Cass. com., 15 mai 2007, n° 05-19.464
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
M. Petit
Avocat général :
M. Casorla
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Masse-Dessen et Thouvenin
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'assemblée générale de la société X... et compagnie tenue le 6 juin 2003 ayant révoqué M. X... de ses fonctions de directeur général et de membre du directoire, celui-ci, alléguant que cette décision était intervenue dans des circonstances constitutives d'abus, a demandé que la société soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts ; que cette dernière a reconventionnellement demandé que M. X... soit condamné à rembourser le solde débiteur de son compte courant ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société X... et compagnie fait grief à l'arrêt d'avoir fixé au 6 octobre 2003 le point de départ des intérêts moratoires sur la somme due par M. X... au titre du solde débiteur de son compte courant alors, selon le moyen, que les intérêts moratoires sont dus du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante ; que la société X... et compagnie, qui sollicitait la condamnation de M. X... aux intérêts moratoires, se prévalait d'une lettre recommandée du 1er août 2003, par laquelle elle avait expressément rappelé à M. Jean-Claude X... : "votre compte courant présente dans la société un solde débiteur de 3 232,19 euros dont vous voudrez bien nous couvrir, dans les meilleurs délais, par tout moyen à votre convenance" ; d'où il suit qu'en retardant le point de départ des intérêts moratoires de la créance de la société à la date de la sommation de payer, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la lettre du 1er août 2003 ne contenait pas une interpellation suffisante du débiteur, justifiant que le point de départ des intérêts fût fixé au 1er août 2003, la cour d'appel a violé l'article 1153, alinéa 3, du code civil ;
Mais attendu que, dans ses conclusions devant la cour d'appel, la société X... et compagnie, après avoir fait valoir que M. X... n'avait pas fait droit à la demande de remboursement par lettre recommandée du 1er août 2003 ni même à la sommation de payer du 6 octobre 2003, s'était bornée à demander le paiement des intérêts moratoires, sans préciser autrement le point de départ de ceux-ci ; que dès lors, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour dire que la révocation de M. X... revêt un caractère abusif qui justifie l'allocation de dommages-intérêts, l'arrêt retient que si les conditions dans lesquelles le conflit s'envenimait entre les dirigeants de la société X... et compagnie justifiaient que la révocation des mandats de M. X... intervienne le plus vite possible, elles n'autorisaient pas pour autant une révocation précipitée faisant fi du respect des droits de l'intéressé et notamment du principe du contradictoire, que M. X..., qui était en arrêt de maladie depuis trois jours, était absent lors de l'assemblée générale et que celle-ci, dont le report aurait pu être effectué sans problème majeur, s'est empressée de statuer, sans audition préalable de l'intéressé et sans qu'aucune mesure ait été prise pour s'assurer qu'il avait été en mesure de se faire entendre ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que M. X... avait été averti en temps utile des griefs formulés au soutien de la proposition de révocation qui devait être présentée à l'assemblée générale, ce dont il résulte que la société avait fait le nécessaire pour permettre au dirigeant de présenter ses observations avant la décision de révocation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société X... et compagnie à payer à M. X... la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts pour révocation abusive, l'arrêt retient que la révocation a été décidée sans audition préalable de l'intéressé et sans qu'aucune mesure ait été prise pour s'assurer qu'il avait été en mesure de se faire entendre, que la révocation revêt un caractère abusif qui justifie l'allocation de dommages-intérêts et qu'au vu des répercussions de la décision critiquée sur sa situation personnelle, de l'importance des revenus perçus avant sa révocation, de l'incidence de son éviction sur ses chances de "valorisation" de ses droits sociaux et de l'évolution des profits d'une société en difficulté financière, il convient de lui allouer la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir retenu que la révocation de M. X... reposait sur un juste motif et sans rechercher si la circonstance constitutive d'abus lui avait, en elle-même, causé un préjudice distinct de celui résultant de sa révocation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société X... et compagnie à payer à M. Jean-Claude X... la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts pour révocation abusive, l'arrêt rendu le 15 juin 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.