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Décisions

Cass. crim., 29 juin 2011, n° 10-86.771

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Canivet-Beuzit

Avocats :

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Roger et Sevaux

Saint-Denis de la Réunion, du 26 août 20…

26 août 2010


Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 432-11 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de corruption passive par personne chargée d'une mission de service public, l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs que la société EDF est bénéficiaire d'un contrat de service public signé le 24 octobre 2005 avec l'Etat ; que ce contrat lui confère des missions de service public concernant notamment l'accès à l'énergie, la production et la distribution de l'électricité, le transport et la sûreté du système électrique ; que M. X... était employé par la société EDF en qualité de contremaître clientèle ; qu'à ce titre, il avait pour mission de coordonner, planifier et contrôler l'activité de la branche clientèle de l'agence EDF de Saint-André ; qu'il avait délégation de signature notamment pour toute rentrée et sortie de matériels du magasin, autorisations de paiement pour travaux de branchements locaux ; qu'il entrait dans sa mission d'utiliser les outils et applications informatiques notamment celles relatives à l'enregistrement des données concernant la clientèle, qu'il lui appartenait de mettre à jour pour les affaires réalisées et de contrôler ; qu'il s'évince de ces constatations que le prévenu était bien chargé d'une mission de service public au sens des dispositions des articles 432-11 et 432-15 du code pénal ;

"alors que le délit de corruption passive suppose, pour être constitué, que l'auteur ait été, au moment des faits, soit dépositaire de l'autorité publique, soit chargé d'une mission de service public, soit investi d'un mandat électif public ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X... était employé par la société EDF en qualité de contremaître clientèle ; qu'en considérant que celui-ci était chargé d'une mission de service public au seul motif qu'il avait reçu délégation de signature notamment pour toute rentrée et sortie de matériels du magasin, autorisations de paiement pour travaux de branchements locaux, cependant que la délégation de signature est une simple mesure d'organisation interne d'un service public qui n'entraîne aucun transfert de pouvoir ou de compétence, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 432-15 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit de détournement par personne chargée d'une mission de service public, l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs qu'il est constant, au vu de la procédure et des débats, que, courant 2005 et 2006, dix-sept personnes domiciliées dans la circonscription de l'agence EDF de Saint-André ont bénéficié de la réalisation de branchements clandestins au réseau de distribution électrique ; que ces installations ont été effectuées par M. Y... qui a utilisé, pour ce faire, une trousse à outils de monteur portant le sigle EDF, des compteurs et des coffrets appartenant à cette société et également, au moins dans un cas, un poteau fourni par cette société ; que pour masquer la clandestinité de ces branchements, les coordonnées des clients bénéficiaires ont été saisies dans la base de données du suivi clientèle de l'agence EDF de Saint-André ; que cette régularisation informatique a été effectuée par l'utilisation du code dédié à M. X... ; que des déclarations de M. Y... il résulte que l'idée de réaliser des branchements clandestins lui a été donnée par M. X... qui dans un certain nombre de cas lui a indiqué les personnes pouvant être intéressées ; que c'est également M. X... qui lui a remis l'outillage et le matériel de l'EDF qu'il a utilisés ; qu'enfin c'est à M. X... qu'il a communiqué, à l'issue des chantiers, les informations relatives au compteur afin que ce dernier puisse les intégrer dans la base informatique ; que toujours selon M. Y..., en contrepartie, M. X... a bénéficié de la remise de fonds et de matériel de sonorisation (...) ; que les dires de M. Y... sont en outre confirmés sur certains points par les propos de M. X... ; qu'ainsi ce dernier n'a pas contesté lui avoir remis la trousse d'outillage portant le sigle de l'EDF ni les compteurs qui ont été illicitement installés ; qu'il a également reconnu être intervenu à ses côtés auprès de Mme Z... ; qu'il a admis, pour certains clients, être à l'origine de la création de leur référence dans le système informatique ; qu'il n'a pas contesté que le matériel trouvé à son domicile appartenait à l'origine à M. Y... ; qu'il a certes précisé que ce dernier le lui avait laissé en dépôt, affirmation démentie par le fait que les appareils étaient installés, en état de marche, et insuffisamment étayée par l'attestation précisant que M. Y... animait parfois des soirées chez M. X... ; que parce qu'elles sont logiques, parce qu'elles sont cohérentes, parce qu'elles sont corroborées par les autres éléments du dossier, la cour estime devoir accorder une forte crédibilité aux déclarations de M. Y... ; qu'elles seront en conséquence retenues à titre de preuve ; qu'à l'inverse, la thèse constamment soutenue par M. X... présente des invraisemblances et des incohérences qui ruinent sa crédibilité ; que le prévenu, qui connaissait M. Y... depuis longtemps, qui avait été informé de l'échec de son projet de création de sa propre entreprise d'électricité et qui connaissait ses difficultés financières, ne peut sérieusement soutenir avoir été persuadé que l'intéressé travaillait pour une société partenaire d'EDF ; que le prévenu, qui, en sa qualité déjà précisée de contremaître chargé de la branche clientèle de l'agence de Saint-André, avait une connaissance complète de tous les sous-traitants d'EDF, ne pouvait ignorer que son ami M. Y... n'en faisait pas partie ; que le prévenu qui, comme déjà indiqué, avait pour mission de contrôler notamment toute rentrée et sortie de matériels du magasin, aurait dû s'assurer, avant de remettre les compteurs à M. Y..., que celui-ci disposait des devis et bons de commande en principe requis en la matière ; que, s'il ne l'a pas fait, ce ne peut être par manque de professionnalisme ; qu'enfin, le prévenu ne peut expliquer que la régularisation informatique des branchements litigieux se soit limitée à la base de données du suivi clientèle alors qu'aucun renseignement n'avait été préalablement inséré dans le logiciel relatif aux travaux contrairement à la pratique habituelle ; que cette discordance tend à démontrer que les opérations informatiques, dont il faut rappeler qu'elles ont été réalisées avec le code de M. X..., avaient pour finalité de masquer la clandestinité des travaux ; que l'assertion selon laquelle ce code aurait été utilisé à l'insu du prévenu, qu'aucun élément suffisant ne vient étayer, relève de la facilité, l'attestation produite à cet égard ne se rapportant pas aux opérations précisément incriminées ; que de l'analyse qui vient d'être effectuée, il résulte que M. X... et M. Y... ont conçu de concert une opération consistant en la réalisation de branchements clandestins pour lesquels M. Y... a perçu, par opération, de la part des clients, une somme oscillant entre 500 et 1 000 euros, M. X... bénéficiant quant à lui de la part de M. Y... de la remise de fonds et de matériel de sonorisation ; que ce pacte a été conclu et réalisé par M. X... dans le cadre de l'exercice de fonctions lui conférant une mission de service public ; qu'à ce titre, il est intervenu directement ou indirectement auprès des personnes bénéficiaires des branchements clandestins pour en faciliter la réalisation et il a procédé à des opérations informatiques destinées à leur donner une régularité apparente ; que toujours à ce titre, il a détourné du matériel, notamment de l'outillage, des compteurs et un poteau électrique qu'il ne détenait qu'en raison de ses fonctions ; qu'il suit de là que les infractions de détournement de biens et de corruption passive par personne chargée d'une mission de service publie, visées à la prévention, sont pleinement constituées à la charge de M. X... ;

"alors que le délit de détournement reproché à une personne chargée d'une mission de service public est une infraction intentionnelle qui suppose que soit rapportée la preuve de la volonté, chez le prévenu, de porter atteinte au droit de propriété de la personne publique ; qu'en se bornant à relever à l'encontre de M. X... une faute de négligence consistant à ne pas s'être assuré, avant de remettre les compteurs à M. Y..., que celui-ci disposait des devis et bons de commande requis en la matière, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que M. X..., chef de service de la société Électricité de France, est poursuivi pour avoir, étant chargé d'une mission de service public, détourné du matériel qui lui avait été remis en raison de cette fonction ou de cette mission, et sollicité, sans droit, directement des offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction ;

Attendu que, pour le déclarer coupable de ces infractions, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation, dont il résulte que le prévenu était chargé d'accomplir des actes ayant pour but de satisfaire l'intérêt général, peu important qu'il ne disposât d'aucun pouvoir de décision, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits poursuivis, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.