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Décisions

CJUE, 1re ch., 12 octobre 2023, n° C-11/22

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Est Wind Power OÜ

Défendeur :

Elering AS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Arabadjiev (rapporteur)

Juges :

M. von Danwitz, M. Xuereb, M. Kumin, Mme Ziemele

Avocat général :

M. Rantos

Avocats :

Me Kergandberg, Me Velbri, Me Järviste, Me Šipilov

CJUE n° C-11/22

11 octobre 2023

LA COUR (première chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du point 19, sous 44), et de la note en bas de page 66 de la communication de la Commission intitulée « Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 » (JO 2014, C 200, p. 1, ci-après les « lignes directrices de 2014 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Est Wind Power OÜ (ci-après « EWP ») à Elering AS, gestionnaire de réseau de transport, au sujet de la légalité d’un avis, émis par Elering à la demande d’EWP, constatant que l’état d’avancement d’un projet de construction d’un parc éolien ne satisfait pas aux exigences de la législation nationale qui permettraient de qualifier EWP de « producteur existant » d’énergie et, partant, de faire bénéficier cette dernière de subventions pour la construction de ce parc.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement (UE) 2015/1589

3 L’article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), dispose :

« Aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 1, et de l’article 108 [TFUE], les juridictions des États membres peuvent demander à la Commission [européenne] de leur fournir des informations en sa possession ou un avis sur des questions relatives à l’application des règles en matière d’aides d’État. »

Les lignes directrices de 2014

4 Le point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014 contient la définition suivante :

« “début des travaux” : soit le début des travaux de construction liés à l’investissement, soit le premier engagement ferme de commande d’équipement ou tout autre engagement rendant l’investissement irréversible, selon l’événement qui se produit en premier. L’achat de terrains et les préparatifs tels que l’obtention d’autorisations et la réalisation d’études de faisabilité préliminaires ne sont pas considérés comme le début des travaux. Dans le cas des rachats, le “début des travaux” est le moment de l’acquisition des actifs directement liés à l’établissement acquis ».

5 Le point 50 de ces lignes directrices précise :

« La Commission considère que les aides sont dépourvues d’effet incitatif pour leur bénéficiaire dans tous les cas où ce dernier a adressé sa demande d’aide aux autorités nationales après le début des travaux liés au projet. Dans de tels cas, lorsque le bénéficiaire commence à mettre en œuvre un projet avant d’introduire sa demande d’aide, toute aide octroyée en faveur de ce projet ne sera pas considérée comme compatible avec le marché intérieur. »

6 Le point 126 desdites lignes directrices prévoit :

« Au cours d’une phase transitoire couvrant les années 2015 et 2016, il convient que des aides portant sur au moins 5 % de la nouvelle capacité prévue de production d’électricité installée à partir de sources d’énergie renouvelables soient octroyées sur la base d’une procédure de mise en concurrence fondée sur des critères clairs, transparents et non discriminatoires.

À partir du 1er janvier 2017, les critères ci-après s’appliquent.

Les aides sont octroyées à l’issue d’une procédure de mise en concurrence fondée sur des critères clairs, transparents et non discriminatoires (66) [...]

[...] »

7 Aux termes de la note en bas de page 66 des mêmes lignes directrices :

« Les installations qui ont débuté les travaux avant le 1er janvier 2017 et qui avaient reçu confirmation de l’aide par l’État membre avant cette date peuvent bénéficier de l’aide sur la base du régime en vigueur au moment de la confirmation. »

La décision de 2017

8 Les considérants 42 à 44 de la décision C(2017) 8456 final de la Commission, du 6 décembre 2017, relative aux modifications du régime d’aide estonien en faveur des sources d’énergie renouvelables et de la cogénération [aide d’État SA.47354 (2017/NN)] (JO 2018, C 121, p. 7, ci-après la « décision de 2017 »), sont ainsi libellés :

« (42) La note en bas de page 66 des [lignes directrices de 2014] peut être considérée comme une transposition du principe juridique de confiance légitime et est étroitement liée à l’exigence de l’effet incitatif des aides d’État. Concrètement, cela signifie que les producteurs dont le projet se trouvait, à la date du 1er janvier 2017, à un stade de développement tel qu’il apparaissait fort probable qu’il serait mené à bonne fin doivent être considérés par les autorités qui octroient les aides comme étant des producteurs existants, de sorte qu’ils devraient obtenir l’aide sur la base du régime d’aide existant (confiance légitime). Cela exige au minimum que les maîtres d’ouvrage aient obtenu l’autorisation étatique nécessaire à la réalisation du projet et qu’ils aient légalement le droit d’utiliser le terrain sur lequel le projet sera réalisé.

(43) La définition de la notion de “début des travaux” figurant au point 19, sous 44), des [lignes directrices de 2014] fournit plus de détails à cet égard. La note en bas de page 66 des [lignes directrices de 2014] doit donc être lue et interprétée par les autorités qui octroient les aides en tenant compte de cet élément. La Commission observe à ce propos que les États membres demeurent responsables de la bonne mise en œuvre des mesures d’aide par l’intermédiaire de leurs autorités compétentes.

(44) Dans l’hypothèse où l’autorité qui octroie les aides considérerait que les travaux relatifs à un projet particulier ont débuté, au sens du point 19, sous 44), des [lignes directrices de 2014], avant le 1er janvier 2017, la Commission estime que cette appréciation concerne ce projet en tant que tel. »

Le droit estonien

9 L’article 59 de l’elektrituruseadus (loi sur le marché de l’électricité), du 11 février 2003 (RT I 2003, 25, 153), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« ELTS »), intitulé « Aide », prévoyait :

« (1) Le producteur a le droit d’obtenir du gestionnaire de réseau de transport l’aide visée au présent article :

1) pour la production d’électricité, dès lors qu’il a utilisé pour cela un équipement de production d’énergie renouvelable dont la puissance nette n’excède pas 125 [mégawatts (MW)] ;

[...]

(2) Le gestionnaire de réseau de transport verse une aide au producteur à la demande de celui-ci :

1) au taux de 0,0537 euros par kilowattheure d’électricité si cette dernière est produite conformément au paragraphe 1, point 1) [...] ci-dessus ;

[...]

(21) L’aide visée au paragraphe 2 du présent article constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE], qui est accordée conformément aux [lignes directrices de 2014], ainsi que sur la base de la [décision de 2017].

(22) L’aide visée au paragraphe 2 du présent article pour l’énergie produite par un équipement de production d’une puissance électrique d’au moins 1 MW peut être demandée par un producteur qui, en ce qui concerne le projet d’investissement afférent à cet équipement de production, a débuté les travaux au plus tard le 31 décembre 2016 en ayant procédé au moins de l’une des manières suivantes :

1) avoir commencé la production d’électricité ;

2) avoir commencé les travaux de construction relatifs à ce projet d’investissement ;

3) avoir pris l’engagement ferme de commander des équipements pour la construction d’une installation de production ;

4) avoir pris tout autre engagement rendant ledit projet d’investissement irréversible, hormis l’acquisition du terrain sur lequel se situe l’installation de production, l’obtention des autorisations et les préparatifs, qui ne font pas partie des engagements rendant le projet d’investissement irréversible.

(23) Lorsque le producteur demande au gestionnaire de réseau de transport un avis sur sa conformité aux conditions visées au paragraphe 22 du présent article, celui-ci doit être rendu dans les 90 jours à compter de la réception de ladite demande.

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

10 En vue de l’installation d’un parc éolien composé de 28 éoliennes, d’une puissance totale de 64,4 MW, à Päite-Vaivina, sur le territoire de la commune de Toila (Estonie) (ci-après le « parc éolien envisagé »), EWP a conclu, le 27 avril 2004, un contrat d’abonnement avec Elering et a acquitté à ce titre des frais de raccordement au réseau concerné d’un montant de 522 813,93 euros.

11 Au cours de l’année 2008, EWP a installé des mâts de mesure du vent sur ce parc éolien et a supporté à ce titre un coût de 212 002,15 euros. Par un contrat du 11 mai 2010, EWP a acquis les droits de superficie sur les 28 terrains prévus pour l’installation de ces éoliennes.

12 Le 19 janvier 2016, l’administration communale de Toila a publié les conditions pour la conception du parc éolien envisagé et, le 4 février 2016, EWP a sollicité la délivrance de permis de construire à cette fin. Le 20 avril 2016, le ministère de la Défense a refusé d’approuver les projets de construction de ce parc éolien et, par un arrêté du 26 avril 2016, l’administration communale de Toila a refusé de délivrer les permis de construire sollicités par EWP. Cette dernière a introduit des recours contre ces décisions de rejet.

13 Le 29 septembre 2020, EWP a, au titre de l’article 59, paragraphe 23, de l’ELTS, demandé à Elering un avis concernant la conformité du projet d’investissement relatif à la construction dudit parc éolien aux conditions énoncées à cet article 59, paragraphe 22.

14 Dans son avis no 22-7/2020/29-5 du 13 avril 2021, Elering a considéré que ce projet ne répondait pas à ces conditions, au motif, notamment, que EWP ne pouvait pas être qualifié de « producteur existant » à la date du 31 décembre 2016. Or, si tel avait été le cas, EWP aurait eu le droit d’obtenir, aux fins de la construction du parc éolien envisagé, une aide sur la base d’un régime d’aide existant.

15 Le 13 mai 2021, EWP a saisi le Tallinna Halduskohus (tribunal administratif de Tallinn, Estonie), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours tendant à l’annulation de cet avis et lui a demandé d’enjoindre à Elering de réexaminer la demande visée au point 13 du présent arrêt. Le litige au principal porte ainsi sur la légalité dudit avis.

16 Cette juridiction indique que, conformément à l’article 59, paragraphe 22, de l’ELTS, relève notamment de la notion de « producteur existant » un producteur qui a débuté au plus tard le 31 décembre 2016 des travaux sur un projet d’investissement afférent à un équipement de production, en ce qu’il a « commencé les travaux de construction » relatifs à ce projet d’investissement ou a « pris tout autre engagement rendant ledit projet d’investissement irréversible » étant entendu que ni l’acquisition du terrain sur lequel se situe l’installation de production, ni l’obtention des autorisations, ni les préparatifs ne sont considérés comme étant des engagements rendant le projet d’investissement irréversible.

17 EWP et Elering sont en désaccord sur le point de savoir si, à la date du 31 décembre 2016, EWP avait « commencé les travaux de construction » relatifs au parc éolien envisagé ou avait « pris tout autre engagement rendant [un tel] projet d’investissement irréversible ».

18 S’agissant de cette dernière condition, les parties sont notamment en désaccord sur la définition de la notion de « projet d’investissement irréversible », à savoir si cette notion implique la réalisation d’une analyse économique relative à la proportion des coûts engagés dans le projet d’investissement concerné par rapport au coût total de celui-ci et si, dans l’hypothèse où Elering considère une partie des dépenses effectuées comme constituant des préparatifs ou des coûts ne faisant pas partie des dépenses irréversibles, tels que ceux liés à l’achat de terrains ou à l’acquisition d’un droit de superficie, il conviendrait également de les exclure du coût total de ce projet dans le cadre d’une telle analyse économique, dès lors que celle-ci inclut une comparaison de la part en pourcentage que représentent les dépenses effectuées dans le coût total dudit projet.

19 De même, les parties sont en désaccord quant au point de savoir, d’une part, si, à la date du 31 décembre 2016, la requérante disposait d’une autorisation étatique nécessaire à la réalisation du même projet et, d’autre part, si cette autorisation étatique doit nécessairement être un permis de construire ou s’il peut également s’agir d’un document de planification urbaine, tel qu’un plan d’urbanisme général ou un plan d’urbanisme détaillé, ou encore d’une liste des conditions de conception, lesquels document et liste interviennent en amont du permis de construire, en vertu du droit national.

20 EWP estime avoir « commencé les travaux de construction » relatifs au parc éolien envisagé, dès lors qu’elle a bâti des mâts de mesure du vent et un poste de raccordement de ce parc éolien à la sous-station d’Allika (Estonie) avant le 31 décembre 2016.

21 Elering qualifie de « dépenses irréversibles » les dépenses engagées pour la construction de mâts de mesure du vent, d’un montant de 212 002,15 euros, ainsi que les frais de raccordement, d’un montant de 522 813,93 euros, mais considère que de tels investissements ne suffisent pas pour établir qu’il était fort probable que le projet d’investissement concerné serait mené à bonne fin, dès lors que ces engagements ne représentent pas une part significative du coût total de ce projet, estimé à 67 224 000 euros, soit à peine 1,09 % de ce coût total.

22 En outre, Elering fait valoir que, dans ces circonstances et sous peine de vider de son sens le système de l’article 59, paragraphe 22, de l’ELTS, la condition relative au début des travaux de construction, énoncée à cette disposition, ne peut pas non plus être remplie, dès lors que le caractère irréversible du projet d’investissement concerné constitue un élément pertinent dans tous les cas de figure visés à ladite disposition, y compris s’agissant de cette condition, ce que EWP conteste.

23 Le Tallinna Halduskohus (tribunal administratif de Tallinn) relève que, dans le cadre de l’affaire au principal, il a demandé, au titre de l’article 29, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, un avis à la Commission portant sur le point de savoir s’il convenait d’interpréter le considérant 42 de la décision de 2017 et la notion de « producteurs existants » y figurant en ce sens qu’il était exigé que, à la date du 1er janvier 2017, « les maîtres d’ouvrage aient obtenu l’autorisation étatique nécessaire à la réalisation du projet et qu’ils aient légalement le droit d’utiliser le terrain sur lequel le projet sera réalisé », pour qu’ils puissent être considérés comme relevant de cette notion, et bénéficier ainsi d’une aide d’État compatible avec le marché intérieur en vertu de cette décision.

24 Par un avis du 17 janvier 2020 (ci-après l’« avis de 2020 »), la Commission a répondu à cette juridiction qu’il convenait d’interpréter le considérant 42 de la décision de 2017 en ce sens qu’il exigeait que, à la date du 1er janvier 2017, « les maîtres d’ouvrage aient obtenu l’autorisation étatique nécessaire à la réalisation du projet et qu’ils aient légalement le droit d’utiliser le terrain sur lequel le projet sera réalisé ». Cette institution a ajouté que ces deux conditions devaient être remplies, conjointement avec l’un des trois cas de figure visés au point 19, sous 44), première phrase, des lignes directrices de 2014, pour qu’une entreprise puisse être considérée comme étant un « producteur existant » et bénéficier ainsi d’une aide d’État compatible avec le marché intérieur en vertu de cette décision.

25 Au regard de cet avis, la juridiction de renvoi estime nécessaire d’être éclairée davantage sur les notions de « début des travaux », de « travaux de construction liés à l’investissement », de « tout autre engagement rendant l’investissement irréversible » et d’« autorisation étatique nécessaire à la réalisation du projet », visées au point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014 et au considérant 42 de la décision de 2017, ainsi que sur les exigences résultant de ces notions, pour une administration nationale, en ce qui concerne l’évaluation de la probabilité qu’un projet d’investissement soit mené à bien.

26 Cette juridiction se demande également si les considérations figurant aux points 61 et 68 de l’arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar (C 349/17, EU:C:2019:172), selon lesquelles les critères en matière d’aides doivent être clairs et simples à appliquer par les autorités nationales compétentes, ne s’opposent pas à une telle appréciation économique complexe au cas par cas.

27 Dans ces conditions, le Tallinna Halduskohus (tribunal administratif de Tallinn) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Faut-il interpréter les règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État, en particulier le premier cas de figure relevant de la notion de “début des travaux” envisagé au point 19, sous 44), [des lignes directrices de 2014], à savoir “début des travaux de construction liés à l’investissement”, en ce sens que l’expression “travaux de construction” peut viser le début de tous travaux de construction liés à un projet d’investissement, quels qu’ils soient, ou qu’elle vise seulement le début des travaux de construction liés à l’installation du projet d’investissement qui permet la production d’énergie renouvelable ?

2) Faut-il interpréter les règles de l’Union en matière d’aides d’État, en particulier le premier cas de figure relevant de la notion de “début des travaux” envisagé au point 19, sous 44), [des lignes directrices de 2014], à savoir “début des travaux de construction liés à l’investissement”, en ce sens que l’autorité compétente nationale, lorsqu’elle a constaté le début des travaux de construction liés à l’investissement, est également tenue d’apprécier, eu égard au principe de confiance légitime, le stade de développement du projet d’investissement et la probabilité que celui-ci soit mené à bonne fin ?

3) En cas de réponse affirmative à la première question, d’autres éléments objectifs, tels que des litiges en cours empêchant la poursuite du projet d’investissement, peuvent-ils être pris en considération lors de l’appréciation du stade de développement du projet d’investissement ?

4) Les considérations formulées par la Cour aux points 61 et 68 de l’arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar [(C 349/17, EU:C:2019:172)], selon lesquelles l’existence ou non d’un effet incitatif ne saurait être considérée comme étant un critère clair et simple à appliquer par les autorités nationales, dès lors que, notamment, sa vérification requerrait d’effectuer, au cas par cas, des appréciations économiques complexes, raison pour laquelle un tel critère ne serait pas conforme à l’exigence que les critères pour l’application d’une exemption soient clairs et simples à appliquer par les autorités nationales, sont-elles pertinentes dans la présente affaire ?

5) En cas de réponse affirmative à la question précédente, faut-il interpréter les règles de l’Union en matière d’aides d’État, en particulier [la note en bas de page 66 des lignes directrices de 2014], lu en combinaison avec le point 19, sous 44), [de celles-ci], en ce sens que l’autorité nationale n’est pas tenue d’effectuer, au cas par cas, une appréciation économique du projet d’investissement lorsqu’elle vérifie le critère du début des travaux ?

6) En cas de réponse affirmative à la question précédente, faut-il interpréter les règles de l’Union en matière d’aides d’État, en particulier le dernier cas de figure relevant de la notion de “début des travaux” envisagé au point 19, sous 44), [des lignes directrices de 2014], à savoir “tout autre engagement rendant l’investissement irréversible”, en ce sens qu’un investissement est rendu irréversible par tout autre engagement, quelle que soit sa nature, hormis l’achat de terrains et les préparatifs (y compris l’obtention d’un permis de construire), et quel que soit son coût ?

7) Faut-il interpréter les règles de l’Union en matière d’aides d’État, en particulier la notion de “début des travaux” définie au point 19, sous 44), [des lignes directrices de 2014], en ce sens que celles-ci impliquent nécessairement que le producteur dispose d’un droit d’utiliser les terrains et d’une autorisation étatique [nécessaire à] la réalisation du projet d’investissement ?

8) En cas de réponse affirmative à la question précédente, faut-il interpréter la notion d’“autorisation étatique [nécessaire à] la réalisation du projet d’investissement” au regard du droit national et en ce sens qu’il ne peut s’agir que d’une autorisation permettant d’effectuer les travaux de construction liés au projet d’investissement ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité des première à sixième questions

28 La Commission soutient que, eu égard à la réponse qu’il conviendrait d’apporter aux septième et huitième questions, les première à sixième questions sont irrecevables ou, à tout le moins, dépourvues de pertinence, de sorte qu’il n’y aurait pas lieu d’y répondre.

29 En premier lieu, cette institution fait observer que les lignes directrices de 2014 n’ont un effet contraignant qu’à l’égard d’elle-même et qu’elles ne créent pas d’obligations juridiques autonomes à la charge des États membres, qui ne seraient liés que par les décisions que la Commission leur adresse en application des lignes directrices correspondantes à la mesure en cause. En conséquence, le point 19, sous 44), le point 126 et la note en bas de page 66 des lignes directrices de 2014 ne seraient pas des règles de droit que le Tallinna Halduskohus (tribunal administratif de Tallinn) devrait appliquer directement dans le cadre de l’affaire au principal.

30 Il y a lieu de rappeler que l’appréciation de la compatibilité des mesures d’aide avec le marché intérieur, au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle des juridictions de l’Union. À cet égard, la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social. Dans l’exercice de ce pouvoir d’appréciation, la Commission peut adopter des lignes directrices afin d’établir les critères sur la base desquels elle entend évaluer la compatibilité, avec le marché intérieur, des mesures d’aide envisagées par les États membres (arrêt du 15 décembre 2022, Veejaam et Espo, C 470/20, EU:C:2022:981, point 29 ainsi que jurisprudence citée).

31 En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice dudit pouvoir d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (arrêt du 15 décembre 2022, Veejaam et Espo, C 470/20, EU:C:2022:981, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

32 Il en résulte que l’effet de l’adoption des règles de conduite contenues dans les lignes directrices de 2014 est circonscrit à celui d’une autolimitation de la Commission dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, en ce sens que, si un État membre notifie à la Commission un projet d’aide d’État qui est conforme à ces règles, cette dernière doit, en principe, autoriser ce projet (arrêt du 15 décembre 2022, Veejaam et Espo, C 470/20, EU:C:2022:981, point 31 ainsi que jurisprudence citée).

33 Il s’ensuit que les lignes directrices de 2014 ne sont pas susceptibles de créer des obligations autonomes à la charge des États membres (arrêt du 15 décembre 2022, Veejaam et Espo, C 470/20, EU:C:2022:981, point 32).

34 Cela étant, conformément à l’article 288, quatrième alinéa, TFUE, la décision de 2017 a un effet contraignant à l’égard de la République d’Estonie qui en est destinataire.

35 Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 30 de ses conclusions, la décision de 2017 se réfère expressément à plusieurs dispositions des lignes directrices de 2014.

36 En particulier, le considérant 42 de la décision de 2017 cite et interprète la note en bas de page 66 des lignes directrices de 2014, le considérant 43 de cette décision énonce que cette « [note en bas de page 66] doit [...] être lue et interprétée par les autorités qui octroient les aides en tenant compte » de la « définition de la notion de “début des travaux” figurant au point 19, sous 44), des [lignes directrices de 2014] » et le considérant 44 de ladite décision évoque « l’hypothèse où l’autorité qui octroie les aides considérerait que les travaux relatifs à un projet particulier ont débuté, au sens du point 19, sous 44), des [lignes directrices de 2014], avant le 1er janvier 2017 ».

37 Force est ainsi de constater que, conformément aux termes des considérants 42 à 44 de la décision de 2017, cette dernière impose, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, aux autorités estoniennes compétentes d’appliquer ces dispositions des lignes directrices de 2014 dans le sens que leur confèrent ces considérants, ce qui est de nature à conférer auxdites dispositions un caractère contraignant.

38 Or, dès lors que la juridiction de renvoi est saisie d’un litige portant sur la légalité d’un avis contraignant émis par Elering et faisant application, au regard des considérants 42 à 44 de la décision de 2017, des mêmes dispositions des lignes directrices de 2014, ses questions portant sur l’interprétation du point 19, sous 44), et de la note en bas de page 66 de ces lignes directrices doivent être considérées comme étant recevables.

39 En second lieu, la Commission relève qu’il ressort de la décision de renvoi que le ministère de la Défense estonien a refusé d’approuver les projets de construction du parc éolien envisagé et que l’administration communale de Toila a refusé, en conséquence, de délivrer les permis de construire sollicités par EWP. Ces circonstances sembleraient indiquer que toutes les autorisations étatiques nécessaires à la réalisation du projet concerné, au sens du considérant 42 de la décision de 2017, n’étaient pas disponibles avant le 31 décembre 2016. Partant, il apparaîtrait que, à la date du 1er janvier 2017, ce projet ne se trouvait pas à un stade de développement tel qu’il apparaissait fort probable qu’il serait mené à bonne fin et devrait bénéficier de l’aide sur la base du régime d’aide existant, au sens de ce considérant 42.

40 Or, une telle objection procède non seulement d’une interprétation des dispositions du droit de l’Union sur lesquelles portent les septième et huitième questions, mais également de l’application de ces dispositions aux faits du litige au principal ainsi que de l’interprétation et de l’application des dispositions pertinentes du droit estonien à ces faits.

41 Selon une jurisprudence constante, la procédure instituée par l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (arrêt du 15 septembre 2011, Unió de Pagesos de Catalunya, C 197/10, EU:C:2011:590, point 16 et jurisprudence citée).

42 Dans le cadre de cette procédure, qui est fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national (arrêt du 24 juillet 2023, Lin, C 107/23 PPU, EU:C:2023:606, point 76 et jurisprudence citée).

43 En particulier, la Cour a itérativement jugé qu’il ne lui appartient pas, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, de se prononcer sur l’interprétation des dispositions nationales, une telle interprétation relevant en effet de la compétence exclusive des juridictions nationales (arrêt du 25 novembre 2020, Sociálna poisťovňa, C 799/19, EU:C:2020:960, point 45 et jurisprudence citée).

44 Il découle des considérations qui précèdent que les première à sixième questions sont recevables.

Sur les première et sixième questions, relatives à la notion de « début des travaux », au sens du point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014, lu en combinaison avec le considérant 42 de la décision de 2017

45 Par ses première et sixième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014, lu en combinaison avec le considérant 42 de la décision de 2017, doit être interprété en ce sens que la notion de « début des travaux » vise, d’une part, le début de tous travaux de construction liés à un projet d’investissement, quels que soient ces travaux, ou seulement le début des travaux de construction liés à l’installation d’un projet d’investissement qui permet la production d’énergie renouvelable et, d’autre part, tout autre engagement, quels que soient la nature ou le coût de cet engagement, hormis l’achat de terrains et les préparatifs au sens de ce point 19, sous 44).

46 Il convient de rappeler d’emblée que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [arrêt du 8 juin 2023, Fastweb e.a. (Périodicités de facturation), C 468/20, EU:C:2023:447, point 52 ainsi que jurisprudence citée].

47 Aux termes des premier et troisième cas de figure visés au point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014, la notion de « début des travaux » inclut le « début des travaux de construction liés à l’investissement » ou « tout autre engagement rendant l’investissement irréversible ». Cette disposition précise, en outre, que « l’achat de terrains et les préparatifs tels que l’obtention d’autorisations et la réalisation d’études de faisabilité préliminaires ne sont pas considérés comme le début des travaux ».

48 S’il ressort ainsi clairement du libellé de ladite disposition que des travaux de construction qui sont nécessaires au fonctionnement du projet d’investissement, tels que, dans l’affaire au principal, la construction de mâts de mesure et la réalisation de raccordements électriques, ne constituent pas des préparatifs, au sens de la même disposition, et sont donc susceptibles de relever de la notion de « début des travaux », au sens du point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014, si les conditions prévues à cette disposition sont réunies, force est de constater que ladite disposition n’identifie pas avec précision la nature des travaux de construction visés ou des engagements rendant l’investissement irréversible ni n’établit un seuil à partir duquel les travaux entamés doivent être considérés comme satisfaisant à ces conditions.

49 Cela étant, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 37 à 39 de ses conclusions, dans le contexte du considérant 42 de la décision de 2017, cette notion de « début des travaux » a pour objectif de déterminer quels producteurs pouvaient se voir reconnaître le statut de « producteur existant » d’énergie renouvelable susceptible de bénéficier d’une aide d’État au titre d’un régime d’aide existant.

50 Il ressort de ce considérant 42 que ce sont « les producteurs dont le projet se trouvait, à la date du 1er janvier 2017, à un stade de développement tel qu’il apparaissait fort probable qu’il serait mené à bonne fin » qui peuvent être considérés par les autorités qui octroient les aides comme étant des « producteurs existants ».

51 Or, dès lors que ledit considérant 42 exige que, à cette date, le projet concerné se trouvait à un « stade de développement » tel qu’il apparaissait « fort probable qu’il serait mené à bonne fin », il ne saurait être considéré que tout début de travaux de construction liés à un projet d’investissement, quels que soient ces travaux, satisfait à un tel critère.

52 Au contraire, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 43 de ses conclusions, il en découle que l’état d’avancement des travaux en cause devait être tel que, à la date du 1er janvier 2017, l’investissement concerné soit rendu irréversible et que le maître d’ouvrage puisse être assimilé à un producteur existant d’énergie renouvelable.

53 Dans le contexte du considérant 42 de la décision de 2017, la notion de « début des travaux », au sens du point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014, doit donc, dans tous les cas de figure, être entendue comme visant un état d’avancement des travaux en cause permettant d’assimiler le maître d’ouvrage à un producteur existant d’énergie renouvelable.

54 Partant, seul un engagement portant, à la date du 1er janvier 2017, le projet d’investissement à un « stade de développement » tel qu’il apparaissait « fort probable qu’il serait mené à bonne fin », et que ledit projet était donc, en substance, irréversible, peut relever, dans ce contexte, de cette notion de « début des travaux ».

55 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 44 à 46 de ses conclusions, un tel seuil ne saurait être considéré comme étant atteint à cette date que si les préparatifs étaient accomplis et si l’engagement pris était suffisamment significatif, au regard de sa nature et de son coût, par rapport au volume total du projet d’investissement concerné.

56 S’il incombe à la juridiction de renvoi, qui seule dispose de l’ensemble des éléments pertinents, d’apprécier si, à cette date, l’état d’avancement des travaux de construction du parc éolien envisagé permettait de considérer qu’il apparaissait fort probable que le projet de construction de ce parc serait mené à bonne fin, les éléments dont dispose la Cour tendent à indiquer que, en l’occurrence, la construction de mâts de mesure et de raccordements électriques au réseau de transport ne constituait pas un tel « début des travaux » permettant d’assimiler EWP à un « producteur existant » d’énergie renouvelable, seul le début des travaux de construction des éoliennes productrices d’énergie renouvelable, voire un engagement irréversible portant sur ces dernières, qui apparaissent représenter la partie la plus significative du projet d’investissement en cause au principal, pouvant lui conférer un tel statut.

57 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et sixième questions que le point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014, lu en combinaison avec le considérant 42 de la décision de 2017, doit être interprété en ce sens que la notion de « début des travaux » vise, d’une part, le début des travaux de construction liés à l’installation d’un projet d’investissement qui permet la production d’énergie renouvelable et, d’autre part, tout autre engagement portant, au regard de sa nature et de son coût, le projet d’investissement concerné, à la date du 1er janvier 2017, à un stade de développement tel qu’il apparaissait fort probable que ce projet serait mené à bonne fin.

Sur les deuxième, quatrième et cinquième questions, relatives à l’évaluation à effectuer par l’autorité nationale compétente au titre du point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014, lu en combinaison avec les considérants 42 à 44 de la décision de 2017

58 Par ses deuxième, quatrième et cinquième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014, lu en combinaison avec les considérants 42 à 44 de la décision de 2017, doit être interprété en ce sens que l’autorité nationale compétente est tenue, aux fins de constater un « début des travaux », au sens de ce point 19, sous 44), de procéder, au cas par cas, à une analyse, le cas échéant économique et approfondie, du stade de développement du projet d’investissement concerné et de la probabilité que celui-ci soit mené à bonne fin ou si elle peut se limiter à une appréciation purement factuelle ou formelle.

59 À cet égard, il convient de rappeler que les considérants 42 à 44 de la décision de 2017 précisent, notamment, que ce sont les producteurs dont le projet se trouvait, à la date du 1er janvier 2017, à un stade de développement tel qu’il apparaissait fort probable qu’il serait mené à bonne fin qui « doivent être considérés par les autorités qui octroient les aides » comme étant des producteurs existants, que « les États membres demeurent responsables de la bonne mise en œuvre des mesures d’aide par l’intermédiaire de leurs autorités compétentes » et que, dans l’hypothèse où « l’autorité qui octroie les aides considérerait » que les travaux relatifs à un projet particulier ont débuté, au sens du point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014, avant le 1er janvier 2017, la Commission estime que cette appréciation concerne ce projet en tant que tel. Ces considérants indiquent également que la note en bas de page 66 de ces lignes directrices doit être « lue et interprétée par les autorités qui octroient les aides » en tenant compte de la définition de la notion de « début des travaux », figurant à ce point 19, sous 44).

60 Partant, il ressort sans équivoque des considérants 42 à 44 de la décision de 2017 que, dans le contexte de cette décision, l’autorité compétente doit effectuer un contrôle au cas par cas, qui porte sur la question de savoir si le projet concerné se trouvait, à la date du 1er janvier 2017, à un stade de développement tel qu’il apparaissait fort probable qu’il serait mené à bonne fin. Or, une telle appréciation ne se prête pas à un contrôle purement formel et peut requérir, selon les cas, une analyse économique approfondie.

61 Cette constatation n’est pas infirmée par les considérations énoncées aux points 61 et 68 de l’arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar (C 349/17, EU:C:2019:172). Certes, à ces points, la Cour a, en substance, exclu que les autorités nationales compétentes puissent procéder à des appréciations économiques complexes au cas par cas et a limité le pouvoir de ces autorités à des constatations factuelles ou formelles. Toutefois, une telle limitation a été constatée en ce qui concerne l’application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement (CE) no 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles [107 et 108 TFUE] (Règlement général d’exemption par catégorie) (JO 2008, L 214, p. 3), qui doit faire l’objet d’une application uniforme dans les États membres, au moyen de critères clairs et simples à appliquer. En outre, ces considérations portaient sur un effet incitatif, présumé ou réel, de l’aide concernée.

62 En revanche, en l’occurrence, l’effet incitatif du régime d’aide estonien applicable avant les modifications visées par la décision de 2017 a été définitivement constaté par la Commission dans cette décision, de telle sorte que l’appréciation incombant à l’autorité nationale compétente porte exclusivement sur l’existence ou non d’une confiance légitime du maître d’ouvrage, justifiant une protection, dans l’obtention d’une aide au titre de ce régime d’aide. Or, un tel examen doit nécessairement être effectué au cas par cas et ne saurait être regardé comme se limitant à une appréciation purement factuelle ou formelle.

63 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux deuxième, quatrième et cinquième questions que le point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014, lu en combinaison avec les considérants 42 à 44 de la décision de 2017, doit être interprété en ce sens que l’autorité nationale compétente est tenue, aux fins de constater un « début des travaux », au sens de ce point 19, sous 44), de procéder, au cas par cas, à une analyse du stade de développement du projet d’investissement concerné et de la probabilité que celui-ci soit mené à bonne fin, laquelle ne peut se limiter à une appréciation purement factuelle ou formelle et est susceptible de requérir, selon les cas, une analyse économique approfondie.

Sur les troisième, septième et huitième questions, relatives à la notion d’« autorisation étatique », au sens du point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014, lu en combinaison avec le considérant 42 de la décision de 2017

64 Par ses troisième, septième et huitième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014, lu en combinaison avec le considérant 42 de la décision de 2017, doit être interprété en ce sens que :

– la notion de « début des travaux », au sens de ce point 19, sous 44), implique nécessairement que le maître d’ouvrage dispose du droit d’utiliser le terrain sur lequel le projet d’investissement concerné sera réalisé et d’une autorisation étatique nécessaire à la réalisation de ce projet ;

– la notion d’« autorisation étatique nécessaire à la réalisation du projet », visée à ce considérant 42, doit être interprétée au regard du droit national et en ce sens qu’elle permet d’effectuer les travaux de construction liés au projet d’investissement concerné, et

– si un litige en cours, portant sur un refus d’une telle autorisation et empêchant la poursuite de ce projet, doit être pris en considération lors de l’appréciation du stade de développement dudit projet.

65 À cet égard, il ressort du point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014 que « l’obtention d’autorisations » relève des « préparatifs » et ne constitue donc pas un « début des travaux », au sens de cette disposition. En outre, le considérant 42 de la décision de 2017 exige sans équivoque que le maître d’ouvrage ait « obtenu l’autorisation étatique nécessaire à la réalisation du projet » et qu’il ait « légalement le droit d’utiliser le terrain sur lequel le projet sera réalisé ».

66 Il en découle, tout d’abord, que la notion de « début des travaux » énoncée à ce point 19, sous 44), implique nécessairement, dans le contexte de ce considérant 42, que le maître d’ouvrage dispose du droit d’utiliser le terrain sur lequel le projet d’investissement concerné sera réalisé et d’une autorisation étatique nécessaire à la réalisation de ce projet.

67 Ensuite, étant donné que ces dispositions visent une autorisation « étatique » sans préciser, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 52 de ses conclusions, le type d’autorisation requise, la notion d’« autorisation étatique » doit être interprétée au regard du droit national.

68 En outre, il résulte des constatations effectuées aux points 52 à 55 et 62 du présent arrêt que, dans le cadre de l’appréciation, qu’il incombe à l’autorité nationale compétente d’effectuer, portant sur l’existence ou non d’une confiance légitime du maître d’ouvrage, justifiant une protection, dans l’obtention d’une aide au titre d’un régime d’aide existant, cette autorité est appelée à vérifier si, à la date du 1er janvier 2017, l’état d’avancement des travaux en cause faisait apparaître qu’il était fort probable que le projet d’investissement concerné serait mené à bonne fin, de telle sorte que ce projet était, en substance, irréversible et permettait, partant, d’assimiler le maître d’ouvrage à un « producteur existant » d’énergie renouvelable.

69 Il en résulte que le type d’autorisation requise au titre du point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014, lu en combinaison avec le considérant 42 de la décision de 2017, doit, lui aussi, permettre de considérer que, à cette date, il apparaissait fort probable que ce projet serait mené à bonne fin et, dès lors, d’assimiler le maître d’ouvrage à un « producteur existant » d’énergie renouvelable.

70 Or, ainsi qu’il a été relevé au point 56 du présent arrêt, en l’occurrence, seul le début des travaux de construction d’éoliennes productrices d’énergie renouvelable ou un engagement irréversible portant sur ces dernières auraient permis d’assimiler EWP à un tel producteur, de sorte que l’autorisation étatique requise aurait dû permettre d’effectuer ces travaux de construction.

71 S’il incombe à la juridiction de renvoi, qui seule dispose de l’ensemble des éléments pertinents, de déterminer, au regard de telles exigences, le type d’autorisation étatique dont EWP devait, en l’occurrence, disposer, les éléments dont dispose la Cour tendent à indiquer que, conformément au droit estonien, des documents de planification urbaine ne permettent pas, à eux seuls, de procéder aux travaux de construction des éoliennes en cause au principal, mais que la réalisation de ces travaux nécessite encore, à titre d’autorisations étatiques définitives, l’obtention de permis de construire, de telle sorte qu’il apparaît que ce sont ces permis qui doivent être considérés comme étant l’« autorisation étatique » requise.

72 Enfin, s’agissant de l’existence d’un litige en cours, portant sur un refus d’une telle autorisation et empêchant la poursuite du projet d’investissement concerné, il incombe à l’autorité nationale compétente, eu égard aux constatations effectuées, en dernier lieu, au point 68 du présent arrêt, non pas de spéculer sur l’issue d’un tel litige, mais de fonder sa décision sur la situation juridique et factuelle en vigueur à la date du 1er janvier 2017.

73 En effet, quelle que soit l’issue d’une telle procédure juridictionnelle, une entreprise qui ne disposait pas, à cette date, de l’autorisation étatique nécessaire à la réalisation du projet d’investissement concerné ne saurait être considérée comme justifiant, à ladite date, d’une confiance légitime digne de protection dans l’obtention d’une aide au titre d’un régime d’aide existant.

74 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux troisième, septième et huitième questions que le point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014, lu en combinaison avec le considérant 42 de la décision de 2017, doit être interprété en ce sens que :

– la notion de « début des travaux », au sens de ce point 19, sous 44), implique nécessairement que le maître d’ouvrage dispose du droit d’utiliser le terrain sur lequel le projet d’investissement concerné sera réalisé et d’une autorisation étatique nécessaire à la réalisation de ce projet ;

– la notion d’« autorisation étatique nécessaire à la réalisation du projet », visée à ce considérant 42, doit être interprétée au regard du droit national et en ce sens qu’elle permet, en tant qu’autorisation étatique définitive, d’effectuer les travaux de construction liés au projet d’investissement concerné ;

– l’existence d’un litige en cours à la date du 1er janvier 2017, portant sur un refus d’une telle autorisation et empêchant la poursuite de ce projet, ne doit pas être prise en considération lors de l’appréciation du stade de développement dudit projet à cette date.

 Sur les dépens

75 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1) Le point 19, sous 44), de la communication de la Commission intitulée « Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 », lu en combinaison avec le considérant 42 de la décision C(2017) 8456 de la Commission , du 6 décembre 2017, relative aux modifications du régime d’aide estonien en faveur des sources d’énergie renouvelables et de la cogénération [aide d’État SA.47354 (2017/NN)],

doit être interprété en ce sens que :

la notion de « début des travaux » vise, d’une part, le début des travaux de construction liés à l’installation d’un projet d’investissement qui permet la production d’énergie renouvelable et, d’autre part, tout autre engagement portant, au regard de sa nature et de son coût, le projet d’investissement concerné, à la date du 1er janvier 2017, à un stade de développement tel qu’il apparaissait fort probable que ce projet serait mené à bonne fin.

2) Le point 19, sous 44), de la communication de la Commission intitulée « Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 », lu en combinaison avec les considérants 42 à 44 de la décision C(2017) 8456,

doit être interprété en ce sens que :

l’autorité nationale compétente est tenue, aux fins de constater un « début des travaux », au sens de ce point 19, sous 44), de procéder, au cas par cas, à une analyse du stade de développement du projet d’investissement concerné et de la probabilité que celui-ci soit mené à bonne fin, laquelle ne peut se limiter à une appréciation purement factuelle ou formelle et est susceptible de requérir, selon les cas, une analyse économique approfondie.

3) Le point 19, sous 44), de la communication de la Commission intitulée « Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 », lu en combinaison avec le considérant 42 de la décision C(2017) 8456,

doit être interprété en ce sens que :

– la notion de « début des travaux », au sens de ce point 19, sous 44), implique nécessairement que le maître d’ouvrage dispose du droit d’utiliser le terrain sur lequel le projet d’investissement concerné sera réalisé et d’une autorisation étatique nécessaire à la réalisation de ce projet,

– la notion d’« autorisation étatique nécessaire à la réalisation du projet », visée à ce considérant 42, doit être interprétée au regard du droit national et en ce sens qu’elle permet, en tant qu’autorisation étatique définitive, d’effectuer les travaux de construction liés au projet d’investissement concerné ;

– l’existence d’un litige en cours à la date du 1er janvier 2017, portant sur un refus d’une telle autorisation et empêchant la poursuite de ce projet, ne doit pas être prise en considération lors de l’appréciation du stade de développement dudit projet à cette date.