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Décisions

CA Paris, Pôle 6 ch. 11, 1 juin 2021, n° 19/06021

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Genomic Health France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hylaire

Conseillers :

Mme Hartmann, Mme Delarbre

Cons. Prud’h. Paris, du 8 mars 2019, n° …

8 mars 2019

EXPOSÉ DU LITIGE

Le groupe américain Genomic Health, qui a pour activité principale la recherche génomique, le développement et la vente de tests dédiés au dépistage du cancer, a implanté une filiale en France en créant en avril 2013 la société Genomic Health France, aujourd'hui dénommée société Exact Sciences France.

Cette filiale est détenue à 100 % par la société Genomic Health Inc, société américaine cotée en bourse dont le siège social est situé en Californie.

M. Eric B., né en 1966, docteur en médecine, a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée signé le 25 juin 2013 prenant effet à compter du 1er octobre 2013, en qualité de « Country Manager France » par la SAS Genomic Health France qui applique la convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils.

Le salaire contractuel de base de M. B. était de 175.000 euros bruts par an.

Par lettre du 31 octobre 2017, M. B. a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 13 novembre 2017 avec dispense d'activité.

M. B. a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 16 novembre 2017 ainsi rédigée :

« (...)

A l'occasion du congrès annuel de la European Society of Medical Oncologist (ESMO) qui se tenait à Madrid du 8 au 10 septembre 2017, votre supérieure hiérarchique, le Docteur Andrea P., Senior Director of International Marketing, s'est aperçue que vous étiez venu, non pas pour rejoindre l'équipe européenne de GENOMIC HEALTH comme cela serait normalement le cas, mais avec plus de trente médecins au bénéfice desquels vous aviez organisé un événement « parallèle ».

Conformément à votre contrat de travail, vous devez rendre compte de votre activité au Dr P..

Force est de constater que vous ne lui avez jamais demandé d'autorisation pour initier et faire financer un tel symposium en marge du congrès ESMO. Vous ne l'avez même pas informé de ce projet avant qu'elle ne pose des questions sur l'absence de l'équipe française parmi les collaborateurs de GENOMIC HEALTH logés dans l'hôtel qui servait de « base » pour l'entreprise pendant le congrès.

Surpris par cette démarche, nous avons donc fait procéder à des vérifications par notre service Compliance en la personne de Mme Deborah S., directrice de ce service.

Les résultats de l'enquête ont révélé que vous aviez à votre seule initiative réservé une salle de conférence et que vous aviez invité 36 médecins à participer ou assister à ce symposium, en faisant prendre en charge, par la société GENOMIC HEALTH France, l'intégralité de leurs frais de voyage, leurs entrées au congrès ESMO, leur logement et leur restauration.

Pour organiser cet événement, vous avez signé un contrat avec une entreprise prestataire, LOG'LAB alors que vous ne disposez d'aucun pouvoir pour contracter au nom et pour le compte de la société GENOMIC HEALTH France et que le contrat n'avait pas été validé par notre service juridique ni par votre supérieur hiérarchique, le Dr P., conformément aux politiques internes.

En ce faisant, vous avez de manière irrégulière engagé la société à une dépense qui s'élève à plus de 163.000 €, soit plus de trois fois le plafond d'engagement dont vous disposez selon les règles de compatibilité de l'entreprise (50000 €).

Et manifestement pour que notre service Finance ne remarque pas le dépassement de votre plafond d'engagement et ne demande pas par conséquent au Dr P. l'approbation du paiement de ces factures, vous avez pris soin de scinder le coût total de la prestation en faisant établir plusieurs factures afin que chacune, prise isolément ne dépasse pas le plafond d'engagement maximum dont vous disposez (50.000 €).

Vous avez également dissimulé cette activité en confiant à l'entreprise LOG'LAB le soin d'avancer le paiement des billets d'avion, chambres d'hôtel et frais de restauration en évitant de passer par l'agence de voyage Portman à laquelle a recours habituellement l'entreprise GENOMIC HEALTH.

A l'évidence, en évitant de passer par notre prestataire habituel, vous vous assuriez que notre service Finance ne découvre pas vos agissements à la réception des relevés que notre agence de voyage lui transmet systématiquement pour contrôle.

Par ces agissements, vous avez délibérément contourné les leviers de contrôles administratifs et financiers qui ont été mis en place au sein de l'entreprise, aux fins de conformité avec la réglementation boursière américaine, car en effet la maison mère de GENOMIC HEALTH France est cotée.

Par rapport à la taille de l'entreprise, qui nous vous le rappelons est une petite entité comptant 10 salariés, et ses budgets consacrés à des fins de promotion et de formation professionnelle, le coût total de cet événement pour GENOMIC HEALTH France est énorme. Il s'élèverait, en l'état des éléments que nous avons réussi à rassembler, à plus de 163.000 €. Vous avez de votre seule initiative validé un budget aussi conséquent dès la planification de l'événement, sans toutefois jamais demandé l'accord de votre supérieure, le Dr P..

En effet, lors de l'entretien préalable du 13 novembre, à la question : « Quand aviez-vous commencé à planifier ce symposium, au mois d'avril 2017 ' », vous avez répondu : « Oui, sans doute ». A la question : « En aviez-vous parlé à P. et à d'autres personnes '», vous avez refusé de nous répondre.

Par ailleurs, et au regard de votre expérience passée de docteur en médecine dans la recherche médicale, de votre ancienneté de quatre années chez GENOMIC HEALTH France en tant que responsable de l'activité de l'entreprise en France et des formations « compliance» obligatoires dans l'entreprise dont vous avez bénéficié, vous savez pertinemment que notre société intervient dans un domaine particulièrement réglementé.

Nous devons en effet répondre au Code d'éthique obligatoire de l'association MedTech Europe, dont les dispositions clés ont d'ailleurs été intégrées dans nos politique internes depuis longtemps.

A ce titre, vous savez que notre entreprise est tenue à un devoir de transparence vis-à-vis des établissements employant des professionnels de la santé en informant systématiquement ces établissements des éventuels avantages consentis à leurs collaborateurs professionnels.

Or, par vos agissements, vous avez grandement méconnu à ce devoir de transparence en n'assurant aucune information adéquate aux établissements employant les professionnels invités à cet événement.

De surcroît, le programme de cette conférence comprenait un repas luxueux, dont le prix de chaque couvert s'élevait à au moins 160 €, en mépris de l'interdiction d'offrir à des professionnels de santé de l'hospitalité somptueuse.

En dissimulant par ailleurs l'organisation de cette conférence, vous avez omis sciemment de suivre une autre règle interne, celle de soumettre le programme et les invitations dans le système ZincMaps pour révision et approbation par l'équipe composée de représentants des services Juridique, Marketing, et Affaires Médicales.

A l'entretien préalable, vous avez justifié le non-respect de la procédure sur ZincMaps par le fait que GENOMIC HEALTH n'était pas l'organisateur du symposium. Pourtant cette observation n'est pas cohérente avec le rôle dominant joué par GENOMIC HEALTH France dans la planification de l'événement, dont le coût total semble peser sur la trésorerie de la société.

Si en outre nous prenons pour authentique la lettre que vous a adressée le Docteur Daniel Z. au nom du « Groupe d'études de chirurgien (sic) des cancers du sein », vous n'avez pas transféré cette demande de contribution à la formation professionnelle au Conseil de dons au sein de l'entreprise selon les politiques internes destinées à éviter le détournement du mécénat aux fins de promotion.

Pourtant la lettre inspire de sérieux doutes sur son origine. En effet, ce groupe d'étude n'a laissé aucune trace de son existence sur Internet. De plus, le papier en tête comporte un nom mal orthographié, ni aucune adresse ; et son président est un consultant de l'entreprise de longue date, recruté par vous. Cette lettre, qui semble donc avoir été fabriquée de toutes pièces, vous aurait ainsi permis de camoufler une demande de financement irrégulière pour laquelle vous vous seriez mis d'accord avec le Dr Z. sur les motifs d'organisation de l'événement.

Au regard de tout ceci, nous nous interrogeons sur vos intentions de tirer parti de l'influence potentielle ainsi créée par vos invitations.

En effet, vous ne pouvez ignorer que parmi ces médecins se trouvaient des personnalités disposant de fonctions dans des établissements publics.

Conformément à l'article 13 de votre Contrat de travail, vous vous étiez formellement engagé, en plus du respect de notre Code d'éthique, à respecter la Loi américaine anti-corruption (« FCPA ») qui réprime le fait de consentir des avantages à des personnes investies d'une mission de service public en dehors des Etats-Unis dans l'intention d'obtenir l'influence de cette personne sur une décision ou une action publique.

Vous avez ainsi fait encourir à notre société-mère basée aux USA, qui est susceptible de répondre des infractions et délits commis par notre entité en France, un risque pénal du chef de corruption commise à l'étranger.

En outre, comme vous le savez grâce aux formations de l'entreprise, la FCPA oblige la société à documenter chaque dépense de façon à éviter la possibilité de financer des activités corrompues par des paiements à finalité indéterminée.

Or, vous n'avez jamais demandé à l'entreprise LOG'LAB d'établir un devis, ce que vous nous avez confirmé lors de l'entretien préalable, ni de préciser ensuite dans les détails les prestations qu'elle a réalisées. D'ailleurs, les montants forfaitaires versés à Log'LAB vraisemblablement en méconnaissance des conditions contractuelles, s'élèvent à 12.600 €.

A l'évidence, parfaitement conscient de la nature fautive de votre comportement, vous avez d'ailleurs refusé à plusieurs reprises de répondre aux questions que souhaitait vous poser Madame S., lors de son enquête liée au congrès ESMO.

Votre refus de coopérer démontre à lui seul que vous souhaitiez dissimuler à GENOMIC HEALTH France la réalité et l'ampleur de vos agissements frauduleux.

Vos agissements ont donc induit un coût très élevé pour notre entreprise, et constituent de plus un abus caractérisé de vos fonctions, un manquement grave à nos procédures internes et font encourir à la société-mère la mise en jeu de sa responsabilité pénale.

D'ailleurs, nous avions déjà eu à déplorer de votre part des écarts de comportement liés à l'inclusion délibérée de frais personnels dans vos notes de frais ainsi qu'à l'hospitalité somptueuse offerte à des professionnels de la santé sur le budget de GENOMIC HEALTH France.

Nous ne pouvons tolérer de tels agissements dangereux et totalement inadmissibles.

Ces agissements dénotaient déjà de votre part un manque grave de probité et un manquement à votre obligation d'exécution de bonne foi de votre contrat de travail.

(...) ».

A la date du licenciement, M. B. avait une ancienneté de 4 ans et 1 mois et la société Genomic Health France occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités outre dommages-intérêts pour perte de chance et préjudice moral, M. B. a saisi le 7 février 2018 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 8 mars 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties :

- a dit que le licenciement repose sur une faute grave et débouté M. B. de l'ensemble de ses demandes à ce titre,

- s'est déclaré en partage de voix sur la demande relative aux actions gratuites,

- a débouté M. B. du surplus de ses demandes,

- a débouté la société Genomic Health France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a réservé les dépens.

Par déclaration du 10 mai 2019, M. B. a relevé appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 4 mai 2019.

Par arrêt rendu le 16 février 2021, la cour, a, avant dire droit sur leurs demandes, invité les parties à produire la traduction en français des pièces communiquées en langue anglaise au soutien de leurs prétentions et a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 13 avril 2021, l'ordonnance de clôture étant rendue le 7 avril 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 mars 2021, M. B. demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre du licenciement et de son préjudice moral et de :

- prononcer le dessaisissement sur la demande de dommages-intérêts au titre de la perte des actions gratuites ;

- fixer sa rémunération mensuelle moyenne brute des 12 derniers mois travaillés à 21.530,36 euros ;

Sur le licenciement, condamner la société Genomic Health France à lui verser les sommes de :

- 107.651,80 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif,

- 64.591,08 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 6.459,18 euros au titre des congés payés afférents,

- 30.931,95 euros au titre l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Sur les actions gratuites,

A titre principal :

- ordonner à la société Genomic Health France de créditer le compte ouvert à son nom, au titre du plan d'actionnariat, du montant des actions attribuées en 2015, soit 189.375 euros, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

A titre subsidiaire :

- condamner la société Genomic Health France à lui payer la somme de 151.500 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi, du fait de la perte de chance de réaliser une plus-value d'acquisition consécutivement à son licenciement abusif ;

En tout état de cause,

- condamner la société Genomic Health France au paiement de la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral ;

- condamner la société Genomic Health France au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile ;

- ordonner la remise d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par document et jour de retard ;

- condamner la société Genomic Health France aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 mars 2021, la société Exact Sciences France venant aux droits de la société Genomic Health France demande à la cour de :

A titre principal :

- juger que le licenciement de M. B. repose sur une faute grave ;

- constater que M. B. ne rapporte aucun élément permettant de justifier l'existence d'un préjudice moral distinct du licenciement ;

- prendre acte que le conseil de prud'hommes s'est mis en partage de voix concernant la question des actions ,

- confirmer en tous points le jugement rendu le 8 mars 2019 ;

- débouter M. B. de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour estime devoir trancher la question des actions,

- juger que le licenciement de M. B. repose sur une faute grave ;

- constater que M. B. ne rapporte aucun élément permettant de justifier l'existence d'un préjudice moral distinct du licenciement ;

- confirmer le jugement rendu le 8 mars 2019 sur le licenciement et l'absence de préjudice moral ;

- juger que le salarié n'est pas éligible à l'acquisition d'actions gratuites, ni à l'indemnisation d'une perte de chance comme ne répondant pas aux conditions du plan d'actions ;

En tout état de cause :

- condamner M. B., à titre reconventionnel, à lui verser à la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat

La lettre de licenciement qui fixe les termes du litige, repose sur les griefs suivants :

- organisation d'un colloque sans autorisation de la direction et contournement de toutes les procédures de contrôle en vigueur,

- manquements aux mesures mises en place par l'entreprise afin d'assurer la conduite de ses activités en conformité à la loi anti-corruption et au code MedTech Europe,

- manquements au devoir de probité.

Pour infirmation du jugement déféré, M. B. fait valoir qu'en réalité, le motif de son licenciement repose sur l'opposition qu'il avait formulée le 18 octobre 2017 aux objectifs qui lui avaient été fixés, en augmentation de 30 %, qui, compte tenu du contexte, ne pouvaient être atteints.

M. B. invoque ensuite la prescription des faits, soutenant que l'employeur avait été informé de l'existence du symposium qu'il avait organisé en marge du congrès ESMO prévu du 8 au 10 septembre 2017 dès le mois de février 2017, par l'envoi de son plan d'action annuel le 20 février notamment à Mme P. (pièce 8), plan qui comportait les raisons de la création d'un conseil de chirurgiens lors de la réunion ESMO de septembre ainsi que la liste des médecins concernés.

Il précise que ce projet avait été présenté lors de la réunion commerciale du 22 février 2017, au cours de laquelle il avait indiqué à M. Jim V., chief commercial officer, que le docteur Z., président du groupe d'étude des chirurgiens du cancer du sein (GECCS), avait sollicité le concours logistique de la société en vue de l'organisation de cette réunion qui n'était d'ailleurs que la reproduction d'un événement similaire qui avait été mis en oeuvre en 2016 à San Antonio.

M. B. ajoute que les factures émises entre avril et septembre 2017 par la société Log'Lab, qui avait déjà participé à l'organisation d'événements avec la société, contrairement à ce que celle-ci prétend, avaient été adressées par son assistante aux services financiers (pièce 16 société) et qu'à la demande de M. C., directeur financier de l'entreprise, il avait précisé le 24 août 2017 que ces factures provenaient du fournisseur en France organisant l'événement de Madrid avec 30 chirurgiens et des leaders d'opinion (pièce 9). Il précise que M. C. était alors le gérant de la société suisse Genomic Health International, titulaire d'une signature individuelle, et avait donc, contrairement à ce que prétend la société, toute latitude pour s'opposer à des agissements qui n'auraient pas respecté les procédures internes (pièces 26 et 36).

Enfin, sur le fond, M. B. conteste les griefs invoqués au soutien de son licenciement, faisant observer que l'organisation de la réunion litigieuse faisait partie de ses missions contractuelles, que, contrairement à ce que prétend la société, compte tenu de ses fonctions de directeur général France, il avait le pouvoir d'engager la société jusqu'à 2.000.000 US $ et non seulement 50.000, qu'au demeurant, il n'avait pas connaissance du process invoqué par la société (charte n°12), qui ne comportait pas de version en français, ayant d'ailleurs répondu à Mme P. le 7 septembre 2017qu'il faudrait peut-être que « l'on soit mieux

formé sur la procédure» (Y a t-il un espace où la procédure est écrite ou l'on pourrait se renseigner ') ».

Il ajoute qu'il avait organisé le symposium de San Antonio (Etats-Unis) en décembre 2016 avec la même latitude en ayant également recours à la société Log'Lab (pièces 31 à 35).

La société Exact Sciences France conteste avoir eu connaissance du symposium organisé par M. B. en février 2017, soulignant que le support de présentation transmis sur sa demande à Mme P. ne fait pas apparaître son existence de manière claire, que M. V. n'avait pas donné son aval à cette organisation (attestation pièce 45), que lors de la réunion de février 2017, la liste des médecins invités ne figurait pas dans les supports de présentation (pièces 34 et 35) et qu'enfin, le symposium ne figurait pas sur le logiciel Zincmaps, contrairement aux procédures de validation prévues (pièces 36 et 37).

La société ajoute que M. C., qui n'était pas directeur financier, n'avait, nonobstant son mandat de gérant de la société Genomic Health International, basée en Suisse, aucune compétence pour enquêter sur le bien-fondé des factures, ce dont il témoigne (attestation pièce 16).

Elle souligne que les mails échangés entre M. B. et Mme P. démontrent que celle-ci n'avait pas eu connaissance de l'événement qu'elle a découvert seulement le 7 septembre (attestation de Mme P. - pièce 30).

Les faits ne sont dès lors pas prescrits, leur ampleur n'ayant été révélée qu'après l'enquête menée par le service de compliance et notamment par Mme S. (pièce 31).

Sur le fond, la société exact Sciences France fait exposer que M. B., qui n'avait pas de mandat social, était « country Manager France », soit « directeur » et non « directeur général » et qu'à ce titre, il disposait d'un niveau d'engagement limité à 50.000 dollars, le seuil de 2 millions auxquels il se réfère étant réservé aux PDG, président de SAS ou président du conseil d'administration pour une SA.

Dès lors, et compte tenu du coût du symposium, il aurait dû obtenir la validation de son n+2, M. V..

Par ailleurs, il s'est également affranchi des procédures applicables aux contrats qui supposaient notamment l'établissement d'un devis, la validation par un supérieur hiérarchique en fonction du montant et la signature du contrat définitif par un mandataire social, soit le directeur général, M. T., soit la présidente de la SAS, Mme Plun F. (pièce 36).

Il devait enfin soumettre le projet à la procédure de validation des documents promotionnels dite ZincMaps (pièce 37).

En réponse à l'argumentation de M. B. au sujet des conditions d'organisation d'un événement similaire à San Antonio, la société intimée prétend n'avoir aucune idée de ce qu'il évoque, soutenant qu'il n'a fait que se présenter avec son équipe au SABCS [pour San Antonio Bresat Cancer Symposium], qui est la plus grande conférence au monde sur le cancer du sein qui se tient chaque année, dont la société Exact Sciences France n'est pas l'organisateur mais qu'elle sponsorise.

La société fait également valoir que M. B. avait parfaitement connaissance des procédures applicables (la langue anglaise étant au demeurant la langue de travail) puisqu'il répondait à Mme P. ne pas avoir eu recours à ZincMaps tout en indiquant : « Nous connaissons évidemment la procédure et l'avons déjà suivi plusieurs fois (...) » (échange de mails du 07.09.2017 avec Mme P.).

Enfin, la société souligne que M. B. a eu recours à un prestataire non agréé, faisant observer que les précédentes facturations avec la société Log'Lab, étaient d'un montant nettement moins élevé et faisaient référence à des devis préalables, qu'il a multiplié le nombre des factures pour éviter d'atteindre le seuil de 50.000 dollars et a également court-circuité le voyagiste habituel (Portman) afin de contourner les leviers de contrôle internes.

Quant à l'argumentaire relatif au fait que l'organisateur était le GECCS dont elle met en doute l'existence, la société fait valoir qu'en tout état de cause, la demande de « mécénat » aurait dû être adressée au Conseil de dons de l'entreprise.

La société intimée fait par ailleurs valoir que l'attitude de M. B. faisait courir le risque à la société d'une poursuite pénale puisque, parmi les invités au symposium, figuraient des membres de la fonction publique hospitalière et qu'il était nécessaire de documenter les avantages qui leur étaient consentis et de les déclarer aux établissements médicaux dont ils relevaient.

Enfin, la société fait également grief à M. B. d'avoir, du fait de l'organisation de son symposium, été, ainsi que son équipe, absent au congrès ESMO auquel la société française participait chaque année.

Sur les manquements caractérisés au devoir de probité et d'exemplarité, la société fait valoir que le coût des nuitées réservées à Madrid pour M. B. et les médecins participants excédaient largement les tarifs autorisés, de même que le coût du « dîner » qui leur a été offert et souligne que M. B. était coutumier du fait.

La société conteste enfin le « motif économique » du licenciement soutenant que les objectifs fixés tenaient compte des modalités de remboursement en France du test Oncotype DX, dont les ventes ont augmenté en 2018 et 2019.

Sur la prescription

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

Le point de départ de ce délai se situe au moment où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés.

Il ressort des pièces produites par M. B. que Mme P. avait été destinataire le 20 février 2017 de la présentation Powerpoint qu'il avait établie en vue de la réunion « business » de la France (pièce 8 salarié).

Cette présentation (pièce 7) contenait une diapositive (pièce 7/13) présentant « les raisons d'organiser une réunion de chirurgiens pendant le meeting ESMO de septembre » ainsi que la liste des médecins susceptibles d'y participer comportant des praticiens employés par des structures hospitalières publiques (diapositive 7/16).

Au demeurant, dans son message du 7 septembre 2017 à 8h05, en réponse à M. B. qui lui indique qu'ils ne sont pas tous dans le même hôtel car « nous organisons notre réunion avec les 35 chirurgiens privés samedi et dimanche matin avec Gligorov, Zarka et les autres orateurs », Mme P. répond : « Ah d'accord- Pourrais tu m'envoyer les détails de la réunion- Je pense que j'ai du oublier cela. Est ce que tu m'en a parlé ' Ou es tu ' ».

L'attestation de Mme P., produite par la société (pièce 30) ne dément d'ailleurs pas que celle-ci ait été au courant de ce projet puisque Mme P. indique seulement : « Eric déclare que dans sa présentation de février 2017, il a mentionné l'organisation d'un événement au moment du congrès ESMO. J'ai naturellement supposé qu'un événement de cette sorte aurait été organisé de manière conforme aux politiques, aux procédures, et aux règles de conformité de l'entreprise, que je croyais être toutes bien connues des country managers et de leurs équipes. Il n'était pas en effet inhabituel pour les country managers, assistés par leurs collègues du service des affaires médicales, d'organiser des réunions de formation et/ou des réunions de conseils avec des médecins soit immédiatement avant ou après des congrès médicaux majeurs ». Mme P. ajoute : « Je ne me souviens pas d'autres discussions avec Eric à propos de cet événement. Genomic Health dispose d'un système d'approbations centralisé pour des documents relatifs aux réunions de médecins qui sont soit sponsorisées soit organisées par Genomic Health, et je ne me souviens pas d'avoir vu passer des documents relatifs à cet événement ».

Quant à M. V., il confirme l'affirmation, non de son aval, mais en tout cas de l'information donnée par M. B. quant au projet puisqu'il déclare dans son attestation (pièce 45 société) : « lors d'une réunion de rapport d'activité au début de l'année 2017, Eric B. a présenté, entre autres choses relatives à l'activité, une proposition générale de planifier une réunion de key opinion leaders [influenceurs-clé ou KOLs] à Madrid pendant le congrès d'ESMO [European Society of Medical Oncology] ». Il ajoute : « Je soutenais le projet d'organiser un tel événement dans les limites de notre budget et de nos pratiques Compliance [de conformité à la loi]. Pourtant, je n'ai pas (et je n'aurais pas) validé un événement organisé en violation des contrôles internes et politiques de l'entreprise (...) ».

Il ne peut donc être valablement soutenu que ce projet ait été mené secrètement par M. B..

En revanche, il n'est pas contesté que celui-ci n'a communiqué aucune autre information à ses supérieurs après le mois de février et que le seul autre échange est celui qu'il a eu avec M. C. les 23 et 24 août 2017.

A cette date, celui-ci écrivait à M. B. (pièce 9 salarié) : « Je suis en train de revoir les dépenses du premier semestre et les prévisions pour le second. A quoi correspondent les dépenses Log Lab - formation ci dessous ' Et envisages-tu de les poursuivre durant le second semestre '

Merci.

Meetings & trainings 25,276 LOG LAB -FORMATION

Meetings & trainings 25,181 lOG LAB -FORMATION

Meetings & trainings 22,860 LOG LAB - SEMINAIRE

Meetings & trainings 21,287 LOG LAB - SEMINAIRE ».

M. B. a répondu à ce mail en précisant : « Ces factures proviennent de notre fournisseur en France organisant notre événement à Madrid avec les 30 chirurgiens et les leaders d'opinion comme Gligorov, Zarka », sa collaboratrice, Mme Anne R., précisant : « Nous devrions recevoir la dernière facture en Septembre après l'événement ».

M. B. soutient qu'à cette date, l'employeur avait une connaissance exacte des faits qui lui ont été ensuite reprochés au motif que M. C. était directeur financier.

Indépendamment des fonctions exactes dévolues à M. C., discutées entre les parties, la cour observe qu'à cette date, le montant des dépenses engagées était, pour chacune des factures évoquées par celui-ci, inférieur au plafond de dépenses autorisé que l'on se réfère à celui revendiqué par la société (50.000 dollars) ou à celui invoqué par M. B. (2 millions de dollars).

Dès lors et, ainsi qu'en atteste M. C. (pièce 16 société), celui-ci n'avait pas, compte tenu de la réponse donnée par M. B. et sa collaboratrice, à investiguer au-delà.

Il ne peut donc être considéré que les faits reprochés à M. B. étaient prescrits dès lors qu'il est établi que c'est seulement le 14 septembre 2017 que Mme P. a saisi le service « Compliance » de ses « inquiétudes quant au respect des politiques internes et des règles de conformité ».

Sur les griefs allégués à l'appui du licenciement

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

La faute grave reprochée à M. B. repose sur le non-respect des procédures internes et se décline sous deux aspects :

- un aspect financier qui supposait la validation du contrat passé avec Log'Lab par M. V., compte tenu du coût de l'organisation du symposium ;

- un aspect éthique qui, s'agissant d'une prise en charge financière relevant du mécénat, exigeait le report dans le logiciel ZincMaps des ordres du jour de la réunion pour vérification par les services juridique, marketing et médical et la transmission du projet au Conseil des dons de la société.

Pour justifier les manquements allégués, la société Exact Sciences France fait valoir que M. B. s'est affranchi des « politiques internes applicables » qu'elle verse aux débats :

- pièce 11 : politique mondiale d'autorisation pour les contrats et les achats, à effet au 11 octobre 2016,

- pièce 36 : politique relative aux contrats, à effet au 3 septembre 2014,

- pièce 38 : approbation et utilisation de déclarations promotionnelles, publiques et concurrentielles, à effet au 13 mars 2015,

- pièce 13 : procédure d'approbation des supports promotionnels et pédagogiques à effet au 31 mai 2017,

- pièce 24 : politique mondiale relative aux frais de déplacement, de représentation et autres frais remboursables, à effet au 5 juillet 2017,

- pièce 29 : code de pratique commerciale éthique de Medtech Europe.

- pièce 14 : un mail du 10 mai 2017 relatif au changement d'agence de voyage, la société Corporate Travel Management CTM se substituant à l'agence Portman au 30 mai 2017.

La cour relève en premier lieu que si la société Exact Sciences France affirme que M. B. avait connaissance des procédures applicables, cette affirmation n'est étayée par aucune pièce probante.

Il n'est ainsi pas établi, ni par le contrat de travail qui comporte pourtant 15 pages, ni par tout autre document à valeur contractuelle, que M. B. s'était vu notifier un plafond quant au montant des engagements qu'il pouvait prendre sans la validation de son supérieur hiérarchique ; le document produit à ce sujet (pièce 11) fait état de plafonds variables selon le « titre » du salarié mais il n'est pas justifié que M. B. avait connaissance de ce document pas plus d'ailleurs, de ce qu'il relevait de la catégorie « directeur/pathologiste senior » du fait de son emploi, correspondant à un plafond de 50.000 US $ alors même qu'il avait le statut de cadre dirigeant de la société française et que le tableau figurant pages 2 et 3 du document comporte aussi des catégories de « directeur Senior/universitaire », de « vice-président/universitaire senior », de « directeur général/directeur médical/directeur des systèmes d'information/directeur du développement commercial/VP Finance », prévoyant des plafonds supérieurs allant de 75.000 US $ à 500.000 US $.

En second lieu, si la société Exact Sciences France prétend que M. B., pour échapper au plafond qu'elle fixe à 50.000 dollars, a demandé au prestataire choisi de présenter des factures séparées d'un montant inférieur, la cour relève que les factures présentées par Log'Lab se sont échelonnées sur plusieurs mois, que chacune d'elles correspond à un type de prestations différentes (hôtellerie, frais de voyages, acheminement, inscriptions...) et que la facture « finale » (pièce19 société) fait référence à un devis et à un coût de 122.058,68 euros HT correspondant peu ou prou au chiffre de 120.000 euros mentionné par l'assistante de M. B., Mme Anne R., dans le mail adressé en réponse à Mme P. le 8 septembre 2017 (pièce 18 société).

Au surplus, le contrat signé avec Log'Lab ne portait pas sur un montant supérieur à 50.000 dollars, puisqu'il prévoyait une rémunération du prestataire à hauteur de 600 euros HT par jour (le séminaire durant 5 jours) et des honoraires de 7% des achats gérés par lui pour le compte du client (pièce 21 société), la société ne produisant aucun document permettant de retenir le caractère excessif du coût de ces prestations.

Par ailleurs, s'agissant du choix du prestataire, mais aussi du recours à Log'Lab pour les prestations de transport et d'hôtellerie, la cour observe que la note relative à la politique de déplacement (pièce 24), outre qu'elle est datée du mois de juillet 2017 alors que les factures établies à ce sujet par Log'Lab sont pour la plupart antérieures, ne rend pas impératif le recours à l'agence de voyage « agréée », le mail du 10 mai 2017 annonçant le changement du voyagiste en France n'étant pas adressé à M. B., ni d'ailleurs à son assistante (pièce 14 société).

Il n'est en outre pas établi que si M. B. avait eu recours à l'agence habituelle, celle-ci aurait « répercuté l'ensemble des factures au Service Finance qui n'aurait pas manqué de demander des explications à M. B. » ainsi que la société le prétend dans ses écritures.

Enfin, la société ne peut utilement soutenir que le prestataire choisi par M. B. était inconnu, le salarié produisant plusieurs factures antérieures démontrant le recours à Log'Lab au cours des années 2016 et 2017.

La volonté de frauder de M. B. n'est donc pas établie.

Quant au grief résultant de la non inscription dans ZincMaps du programme et de son contenu, d'une part, le document produit à ce sujet (pièce 13 société) fait référence aux supports promotionnels et programmes créés par Genomic Health et ne comporte pas de dispositions particulières applicables à l'action menée par M. B., s'agissant du financement d'une réunion de médecins et de leur participation au congrès.

Si, selon la société, cette opération aurait dû être enregistrée dans le logiciel ZincMaps, M. B. répondait très précisément ne pas avoir compris qu'il devait en être ainsi (mails adressés à Mme P. le 7 septembre (pièces 10.2 et 10bis.2 salarié et pièce 17 société) dans lequel il explique :

« Le programme n'a pas été envoyé dans Zinc car il avait été préparé dans les règles de l'art avec Younes [M. Younes M., qui était le responsable médical France et Belgique de la société], le Dr Z. et lui-même (...) Mais si besoin je peux demander à Anne [son assistante] de le soumettre à Zinc », puis : « Pour nous, Zinc est uniquement utilisé pour la forme et non pour le contenu », enfin : « pour nous, il n'était pas obligatoire de suivre la procédure dans ce cas précis. Par conséquent je te prie de m'excuser sur la procédure (y a t'il un espace ou la procédure est écrite ou l'on pourrait se renseigner ') ».

Mme P. indique d'ailleurs dans son attestation : « J'ai naturellement supposé qu'un événement de cette sorte aurait été organisé de manière conforme aux politiques, aux procédures, et aux règles de conformité de l'entreprise, que je croyais être toutes bien connues des country managers et de leurs équipes », cette formulation laissant entendre que finalement la procédure à suivre n'était pas forcément maîtrisée par l'ensemble des managers.

Enfin, c'est à la demande de Mme P. que le process à suivre lors de la sponsorisation d'un médecin a été communiqué à M. B. et à son assistante le 14 septembre 2017, soit après l'événement litigieux (pièce 23 société).

Par ailleurs, la mise en doute de l'authenticité de l'existence du GECCS ne saurait résulter de la seule faute d'orthographe du papier en tête, l'affirmation de « l'inexistence » de ce groupe de médecins n'étant aucunement étayée.

Au contraire, M. B. justifie que ce groupement s'était constitué en association au cours d'une réunion de chirurgiens organisée en mai 2016 sous l'égide de la société Genomic Health France qui était représentée par deux salariés (pièces 21/1 à 21/3)

Enfin, la participation des 35 médecins figurant sur la liste transmise par M. B. lors de ce symposium a été effective.

La nécessité de soumettre la proposition de financement au Conseil des dons ne repose que sur l'affirmation de la société, aucune pièce n'étant produite à ce sujet.

Quant au risque encouru, rien ne permet de considérer que la situation ne pouvait être régularisée en regroupant les éléments nécessaires à justifier le financement du symposium et en effectuant la déclaration des avantages consentis aux praticiens issus d'établissements publics hospitaliers.

Enfin, M. B. n'est en aucune manière démenti lorsqu'il déclare qu'il avait déjà organisé dans les mêmes conditions des réunions similaires, ce dont il justifie par la production de factures : Board Oncotype DX Barcelone pièce 31/1, RIHN Paris 15.12.2016 (pièces 31/4 et /6 ), étant ajouté que parmi ces factures, figurent aussi les dépenses engagées pour le congrès de San Antonio pour un montant de plus de 58.000 euros (pièces 31/3, /5, /6 et /7), alors que la société prétend ne pas identifier l'action menée au cours de ce congrès.

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La société Exact Sciences France reproche également à M. B. son absence ainsi que celle de son équipe au congrès ESMO.

Outre que ce grief ne ressort pas expressément de la lettre de licenciement, il résulte des échanges de mails du 7 septembre 2017 que l'équipe de M. B. était bien présente et d'ailleurs deux de ses membres figuraient sur la liste des exposants de l'hôtel où se déroulait le congrès ESMO.

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Enfin, la société Exact Sciences France invoque un manquement au devoir de probité et d'exemplarité, notamment quant aux coûts excessifs de l'un des repas prévus pour les participants et des nuitées d'hôtel se référant à l'interdiction « d'une hospitalité somptueuse » et se référant à des pratiques antérieures critiquables du salarié.

S'il n'est pas contesté que la société Exact Sciences France est adhérente au code de pratique commerciale éthique de Medtech Europe qui prévoit notamment une « hospitalité raisonnable et adéquate » (pièce 29 société page 6), elle ne justifie d'aucune préconisation interne donnée à ses employés à ce sujet.

Le document auquel elle se réfère (pièce 24 - politique mondiale relative aux frais de déplacement, de représentation et autres frais remboursables, à effet au 5 juillet 2017) ne définit que les règles applicables aux salariés eux-même, non aux « invités », la cour relevant que les dépenses engagées pour le congrès SABCS étaient d'un montant similaire.

S'agissant des autres faits invoqués dans les écritures de la société, outre qu'ils datent de juillet et août 2015, la cour relève qu'il n'est justifié d'aucun refus voire remarque opposés à M. B. dans le paiement de ses notes de frais.

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Au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de juger que le licenciement de M. B. ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes pécuniaires de M. B.

Compte tenu de sa qualité de cadre, M. B. est fondé dans sa demande en paiement au titre de l'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de trois mois de salaire outre les congés payés afférents.

Au vu des bulletins de paie de novembre 2016 à octobre 2017, le salaire moyen brut doit être fixé à la somme de 21.498,48 euros.

La société Exact Sciences France sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 64.495,44 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 6.449,54 euros bruts au titre des congés payés afférents.

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Compte tenu de la date d'engagement de M. B. et de la date d'expiration du préavis, la société Exact Sciences France sera condamnée à payer à M. B. la somme de 30.931,95 euros sollicitée au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement (1/3 de mois par année d'ancienneté soit 4 ans, 4 mois et 16 jours).

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M. B. sollicite la somme de 107.651,80 euros correspondant à 5 mois de salaire à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, compte tenu de l'effectif de l'entreprise, M. B. peut prétendre à une indemnité comprise entre 1 et 5 mois de salaire.

Il justifie s'être inscrit à Pôle Emploi et avoir été pris en charge de janvier à juin 2018 au titre de l'allocation de retour à l'emploi à hauteur de 6.481 euros par mois.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. B., de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 50.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités.

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M. B. sollicite le paiement de la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice moral subi, soutenant avoir été contraint de s'exiler à l'étranger pour trouver un emploi, ce qui aurait contraint son épouse à abandonner son activité libérale pour le suivre, entraînant une perte de revenus et la vente de leur unique bien immobilier.

Aucune pièce n'est produite au soutien des éléments du préjudice allégué.

M. B. sera en conséquence débouté de sa demande à ce titre.

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M. B. sollicite enfin à titre principal, l'inscription sur son compte du montant des actions gratuites qui lui avaient été attribuées en novembre 2015, soit de la somme de 189.375 euros (valeur de ces actions en février 2017) et, à titre subsidiaire l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de ces actions, consécutivement à son licenciement, à hauteur de 151.500 euros.

La société Exact Sciences France demande à titre principal à la cour de « prendre acte que le conseil de prud'hommes s'est mis en partage de voix concernant la question des actions » et, subsidiairement, de dire que M. B. n'est pas éligible à l'acquisition d'actions gratuites, ni à l'indemnisation d'une perte de chance comme ne répondant pas aux conditions du plan d'actions.

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L'appel formé par M. B. portait à la fois sur le rejet de ses demandes au titre du licenciement mais également sur le partage de voix prononcé au sujet de la demande présentée au titre des attributions gratuites.

Par l'effet dévolutif de l'appel, la cour est saisie de l'entier litige, le conseil de prud'hommes étant dessaisi du point relatif aux actions, objet du partage de voix.

Il y a donc lieu de statuer sur les demandes présentées par M. B. au titre des actions gratuites.

Aux termes du plan applicable à la France (pièce 18 salarié), l'attribution gratuite d'actions est subordonnée au maintien du contrat de travail du bénéficiaire à la date de fin de la période d'acquisition, fixée à deux ans, la cession des actions ainsi acquises ne pouvant ensuite intervenir qu'après un nouveau délai de deux ans.

Il n'est pas contesté que M. B. s'est vu attribuer 580 actions gratuites en novembre 2015, actions qui en février 2017, représentaient une valeur de 183.859 euros.

Son contrat de travail ayant été rompu avant l'expiration du délai de deux ans, M. B. ne peut revendiquer l'attribution de ces actions mais son licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il est fondé à solliciter la réparation du préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier de ces actions gratuites qui ne peut être équivalent à la valeur des actions.

Au regard de l'évaluation de ces titres, il sera alloué à M. B. la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

La société Exact Sciences France devra délivrer à M. B. un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification de celle-ci, sans que la mesure d'astreinte ne soit en l'état justifiée.

La société Exact Sciences France, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. B., la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement de M. Eric B. ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Exact Sciences France venant aux droits de la société Genomic Health France à payer à M. Eric B. les sommes suivantes :

- 64.495,44 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 6.449,54euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 30.931,95 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 50.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 60.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier d'actions gratuites,

- 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE le remboursement par la société Exact Sciences France venant aux droits de la société Genomic Health France à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. Eric B. depuis son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités,

ORDONNE à la société Exact Sciences France venant aux droits de la société Genomic Health France de délivrer à M. B. un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification de celle-ci,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions,

CONDAMNE la société Exact Sciences France venant aux droits de la société Genomic Health France aux dépens.