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Décisions

CA Angers, ch. com. A, 28 mars 2023, n° 18/01600

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Apident II (SARL)

Défendeur :

FKG Dentaire (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Corbel

Conseillers :

Mme Robveille, M. Benmimoune

Avocats :

Me Langlois, Me Dufourgburg, Me Regniault, Me Cappelie

T. com. Angers, du 4 juill. 2018, n° 170…

4 juillet 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La société (SARL) Apident II, ayant son siège social aux [Localité 3] (49), exerce une activité de commerce de gros en produits pharmaceutiques.

La société (SA) FKG Dentaire, immatriculée en Suisse et ayant son siège social à [Localité 5] (Suisse), est spécialisée dans la fabrication et la distribution de produits dentaires destinés aux dentistes, endodontistes et aux laboratoires.

Le 3 mars 2015, la SA FKG Dentaire a obtenu une ordonnance du président du tribunal de commerce d'Angers, enjoignant la SARL Apident II de lui payer la somme de 69.146,85 euros au titre d'un solde impayé de factures de fourniture de matériels de dentisterie, ladite ordonnance précisant qu'en cas d'opposition, l'affaire serait renvoyée devant le tribunal de commerce de Besançon en application de l'article 1408 du code de procédure civile.

Le 10 avril 2015, la SARL Apident II a formé opposition à cette ordonnance, en saisissant le tribunal de commerce de Besançon.

Par jugement du 24 février 2016, le tribunal de commerce d'Angers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL Apident II, fixant la date de cessation des paiements au 1er mai 2015, et désignant la société (SELAS) CLR & Associés, prise en la personne de Maître [M], en qualité de mandataire judiciaire.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 mars 2016, la SA FKG Dentaire a déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire de la SARL Apident II, entre les mains du mandataire judiciaire, pour un montant total de 57.513,77 francs suisses, soit la somme de 52.457 euros, à titre chirographaire, en précisant qu'une instance était en cours sur opposition de la société Apident II à l'ordonnance du 3 mars 2015.

Par acte d'huissier du 10 mai 2016, la SA FKG Dentaire a fait assigner la SELAS CLR & Associés ès qualités, devant le tribunal de commerce de Besançon, aux fins de reprise de l'instance relative à l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 3 mars 2015 et pour voir fixer sa créance à la somme principal de 52 457 euros outre intérêts.

Par jugement du 15 février 2017, le tribunal de commerce d'Angers a arrêté le plan de redressement de la SARL Apident II, désignant La SELARL [O], [P], [S] et Associés, prise en la personne de Maître [C] [S], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL Apident II.

Par jugement du 16 février 2017, le tribunal de commerce de Besançon s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce d'Angers.

La SA FKG Dentaire a demandé au tribunal de :

à titre principal,

- fixer au passif de la SARL Apident II une créance d'un montant de 57.513,77 francs suisses, soit 52.457 euros (conversion au 15 mars 2016), outre intérêts au taux légal,

à titre subsidiaire, si le tribunal devait faire droit au moyen tiré de la prescription de la demande au titre de certaines factures,

- fixer au passif de la SARL Apident II une créance d'un montant de 57.244,48 francs suisses, déduction faite du montant de 269,29 francs suisses,

en tout état de cause,

- débouter la SARL Apident II et la SELARL [O], [P], [S] et Associés prise en la personne de Maître [S] en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL Apident II, de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner la SARL Apident II et la SELARL [O], [P], [S] et Associés prise en la personne de Maître [S] en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL Apident II, au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SARL Apident II et la SELARL [O], [P], [S] et Associés prise en la personne de Maître [S] en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL Apident II, aux entiers dépens de la présente instance,

- ordonner, le cas échéant, la compensation entre la somme à laquelle serait condamnée la SARL Apident II et la SELARL [O], [P], [S] et Associés prise en la personne de Maître [S] en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL Apident II et le montant de l'indemnité qui pourrait éventuellement être mise à sa charge,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La SARL Apident II et Maître [S], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL Apident II ont, sur le fondement des articles 42 et suivants, 1408 du code de procédure civile, et L. 442-6 I 5° du code de commerce, sollicité du tribunal qu'il :

à titre principal,

- déboute la SA FKG Dentaire de l'ensemble de ses demandes,

à titre reconventionnel,

- dise et juge que la SA FKG Dentaire a brutalement rompu la relation commerciale établie la liant à la SARL Apident II,

- condamne en conséquence la SA FKG Dentaire à verser à la SARL Apident II la somme de 175.988,83 euros à titre de dommages intérêts, en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale par la SA FKG de la relation commerciale établie entre les parties,

- condamne la SA FKG Dentaire à payer à la SARL Apident II la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la SA FKG dentaire aux entiers dépens,

à titre subsidiaire,

- dise que les éventuelles condamnations prononcées à l'encontre de la SARL Apident II se compenseront avec l'indemnité mise à la charge de la SA FKG Dentaire,

Par jugement du 4 juillet 2018, le tribunal de commerce d'Angers a :

- dit que la décision se substitue à l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le président du tribunal de commerce d'Angers le 3 mars 2015,

- fixé au passif de la SARL Apident II la créance de la SA FKG Dentaire pour la somme de 52.211,39 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2015,

- dit que la SA FKG n'a pas brutalement rompu la relation commerciale établie la liant à la SARL Apident II,

- débouté la SARL Apident II de sa demande d'indemnisation du préjudice subi pour cause de rupture brutale de relation commerciale,

- condamné la SARL Apident II et Maître [S] (SELARL [O], [P], [S] et Associés), commissaire à l'exécution du plan, à payer à la SA FKG Dentaire la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Apident II et Maître [S] (SELARL [O], [P], [S] et Associés), commissaire à l'exécution du plan, aux entiers dépens.

Par déclaration du 24 juillet 2018, la SARL Apident II a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a fixé au passif de la SARL Apident II la créance de la SA FKG Dentaire pour la somme de 52.211,39 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2015 ; dit que la SA FKG n'a pas brutalement rompu la relation commerciale établie la liant à la SARL Apident II ; débouté la SARL Apident II de sa demande d'indemnisation du préjudice subi pour cause de rupture brutale de relation commerciale et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ; condamné la SARL Apident II et Maître [S] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, à payer à la SA FKG Dentaire la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné les mêmes aux dépens ; intimant la SELARL [O], [P], [S] et Associés prise en la personne de Maître [S], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL Apident II, et la SA FKG Dentaire.

La SARL Apident II et la SA FKG Dentaire ont conclu.

Par acte d'huissier du 8 novembre 2018, la SARL Apident II a fait assigner la SELARL 2M & Associés, anciennement SELARL [O], [P], [S] et Associés, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL Apident II, à comparaître devant la cour, en lui signifiant sa déclaration d'appel et ses conclusions.

Par lettre reçue le 14 novembre 2018, Maître [R] [L] de la SELARL 2M& Associés, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Apident II, a indiqué à la cour qu'il ne serait ni présent ni représenté à la procédure.

Par lettre du 8 février 2019, le conseiller de la mise en état soulevait que le tribunal de commerce d'Angers semblait, à tort, avoir statué sur la demande indemnitaire de la SARL Apident II fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce, en la déboutant de cette demande, dès lors que seules les juridictions énumérées à l'article D.442-3 du code de commerce, au nombre desquelles ne se compte pas le tribunal de commerce d'Angers, peuvent connaître des contentieux fondés sur l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce, en indiquant que si la cour avait le pouvoir de statuer sur les mérites de l'appel interjeté, il lui appartiendrait néanmoins de relever d'office, l'excès de pouvoir commis par les premiers juges en statuant sur des demandes qui, en ce qu'elles ne relevaient pas de leur pouvoir juridictionnel, étaient irrecevables et le demeuraient devant la cour et invitait les parties à conclure sur ce point.

Par acte d'huissier du 3 octobre 2019, la SARL Apident II a fait signifier ses dernières conclusions à la SELARL [O] - Gladel - [S], prise en la personne de Maître [S], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL Apident II.

Une ordonnance du 13 décembre 2021 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 2 octobre 2019 pour la SARL Apident II,

- le 5 décembre 2019 pour la SA FKG Dentaire,

La SARL Apident II demande à la cour, au visa des articles 42 et suivants, et 1408 du code de procédure civile, et L. 442-6 I 5° du code de commerce, de :

- dire et juger recevable et en tout cas bien fondé l'appel formé par la SARL Apident II à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce d'Angers en date du 4 juillet 2018,

y faisant droit,

à titre liminaire,

- dire et juger que le tribunal de commerce d'Angers a excédé ses pouvoirs juridictionnels,

- en conséquence, prononcer l'annulation du jugement entrepris,

- renvoyer l'entier litige devant la cour d'appel de Paris,

à titre principal,

- infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré prescrite une partie des sommes réclamées par la SA FKG Dentaire,

- débouter la SA FKG dentaire de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre reconventionnel,

- dire et juger que la SA FKG dentaire a brutalement rompu la relation commerciale établie la liant à la SARL Apident II,

- condamner la SA FKG Dentaire à lui verser la somme de 175.988,83 euros au titre du préjudice résultant de cette rupture brutale,

à titre subsidiaire,

- infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré prescrite une partie des sommes réclamées par FKG dentaire,

- dire que les éventuelles condamnations prononcées à son encontre se compenseront avec l'indemnité mise à la charge de la SA FKG Dentaire,

en toute hypothèse,

- condamner la SA FKG Dentaire à lui payer la somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- débouter la SA FKG dentaire de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la SA FKG Dentaire aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La SA FKG Dentaire demande à la cour, au visa des articles 1103 du code civil et L. 442-6 I 5° du code de commerce, et 42 du code de procédure civile, de :

à titre liminaire,

- se déclarer compétente s'agissant de la demande principale consistant en la fixation de la créance de FKG dentaire au passif de la société Apident II,

à titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 4 juillet 2018 et en conséquence,

- fixer au passif de Apident II la créance de la société FKG dentaire d'un montant de 52 211,39 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2015,

- débouter purement et simplement Apident II de l'intégralité de ses demandes,

- rejeter toutes demandes formulées contre FKG dentaire,

à titre subsidiaire,

- ordonner le cas échéant la compensation entre l'indemnité à laquelle sera condamnée Apident II et celle qui pourrait éventuellement être mise à la charge de FKG Dentaire,

en tout état de cause,

- condamner Apident II au paiement de la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,

- condamner Apident II aux entiers dépens de la présente instance.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur la demande d'annulation du jugement du tribunal de commerce d'Angers du 4 juillet 2018

La société Apident II fait valoir que le tribunal de commerce d'Angers a rendu un jugement qui l'a déboutée de sa demande de dommages intérêts, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, alors que selon les articles D. 442-3 et D. 442-4 du code de commerce, les litiges fondés sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce relèvent de la compétence de juridictions spécialisées.

Elle prétend que le tribunal de commerce d'Angers qui n'est pas l'une des juridictions désignée comme pouvant connaître des litiges fondés sur les dispositions de l'article L 442-6 du code de commerce, a excédé ses pouvoirs en statuant sur sa demande fondée sur celles-ci.

Considérant en outre que la demande principale de fixation de la créance de la société FKG Dentaire et la demande reconventionnelle de condamnation de cette dernière à des dommages intérêts présentée sur le fondement de l'article L 442-6 du code de commerce sont indivisibles, de sorte que l'instance ne peut pas faire l'objet d'une disjonction, elle conclut que le tribunal de commerce d'Angers était dépourvu de pouvoir juridictionnel pour l'entier litige.

Elle en déduit que le jugement du 4 juillet 2018 devra être annulé en toutes ses dispositions et que l'entier litige devra être renvoyé devant la Cour d'Appel de Paris, seule compétente pour connaître en appel des décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L 442-6 du code de commerce.

La société FKG Dentaire soutient que la cour d'appel d'Angers a compétence pour se prononcer sur sa demande principale de fixation de créance au passif de la société Apident II au titre de factures impayées, en faisant valoir que le tribunal de commerce de Besançon saisi de l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 3 mars 2015, par décision du 15 février 2017, s'est déclaré territorialement incompétent au profit du tribunal de commerce d'Angers.

Elle indique s'en remettre à la décision de la cour concernant son pouvoir juridictionnel pour connaître de la demande reconventionnelle formée tardivement devant le tribunal de commerce d'Angers par la société Apident II.

Elle ajoute que si la cour devait considérer que le tribunal de commerce d'Angers n'était pas compétent pour juger la demande reconventionnelle de la société Apident II, elle ne saurait pour autant considérer qu'il lui est interdit de statuer sur la demande principale, dès lors qu'il n'existe selon elle aucun lien de connexité entre ces demandes.

Sur ce :

L'article L. 442-6, III, alinéa 5, du code de commerce dispose que "les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret".

L'article D. 442-3 du code de commerce, issu du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009, applicable à compter du 1er décembre 2009 précise que "pour l'application de l'article L.442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre.

La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris".

Le tableau, figurant à l'annexe 4-2-1 visée par ce texte, comporte une liste de huit tribunaux de commerce, désignés comme juridiction spécialisée pour connaître des actions fondées sur l'article L. 442-6 du code de commerce.

Il résulte des dispositions d'ordre public de l'article D. 442-3 du code de commerce que seules les juridictions qu'elles désignent disposent du pouvoir juridictionnel pour statuer sur l'application de l'article L. 442-6 du même code.

Le défaut de pouvoir juridictionnel caractérise une fin de non-recevoir opposable aux prétentions et moyens fondés sur l'article L. 442-6 du code de commerce et non une incompétence, de sorte que la demande fondée sur ces dispositions, en ce qu'elle a été formée devant un tribunal, dépourvu de pouvoir juridictionnel, devra être déclarée irrecevable.

Lorsqu'un juge non spécialisé est saisi d'une demande principale fondée sur le droit commun et d'une demande reconventionnelle fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce, il peut statuer sur la demande principale et déclarer irrecevable la demande reconventionnelles formée en méconnaissance des règles de l'article D. 442-3 du code de commerce, dès lors que l'une et l'autre ne présentent pas de lien de connexité ou d'indivisibilité tel qu'il serait indispensable de les juger ensemble.

La cour d'appel connaît du recours formé contre les décisions rendues par les juridictions situées dans son ressort qui ne sont pas désignées par l'article D. 442-3 du code de commerce, dans l'hypothèse où celles-ci auront à tort statué sur l'application de l'article L. 442-6 du même code.

En l'espèce, le tribunal de commerce d'Angers a statué sur la demande principale de la société FKG Dentaire en fixation de sa créance au passif de la société Apident II au titre de factures impayées à l'ouverture de la procédure collective, relatives à la fourniture de produits de la marque FKG Dentaire et sur la demande reconventionnelle de dommages intérêts formée par la société Apident II sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce à raison de la prétendue rupture brutale par la société FKG Dentaire de relations commerciales établies.

Le tribunal de commerce d'Angers, qui ne fait pas partie des juridictions spécialisées désignées par l'article D442-3 du code de commerce, ne pouvait, sans commettre un excès de pouvoir, statuer sur la demande de dommages intérêts formée par la société Apident II en la rejetant, dès lors que celle-ci devait être déclarée irrecevable comme ayant été formée devant un tribunal dépourvu de pouvoir juridictionnel.

La demande principale de la société FKG Dentaire n'entre pas en revanche dans le champ d'intervention des juridictions spécialisées.

La société Apident II soutient néanmoins que l'excès de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce d'Angers s'étendrait à son examen de la demande principale de la société FKG Dentaire, en ce que sa demande de dommages intérêts fondées sur les dispositions de l'article L 442-6 du code de commerce constituerait un moyen de défense au fond qui ne pourrait être étudié indépendamment de la demande principale de la société FKG Dentaire et en ce que les impayés de factures étant invoqués par cette dernière au soutien tant de sa demande de fixation de créance que de son moyen de défense pour s'opposer à la demande reconventionnelle de dommages intérêts, tenant à l'existence d'un juste motif à la rupture des relations commerciales sans préavis, il serait nécessaire de juger les demandes ensemble.

Elle ajoute que le caractère indivisible des demandes formées par les parties devant le tribunal de commerce d'Angers résulte encore de ce qu'en cas de condamnation à une indemnité, la société FKG Dentaire a sollicité compensation avec sa propre créance à l'encontre de la société Apident II, reconnaissant ainsi nécessairement la connexité des éventuelles créances réciproques.

Cependant, la demande de dommages intérêts formée par la société Apident II devant le tribunal de commerce d'Angers, qui tend à obtenir un avantage autre que le simple rejet de la demande de la société FKG Dentaire aux fins de fixation de créance au passif de la procédure collective de la société Apident II, ne constitue pas une simple défense au fond, mais une demande reconventionnelle.

En outre, la créance invoquée par la société FKG Dentaire au titre de factures impayées, dont la fixation à la procédure collective est sollicitée, pose la question de l'exécution par la société Apident II de son obligation principale de paiement dans le cadre de contrats de fourniture par la société FKG de matériels de dentisterie commandés par la société Apident II, qui s'apprécie au jour de l'ouverture de la procédure collective, tandis que la demande reconventionnelle de dommages intérêts de la société Apident II pose celle de la faute quasi délictuelle de la société FKG Dentaire à raison du caractère brutal de la rupture par celle-ci de relations commerciales établies, résultant de l'absence de préavis donné par la société FKG Dentaire, la société Apident II soutenant que l'existence d'impayés à la date de notification de cette rupture, soit au 29 août 2014, ne serait qu'un prétexte invoqué de mauvaise foi par la société FKG Dentaire qui avait choisi de réorganiser le réseau de distribution de ses produits sur le territoire français en confiant celle-ci à un des concurrents de la société Apident II.

Il en résulte non seulement que les deux demandes ont des fondements juridiques différents, mais également s'agissant de la demande reconventionnelle, que l'examen de la faute de la société FKG Dentaire ne repose pas tant sur la question de l'existence d'impayés qui devrait de surcroît être appréciée à la date de la notification de la rupture des relations commerciales antérieure à l'ouverture de la procédure collective, que sur celle distincte de savoir si la société FKG Dentaire pourrait s'en prévaloir de bonne foi pour s'affranchir d'un délai de préavis, alors qu'il est soutenu par la société Apident II qu'elle aurait été entretenue dans la croyance de la pérennité de la relation commerciale qui la liait à la société FKG Dentaire qui ne lui aurait à aucun moment avant sa lettre du 29 août 2014 fait savoir qu'elle entendait mettre fin à cette relation si elle accusait de nouveaux retards de paiement et que les impayés ne constitueraient pas le motif réel de la décision de rompre les relations commerciales.

L'existence d'un lien de connexité ou d'indivisibilité entre la demande principale fondée sur le droit commun et la demande reconventionnelle fondée sur l'article L 442-6 du code de commerce, tel qu'il serait indispensable de les juger ensemble, n'est ainsi pas établi.

Il s'en suit que la présentation par la société Apident II d'une demande reconventionnelle fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce, ne faisait pas entrer l'entier litige dans le champ des affaires ne pouvant être examinées que par une juridiction spécialisée désignée à l'article D 442-3 du même code et que le tribunal de commerce d'Angers pouvait juger au fond la demande principale autonome formée par la société FKG Dentaire tendant à voir fixer sa créance à la procédure collective de la société Apident II au titre d'impayés à la date d'ouverture de ladite procédure, sans commettre d'excès de pouvoir.

Ainsi en définitive, le jugement du tribunal de commerce d'Angers du 4 juillet 2018 sera annulé, mais seulement des chefs relatifs au débouté de la demande reconventionnelle de la société Apident II d'indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de la relation commerciale.

Si la cour d'appel d'Angers, juridiction d'appel du tribunal de commerce d'Angers, a le pouvoir de statuer sur le recours formé contre la décision de celui-ci dans l'hypothèse où il a à tort statué sur l'application de l'article L442-6 du code de commerce et pour décider conséquemment d'annuler partiellement sa décision des chefs relatifs au débouté de la demande reconventionnelle de la société Apident II d'indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de la relation commerciale, n'étant pas juridiction désignée par l'article D. 443-3 du code de commerce, elle n'a pas plus de pouvoir juridictionnel pour juger au fond de cette demande reconventionnelle qui demeure irrecevable.

La demande reconventionnelle de dommages intérêts formée par la société Apident II à l'encontre de la société FKG Dentaire sera donc déclarée irrecevable.

- Sur la fixation de créance de la société FKG Dentaire à la procédure collective de la société Apident II

La société FKG Dentaire n'invoquant aucun moyen pour s'opposer au moyen d'irrecevabilité partielle de sa demande soulevé par la société Apident II, tiré de la prescription des demandes au titre des factures impayées antérieures au 24 février 2010, étant précisé qu'aux termes de ses conclusions, elle sollicite la fixation de sa créance à concurrence de 52 211,39 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2015, déduction faite des réclamations atteintes par la prescription (269,29 francs suisses), le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a qu'il a déclaré les demandes de la SA FKG Dentaire prescrites au titre des factures impayées antérieures au 24 février 2010.

Aux termes de l'article 1315 du code civil dans sa version applicable au litige, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation

Entre commerçants, les modes de preuve obéissent au principe de la liberté de la preuve résultant de l'article L110-3 du code de commerce qui prévoit qu''à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit disposé autrement par la loi'.

S'agissant de la preuve des actes juridiques, le principe selon lequel 'nul ne peut se constituer un titre à soi-même' s'applique dans toutes les matières, y compris celles dans lesquelles la preuve est libre.

En l'espèce, au soutien de sa demande en paiement de factures impayées pour un montant global de 52 211,39 euros (résultant de la conversion de 57 244,48 francs suisses au taux de change au 15 mars 2016), la société FKG Dentaire verse aux débats un relevé du compte client 'n°10131 société Apident', émis le 15 janvier 2016, faisant état d'un solde débiteur de 57 513,77 francs suisses, retraçant toutes les écritures pour la période du 31 août 2009 au 22 octobre 2013, avec mention du numéro des factures enregistrées, de leur date d'émission, de leur date d'échéance, de leurs montants, des montants acquittés en précisant la devise et la date de leur comptabilisation, l'intégralité des factures concernées par la demande mentionnant notamment le numéro de la commande, ainsi que les bordereaux d'expédition correspondant à ces factures, datés et signés d'un représentant de la société KFG Dentaire, mentionnant le numéro de commande, la marchandise concernée et sa valeur, le nom et l'adresse du destinataire comme étant Apident aux [Localité 3] (pièce 1).

Elle verse également aux débats un courriel du 6 août 2013, aux termes duquel la société KFG Dentaire prend acte du règlement de la somme de 18 317,53 francs suisses par la société Apident et lui indique que, prenant en considération le relevé de compte actualisé annexé à son message ainsi que le montant important de la prochaine livraison, elle exige le paiement avant livraison de la somme de 10 000 euros, auquel la société Apident a répondu le jour même dans un courriel aux termes duquel elle conteste la demande comme étant contraire aux termes de leur accord prévoyant que si elle effectuait un versement immédiat d'une somme de 18 317,53 francs suisses, sa commande en cours lui serait livrée avant la fermeture de FKG Dentaire pour congés annuels, en précisant qu'elle s'était engagée à opérer d'autres versements en septembre et octobre 2013 (pièce 2).

Il convient de relever d'une part qu'à réception du courriel du 6 août 2013 dont il n'est pas contesté qu'il contenait, tel que mentionné dans celui-ci, le relevé de son compte actualisé, la société Apident II n'a émis aucune contestation quant à celui-ci, rappelant seulement à la société FKG Dentaire les termes de leur accord sur la livraison de la commande en cours en contrepartie de son engagement du règlement immédiat d'une somme de 18 317,53 francs suisses et de règlements à venir en septembre et octobre 2013, d'autre part que la réponse de la société Apident II corrobore le relevé de compte client produit en pièce 1 par la société KFG Dentaire dans lequel figure au 11 juillet 2013 l'enregistrement d'un paiement de 18 317,53 francs suisses et d'une facture au 8 août 2013 exigible en septembre 2013 d'un montant de 46 438,70 francs suisses correspondant à la dernière grosse commande enregistrée sur le compte arrêté au 22 octobre 2013.

La société FKG Dentaire produit encore un courriel du 26 juin 2014 de la société Apident II aux termes duquel celle-ci écrit : 'afin d'apurer notre dette chez vous (60 736,35 CHF) nous vous proposons l'échéancier suivant' (...), ainsi que la confirmation de cet engagement par lettre du 15 juillet 2014 (pièce 2).

La reconnaissance de dette par la société Apident II à l'égard de la société FKG Dentaire au 15 juillet 2014 porte sur un montant supérieur à celui de la créance réclamée dans son assignation par la société FKG Dentaire au titre d'impayés de factures émises sur la période d'août 2009 à octobre 2013, ce qui ne suffit pas à considérer qu'il n'y aurait aucune correspondance, dans la mesure où la reconnaissance de dette est arrêtée à une date postérieure à celle de la dernière facture demeurant impayée selon le relevé du 15 janvier 2016 de la société FKG Dentaire (Facture du 22 octobre 2013 impayée pour 723,50 francs suisses), où les relations commerciales se sont poursuivies entre les deux sociétés entre ces dates et où la société Apident II ne prétend ni n'établit avoir effectué des règlements qui n'auraient pas été pris en compte par la société FKG Dentaire.

Ainsi en définitive, au vu des pièces versées aux débats, la société FKG Dentaire rapporte la preuve d'une créance non prescrite à l'égard de la société Apident II d'un montant de 52 211,39 euros (selon taux de change au 15 mars 2016 non contesté).

Le jugement critiqué sera en conséquence confirmé en ce qu'il a fixé au passif de la société Apident II la créance de la société FKG Dentaire pour la somme de 52 211,39 euros outre intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2015.

- Sur les demandes au titre des dépens et frais irrépétibles

Le jugement critiqué sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

La société Apident II sera en outre déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et sera condamnée aux dépens de l'appel ainsi qu'à payer à la société FKG Dentaire la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

- ANNULE le jugement du tribunal de commerce d'Angers du 4 juillet 2018, en ces chefs relatifs au débouté de la demande reconventionnelle de la société Apident II d'indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de la relation commerciale ;

Statuant de ces chefs,

- DECLARE IRRECEVABLE la demande reconventionnelle de dommages intérêts formée par la société Apident II à l'encontre de la société FKG Dentaire fondée sur les dispositions de l'article L 442-6 du code de commerce ;

- CONFIRME le jugement du tribunal de commerce d'Angers du 4 juillet 2018 en ses autres chefs ;

y ajoutant,

- CONDAMNE la La société Apident II aux dépens de l'appel et à payer à la société FKG Dentaire la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles d'appel;

- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.