dans les lieux , aux frais et risques de la société Rouxel Secama ,

 

-fixé l'indemnité d'occupations due par la société Rouxel Secama à compter du 1° janvier 2009 et jusqu à la libération des lieux à la somme annuelle de 112 540€ et condamné la société à payer ladite somme,

 

-ordonné la compensation entre les dettes respectives des parties,

 

-condamné la société Rouxel Secama à payer à la sci Victor Hugo la somme de 2000€ au titre de ses frais irrépétibles et aux dépens incluant les frais d'expertise .

 

-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

 

La société Rouxel Secama a interjeté appel de cette décision ;

 

La sci Victor Hugo a été autorisée à assigner à jour fixe la société Rouxel Secama devant la chambre 3 du pole 5 de la cour d'appel ;

 

La société Rouxel Secama demande à la cour de reformer le jugement entrepris en ce qu'il lui a refusé le bénéfice du statut des baux commerciaux et de dire qu'elle a droit à une indemnité d'éviction,

 

-de condamner en conséquence, la sci Victor Hugo à lui payer une indemnité d'éviction totale de 326 545€ se décomposant en :

 

-indemnité principale 165 000€

 

-indemnités accessoires :

 

*indemnité de remploi 30 000€

 

*indemnité de trouble commercial 100 000€

 

*frais de déménagement 31 545€

 

-de fixer à la somme de 92 680€ par an et subsidiairement à celle de 112 540€ le montant de l'indemnité d'occupation annuelle due par la société Rouxel Secama à la sci Victor Hugo depuis le 1° janvier 2009 jusqu'à son départ effectif des lieux ,

 

-de dire et juger qu'il y aura lieu d'apurer les comptes entre les parties sur cette base depuis la date d'effet du congé soit le 1° janvier 2009 jusqu'à la restitution des lieux, de condamner la sci Victor Hugo à restituer le trop perçu avec intérêts au taux légal depuis la perception de l'indemnité provisionnelle par la société Rouxel Secama jusqu'à la restitution du trop perçu , de dire et juger que la société Rouxel Secama pourra se maintenir dans les lieux jusqu à parfait paiement de l'indemnité d'éviction,

 

-de débouter la sci Victor Hugo de l'ensemble de ses demandes,

 

-de la condamner à lui verser la somme de 15 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens comprenant le coût de l'expertise avec droit de recouvrement au profit de la scp Verdun Seveno avoués .

 

La sci Victor Hugo demande de dire la société Rouxel Secama mal fondée en son appel et de l'en débouter, de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité d'occupation dur par la société Rouxel Secama à la somme de 112 540€ à compter du 1° janvier 2009 jusqu'à la parfaite libération des lieux ,

 

-d'assortir le prononce de l'expulsion d e la société Rouxel Secama et de tous occupants de son chef d'une astreinte de 100 000€ par jour de retard à compter de la signification de l'arretà intervenir et subsidiairement du commandement de quitter les lieux ,

 

-d'infirmer le jugement déféré quant à l'indemnité d'occupation et de la fixer à compter du 1° janvier 2009 et jusqu'à la libération effective des lieux à la somme de 500 000€ ht sauf à parfaire, charges en sus et de condamner la société Rouxel Secama au paiement ;

 

Subsidiairement,

 

-de fixer le montant de l'indemnité d'éviction revenant à la société rouxel secama à la somme de 30 000€ toutes causes confondues , outre d'éventuelles indemnités de licenciement sur justificatifs,

 

-de condamner la société rouxel secama à lui payer la somme de 500 000€ à titre d'indemnité d'occupation annuelle hors charges et taxes en sus , ladite somme devant être réactualisée chaque année en fonction de la variation de l'indice insee du coût de la construction, à compter du 1° janvier 2009 et jusqu'à parfaite libération des lieux, sur le fondement de l'article l 145-28 du code de commerce ,

 

-de dire et juger qu'en toute hypothèse, la somme fixée à titre d'indemnité d'occupation portera intérêts au taux légal , conformément aux dispositions de l'article 1155 du code civil , de plein droit, à compter de la date d'effet du congé, et que les intérêts échus depuis plus d'une année produiront eux-mêmes intérêts par application des dispositions de l'article 1154 du code civil,

 

-d'ordonner l'expulsion de la société Rouxel Secama ders lieux et de tous occupants de son chef , le cas échéant avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier et ce sous astreinte de 100 000€ par jour de retard dés l'expiration du délai prévu par l'article l 145-29 du code de commerce ,

 

-de condamner la société Rouxel Secama à lui payer la somme de 8000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens dont distraction au profit de la scp Guizard avoués .

 

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures signifiées le 10 février 2011 pour la société Rouxel Secama, le 18 janvier 2011 pour la sci Victor Hugo ; leurs moyens seront examinés au cours de la discussion .

 

Il sera également tenu compte des réponses apportées à la note envoyée par la cour pendant le cours du délibéré pour permettre aux parties de répondre à la question suivante : en quoi, l'utilisation des lieux qui s'est trouvée modifiée par suite de l'acquisition par la société Rouxel secama de nouveaux locaux a-t-elle affecter la destination du bail unissant les parties tel qu'il a pris effet le 1° octobre 2009 et s'est poursuivi ensuite ; celles-ci sont annexées au dossier de procédure.

 

SUR CE,

 

Sur le bénéfice du statut des baux commerciaux :

 

Retraçant l'historique de la société Rouxel Secama depuis la prise de possession des locaux par l'effet de la cession du droit au bail, l'expert judiciaire relate dans son rapport qu'en 1995, les locaux qui constituent les locaux historiques de la société, étaient aménagés en libre service avec réserves et bureaux et que la clientèle y avait accès, que la société Rouxel a acquis ensuite d'autres locaux commerciaux plus importants et notamment en 2000 un local situé [...] lui servant de magasin libre- service puis en 2002, un autre entrepôt situé [...] à 400 mètres du magasin précédent .

 

L'expert conclut que c'est dans ce dernier local qu'est stockée la plus grande partie de la marchandise commercialisée par la société, qu'il sert également de dépôt d'ou la clientèle peut retirer les achats effectués en libre service et que les locaux sous expertise ne servent désormais qu'à stocker les produits peu encombrants tels que les emballages ;

 

La sci Victor Hugo, sans reprocher à la société Rouxel une utilisation inadaptée des locaux à leur destination, allègue que du fait de l'acquisition par la société Rouxel de locaux plus fonctionnels et mieux adaptés à son activité commerciale, les locaux du [...] n'ont pas le caractère de locaux accessoires dont la privation serait de nature à compromettre l'exploitation du fonds et qu'ils échappent en conséquence au bénéfice du statut des baux commerciaux ;

 

Les deux parties s'accordent au moins pour voir dire que le bail de 1993, nonobstant la délivrance du congé par la société EMPG en 2002 , s'est poursuivi, la sci Victor Hugo renonçant au bénéfice du congé et les deux parties demeurant dans les liens du contrat initial jusqu' à la date d'effet du congé délivré par la sci Victor Hugo soit le 31 décembre 2008 ;

 

Le bail porte sur plusieurs locaux - un grand local de stockage et des locaux fonctionnels- définis dans les conditions générales comme étant à usage d'entreposage de tous articles pour la maison, textiles et articles de bazar et pour y vendre les marchandises exclusivement à des grossistes ou semi grossistes , les conditions particulières précisant que les locaux ne sont conçus que pour l'entreposage de marchandises mais que le preneur aura la faculté d'y vendre les marchandises qu'il est autorisé à entreposer sous conditions que cela ne constitue pas une vente au détail et que le preneur obtienne, préalablement l'affectation des locaux à la vente, les autorisations administratives nécessaires pour l'ouverture de l'établissement au public et réalise les travaux prescrits par les lois et règlements avec l'autorisation du bailleur .

 

Les locaux ayant servi à l'origine à l'exploitation directe du fonds de commerce de la société Rouxel Secama ( magasin libre service et entreposage), le bail y afférent a bien la nature d'un bail commercial et rappel y est d'ailleurs fait expressément des dispositions du décret du 30 septembre 1953 ;

 

Postérieurement, alors que la société Rouxel Secama a, du fait de l'acquisition d'autres locaux, modifié l'utilisation des locaux situés [...] , aucune des parties n'a cependant pendant le cours du bail entendu voir nover leurs obligations respectives ou procéder à un changement de destination .

 

Ainsi la société EMPG devenue Icade empg a-t-elle délivré congé avec refus de renouvellement à effet du 30 septembre /1° octobre 2002 avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction ;

 

La société EMPG devenue Icade Empg et la sci Victor Hugo ont ensuite signé le 12 janvier 2006 avec la société preneuse un accord pour parvenir au relogement de la société Rouxel dans d'autres locaux dont la société Icade Empg était propriétaire, sous la condition de l'obtention d'un permis de construire qui n'a pas été délivré de sorte que la condition ne s'est pas réalisée, la société Rouxel s'engageant en contrepartie à délaisser les locaux objet du bail .

 

Les deux parties - EMPG devenue Icade Empg et la sci Victor Hugo d'une part et la société Rouxel Secama d'autre part -ont d'ailleurs convenu le même jour et sous la même condition, d'un bail portant sur ces nouveaux locaux se substituant à ceux existant, la destination des nouveaux locaux étant celle de ' vente en gros et demi gros de matériel et accessoires pour équipements des professionnels ' .

 

Ainsi , les parties ont-elles convenu que les nouveaux locaux destinés à se substituer aux anciens avaient bien la nature de locaux destinés à l'exploitation de l'objet même de la société locataire .

 

En avril 2007, les mêmes parties, prenant acte de l'impossibilité de réaliser la condition suspensive, le bail signé en janvier 2006 devenant ainsi nul et de nul effet, ont prévu d'étudier ensemble en toute bonne foi, les conditions dans lesquelles la société Rouxel pourrait être réinstallée dans le bâtiment que la société Icade Empg avait pour objectif de réaliser à l'emplacement actuel des bâtiments 287 et 286 sis à Aubervilliers sur son site 'le parc des portes de Paris' [...] et ce dans un délai expirant au 30 septembre 2007 .

 

A l'expiration de ce délai, la sci Victor Hugo a délivré congé le 11 avril 2008 à effet du 31 décembre 2008 avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction, sans invoquer alors en conséquence la perte par la société Rouxel du bénéfice du statut des baux commerciaux pour les locaux en cause .

 

Ainsi la sci Victor Hugo n'a-t-elle manifesté à aucun moment de façon expresse son intention de voir nover les droits et obligations réciproques de parties et plus précisément voir dénier le caractère commercial du bail liant les parties , entendant au contraire dans les accords successifs trouvés avec la preneuse préserver la faculté pour celle-ci de continuer à disposer d'un lieu non seulement de stockage mais éventuellement de vente des marchandises par substitution des locaux donnés à bail, le bail convenu en janvier 2006 étant à destination de 'vente de marchandises en gros et demi gros' .

 

Il importe peu dés lors que la société Rouxel Secama n'ait entendu stocker dans les locaux loués que tel ou tel type de marchandises, en plus ou moins grande quantité , la bailleresse ne lui faisant nullement grief d'une violation des obligations du bail par défaut de stockage suffisant ou utilisation des lieux loués inadaptée par rapport à sa destination .

 

Il s'ensuit que les relations des parties se situent dans le cadre contractuel du bail de septembre 1993, commercial par sa destination et par l'accord des volontés, qui s'est poursuivi sans qu'il ait eu novation jusqu'à son expiration en décembre 2008 mais qui continue à régir leurs relations ;

 

La sci Victor Hugo est en conséquence mal fondée à invoquer que les locaux situés [...] ne bénéficient pas du statut des baux commerciaux ;

 

La société Rouxel a droit en conséquence au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction .

 

Sur l'indemnité d'éviction :

 

*Sur l'indemnité principale :

 

La société Rouxel Secama invoque que du fait de l'éviction, elle va perdre le droit au bail du local qu'elle avait acquis au prix de 720 000 francs soit 109 763, 30€ en 1995 et qu'elle devra payer un prix d'acquisition lorsqu'elle trouvera de nouveaux locaux pour lui permettre de stocker ses marchandises ;

 

Le loyer actuel payé par la société Rouxel Secama est de 197 043€ soit un prix de 179€ /m² réels ;

 

L'expert a estimé que ce prix correspond à la valeur locative des locaux, que le prix moyen des entrepôts se louent entre 90€ et 120€ /m² en seconde main et que les locaux neufs dans des parcs clos avec gardiennage et services se louent entre 140 et 180€/m², sans droit d'entrée ni droit au bail .

 

La société Rouxel tout en faisant valoir qu'elle devra débourser une somme au moins équivalente à celle inscrite à l'actif de son bilan comptable au titre de la valeur d'immobilisation des locaux ne contredit pas les affirmations de l'expert quant aux prix des loyers des locaux d'entreposage dans le voisinage ;

 

Il s'ensuit que faute de démontrer que la valeur du droit au bail par différentiel entre le loyer en renouvellement et le loyer d'un futur local serait positive, elle sera déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité principale d'éviction .

 

*Sur les indemnités accessoires :

 

L'expert a estimé les frais d'agence et de rédaction d'actes à la somme de 30 000€ qui n'est pas sérieusement contestée et sera octroyée ;

 

L'expert n'a pu apprécier le trouble commercial en l'absence de communication par la société Rouxel Secama de ses derniers bilans comptables et notamment de son compte de résultat, qu'elle ne produit pas davantage devant la cour, la simple photocopie non authentifiée des chiffres prétendument communiqués au greffe du tribunal de commerce ne pouvant tenir lieu de production d'un bilan comptable ;

 

Le fait de produire des constats d'huissier pour démonter la réalité de l'entreposage de marchandises volumineuses dans les locaux considérés, contredisant les affirmations de l'expert qui concluait à l'existence d'un entreposage de marchandises de faible volume ne peut suffire à établir la réalité du trouble commercial subi par la société Rouxel du fait de l'éviction dans la mesure ou elle dispose d'autres locaux d'entreposage adaptés et qu'elle ne fait pas état de son bilan comptable ;

 

Faute ainsi de démontrer tant la réalité que l'importance du trouble subi par la société du fait de son éviction, elle sera en conséquence déboutée de sa demande de ce chef .

 

S'agissant des frais de déménagement, la société Rouxel n'a produit aucun devis lors de l'expertise, empêchant toute appréciation technique des devis produits devant la cour qu'elle présente l'un, émanant de l'entreprise Mjr, comme le coût de l'enlèvement du matériel de stockage et son remontage, l'autre, émanant de l'entreprise de transport Paitier, comme le coût du transport du stock proprement ;

 

Or ces deux devis sont contradictoires car celui de l'entreprise Mjr contient l'indication 'conditionnement de palettes de produits' et 'les filmer' ce qui ne correspond pas à l'enlèvement invoqué du matériel de stockage qui ne figure nulle part sur la facture, le 'démontage du rayonnage et transport' étant prévu en sus sur ce devis ; quant au devis de l'entreprise de transport Paitier, il est parfaitement imprécis puisqu'il ne contient aucune indication du nombre de m3 transporté, se bornant à préconiser 20 voyages pour 500 palettes ;

 

Il y a lieu dans ces conditions , sur la base du seul devis Mjr le plus fiable, d'allouer à la société Rouxel Secama une indemnisation de ses frais de déménagement à hauteur de 17 745 € ht .

 

Le montant de l'indemnité d'éviction allouée à la société Rouxel Secama s'élève en conséquence à la somme totale de 30 000+ 17 745= 47 745€ ;

 

Sur l'indemnité d'occupation :

 

Contrairement à ce que soutient la société Rouxel Secama, les locaux ne sont pas seulement destinés à l'entreposage de marchandises mais également à la vente au public sous certaines conditions , activité d'ailleurs pratiquée initialement par ladite société dans ces locaux ;

 

Alors que le loyer de 197 043€ correspond à la valeur locative des locaux suivant leur destination contractuelle, valeur 2009, c'est à ce montant que doit être fixée le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Rouxel secama depuis le 1° janvier 2009, sans qu'il y ait lieu à indexation de celle-ci ;

 

La bailleresse conteste cependant l'application d'un coefficient de précarité au motif que s'agissant de locaux sommaires d'entrepôt, la gêne pouvant résulter de l'impossibilité de pratiquer des travaux est inexistante .

 

Or , elle a elle-même invoqué au soutien de sa demande d'audiencement de l'affaire à jour fixe, en produisant un procès verbal de constat d'huissier en appui, que les locaux se situent au centre d'une zone en chantier;

 

Ces circonstances qui ne favorisent pas l'accès aux locaux sans compter les diverses nuisances de voisinage justifient l'application d'un coefficient de précarité de 15 % .

 

Ainsi l'indemnité d'occupation est -elle égale à :

 

197 043€ - (15% x 197 043) = 167 486, 55 € hors charges et hors taxes , ladite indemnité ne produisant intérêt au taux légal qu'à compter de sa fixation, soit à compter du présent arrêt.

 

Sur les autres demandes :

 

Les créances et dettes réciproques des parties - restitution éventuelle par la sci Victor Hugo d'un trop perçu d'indemnité d'occupation due par la société Rouxel Secama et indemnité d'éviction due par la sci Victor Hugo - se compenseront entre elles ;

 

Il n'y a pas lieu de prononcer à ce stade l'expulsion de la société Rouxel Secama qui dispose du droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction .

 

La sci Victor Hugo supportera les entiers dépens comprenant les frais d'expertise de Madame Boitard et paiera à la société Rouxel Secama une somme de 6000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

 

PAR CES MOTIFS

 

Reformant le jugement entrepris,

 

Dit que les locaux situés [...] donnés à bail à la société Rouxel Secama sont soumis au statut des baux commerciaux,

 

Dit que la société Rouxel Secama a droit, à la suite du congé avec refus de renouvellement délivré le 11 avril 2008 pour le 31 décembre 2008 , à une indemnité d'éviction et au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de ladite indemnité ;

 

Fixe le montant de l'indemnité d'éviction dont est redevable la sci Victor Hugo à l'égard de la société Rouxel Secama à la somme de 47 745 € hors taxes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

 

Fixe le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Rouxel Secama à la sci Victor Hugo depuis le 1° janvier 2009 jusqu'à son départ effectif des lieux loués à la somme annuelle de 167 486, 55 € hors taxes et hors charges avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

 

Dit que les dettes et créances réciproques des parties se compenseront entre elles .

 

Condamne la sci Victor Hugo à payer à la société Rouxel Secama une somme de 6000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

 

Condamne la sci Victor Hugo aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise de Madame Boitard, avec droit de recouvrement direct au profit de la scp Verdun Seveno avoués .