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Décisions

Cass. 3e civ., 7 avril 1994, n° 92-12.093

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. BEAUVOIS

Orléans, du 12 déc. 1991

12 décembre 1991

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 12 décembre 1991), statuant sur renvoi après cassation, que M. X..., aux droits duquel se trouve Mme X..., a donné à bail un terrain nu à la société Transports RG qui y a construit des boxes à usage de garage à véhicules ; que la bailleresse a délivré congé, pour le 1er avril 1975, à la locataire avec refus de renouvellement du bail et offre d'une indemnité d'éviction ; que Mme X... ayant rétracté son offre d'indemnisation, la cour d'appel de Reims par arrêt, devenu irrévocable, statuant sur renvoi après cassation le 23 novembre 1982 a décidé que la société Transports RG avait droit à une indemnité d'éviction ; que la procédure en fixation du montant de cette indemnité s'est poursuivie ;

Attendu que la société Transports RG fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'indemnisation de la clientèle, alors, selon le moyen, "1 ) que la cour d'appel, après avoir retenu que le preneur éprouverait de grandes difficultés à retrouver un terrain présentant les caractéristiques et avantages de celui dont il a été privé, ne pouvait, sans contradiction, relever qu'il n'y avait pas lieu de l'indemniser de la valeur de la clientèle, celle attachée à un fonds de location de boxes de véhicules en région parisienne pouvant être rapidement et facilement reconstituée ; qu'elle a ainsi entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2 ) que la valeur marchande du fonds n'est pas seulement fonction de l'importance de la clientèle matérialisée par les résultats effectifs de l'exploitation, mais doit être déterminée en considération de l'intérêt de son emplacement qui représente le potentiel de son développement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle et, dès lors, a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 8 du décret du 30 septembre 1953" ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite et n'avait pas à suivre la société Transports RG dans le détail de son argumentation, a légalement justifié sa décision de ce chef, en retenant souverainement que la valeur marchande du fonds devait être déterminée en fonction du chiffre d'affaires moyen hors taxes des trois dernières années auquel était appliqué un coefficient multiplicateur de trois, déterminé suivant les usages de la profession ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Transports RG fait grief à l'arrêt de refuser de l'indemniser du coût des constructions qu'elle avait édifiées sur le terrain donné à bail, alors, selon le moyen, "1 ) que le refus de renouvellement ouvre au preneur à bail commercial un droit absolu à percevoir une indemnité d'éviction égale au préjudice causé dont, notamment, les frais de réinstallation ; que la cour d'appel, qui a refusé d'indemniser la société preneuse du coût des constructions eu égard à une clause du contrat de bail, a violé, ensemble, les articles 8 et 35 du décret du 30 septembre 1953 ; 2 ) que la clause du contrat de bail ménageant au locataire la possibilité d'édifier les constructions que bon lui semble, à charge pour lui de restituer les lieux en leur état initial, ne comportait aucune stipulation afférente à l'évolution de l'indemnité d'éviction ; que, dès lors, la cour d'appel, qui s'est fondée sur cette clause du contrat pour limiter l'indemnisation des chefs de préjudice soufferts des suites du refus de renouvellement, en a dénaturé le sens clair et précis et a violé l'article 1134 du Code civil" ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'il y avait lieu de fixer le montant de l'indemnité d'éviction selon la valeur marchande du fonds, avec le montant des frais et droits de mutation, les frais de déménagement et la perte de bénéfice pendant la période de temps nécessaire à la recherche d'un fonds de remplacement, et que les parties avaient stipulé que la locataire était autorisée à édifier sur le terrain loué à ses risques, périls et frais, toutes constructions à charge, pour elle, de rendre en fin de bail les lieux loués dans leur état primitif, la cour d'appel a retenu, à bon droit, sans dénaturation, que la société Transports RG n'était pas fondée à réclamer une indemnisation au titre des bâtiments élevés sur le terrain donné à bail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Transports RG fait grief à l'arrêt de décider que la condamnation de Mme X... au paiement d'une indemnité d'éviction ne portera intérêt qu'à compter de l'arrêt, alors, selon le moyen, "que la créance du locataire est productive d'intérêts dès le jour où elle est évaluée par décision judiciaire ;

qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a évalué l'indemnité d'éviction au jour du départ des lieux de la société Transports RG, soit janvier 1989, ne pouvait retenir la date de l'arrêt comme point de départ des intérêts, sauf à entacher sa décision d'une violation de l'article 1153, alinéa 1, du Code civil" ;

Mais attendu qu'en fixant à la date de l'arrêt le point de départ des intérêts, la cour d'appel n'a fait qu'user de la faculté remise à sa discrétion par l'article 1153-1 du Code civil ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi