CA Douai, 2e ch. sect. 2, 12 octobre 2023, n° 22/03645
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Beauty By D (SAS)
Défendeur :
Groupe Vog (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vitse
Conseillers :
Mme Cordier, Mme Fallenot
Avocats :
Me Petit, Me Cohen Boulakia, Me Delfly, Me Dessenne
La SAS Groupe Vog exploite directement ou en franchise les marques « [P] [U] », « Vog coiffure », « Tchip coiffure ».
La SAS Beauty by D est spécialisée dans le secteur d'activité de la coiffure et exploite un salon de coiffure sous enseigne « Tchip ».
La SAS Beauty by D et la SAS Groupe Vog ont conclu un contrat de franchise, prévoyant l'exploitation d'un salon de coiffure à [Localité 3], pour une durée de 7 ans renouvelable par tacite reconduction, par périodes successives de 2 ans, moyennant le paiement de redevances mensuelles fixées en contrepartie d'un certain nombre de prestations de la part du franchiseur.
La SAS Beauty by D a adressé à son franchiseur une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 mai 2019, pour lui indiquer son intention de mettre fin au contrat de franchise à compter du 22 juin 2019 et a cessé d'honorer les factures de redevances et de frais, mettant fin unilatéralement au contrat de franchise et exerçant dorénavant son activité sous l'enseigne Le boudoir de David.
Par lettre recommandée en date du 28 juillet 2020, la société Groupe Vog a mis en demeure son franchisé de lui régler la somme de 17 708,04 € correspondant au solde débiteur à cette date. Cette mise en demeure restant infructueuse, elle a procédé, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 décembre 2020, à la résiliation du contrat de franchise, précisant à la SAS Beauty by D qu'elle était à présent débitrice de la somme globale de 39 794,04 €, soit 26 834,04 € au titre du compte courant représentant les redevances et frais et 12 960 € au titre de la clause pénale due pour rupture de contrat.
La SAS Groupe Vog a assigné, par exploit du 18 mai 2021, la SAS Beauty by D afin d'obtenir la résiliation du contrat aux torts exclusifs de cette dernière et la condamnation de celle-ci aux sommes restant dues.
Par jugement contradictoire et en premier ressort rendu le 14 avril 2022, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :
« DEBOUTE la SAS BEAUTY BY D de l'ensemble de ses demandes,fins et conclusions,
JUGE que le contrat conclu entre la SAS GROUPE VOG et la SAS BEAUTY BY D a été résilié le 29 décembre 2020 aux torts exclusifs de la SAS BEAUTY BY D,
CONDAMNE la SAS BEAUTY BY D à payer à la SAS GROUPE VOG la somme de 39 794,04 € TTC, dont 26 834,04 € TTC au titre des factures restées impayées et 12 960 € TTC, au titre de l'indemnité conventionnelle de résiliation, assortie des intérêts de retard contractuels établis à trois fois le taux d'intérêts légal en cours.
CONDAMNE la SAS BEAUTY BY D à payer à la SAS GROUPE VOG la somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
CONFIRME l'exécution provisoire de droit,
CONDAMNE la SAS BEAUTY BY D aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 69,59 € (en ce qui concerne les frais de Greffe. »
Par déclaration en date du 26 juillet 2022, la société Beauty by D a interjeté appel de la décision reprenant dans son acte d'appel l'ensemble des chefs de la décision.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par conclusions remises au greffe et notifiées entre parties par voie électronique en date du 14 octobre 2022, la société Beauty by D demande à la cour de :
«Vu les articles 1134, 1147 et 1353 du Code civil, applicables dans leur version antérieure à l'Ordonnance du 10 février 2016,
Vu l'article L. 442-5 du Code de commerce, applicable dans sa version antérieure à l'Ordonnance du 24 avril 2019,
[...]
DIRE l'appel interjeté par la S.A.S. BEAUTY BY D recevable et bien fondé,
En conséquence,
INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de LILLE en date du 14 avril 2022 en ce qu'il a :
- débouté la S.A.S. BEAUTY BY D de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- jugé que le contrat conclu entre la S.A.S GROUPE VOG et la S.A.S. BEAUTY BY D a été résilié le 29 décembre 2020 aux torts exclusifs de la S.A.S. BEAUTY BY D ;
- condamné la S.A.S. BEAUTY BY D à payer à la S.A.S. GROUPE VOG la somme de 39.794,04 € TTC, dont 26.834,04 € TTC au titre des factures restées impayées et 12.960 € TTC au titre de l'indemnité conventionnelle de résiliation, assortie des intérêts de retard contractuels établis à trois fois le taux d'intérêt légal en cours ;
- condamné la S.A.S. BEAUTY BY D à payer à la S.A.S. GROUPE VOG la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- confirmé l'exécution provisoire de droit ;
- condamné la S.A.S. BEAUTY BY D aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 69,59 € en ce qui concerne les frais de Greffe,
Statuant à nouveau de ces chefs :
DIRE que la S.A.S. GROUPE VOG a commis des inexécutions contractuelles, en raison du défaut de communication du savoir-faire et de l'assistance prévu au contrat ;
DIRE que la S.A.S. GROUPE VOG a méconnu les dispositions de l'article L. 442-5 du Code de commerce en imposant les prix de prestations de services à la S.A.S. BEAUTY BY D ;
DIRE que la S.A.S. GROUPE VOG a commis des pratiques illégales en imposant des prix de revente à la S.A.S. BEAUTY BY D et en effectuant des commandes en ses lieu et place ;
CONDAMNER la S.A.S. GROUPE VOG au paiement de la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts compensatoires des manquements contractuels ;
DIRE que le contrat de franchise signé le 1er octobre 2015 a été résolu avec effet au 22 juin 2019 ;
DIRE que la notification de la résolution du contrat avec effet au 22 juin 2019 par la S.A.S. BEAUTY BY D est justifiée par les inexécutions contractuelles graves de la S.A.S. GROUPE VOG ;
DIRE que les redevances correspondant à une période postérieure au 22 juin 2019 ne sont pas dues ;
DONNER ACTE à la S.A.S. BEAUTY BY D de ce qu'elle reconnaît devoir à la S.A.S. GROUPE VOG la somme de 1.980 €, correspondant à une période antérieure à la résolution du contrat ;
DIRE que la S.A.S. GROUPE VOG est responsable de la cessation du contrat de franchise ;
DEBOUTER la S.A.S. GROUPE VOG de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;
CONDAMNER la S.A.S. GROUPE VOG au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens dont distraction sera faite au profit de Maître Adrien COHEN-BOULAKIA, Avocat au Barreau de MONTPELLIER, en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNER la S.A.S. GROUPE VOG aux entiers dépens. »
Elle rappelle que le contrat de franchise n'a pas été signé le 1er octobre 2016, mais le 1er octobre 2015, contrairement à ce qu'indique la société Groupe Vog dans son assignation.
Elle revient sur le fait qu'elle a dû faire face à de multiples inexécutions contractuelles de la société Groupe Vog, tant au moment de l'ouverture (absence de document dispositif d'aménagement adapté du local, absence d'assistance à l'ouverture du salon, absence de formation initiale obligatoire, absence de remise du « manuel Tchip coiffure ») que postérieurement.
Elle souligne avoir également dû faire face à une pratique consistant à imposer le prix des prestations facturées auprès de la clientèle, en méconnaissance des dispositions de l'article L 442-6, anciennement L 442-5 du code de commerce, et accepter une pratique de commandes forcées (pratique des « colis poussés »).
Suites aux difficultés rencontrées, engendrant des difficultés financières, elle précise avoir souhaité mettre fin au contrat de franchise et s'est heurtée à l'absence de réponse du groupe Vog.
Elle conteste la motivation du tribunal qui a rejeté ses demandes pointant un défaut de réclamation ou de plainte durant l'exécution du contrat et un défaut de preuve de la réalité des manquements.
Elle argue d'un défaut de communication d'un savoir-faire, soulignant que l'absence d'invocation par écrit des inexécutions contractuelles ne l'empêche en aucun cas de les invoquer dans le cadre de la présente procédure, et qu'il ne lui appartient pas de rapporter la preuve d'un défaut d'exécution, mais plutôt à la société Groupe Vog de démontrer qu'elle a exécuté ses obligations.
Elle observe, s'agissant des pratiques illicites, que la société Groupe Vog ne les conteste pas, se contentant de les justifier par une volonté d'« homogénéité » de son réseau, la société Groupe Vog ne pouvant ignorer que la pratique du prix imposé à l'égard d'une entreprise indépendante est prohibée, y compris à l'égard d'un franchisé. Il s'agit d'une entente prohibée par le droit des pratiques anticoncurrentielles, et en particulier par l'article 101 TFUE et L 420-1 du code de commerce.
Elle pointe qu'il n'est pas reproché à la société Groupe Vog d'avoir imposé à son franchisé de s'approvisionner auprès de certains fournisseurs, mais d'avoir effectué des commandes en ses lieu et place.
Elle estime son préjudice considérable, pointant que la société group Vog a perçu des redevances sans lui fournir aucune prestation, lequel peut être fixé à 50 000 euros.
Elle indique que sa résolution unilatérale par notification, en considération des manquements graves de l'autre partie, était justifiée et aurait dû être prise en compte par le premier juge. Le tribunal ne pouvait juger que le contrat de franchise a été résilié par courrier de la société Vog en date du 29 décembre 2020, cette date étant postérieure au courrier adressé le 27 mai 2019 envoyé par ses soins et marquant la fin du contrat. Le courrier du 29 décembre 2020 est sans effet puisque le contrat n'était plus en vigueur à compter du 22 juin 2019. Les redevances postérieures à cette date ne sont donc pas dues puisque le contrat n'était plus en vigueur.
Il en est de même de la demande d'indemnité de résolution contractuelle, le premier juge n'ayant pas pris en compte la résolution avec effet au 22 juin 2019.
La société Groupe Vog a constitué avocat mais n'a pas conclu dans les délais impartis par le code de procédure civile.
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L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2023.
A l'audience du 13 juin 2023, le dossier a été mis en délibéré au 12 octobre 2023.
MOTIVATION
A titre liminaire, faute pour la société Vog, régulièrement constituée, d'avoir pris des écritures en cause d'appel, elle est, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, réputée s'approprier les motifs du jugement entrepris.
Il résulte en outre des dispositions du dernier alinéa de l'article 472 du code de procédure que le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Il sera par suite également rappelé qu'il n'y a pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que ....' ou 'dire que...', telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lorsqu'elles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.
À la demande de résiliation effectuée par la société Groupe Vog, et accueillie par le tribunal de commerce, la société Beauty by D oppose une demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour inexécution du contrat, et une résiliation du contrat antérieure à celle formulée par le franchiseur.
- Sur la responsabilité contractuelle du franchiseur
A titre liminaire, il sera observé qu'au vu de la date de conclusion du contrat de sous-traitance se trouvent applicables les dispositions du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016.
Aux termes des dispositions de l'article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Il appartient dès lors à celui qui s'en prévaut d'apporter la preuve d'un préjudice, d'une faute et d'un lien de causalité.
La société Beauty By D doit dès lors prouver l'existence de l'obligation qu'elle invoque tandis que la société Groupe Vog doit établir qu'elle est libérée de cette obligation, étant observé que l'absence de réclamation ou de plainte durant l'exécution du contrat n'est pas à soi seule suffisante pour fonder un rejet des prétentions indemnitaires de la partie ou l'exécution de l'obligation qu'elle dit ne pas avoir reçu.
1) les griefs
- la transmission d'un savoir-faire
Il ressort bien des stipulations contractuelles contenues dans le contrat de franchise que le franchiseur s'était engagé à la communication d'un savoir-faire notamment par la communication de documents (Manuel Tchip en 4 volumes et Dispositif d'aménagement) et la tenue de stages initiaux de formation, lesquelles sont expressément visées dans les articles 5-1-6 et 5-1-9 du contrat.
Si les obligations à la charge de la société Groupe Vog naissent par la seule entrée dans le réseau franchisé et ne sont conditionnées à aucune action ou demande du franchisé, en ce qui concerne le manuel Tchip et les stages de formation, tel n'est pas le cas pour le dispositif d'aménagement, lequel est conditionné à la remise des plans d'état des lieux du local par le franchisé, ce dont ne justifie pas la société Beauty by D, la privant de la possibilité de se plaindre d'une quelconque inexécution de la part du franchiseur de ce chef.
S'agissant des deux autres éléments, aucune pièce ne venant accréditer l'exécution de ces obligations par la société Groupe Vog, la faute est constituée.
- le défaut d'assistance
L'article 5-1-7 du contrat de franchise prévoit bien de manière ferme, une obligation, par la seule entrée dans le réseau, à la charge de la société Groupe Vog, d'assistance en envoyant sur place une personne qualifiée pour venir en aide au franchisé, dont l'exécution n'est pas prouvée, la faute du franchiseur étant constituée également de ce chef.
- les pratiques illégales infligées
L'article L. 442-5 du code de commerce applicable lors de la conclusion du contrat de franchise dispose qu'est puni d'une amende de 15 000 euros le fait par toute personne d'imposer, directement ou indirectement un caractère minimal au prix de revente d'un produit ou d'un bien, aux prix d'une prestation de service ou à une marge commerciale.
De cette disposition mais également du droit communautaire de la concurrence, un principe d'indépendance du franchisé a été extrait, qui interdit à un franchiseur d'imposer un prix de revente, cette pratique devant être distinguée de la pratique du prix maximal ou seulement « conseillé », voire du prix fixé sans être assorti d'aucune sanction (clause pénale) voire d'aucune contrainte ou menace de rétorsion directe ou indirecte, et qui laisse une liberté à l'intervenant dans le choix de sa politique commerciale.
Si l'article 6-8 du contrat rappelle en exergue le statut de commerçant indépendant du franchisé, il poursuit en stipulant que « le franchisé appliquera et fera appliquer par son personnel, la politique commerciale et les méthodes de travail et d'organisation enseignées au cours de la formation et respectera toutes les évolutions et mises à jour qui lui seront communiquées. Le franchisé déclare adhérer à la spécificité du concept Tchip reposant entre autres sur une politique commerciale claire tant au niveau des prix qu'au niveau des prestations et notamment des 4 forfaits principaux :
forfait Tchip 22 euros :shampoing, brushing +coupe
forfait Tchip 32 euros ; shampoing, brushing coupe + couleur
forfait Tchip 42 euros ; shampoing, brushing coupe + couleur IONA
forfait Tchip 52 euros ; shampoing, brushing coupe + balayage
Le franchisé s'engage à appliquer et respecter les gammes de produits (référencement obligatoire L'Oréal et Kérastase) et services du concept Tchip. La société se réserve le droit de les modifier ».
Cette clause, qui prévoit un prix de revente du service défini et fixé par le franchiseur, combinée avec, d'une part, la définition même du concept Tchip coiffure, rappelée en préambule du contrat, suivant laquelle « le concept Tchip la coiffure à petits prix est un concept innovant, dont le but est de garantir l'accès à la coiffure pour tous. L'innovation et l'originalité du concept Tchip repose en autres sur les 4 forfaits Tchip Coiffure réservés aux exploitants du concept qu'il soit franchisés ou succursales », d'autre part, le fait qu' « en cas d'inexécution par l'une des parties de l'une des quelconques des obligations mises à sa charge par le présent contrat », l'article 9-2 prévoit la possibilité d'une mise en demeure de se mettre en conformité et en l'absence de remède, une fin anticipée du contrat aux torts de la partie défaillante, révèle une absence de liberté du franchisé dans le choix de sa politique commerciale et dans la définition d'un prix de revente imposé par le franchiseur, ce qui outre les sanctions pénales éventuelles, constitue bien un manquement civil, dont la société Groupe Vog doit répondre.
- la commande de produits par la société Groupe Vog sans l'accord de la société Beauty by D
Par contre, les faits invoqués au soutien de ce grief, et notamment la faute tenant à avoir effectué des commandes aux lieu et place du franchisé, ne sont pas établis, dès lors qu'il résulte des deux mails produits que la société Beauty by D disposait de la possibilité de s'opposer à ces envois dits « poussés » en contactant les services du Groupe Vog par un simple appel au standard.
2) le préjudice et le lien de causalité
En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
L'existence même d'un préjudice n'est aucunement prouvée, la société Beauty by D se contentant d'affirmer n'avoir pas pu exercer l'activité franchisée et avoir été soumise à des concurrents disposant de la possibilité de fixer des prix inférieurs à ceux qui lui était imposés, sans nullement l'établir par des pièces probantes, les bilans 2018 et 2019 versés aux débats, s'il attestent d'une santé financière délicate, étant insuffisants à établir le lien entre les manquements invoqués et les résultats tout justes à l'équilibre du franchisé.
Au vu de ces seuls motifs, la décision querellée est confirmée en ce qu'elle a débouté la société Beauty by D de sa demande de ce chef.
- Sur la résiliation du contrat de franchise
La décision des premiers juges a accueilli la demande de la société Groupe Vog en résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé, fixant cette dernière au 29 décembre 2020, ce qu'entend remettre en cause la société Beauty by D, laquelle critique la date de fin de contrat retenue et le cocontractant qui est à l'initiative de cette rupture, se prévalant d'une résiliation antérieure.
Le contrat de franchise est un contrat à durée déterminée et prévoit des modalités de rupture spécifiques dans le cadre de l'article 9 intitulé « fin anticipée du contrat », stipulant qu' « en cas d'inexécution par l'une des parties de l'une quelconque des obligations mises à sa charge par le présent contrat, la partie défaillante disposera d'un délai d'un mois pour se mettre en conformité par l'envoi, par l'autre partie d'une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception. Si la partie défaillante ne s'exécute pas dans le délai qui lui est imparti, le présent contrat pourra être résilié de plein droit, à l'initiative de la partie victime de l'inexécution de l'autre. La résiliation du présent contrat prendra effet à compter du jour de sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ».
Les premiers juges ne pouvaient rejeter la demande de résiliation de la société Beauty by D, en estimant que la seule voie ouverte fut celle envisagée par la stipulation précitée, dont les termes n'avaient pas été respectés, aucune mise en demeure n'ayant été adressée au franchiseur d'avoir à respecter ces obligations, alors que le franchisé se prévalait non de cette clause résolutoire, mais de la faculté de résiliation unilatérale du contrat pour manquements graves.
En effet, il est de jurisprudence constante que la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de manière unilatérale à ses risques et périls, sans être tenue de mettre préalablement son cocontractant en demeure de respecter ses obligations ni de caractériser une situation d'urgence.
Cependant, conformément aux dispositions des articles 6 et 9 précitées du code de procédure civile, il appartient à celui qui se prévaut d'une résiliation unilatérale pour manquement grave aux torts de l'autre partie, de caractériser précisément les manquements reprochés et de démontrer, non une simple inexécution, ni un comportement simplement répréhensible ou encore un désintéressement de l'autre partie pour le contrat, mais un comportement particulièrement caractérisé mettant gravement en péril ses intérêts.
Or, dans ses écritures d'appel, au soutien de sa prétention relative à une résiliation unilatérale du contrat par son courrier du 27 mai 2019 à compter du 22 juin 2019, la société Beauty by D n'allègue véritablement aucun manquement précis et ne prend pas davantage soin de démontrer que l'inexécution fautive commise par la société Groupe Vog de ces obligations compromettrait irrémédiablement et concrètement la poursuite des relations contractuelles, puisqu'elle se contente de citer la jurisprudence en la matière.
Même en se référant aux fautes que la société Beauty by D avait pu évoquer au soutien de la mise en cause de la responsabilité contractuelle du franchiseur, force est de constater qu'il n'est pas établi en quoi ces inexécutions, que la cour a reconnu fondées pour trois d'entre elles, étaient de nature à compromettre gravement les intérêts du franchisé, d'autant qu'il a été d'ores et déjà observé ci-dessus qu'il n'a pas été caractérisé et prouvé de ces chefs le moindre préjudice.
D'ailleurs, de manière surabondante, le rapprochement du courrier de résiliation du 27 mai 2019, qui mentionne à la fois le non-renouvellement du contrat de franchise détenu par la société Beauty by D and A, autre société appartenant au même gérant, et la résiliation anticipée du contrat souscrit par la société Beauty by D, sans énoncer un quelconque manquement, avec les échanges ultérieurs entre les parties, notamment le mail du 12 octobre 2020, fait ressortir les motifs de la rupture, lesquels sont liés à des difficultés financières.
La société Beauty by D ne peut se prévaloir d'une résiliation unilatérale justifiée aux torts de la société Groupe Vog à compter du 22 juin 2019 du contrat de franchise, lequel compte tenu du principe d'intangibilité contractuelle et de force obligatoire des contrats, régissait toujours les relations des parties.
Par contre, la société Groupe Vog, dans le cadre des modalités prévues à l'article 9 précité du contrat de franchise, a adressé au franchisé une lettre de mise en demeure avec accusé de réception en date du 28 juillet 2020, qui est versée aux débats par la société Beauty by D et dont la teneur permet de constater qu'outre le rappel du texte précité, elle caractérisait les griefs élevés contre le franchisé et sollicitait le paiement des sommes dues au titre des redevances d'exploitation et de publicité, sous le délai d'un mois, sous peine de voir le contrat de franchise résilié de plein droit.
Par courrier en date du 16 décembre 2020, toujours versé aux débats par la société Beauty by D en cause d'appel, la société Groupe Vog se prévalait de l'acquisition de la clause résolutoire de plein droit et demandait le respect des obligations de fin de contrat prévue à l'article 11.
C'est dès lors par de justes motifs qu'après avoir constaté le respect formel des modalités prévues par l'article 9 du contrat, la société Beauty by D ne contestant pas ne plus avoir honoré les redevances d'exploitation et de publicité, les premiers juges ont constaté la résiliation de plein droit du contrat aux torts exclusifs de la société Beauty by D au 29 décembre 2020.
La demande de réformation de la décision entreprise de ce chef ne peut qu'être rejetée. Il en sera de même de celle des dispositions du jugement ayant condamné la société Beauty by D à payer à la société Groupe Vog la somme de 26 834,04 euros TTC au titre des factures de redevance, qui sont versées aux débats par ses soins, le franchisé n'élevant aucune contestation quant à leur quantum se contentant d'affirmer ne plus en être redevable au vu de la date de la résiliation unilatérale effectuée par ses soins.
Concernant les dispositions du jugement relatives à la clause pénale prévue à l'article 11 du contrat de franchise stipulant que « le franchisé, responsable de la rupture, devra, à titre de clause irréductible, et sans que ceci fasse obstacle à l'attribution de dommages et intérêts pour autres préjudices que celui résultant de la seule rupture du contrat, une somme égale au total des abonnements versés par lui en exécution de l'article 7-4 durant les douze mois précédent la rupture », la société Beauty by D ne peut opposer utilement, au vu des motifs ci-dessus, qu'elle n'est pas responsable de la rupture. En l'absence d'autres moyens opposés par le franchisé, lequel ne conteste pas le quantum retenu par les premiers juges, sa demande de réformation des chefs du jugement en ce qu'il l'a condamnée à la somme de 12 960 euros TTC est rejetée.
Le chef du jugement relatif aux intérêts sur les sommes dues, fixés conformément aux stipulations contractuelles, est confirmé.
- Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Beauty by D succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens d'appel.
Les chefs de la décision querellée relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont confirmés.
La demande d'indemnité procédurale de la société Beauty by D ne peut qu'être rejetée.
Maître [L] [R] débouté de sa demande de distraction.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 14 avril 2022 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DEBOUTE la société Beauty by D de sa demande d'indemnité procédurale ;
CONDAMNE la société Beauty by D aux dépens d'appel ;
DEBOUTE Maître [L] [R] de sa demande de distraction.