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Décisions

Cass. crim., 10 mars 2021, n° 19-82.929

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

Mme Planchon

Avocat général :

M. Valleix

Avocats :

SARL Cabinet Briard, SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié, SCP Spinosi, SCP Zribi et Texier

Paris, du 15 févr. 2019

15 février 2019

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. A la suite de l'invasion du Koweit par l'Irak début août 1990, les Nations Unies ont instauré un régime de sanctions sous forme d'embargo strict interdisant tout échange financier et transfert de fonds par la résolution n° 661 du 6 août 1990 du Conseil de sécurité des Nations Unies dont le paragraphe 4 interdit à tous les Etats de "mettre à la disposition du gouvernement irakien ou de toute entreprise commerciale, industrielle ou de services publics sises en Irak ou au Koweit, des fonds ou toutes autres ressources financières ou économiques" et leur demande d'empêcher "leurs nationaux et toutes personnes présentes sur leur territoire de transférer de leur territoire ou de mettre par quelque moyen que ce soit à la disposition du gouvernement irakien ou ses entreprises susvisées de tels fonds ou ressources et de verser tous autres fonds à des personnes physiques ou morales se trouvant en Irak ou au Koweit".

3. Face à la détresse de la population irakienne, les modalités de cet embargo ont été assouplies par la résolution n°986 du 14 avril 1995 qui a mis en oeuvre le programme dit "Pétrole contre nourriture", permettant aux autorités irakiennes d'exporter du pétrole, les fonds payés à ce titre devant être versés directement par l'acheteur sur le compte séquestre ouvert auprès de la BNP de New York par le secrétaire général de l'ONU en application de la résolution (§ 1.b), ces fonds étant affectés à l'achat, en vue de leur exportation, à destination de l'Irak, de médicaments, de fournitures de première nécessité et de denrées alimentaires par le secrétaire général pour répondre aux besoins humanitaires de la population irakienne. Ce système a été ultérieurement étendu à d'autres produits industriels.

4. Le programme "Pétrole contre nourriture" devait faire l'objet d'une révision approfondie à l'issue d'une première période de quatre-vingt dix jours et être renouvelé par phases de six mois, la phase une débutant le 10 décembre 1996 et la phase treize s'étant achevée le 3 juin 2003.

5. La résolution 986 a fait l'objet d'un mémorandum d'accord S/1996/356, signé, le 20 mai 1996, par le secrétaire général de l'ONU et un diplomate irakien représentant son gouvernement, reprenant à l'identique les termes de la résolution et permettant l'exécution du programme à partir de décembre 1996.

6. A la suite d'un signalement de l'organisme Tracfin, le procureur de la République de Paris a ouvert, le 29 juillet 2002, une information judiciaire des chefs d'abus de biens sociaux, complicité, recel et corruption active et passive d'agent public étranger, concernant la commercialisation du pétrole irakien.

7. Il est en effet apparu qu'entre septembre 2000 et septembre 2002, le régime irakien a imposé, pour chaque contrat d'achat de pétrole, et par le truchement des agents de la SOMO, entreprise d'Etat rattachée au ministère du pétrole, le paiement d'une "surcharge", représentant en moyenne 10 % de la valeur contractuelle d'origine, s'ajoutant au montant principal du contrat versé sur le compte séquestre de l'ONU, réglée directement ou par des intermédiaires sur des comptes ouverts en Jordanie ou au Liban au nom de la SOMO ou de ses dirigeants ou de fonctionnaires irakiens, ou en espèces dans les ambassades irakiennes à l'étranger, l'argent étant ensuite viré sur d'autres comptes ou retiré en espèces avant de parvenir sur les comptes de la Banque Centrale Irakienne (BCI).

8. Le contrôle effectué par les autorités onusiennes sur la destination des fonds provenant du compte séquestre a révélé que le système de commissions occultes mis en place pour la commercialisation du pétrole avait été étendu à l'ensemble des biens acquis par l'Irak sur la même période que celle concernant les acquisitions de pétrole, les agents des différents ministères concernés étant chargés de répercuter la demande de surcharge, soit directement auprès des sociétés, soit auprès de leurs intermédiaires.

9. Le 31 mars 2006 le procureur de la République de Paris a ouvert une nouvelle information judiciaire des chefs de corruption d'agent public étranger, abus de biens sociaux, complicité et recel de ce délit, visant quarante sociétés soupçonnées d'avoir eu recours au paiement de surcharges pour réaliser les opérations d'exportation vers l'Irak.

10. Les investigations ont révélé qu'au cours de l'année 2000, après avoir exigé de certains contractants le paiement de taxes de transport levées sur la base du poids ou de la dimension des biens fournis auprès d'entités ministérielles et de sociétés-écran, les autorités irakiennes ont appliqué une "taxe sur les services après-vente obligatoire" supplémentaire correspondant à 10 % de la valeur contractuelle d'origine à toutes les marchandises achetées par les ministères.

11. Le 3 août 2000, un mémorandum signé du vice-président K..., résumant une récente réunion du Conseil de commandement, qualifié de "très confidentielle et privée", fixant les modalités arrêtées en vue d'obtenir "des revenus supplémentaires sur la base des contrats" n'ayant pas "encore été signés sous forme définitive" pour toutes les phases du programme, a été adressé aux cabinets de dix-huit ministères irakiens aux fins de mettre en place un prélèvement sur chaque contrat fixé en fonction de la nature des biens : de 2 à 5 % du montant du contrat pour les aliments et médicaments, et de 5 à 10 % pour les autres produits importés, un taux unique de 10 % étant appliqué à partir du mois d'octobre 2000.

12. Ce document a été complété par une série de mémorandums signés d'un vice-premier ministre, du ministre du commerce ou des finances déclinant les mécanismes en vue de collecter les devises étrangères obtenues sur la base du paiement de ces surcharges et les faire parvenir sur les comptes du Trésor public irakien.

13. Dès lors que le fournisseur potentiel était d'accord pour acquitter cette surcharge, soit la valeur de son contrat était relevée du montant correspondant à la surcharge qu'il devait rétrocéder, soit une taxe de service après vente était intégrée audit contrat, soit la surcharge était imputée directement au fournisseur sous la forme de charges de garantie de bonne exécution, de frais d'entretien ou de formation.

14. La société d'Etat pour le transport de l'eau (ISCWT) était chargée, par l'intermédiaire des sociétés-écran de droit jordanien Alia et Amman, de collecter le produit de ces surcharges qui était ensuite déposé sur les comptes de la banque irakienne Rafidain Bank avant son transfert sur les comptes du ministère irakien des finances.

15. Courant 2001, eu égard aux difficultés rencontrées par les autorités irakiennes pour gérer les virements bancaires, la BCI a été désignée pour créer plusieurs dizaines de comptes de compensation occultes dits "passerelle", hébergés par la banque Rafidain et plusieurs banques jordaniennes et libanaises, accessibles seulement aux ministères autorisés à passer des contrats dans le cadre du programme "pétrole contre nourriture" et dissimulés sous les noms d'officiels irakiens, certains restant anonymes, les sociétés exportatrices gardant la possibilité de verser les fonds à des sociétés écran.
16. Au cours de l'information, les sociétés suivantes ont été mises en examen.

17. La société Hazemeyer, qui a son siège social à Gauchin (02) et exerce l'activité de fabrication et de commercialisation d'appareils électriques blindés, aurait signé, avec l'assistance d'un intermédiaire, M. E..., dix sept contrats avec les autorités irakiennes, principalement avec le ministère du pétrole depuis l'année 1999, dont neuf auraient fait l'objet de surcharges d'un montant total de 1 700 000 euros versé sur deux comptes ouverts auprès des banques Housing Bank of Trading and Finance et Arab Bank à [...]. A l'issue de l'information, le juge d'instruction a ordonné son renvoi devant le tribunal correctionnel du chef de corruption d'agent public étranger, pour avoir en France, entre octobre 2000 et 2003, cédé aux sollicitations d'agents publics irakiens, personnes dépositaires de l'autorité publique, chargées d'une mission de service public ou investies d'un mandat électif dans un Etat étranger, en l'espèce, en procédant en violation des dispositions des résolutions 661 et 986 des Nations Unies, au versement au bénéfice du régime irakien et de ses représentants de commissions correspondant à environ 10 % de la valeur des contrats en contrepartie de leur signature ou de leur continuation.

18. La société Sides, dont le siège social est situé à [...] ) et qui fabrique et commercialise du matériel de lutte contre l'incendie, aurait conclu vingt sept contrats avec les autorités irakiennes dont six, signés avec l'assistance d'un intermédiaire nommé G... entre le 25 mars et le 3 novembre 2001, auraient donné lieu au paiement de surcharges d'un montant total de 535 846,36 euros. A l'issue de l'information, le juge d'instruction a ordonné son renvoi devant le tribunal correctionnel du chef de corruption d'agent public étranger pour une période allant de courant 2001 à 2003.Elle fait actuellement l'objet d'un plan de continuation de dix ans décidé par jugement du 21 mars 2018 et les sociétés Thevenot Partners et AJ associés, ont été désignées commissaires au plan.

19. La société MCG, dont le siège est à [...] ), a pour activité toutes opérations industrielles et commerciales se rapportant à la fabrication, l'entretien, la vente, I'importation, l'exportation de matériels pour le bâtiment et aurait signé trois contrats, dont deux, conclus respectivement avec le ministère du logement et de la construction et avec le ministère de l'irrigation, auraient donné lieu au paiement de surcharges d'un montant total de 680 750 euros, effectué sur le compte de la société Capricorp à l'Arab Banking Corporation. Le juge d'instruction a ordonné son renvoi du chef de corruption d'agent public étranger pour la période de 2000 à 2003.

20. La société Renault Trucks (anciennement Renault Véhicule Industriel ou RVI), filiale de la société Volvo, ayant son siège social à [...], est mise en cause à raison de trente-quatre contrats signés après le 12 mars 2000 avec plusieurs ministères irakiens, dont au moins trois d'entre eux auraient donné lieu au paiement effectif de surcharges effectué, dans un premier temps, en espèces d'un montant de 500 000 dollars, déposées au département international de la banque Rafidain qui les remettait ensuite à la BCI, avant que la pratique du virement bancaire par la banque libanaise Saradar ait été instaurée. Cette société a été renvoyée devant le tribunal correctionnel du chef de corruption d'agent public étranger pour la période de 2000 à 2003.

21. Parallèlement, des procédures ont été engagées par les autorités américaines contre la société AB Volvo, société mère de Renault Trucks, et ses filiales dans le cadre de l'affaire « Pétrole contre Nourriture » qui ont abouti, d'une part, à un jugement civil du tribunal fédéral de première instance du district de Columbia le 26 mars 2008 à l'encontre de la société AB Volvo en vertu de l'action engagée par le régulateur boursier américain, la Security and Exchange Commission (SEC) et acceptée par Volvo, d'autre part, à un accord conclu avec la division pénale du ministère de la justice (DoJ) le 18 mars 2008 intitulé « Deferred prosecution agreement » (DPA) par lequel la société AB Volvo reconnaît les faits de fraude télégraphique (« wire fraud »), absence de comptes fidèles et sincères et entente en vue de la commission de ces infractions et admet sa responsabilité à ce titre. Elle s'engage également, ainsi que ses filiales, notamment, à ne pas contester les faits contenus dans cet accord et à payer, pour le compte de Renault Trucks, une amende de 7 millions de dollars, le DoJ s'engageant, au terme de la période de trois ans et sous réserve du respect par AB Volvo et ses deux filiales de l'ensemble de leurs obligations, à classer sans suite la procédure. Enfin, cet accord interdit à AB Volvo et Renault Trucks de faire des déclarations publiques contredisant l'acceptation de responsabilité des faits, que ces déclarations soient faites par des dirigeants, des employés ou par des avocats dans le cadre des poursuites judiciaires, sous peine de s'exposer à la réouverture des poursuites pénales par le DoJ.

22. La société Flowserves Pompes, filiale du groupe de droit américain Flowserve Corporation dont l'activité consiste à fabriquer des pompes destinées aux secteurs de la pétrochimie et de la distribution de l'eau, et dont le siège social est situé à [...] ) aurait, avec l'assistance d'un intermédiaire, M. N..., dirigeant de la société Comet C° Ltd, signé avec les autorités irakiennes vingt-six contrats dont treize auraient fait l'objet de surcharges pour un montant total de 568 969 euros versés sur le compte de la société Comet C° Ltd avant d'être transférés sur un compte de la banque jordanienne Housing, sise à [...]. Elle a été renvoyée devant le tribunal correctionnel du chef de corruption d'agent public étranger pour la période de 2002 à 2003.

23. M. B..., président de la société Flowserves Pompes à l'époque des faits, a mis en cause son subordonné, M. F... qui reconnaît les faits, qui aurait agi à son insu. Sa signature a toutefois été identifiée sur des écrits se rapportant aux contrats ayant fait l'objet de surcharges et des témoignages le mettent en cause pour avoir négocié lesdits contrats à Londres avec M. F.... A l'issue de l'information, le juge d'instruction a ordonné son renvoi devant le tribunal correctionnel du chef de corruption d'agent public étranger ainsi que du chef d'abus de biens sociaux pour la période de novembre 2001 à juin 2003.

24. La société Clyde Union SAS (anciennement David Brown Guinard Pump ou DBGP), filiale de la société américaine Textron, ayant son siège à [...] et pour objet la fabrication de pompes pour le gaz le nucléaire et le pétrole, aurait signé trois contrats avec le ministère du pétrole avec l'assistance d'un intermédiaire, M. H..., représentant légal de la société de droit libanais Specialized Manufactoring Trading & Consulting (STC). Cette société a été renvoyée devant le tribunal correctionnel du chef de corruption d'agent public étranger pour la période de 2001 à 2003.

25. Les autorités américaines ont également engagé des procédures judiciaires civiles et pénales à l'encontre du groupe Textron et, notamment, de ses filiales françaises. Par jugement définitif d'homologation du 30 août 2007, la société mère a été condamnée au paiement d'une somme de plus de 3 500 000 dollars, dont 800 000 dollars d'amende civile, et elle a par ailleurs, ainsi que ses filiales françaises, dont la société DBGP, conclu un accord de renonciation aux poursuites (Non Prosecution Agreement) avec la division pénale du départment of justice (DoJ) moyennant le paiement, par ces sociétés, d'une amende de 1 150 000 dollars. "

26. Par jugement en date du 18 juin 2015, le tribunal correctionnel, après avoir rejeté, notamment, les exceptions prises de l'incompétence des juridictions françaises et de la prescription de l'action publique, et avoir constaté l'extinction de l'action publique à l'égard des sociétés Flowserves Pompes, Clyde Union, et Renault Trucks, a relaxé M. B..., les sociétés Hazemeyer, TLD Europe, Sides et MCG France des faits objet de la prévention.

27. Le ministère public a interjeté appel de cette décision.

Extinction de l'action publique concernant la société Clyde Union

28.La société Clyde Union ayant fait l'objet d'une fusion-absorption par la société Clyde Union France le 6 juillet 2020, à une date postérieure à l'arrêt attaqué, a par conséquent perdu son existence juridique en qualité de personne morale.

29.L'action publique à l'égard de la société absorbée est donc éteinte.

Examen des moyens

Sur les premières, deuxième, quatrième, cinquième et neuvième branches du moyen unique proposé par la SCP Piwnica et Molinié pour la société Flowserves Pompes ;

Sur les premières, deuxième, quatrième, cinquième et neuvième branches du moyen unique proposé par la SCP Piwnica et Molinié pour la société Sides ;

Sur le premier moyen pris en sa première branche, le deuxième moyen pris en ses première, deuxième, troisième, cinquième, sixième et septième branches, le troisième moyen pris en sa deuxième branche et le quatrième moyen proposés par la SCP Zribi et Texier pour M. B... ;

Sur les premiers, deuxième, troisième et cinquième moyens et sur le sixième moyen pris en sa deuxième branche proposé par la SCP Spinosi et Sureau pour la société Renault Trucks ;

Sur le premier moyen pris en sa première branche et sur le deuxième moyen pris en ses troisième et quatrième branches proposés par la SCP Spinosi et Sureau pour la société MCG ;

Sur les premier et quatrième moyens et sur le troisième moyen pris en sa quatrième branche proposés par la SCP Spinosi et Sureau pour la société Hazemeyer ;

30.Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen pris en ses deuxièmet et troisième branche proposés pour M. B..., le premier moyen pris en sa seconde branche proposé pour la société MCG, le deuxième moyen proposé pour la société Hazemeyer, et le quatrième moyen proposé pour la société Renault Trucks, qui sont relatifs à la prescription de l'action publique

Enoncé des moyens

31. Le moyen proposé pour M. B... est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 203, 591 et 593 du code de procédure pénale.

32. Il critique l'arrêt en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique du fait du défaut de connexité, déclaré M. B... coupable du délit de corruption active d'agent public étranger et l'a condamné à une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis, alors :

« 2°/ que la connexité entre infractions implique qu'elles présentent entres elles des rapports étroits analogues à ceux que la loi a spécialement prévus ; que les liens qu'elles entretiennent entre elles doivent ainsi résulter des actions matérielles ou intellectuelles des prévenus, à l'exclusion de ceux d'un tiers, non concerné par les préventions ; qu'en retenant la connexité sans relever entre les infractions aucun lien qui résulterait des actions matérielles et intellectuelles des prévenus eux-mêmes, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

3°/ que la connexité entre infractions suppose qu'elles présentent entres elles des rapports étroits analogues à ceux que la loi a spécialement prévus ; que les liens qu'elles entretiennent entre elles doivent ainsi résulter des actions matérielles ou intellectuelles des prévenus, à l'exclusion de ceux d'un tiers, non concerné par les préventions ; qu'en se bornant à relever, pour les juger connexes, que les infractions reprochées aux sociétés importatrices de pétrole d'Irak et celles reprochées aux sociétés exportatrices de biens vers l'Irak à raison du paiement de surcharges imposées par les dirigeants irakiens présentent une unité de concepteurs, de bénéficiaires, d'intervenants, de résultat, de temps et de procédure, et en se fondant ainsi sur les liens qui existeraient entre les infractions du fait des agissements de l'Etat irakien et ses dirigeants, étrangers à la prévention de chacun des dossiers, sans rechercher si les infractions entretenaient entre elles des liens qui résulteraient des actions matérielles ou intellectuelles des prévenus, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. »

33. Le moyen pris en sa seconde branche, proposé pour la société MCG est pris de la violation des articles 6,§ 1 et 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 6, 7, 8, 203, 400, 459, 591 et 593 du code de procédure pénale.

34. Il critique l'arrêt en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique alors « que le fait de retenir des similitudes entre des infractions, commises à l'échelle internationale, et notamment en Irak, ainsi qu'entre les situations dans lesquelles elles se sont inscrites, s'étalant sur plusieurs années, est insuffisant à caractériser la connexité prévue par l'article 203 du code de procédure pénale ; qu'en effet, si le volet « Pétrole » et le volet « Nourriture » apparaissent factuellement liés comme s'inscrivant dans le même contexte géopolitique, force est de constater que des surcharges auraient pu être sollicitées dans l'un seulement de ces volets, de sorte qu'il n'existe aucune interdépendance entre les faits infractionnels ; que la connexité pouvait d'autant moins être retenue ici que les surtaxes n'ont en outre pas été récoltées selon les mêmes modalités, ce que reconnait la cour d'appel ; que les motifs de l'arrêt, qui n'établissent pas l'existence d'un lien de connexité entre les infractions, encourent la censure. »

35. Le moyen, proposé pour la société Hazemeyer est pris de la violation des articles 6,§1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 6, 7, 8, 203, 591 et 593 du code de procédure pénale.

36. Il critique l'arrêt en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique alors « que, le fait de retenir des similitudes entre des infractions, commises à l'échelle internationale, et notamment en Irak, ainsi qu'entre les situations dans lesquelles elles se sont inscrites, s'étalant sur plusieurs années, est insuffisant à caractériser la connexité prévue par l'article 203 du code de procédure pénale ; qu'en effet, si le volet « Pétrole » et le volet « Nourriture » apparaissent factuellement liés comme s'inscrivant dans le même contexte géopolitique, force est de constater que des surcharges auraient pu être sollicitées dans l'un seulement de ces volets, de sorte qu'il n'existe aucune interdépendance entre les faits infractionnels ; que la connexité pouvait d'autant moins être retenue ici que les surtaxes n'ont en outre pas été récoltées selon les mêmes modalités, ce que reconnait la cour d'appel ; que les motifs de l'arrêt, qui n'établissent pas l'existence d'un lien de connexité entre les infractions, encourent la censure. »

Réponse de la Cour

37. Les moyens sont réunis.

38. Pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique, l'arrêt attaqué relève que la connexité, selon l'article 203 du code de procédure pénale, est juridiquement caractérisée dans les cas où il existe entre les faits, séparément poursuivis, des rapports étroits, analogues à ceux que la loi a expressément prévus et qu'il est constant qu'à compter de la huitième phase du programme "pétrole contre nourriture", soit à compter du mois de juin 2000, le Vice-Président K... de l'Etat d'Irak a mis en place par une série de mémorandums secrets, dont le premier est daté du 3 août 2000, des procédures visant à imposer, dans l'ensemble des contrats, le paiement de surcharges, d'une part, par les entreprises qui assuraient l'exportation du pétrole produit en Irak et, d'autre part, par les sociétés auxquelles ces mêmes autorités irakiennes achetaient des biens en vue de leur importation en Irak.

39. Les juges relèvent qu'il ressort du dossier comme de la décision prononcée par la Cour de cassation dans le cadre du premier dossier dit "Pétrole" pour lequel une information a été ouverte le 29 juillet 2002, que les mêmes autorités ont imposé pour tous les contrats ce procédé contraire aux engagements qu'elles avaient souscrits auprès des autorités onusiennes, et en ont été les bénéficiaires et que, selon les déclarations des responsables politiques ou administratifs de l'époque, MM. D..., C..., T..., E... et K..., l'ensemble des surcharges était affecté soit au Diwan présidentiel, qui concerne directement le chef de l'Etat d'Irak de l'époque, soit à des ministères comme celui du renseignement.

40. Ils retiennent ensuite que le premier élément de connexité entre les deux dossiers tient à l'absence de distinction faite par les concepteurs et organisateurs, qui sont communs aux deux dossiers, entre les surcharges obtenues suite à la vente de pétrole et celles résultant des contrats portant sur l'importation de biens ; que le deuxième élément tient à la préoccupation unique de ceux qui ont formulé ou fait formuler les propositions corruptrices, à savoir obtenir le paiement occulte de sommes grâce au commerce international auquel l'Etat d'Irak avait accès depuis la levée partielle de l'embargo ; que le troisième élément ressort de l'identité du processus illicite dans sa phase ultime dans les deux dossiers, à savoir obtenir le paiement des surcharges qui était finalement assuré par le déblocage des fonds provenant du compte séquestre de l'ONU ; que le quatrième élément de connexité réside dans le fait que l'exportation de pétrole par l'Etat d'Irak était le corollaire de l'importation de biens dès lors que les fonds procurés par la vente de pétrole et déposés sur le compte séquestre étaient utilisés pour les achats de biens importés qui sont donc la conséquence des exportations de pétrole ; que le cinquième élément de connexité réside dans l'intervention, dans les deux dossiers, de la société de droit irakien SOMO en qualité d'intermédiaire avec des activités similaires, démontrées, dans le premier dossier par la simple lecture de l'arrêt de la Cour de cassation qui l'établit, et dans le second dossier par les éléments relatifs aux sociétés Sides et Hazemeyer, l'intermédiaire de celle-ci affirmant avoir eu affaire avec cette société qui était elle-même l'intermédiaire obligé avec les autorités irakiennes ; que le sixième lien de connexité réside dans le recours, dans les deux dossiers, par les autorités irakiennes à des structures écrans qu'elles contrôlaient, comme la société Capricorp ou Al Wasel et Babel, pour organiser le transfert des fonds.

41. Ils déduisent de ces éléments qu'une identité d'objet caractérise les procédures car il s'agissait, pour les importateurs de pétrole comme pour les exportateurs de biens, de céder aux sollicitations des représentants de l'Etat d'Irak pour conclure des contrats donnant lieu au paiement de sommes d'argent dépourvues de fondement commercial et sans rapport avec les termes des contrats passés, toutes prohibées par les résolutions de l'ONU et l'accord passé avec l'Etat d'Irak.

42. Les juges ajoutent qu'à cette unité d'objet s'ajoute une unité de temps car il est incontestable que, dans les deux dossiers, les faits se sont déroulés en même temps et qu'une communauté de résultats entre les infractions poursuivies dans ces deux procédures doit être relevée dès lors que, sous le même visa de l'article 435-3 du code pénal, ont été poursuivies des entreprises qui sont intervenues dans les deux aspects d'une même organisation à des fins qui sont contraires aux résolutions de l'ONU et à l'accord passé par cette organisation avec l'Etat irakien.

43. La cour d'appel conclut que le fait que les modalités d'exécution du paiement des surcharges dans le second dossier pouvaient être différentes de celles des contrats conclus pour exporter du pétrole est sans effet sur le lien de connexité relevé entre les deux dossiers car elles ne concernent que l'exécution de contrats conclus selon l'unité d'objet, de temps et de résultats qui vient d'être jugée comme caractérisée et que l'autorité de poursuite a fait le choix d'ouvrir un second dossier pour des motifs tenant à une bonne administration de la justice, la jonction de ces faits nouveaux au premier dossier par voie de réquisitoire supplétif ayant accru le temps de traitement du premier dossier et ses dimensions.

44. En prononçant ainsi, et dès lors que les faits commis dans le cadre du dossier dont l'information a été ouverte le 29 juillet 2000 et ceux de la procédure soumise à la cour d'appel procèdent d'une conception unique mise en oeuvre par les mêmes personnes, à savoir les instances représentatives de l'Etat irakien, sont déterminés par la même cause, la réouverture du commerce avec l'Irak sur la base de la résolution n° 986, et tendent au même but, l'enrichissement occulte de l'Etat irakien, la cour d'appel a justifié sa décision.

45. Les griefs et les moyens ne peuvent qu'être écartés.

Sur les moyens uniques, pris en leurs sixième et septième branches, proposé par la SCP Piwnica et Molinié pour les sociétés Sides et Flowserves Pompes, le deuxième moyen pris en ses troisième et quatrième branches et le troisième moyen pris en ses premières et troisième branches proposés par la SCP Zribi et Texier pour M. B..., le sixième moyen pris en ses première et troisième branches proposé par la SCP Spinosi et Sureau pour la société Renault Trucks, le troisième moyen pris en ses première et deuxième branches proposé par la SCP Spinosi et Sureau pour la société Hazemeyer et le deuxième moyen pris en ses première et deuxième branches proposé par la SCP Spinosi et Sureau pour la société MCG qui sont relatifs à la caractérisation du délit de corruption d'agent public étranger, et plus précisément, à la légalité des surcharges, leur origine et leurs bénéficiaires.

Enoncé des moyens

46. Le moyen unique pris en ses sixième et septième branches proposé pour la société Sides par la SCP Piwnica et Molinié, est pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er de la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales du 21 novembre 1997, 111-4, 121-2, 121-3, 435-3 du code pénal et 593 du code de procédure pénale.

47. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a déclaré la société Sides coupable de corruption active d'agents publics étrangers, alors :

« 6°/ que, en outre, il est de principe qu'un Etat ne peut agir que par l'intermédiaire d'individus, responsables officiels de l'Etat ; que tel est le cas du Chef de l'Etat, de ses Ministres, ou encore de toutes autorités représentatives de cet Etat ; que la cour d'appel a constaté que les autorités ayant agi étaient les « autorités irakiennes », les « instances dirigeantes de cet Etat », les « autorités représentatives de l'Etat irakien », « dépendantes du pouvoir irakien », et étaient les plus hautes autorités de l'Etat, que sont le « Chef de l'Etat », le « Ministre du Pétrole », le « Ministre de l'Intérieur », impliquant que les sollicitations émanaient de l'Etat d'Irak ; qu'en décidant cependant que les sollicitations n'émanaient pas de l'Etat d'Irak, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les articles 6 et 7 de la convention européenne des droits de l'homme, 1er de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales du 21 novembre 1997, 111-4, 121-2, 121-3, 435-3 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

7°/ que la cour d'appel a jugé que « le Diwan présidentiel »était composé « du Chef de l'Etat » et que « le Chef de l'Etat ou son ministre des affaires étrangères (
) étaient perçus et qualifiés comme autorités représentatives de l'Etat » tandis qu'elle a également jugé que cette structure ne pouvait pas « être confondue avec l'Etat irakien » et que « le Chef de l'Etat » ne pouvait pas davantage être confondu avec l'Etat ; qu'elle a également jugé que les surcharges demandées par « le Chef de l'Etat » qui ne pouvait pas être confondu avec l'Etat, étaient donc inapplicables, et tout à la fois que l'accord entre l'ONU et l'Etat d'Irak était applicable en ce que « le Chef de l'Etat » y avait consenti ; que dès lors la cour d'appel s'est contredite et a méconnu les articles 6 et 7 de la convention européenne des droits de l'homme, 1er de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales du 21 novembre 1997, 111-4, 121-2, 121-3, 435-3 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »

48. Le moyen unique pris en ses sixième et septième branches proposé pour la société Flowserves Pompes par la SCP Piwnica et Molinié, est pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er de la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales du 21 novembre 1997, 111-4, 121-2, 121-3, 435-3 du code pénal et 593 du code de procédure pénale.

49. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a déclaré la société Flowserves Pompes coupable de corruption active d'agents publics étrangers, alors :

« 6°/ que, en outre, il est de principe qu'un Etat ne peut agir que par l'intermédiaire d'individus, responsables officiels de l'Etat ; que tel est le cas du Chef de l'Etat, de ses Ministres, ou encore de toutes autorités représentatives de cet Etat ; que la cour d'appel a constaté que les autorités ayant agi étaient les « autorités irakiennes », les « instances dirigeantes de cet Etat », les « autorités représentatives de l'Etat irakien », « dépendantes du pouvoir irakien », et étaient les plus hautes autorités de l'Etat, que sont le « Chef de l'Etat », le « Ministre du Pétrole », le « Ministre de l'Intérieur », impliquant que les sollicitations émanaient de l'Etat d'Irak ; qu'en décidant cependant que les sollicitations n'émanaient pas de l'Etat d'Irak, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les articles 6 et 7 de la convention européenne des droits de l'homme, 1er de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales du 21 novembre 1997, 111-4, 121-2, 121-3, 435-3 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

7°/ que la cour d'appel a jugé que « le Diwan présidentiel »était composé « du Chef de l'Etat » et que « le Chef de l'Etat ou son ministre des affaires étrangères (
) étaient perçus et qualifiés comme autorités représentatives de l'Etat » tandis qu'elle a également jugé que cette structure ne pouvait pas « être confondue avec l'Etat irakien » et que « le Chef de l'Etat » ne pouvait pas davantage être confondu avec l'Etat ; qu'elle a également jugé que les surcharges demandées par « le Chef de l'Etat » qui ne pouvait pas être confondu avec l'Etat, étaient donc inapplicables, et tout à la fois que l'accord entre l'ONU et l'Etat d'Irak était applicable en ce que « le Chef de l'Etat » y avait consenti ; que dès lors la cour d'appel s'est contredite et a méconnu les articles 6 et 7 de la convention européenne des droits de l'homme, 1er de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales du 21 novembre 1997, 111-4, 121-2, 121-3, 435-3 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »

50. Le deuxième moyen pris en ses troisième et quatrième branches proposé pour M. B... par la SCP Zribi et Texier est pris de la violation des articles 7 de la Convention des droits de l'homme, 111-3, 111-4, 435-3 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale.

51. Il critique l'arrêt en ce qu'il a déclaré M. B... coupable du délit de corruption active d'agent public étranger et l'a condamné à une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis, alors :

« 3°/ que le délit de corruption active d'agent public étranger suppose que des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques aient été sollicités, directement ou indirectement, par un agent public étranger, poursuivant un intérêt particulier, que ce soit pour son compte ou pour le compte d'autrui ; qu'il ne saurait agir pour le compte de la personne publique qui l'emploie ; qu'en énonçant, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de M. B..., qu'il aurait cédé aux sollicitations émanant du ministre du pétrole ou de ses services, sans relever que ceux-ci n'auraient pas agi pour le compte de l'Etat ni qu'ils auraient poursuivi un intérêt particulier, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

4°/ que le délit de corruption active d'agent public étranger suppose que des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques aient été sollicités, directement ou indirectement, par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public dans un Etat étranger ou au sein d'une organisation internationale publique, pour elle-même ou pour autrui, et non dans l'intérêt de la personne publique qui l'emploie ; qu'en affirmant que le bénéficiaire du système des surcharges est le « Diwan présidentiel » composé du chef de l'Etat irakien et de ses proches, structure informelle qui ne pouvait pas être confondue avec l'Etat irakien, sans s'expliquer sur la circonstance, invoquée par M. B..., et qui ressortait du rapport de la commission d'enquête indépendante et du mémorandum du 3 août 2000, que les surcharges étaient payées sur des comptes ouverts par les ministères irakiens, et non sur les comptes personnels des dirigeants irakiens, et avaient ainsi rapporté « au régime » plus d'un milliard entre sa mise en oeuvre et le printemps 2003, ce dont M. B... faisait état, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. »

52. Le troisième moyen prise en ses première et troisième branches proposé pour M. B... par la SCP Zribi et Texier est pris de la violation des articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1er de la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales signée à Paris le 17 décembre 1997, 111-3, 111-4, 435-3 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale.

53. Il critique l'arrêt en ce qu'il a déclaré M. B... coupable du délit de corruption active d'agent public étranger et l'a condamné à une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis, alors :

« 1°/ que le délit de corruption active d'agent public étranger suppose que des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques aient été sollicités « sans droit » par un agent public étranger ; que la Convention OCDE précise que l'infraction n'est pas constituée lorsque l'avantage est permis ou requis par la loi ou la réglementation écrites du pays de l'agent public étranger, y compris la jurisprudence ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'une communication du vice-Président de l'Irak M... K... du 3 août 2000, adressée aux cabinets de dix-huit ministères de l'Etat irakien, a fixé les modalités arrêtées en vue d'obtenir « des revenus supplémentaires à partir des contrats » n'ayant pas « encore été signés sous forme définitive », et a donné lieu à plusieurs autres communications, toutes d'origine ministérielle, faisant ressortir que, dès 1999, les autorités irakiennes avaient institutionnalisé la pratique des « frais de transport », dites surcharges (p. 18) ; qu'en retenant néanmoins, pour entrer en voie de condamnation du chef de corruption active d'agent public étranger, que les surcharges ont été réclamées « sans droit », la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

3°/ que la condition selon laquelle l'acte sollicité par l'agent public étranger doit l'avoir été « sans droit » s'apprécie au regard du droit interne de l'Etat étranger ; qu'en affirmant, pour juger que les obligations résultant de la réglementation émanant des autorités dirigeantes irakiennes sont contraires aux dispositions de l'accord conclu entre l'ONU et l'Etat d'Irak le 20 mai 1996, que le chef de l'Etat irakien ayant consenti à cet accord, il s'imposait dans le commerce irakien, sans se référer à la moindre norme du droit irakien justifiant de l'intégration de cet accord en droit interne irakien et de sa supériorité sur la réglementation interne, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. »

54. Le sixième moyen pris en ses première et troisième branches proposé pour la société Renault Trucks par la SCP Spinosi et Sureau est pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, 111-4, 435-3 ancien du code pénal, préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale.

55. Il critique l'arrêt en ce qu'il a déclaré Renault Trucks coupable de corruption d'agent public étranger, alors :

« 1°/ que, aux termes de l'article 435-3 alinéa 2 du code pénal, les offres, promesses, dons, présents ou avantages doivent être sollicités « sans droit » de la part de l'agent public étranger ; que la Convention OCDE précise que « l'infraction n'est pas constituée lorsque l'avantage est permis ou requis par la loi ou la règlementation écrites du pays de l'agent public étranger, y compris la jurisprudence » ; qu'en conséquence, la cour d'appel, qui retenait l'existence de « textes pris à compter du 2 aout 2000 résultat d'une décision d'une Commission », sur lesquels était fondée la perception des surcharges, ne pouvait entrer en voie de condamnation de ce chef, nonobstant l'absence de publicité de ces décisions à caractère écrit, ainsi que leur éventuelle contrariété au droit international ;

3°/ que, l'article 435-3 du code pénal ne réprime pas la corruption d'un Etat étranger, mais seulement celle de ses agents, lorsqu'ils sortent de leurs fonctions pour agir dans un intérêt qui n'est pas celui de l'Etat ; qu'un Etat ne pouvant exister qu'à travers ses représentants, la cour d'appel n'a pu établir, en identifiant un paiement à une « Commission paraissant émaner du Commandement Suprême qui regroupait le chef de l'Etat et ses proches collaborateurs », et en affirmant que « selon le mode de fonctionnement de l'Irak, ces personnes représentaient les instances représentatives de l'Etat et étaient les bénéficiaires exclusifs des surcharges », que ce n'était pas l'Etat irakien, par le truchement de ses représentants, qui avait en l'espèce été corrompu ; que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en retenant le délit à l'encontre de la société exposante. »

56. Le troisième moyen pris en ses première et deuxième branches proposé pour la société Hazemeyer par la SCP Spinosi et Sureau est pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, 111-4, 435-3 ancien du code pénal, préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale.

57. Il critique l'arrêt en ce qu'il a déclaré la société Hazemeyer coupable de corruption d'agent public étranger, alors :

« 1°/ que, aux termes de l'article 435-3 alinéa 2 du code pénal, les offres, promesses, dons, présents ou avantages doivent être sollicités « sans droit » de la part de l'agent public étranger ; que la Convention OCDE précise que « l'infraction n'est pas constituée lorsque l'avantage est permis ou requis par la loi ou la réglementation écrites du pays de l'agent public étranger, y compris la jurisprudence » ; qu'en conséquence, la cour d'appel, qui retenait l'existence de mémorandums émanant de la Présidence de la République et imposant les surcharges, ne pouvait, nonobstant leur défaut de publicité ou leur contrariété au droit international, retenir l'existence du délit en l'espèce ;

2°/ que, en considérant que la règlementation précitée « doit s'entendre comme la traduction de règles accessibles à tous, qui n'ont pas pour effet direct de provoquer à la commission de faits, susceptibles de constituer des faits de corruption que cette Convention prohibe » (Arrêt, p. 63, in fine), la cour d'appel a ajouté à la loi telle qu'interprétée par la Convention OCDE une condition qu'elle ne prévoit pas et a violé le principe d'interprétation stricte de la loi pénale. »

58. Le deuxième moyen pris en ses première et deuxième branches proposé pour la société MCG France par la SCP Spinosi et sureau est pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, 111-4, 435-3 ancien du code pénal, préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale.

Il critique l'arrêt en ce qu'il a déclaré la société MCG France coupable de corruption d'agent public étranger, alors :

« 1°/ que, aux termes de l'article 435-3 alinéa 2 du code pénal, les offres, promesses, dons, présents ou avantages doivent être sollicités « sans droit » de la part de l'agent public étranger ; que la Convention OCDE précise que « l'infraction n'est pas constituée lorsque l'avantage est permis ou requis par la loi ou la règlementation écrites du pays de l'agent public étranger, y compris la jurisprudence » ; qu'en conséquence, la cour d'appel, qui retenait l'existence de mémorandums écrits imposant les surcharges, ne pouvait, nonobstant leur défaut de publicité ou leur contrariété au droit international, retenir l'existence du délit en l'espèce ;

2°/ que, en considérant que le caractère non public des mémorandums « est une spécificité privant ces textes de la qualification de réglementation efficiente selon la Convention OCDE car ce type de texte suppose qu'il soit accessibles au cocontractant » (Arrêt, p. 78), la cour d'appel a ajouté à la loi telle qu'interprétée par la Convention OCDE une condition qu'elle ne prévoit pas et a violé le principe d'interprétation stricte de la loi pénale. »

Réponse de la Cour

59. Les moyens et griefs sont réunis.

60. Pour dire illégale la pratique des surcharges et déclarer les demandeurs coupables du délit de corruption d'agent public étranger, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que cette pratique n'a pas été exclue du champ d'application de la Convention OCDE du 17 décembre 1997, et donc de l'article 435-3 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi du 30 juin 2000, relève, notamment, que la Convention de l'OCDE du 17 décembre 1997 prévoit trois cas d'exclusion de la corruption : la loi, la réglementation et la jurisprudence, et qu'à compter de la huitième phase du programme "pétrole contre nourriture", soit à partir du mois de juin 2000, le Vice-Président K... a mis en place, par une série de mémorandums secrets, le premier étant daté du 3 août 2000 et résumant les termes d'une réunion du Conseil du Commandement, des procédures visant à imposer, dans l'ensemble des contrats, le paiement, par les entreprises qui commerçaient avec l'Irak dans le cadre fixé par la Résolution n° 986, de surcharges qui n'avaient aucune cause contractuelle et répondaient, pour les autorités irakiennes, à l'objectif dissimulé de percevoir directement les fonds dont elles s'arrogeaient la libre disposition.

61. Les juges relèvent que le parlement de la République d'Irak n'a voté aucune loi autorisant le paiement de ces surcharges, qu'il n'a été produit aucune décision de justice de l'Etat irakien validant ou reconnaissant une valeur juridique à ces mémorandums qui sont postérieurs à l'accord signé le 20 mai 1996 entre le Secrétaire général de l'ONU et un représentant de l'Etat irakien mandaté à cet effet, repris de la résolution 986, par lequel le dirigeant de l'Etat d'Irak, qui exerçait la plénitude des pouvoirs en l'absence de parlement et en sa qualité de président du Conseil de commandement de la Révolution, a pris l'engagement écrit de rendre conformes les pratiques de l'Etat à ce protocole qui édictait des obligations réciproques, et notamment la prohibition des relations commerciales directes entre l'Irak et les entreprises commerçant avec cet Etat dans le volet dit "Nourriture" du programme.

62. Les juges retiennent que ces mémorandums, portant les mentions "très confidentiel et privé" ou "hautement confidentiel et privé", s'ils peuvent être analysés comme la matérialisation d'actes secrets par nature, émanant de la Présidence de la République, sont à l'évidence contraires à l'accord, lui publié, et dépourvus d'effet exonérateur dès lors qu'aux termes de l'article 7 de la Convention, la "réglementation" doit s'entendre comme tout acte de portée générale et impersonnelle édicté par les autorités exécutives compétentes, accessible et consultable.

63. Les juges relèvent également que les mémorandums relatifs aux surcharges n'ont pas été communiqués aux sociétés candidates à la conclusion de contrats avec l'Irak alors que toute réglementation selon le sens commun est normalement accessible à celui auquel elle est appliquée.

64. Ils ajoutent que le principe des surcharges décidées dans ces conditions avait un but précis : constituer des liquidités destinées soit au "Diwan présidentiel", composé du chef de l'Etat et de ses proches collaborateurs, soit, sur la demande de ce dernier, à des ministères qui ne pouvaient bénéficier du programme de l'ONU, comme le ministère de la défense ou les services de renseignements.

65. La cour d'appel conclut que pour ces motifs, et tout en laissant aux autorités irakiennes le libre choix de leur droit administratif, la mise en rapport de ces mémorandums avec l'engagement bilatéral souscrit le 20 mai 1996 et l'objet de la Convention OCDE qui vise à incriminer le fait de céder aux sollicitations d'agents publics étrangers implique que ces surcharges ont été réclamées sans droit aux sociétés poursuivies et que dans ces conditions, et exclusivement du point de vue de la Convention OCDE dont l'application de l'article 8 est réclamée, les mémorandums invoqués ne peuvent être reconnus comme créant un droit d'autant qu'ils organisent la perception de sommes d'argent selon des procédés et schémas en tous points contraires à ceux stipulés à l'accord du 20 mai 1996, antérieur de quatre ans et en fonction duquel les exportations étaient organisées au grand jour.

66. En l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les commissions occultes, dont le versement était sollicité par les agents de l'Etat irakien, en marge du marché réglementé par la Résolution n° 986 du 14 avril 1995 du Conseil de sécurité de l'ONU, n'étaient ni permises ni requises par la loi ou la réglementation écrites de l'Etat irakien, la cour d'appel a justifié sa décision.

67. D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis.

Sur le cinquième moyen proposé par la SCP Zribi et Texier pour M. B... relatif au prononcé de la peine.

Enoncé du moyen

68. Le moyen est pris de la violation des articles 132-1 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale.

69. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a condamné M. B... à une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis, alors :

« 1°/ qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'en se bornant à énoncer, pour prononcer une peine d'emprisonnement, que M. B... est âgé de soixante-neuf ans, marié, retraité et jamais condamné, sans s'expliquer sur la gravité des faits qui lui sont reprochés, la cour d'appel n'a pas légalement sa décision ;

2°/ qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'en se bornant à énoncer, pour prononcer une peine d'emprisonnement, que M. B... est âgé de soixante-neuf ans, marié, retraité et jamais condamné, sans s'expliquer davantage sur sa personnalité, la cour d'appel n'a pas légalement sa décision. »

Réponse de la Cour

70. Pour le condamner à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis, l'arrêt attaqué énonce que le prévenu, âgé de soixante neuf ans, marié et retraité et jamais condamné à ce jour, doit être mis en garde et averti et que le prononcé de la peine de huit mois avec sursis est la sanction adéquate.

71. En prononçant ainsi, et dès lors qu'il se déduit des motifs de l'arrêt que les juges ont estimé que les faits revêtaient un caractère certain de gravité résultant tant de la violation d'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU que du montant des sommes sollicitées et payées sans droit, la cour d'appel a justifié sa décision.

72.D'où il suit que le moyen doit être écarté.

73. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE L'EXTINCTION DE L'ACTION PUBLIQUE à l'égard de la société Clyde Union ;

REJETTE les pourvois.