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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 28 septembre 2023, n° 21/07163

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Caimmo Agency (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mme Gautron-Audic, Mme Meurant

Avocats :

Me Fargues, Me Botbol, Me Pedroletti, Me Bordet-Lesueur

T. com. Chartres, du 3 nov. 2021, n° 201…

3 novembre 2021

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 2 août 2018, la société LM Immobilier devenue Caimmo Agency, nouvellement créée, a conclu un mandat d'agent commercial en transactions immobilières à durée indéterminée avec Mme [E] [V].

Un nouveau contrat a été régularisé entre les parties le 21 février 2019.

Au terme de ce contrat, Mme [V] devait prospecter, négocier, faire entrer des mandats immobiliers dans l'intérêt de l'agence immobilière qui en contrepartie lui rétrocédait une commission sur les affaires réalisées.

Le 13 mars 2019, Mme [M], responsable commerciale de la société LM Immobilier, a informé Mme [V] du souhait de la société de rompre à l'amiable leur contrat de collaboration.

Par lettre recommandée en date du 15 mars 2019, reçue le 19 mars 2019, la société LM Immobilier a procédé à la résiliation du mandat d'agent commercial de Mme [V], sans préavis, au motif d'une faute grave, dont Mme [V] conteste la réalité et le bien-fondé.

Par acte d'huissier du 1er octobre 2019, Mme [V] a fait assigner la société Caimmo Agency, anciennement dénommée LM Immobilier, devant le tribunal de commerce de Chartres.

Par jugement du 3 novembre 2021, le tribunal de commerce de Chartres a :

- constaté que la résiliation du contrat ne procède pas d'une faute grave,

- condamné la société LM Immobilier à payer à Mme [V] la somme de 1.804,50 €, à titre d'indemnité de préavis, outre l'intérêt légal à compter du 1er octobre 2019,

- condamné la société LM Immobilier à payer à Mme [V] la somme de 600 € au titre des frais de bureautique indûment imputés sur les factures de commissions, outre l'intérêt légal à compter du 1er octobre 2019,

- débouté Mme [V] de l'ensemble de ses autres demandes,

- débouté la société LM Immobilier de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société LM Immobilier à payer à Mme [V], la somme de 1.000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société LM Immobilier aux entiers dépens, lesdits dépens afférents aux frais de jugement liquidés à la somme de 73,22 € TTC, en ceux compris les frais de signification du jugement et de ses suites s'il y a lieu.

Par déclaration du 2 décembre 2021, Mme [V] a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 28 juillet 2022, Mme [V] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 3 novembre 2021 du tribunal de commerce de Chartres en ce qu'il a :

- constaté que la résiliation du contrat ne procédait pas d'une faute grave,

- condamné la société LM Immobilier désormais dénommée Caimmo Agency, à payer à Mme [V] la somme de 1.804,50 € à titre d'indemnité de préavis,

- condamné la société LM Immobilier désormais dénommée Caimmo Agency, à payer à Mme [V] la somme de 600 € au titre des frais de bureautique indûment imputés sur les factures de commissions, outre l'intérêt légal à compter du 1er octobre 2019,

- infirmer le jugement du 3 novembre 2021du tribunal de commerce de Chartres en ce qu'il a débouté Mme [V] de l'ensemble de ses autres demandes,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Caimmo Agency (anciennement la société LM Immobilier) à payer à Mme [V], la somme de 43.308,22 €, à titre d'indemnité de cessation de contrat,

- condamner la société Caimmo Agency (anciennement la société LM Immobilier) à payer à Mme [V], la somme de 5.000 €, à titre de dommages et intérêt en réparation de la rupture brutale et vexatoire,

- condamner la société Caimmo Agency (anciennement la société LM Immobilier) à payer à Mme [V], la somme de 15.000 €, à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice moral subi,

- condamner la société Caimmo Agency (anciennement LM Immobilier) à payer à Mme [V], la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance,

Le tout, assorti des intérêts légaux à compter de l'assignation du 1er octobre 2019,

- débouter la société Caimmo Agency (anciennement la société LM Immobilier) de son appel incident, et de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

- condamner la société Caimmo Agency (anciennement la société LM Immobilier) à payer à Mme [V], la somme de 6.000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Caimmo Agency aux entiers dépens de la présente procédure.

Par dernières conclusions notifiées le 23 mai 2022, la société Caimmo Agency anciennement dénommée LM Immobilier (ci-dessous, la société Caimmo Agency) demande à la cour de :

- déclarer Mme [V] mal fondée en son appel l'en débouter,

- déclarer la société LM Immobilier recevable et bien fondée en son appel incident,

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Chartres en date du 3 novembre 2021, en ce qu'il :

- constate que la résiliation du contrat ne procède pas d'une faute grave,

- condamne la société LM Immobilier à payer à Mme [V] la somme de 1.804,50 €, à titre d'indemnité de préavis, outre l'intérêt légal à compter du 1er octobre 2019,

- condamne la société LM Immobilier à payer à Mme [V] la somme de 600 € au titre des frais de bureautique indûment imputés sur les factures de commissions, outre l'intérêt légal à compter du 1er octobre 2019,

- condamne la société LM Immobilier à payer à Mme [V], la somme de 1.000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société LM Immobilier aux entiers dépens ; lesdits dépens afférents aux frais de jugement liquidés à la somme de 73,22 € TTC, en ceux non compris les frais de signification du présent jugement et de ses suites s'il y a lieu,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [V] de ses autres demandes,

Et statuant à nouveau :

- juger que la résiliation du contrat d'agent commercial, notifiée par lettre du 15 mars 2019 repose parfaitement sur une faute grave,

- débouter Mme [V] au titre de sa demande afférente aux intérêts légaux à compter de l'assignation du 1er octobre 2019,

- condamner Mme [V] au paiement de la somme de 4.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont le montant sera recouvré par Me Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 mars 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé de la rupture du contrat de mandat d'agent commercial.

Mme [V] soutient n'avoir commis aucune faute grave justifiant la rupture du contrat, et avoir été surprise de recevoir le 19 mars 2019 une lettre de résiliation pour faute grave alors que le 13 mars précédent, une rupture amiable de son contrat lui avait été annoncée. Elle affirme avoir toujours bien effectué son travail, et avoir conclu de nombreux mandats au profit de l'agence.

Elle conteste les différents griefs invoqués par la société Caimmo Agency, notamment celui dans le retard dans le traitement des dossiers, et relève à ce propos que plusieurs lettres de résiliation sont postérieures à son départ.

Elle avance qu'aucun reproche ne lui a été fait à la suite du contrôle de la DGCCRF, qu'elle n'a pas tenu les propos que lui attribue la société Caimmo Agency lors de l'entretien du 13 mars 2019, que les journées des 14 et 15 mars 2019 ne se sont pas déroulées comme l'explique l'intimée, qui procède par affirmation gratuite. Elle conteste tout détournement de clientèle, toute tenue négligée, tout attrait pour des photographies pornographiques, et explique le traitement médicamenteux qu'elle prenait par la souffrance professionnelle qu'elle subissait.

Elle fait état des mandats dont elle bénéficiait, et conteste l'affirmation selon laquelle ils lui auraient été attribués gracieusement par l'agence, ajoutant que la distribution de flyers a profité à tous les collaborateurs de l'agence.

La société Caimmo Agency dénonce, pour justifier la rupture du contrat de mandat au titre de la faute grave, la détérioration du comportement de Mme [V] se manifestant notamment par la révélation de son passé et de son attrait pour les photos pornographiques. Elle ajoute que Mme [V] venait travailler dans une tenue négligée alors que ses fonctions induisaient un contact avec la clientèle. Elle évoque le traitement médical que Mme [V] indiquait suivre, afin de lutter contre les conséquences de son addiction aux drogues dures.

Elle dénonce les défaillances de Mme [V] dans le traitement de certains contacts, que l'agence a ainsi perdus, et fait état de l'annulation de plusieurs mandats, ajoutant qu'il importe peu que le motif de résiliation figure dans les correspondances.

Elle avance que sur les 30 mandats dont Mme [V] se targue, seules quatre ventes sont intervenues, et dénonce le fait qu'elle ait, le 14 mars 2019, pris en photo le registre des mandats, de nature confidentielle, puis qu'elle se soit le 15 mars 2019 introduite dans le bureau de la responsable de l'agence sans son autorisation.

Elle soutient que la dégradation du comportement de Mme [V] s'explique par le fait que celle-ci allait travailler dans une agence concurrente à partir du mois d'avril 2019, et qu'elle a tenté de détourner la clientèle de l'agence.

*****

L'article L. 134-12 al 1er du code de commerce prévoit qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'article suivant indique que cette réparation n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.

La faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, cette faute peut être caractérisée par des négligences ayant contribué à dégrader l'image de la société et entraîné la perte de marchés éventuels.

L'article 11 du contrat du 2 août 2018 et de celui du 21 février 2019 prévoit qu' « en cas de résiliation ou de rupture du contrat pour quelque cause que ce soit, le mandataire s'interdit pendant une période d'un an à compter de son départ effectif, de démarcher la clientèle et les agents commerciaux du mandant spécialement celles et ceux avec lesquels il aurait été en relation professionnelle.

Le mandataire s'interdit pendant la même période de proposer à une quelconque clientèle et d'exploiter les produits du mandant ».

La société Caimmo Agency avance, au titre de ses griefs à l'encontre de Mme [V], le fait de révéler son passé et son attrait pour les photos pornographiques, grief qui n'apparaît pas, au vu de la seule pièce 5, établi ni de nature à constituer une faute grave au sens de l'article L. 134-13.

L'attestation de Mme [I], qui travaille pour la société Caimmo Agency, ne peut suffire du fait de ce lien à établir à elle seule la réalité du grief de la présentation négligée de Mme [V], ou les autres reproches dirigés contre elle.

S'agissant des défaillances alléguées de Mme [V] dans l'exécution de son contrat d'agent commercial, la société Caimmo Agency produit différents courriers de clients de l'agence ayant résilié le contrat avec cette dernière.

Pour autant, il est à observer que le courrier de résiliation des époux [G] du 7 mars 2019 ne formule aucun reproche à l'encontre de Mme [V] pour justifier cette résiliation.

Le courrier du 22 janvier 2019 de Mme [N] résilie le mandat de vente donné à l'agence car son bien n'était pas vendu au bout de trois mois, mais n'impute aucune responsabilité à Mme [V]. Il en est de même de la résiliation des époux [W].

Les autres courriers de résiliation produits par l'intimée sont postérieurs à la rupture du contrat de mandat et ne sauraient démontrer une faute de Mme [V] dans le suivi des mandats dont elle avait la charge à l'origine de ces résiliations. En effet, même si le courrier des époux [X] fait état d'une absence de suivi de leur dossier, il ne vise pas Mme [V], et est daté du 4 juin 2019, soit plusieurs mois après son départ, de sorte que ce dossier avait dû être repris par un autre collaborateur de l'agence.

De même la note non datée rédigée par Mme [M], responsable transaction de la société Caimmo Agency, ne peut permettre de caractériser une faute grave de Mme [V].

Il résulte des écritures des parties que lors de l'entretien du 13 mars 2019, Mme [M] a évoqué avec Mme [V] une rupture à l'amiable, figurant également dans l'échange de courriels entre les parties le lendemain traitant notamment du déroulement du préavis.

Le grief invoqué par la société Caimmo Agency selon lequel Mme [V] aurait photographié le 14 mars 2019 le registre des mandats n'est pas établi de façon probante car reposant sur la seule attestation de Mme [I], travaillant pour la société Caimmo Agency, cette pièce étant insuffisante pour apprécier dans ces conditions la gravité de ce grief.

L'introduction, le 15 mars 2019, de Mme [V] dans le bureau de la responsable de l'agence - sans avoir sollicité son autorisation -, si elle révèle un comportement fautif, n'est pas de nature à constituer une faute d'une gravité justifiant une rupture brutale du mandat au vu du contexte dans lequel il est intervenu, ce alors que cette rupture avait déjà été annoncée le 13 mars 2019, et que Mme [V] déplorait être privée d'accès à ces dossiers ; le fait d'être alors accompagnée jusqu'à l'entrée de l'agence par son conjoint peut s'expliquer par un climat de tension entourant la rupture, et ne peut constituer une faute grave à l'origine de la résiliation du contrat de mandat.

L'engagement de Mme [V] dans une autre agence immobilière à compter du mois d'avril 2019, soit après la notification de la résiliation du mandat d'agent commercial, ne révèle pas une violation des dispositions contractuelles précitées liant les parties, le fait d'annoncer alors sur les réseaux sociaux qu'elle s'engageait avec une autre agence ne caractérisant pas un démarchage de clientèle, ni un comportement déloyal.

Enfin, la société Caimmo Agency ne saurait invoquer des prescriptions médicales dont bénéficierait Mme [V] pour justifier de la rupture.

Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que la résiliation du contrat ne procédait pas d'une faute grave.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture

Mme [V] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il lui a attribué une indemnité de préavis, et son infirmation en ce qu'elle n'a pas reçu d'indemnité de cessation de contrat. Elle invoque une pratique fixant à 2 ans de rémunération brute l'indemnité de cessation de contrat, et fait état de son préjudice puisqu'elle perd une année d'investissements et laisse à l'agence 41 mandats. Elle conteste les dires de l'intimée selon laquelle les mandats lui auraient été en grande partie attribués par l'agence.

Elle sollicite également des dommages-intérêts en raison du caractère brutal de la rupture, qui s'est déroulée dans des conditions vexatoires.

La société Caimmo Agency demande, outre le débouté de l'indemnité de préavis, la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande d'indemnité de cessation de contrat. Elle rappelle que celle-ci a travaillé sept mois et n'hésite pas à solliciter deux ans de commission, alors qu'elle n'a conclu que quatre ventes.

La société Caimmo Agency soutient que la preuve du caractère déloyal ou vexatoire de la rupture n'est pas rapportée, comme le fait que l'accès aux dossiers aurait été interdit à Mme [V].

*****

Au vu des développements qui précèdent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a attribué à Mme [V] une indemnité de préavis, soit 1.804,50 €, le calcul de cette somme n'étant pas discuté.

S'agissant de l'indemnité de cessation du contrat, l'article L. 134-12 du code de commerce prévoit notamment qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle. Son quantum n'étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques.

En l'espèce, Mme [V] a exercé les fonctions d'agent commercial du 2 août 2018 au 15 mars 2019, soit 7 mois et demi.

Elle a réalisé, pendant cette période, quatre ventes, ce qui est reconnu par les deux parties.

Elle indique qu'elle disposait, au moment de la rupture de son mandat, de 41 mandats actifs en portefeuille, et produit pour ce faire une liste qui constituerait, selon la société Caimmo Agency, un extrait du registre des mandats de la société.

Cependant, la société Caimmo Agency indique avoir fourni des mandats à Mme [V], et il apparaît surprenant que, sans un tel apport, Mme [V] ait disposé à la fin du mois d'août 2018 - mois du début de son activité -, comme elle l'indique dans ses conclusions (p4), d'une trentaine de mandats.

Par ailleurs, doit être prise en compte l'attestation de l'expert-comptable de la société Caimmo Agency, au vu de laquelle 16 ventes sont intervenues pour la société entre le 1er mars et le 30 septembre 2019.

Aux termes des dispositions contractuelles, la rémunération de l'agent correspondait à 25 % de la commission perçue par l'agence en cas d'apport d'affaire à vendre, et de 25 % en cas de négociation d'une affaire menée à terme.

Mme [V] ne justifie pas du montant des commissions effectivement perçues, elle fait état dans ses conclusions d'un montant de 43.308,22 € qu'elle réclame, correspondant à deux années de commission à partir de la moyenne prorata temporis de la rémunération perçue, montant dont le calcul n'est pas contesté par la société Caimmo Agency.

Au regard de ces éléments, et notamment de la durée des relations contractuelles, c'est par une juste appréciation que la cour retiendra que Mme [V] a droit à une indemnité de cessation de contrat correspondant à six mois de commission, montant arrondi à 10.800 €.

S'agissant de la demande de réparation au titre du caractère brutal de la rupture, Mme [V] ne justifie pas que les clés de l'agence auraient été reprises par contrainte, l'intéressée ayant signé un document prévoyant les plages horaires auxquelles elle pouvait disposer des locaux.

Mme [V] ne peut justifier par son seul courriel du 15 mars 2019 qu'elle n'avait plus accès au logiciel de gestion clients ou que ses mandats avaient disparu.

En conséquence, la brutalité de la rupture résulte de sa soudaineté, puisque le 13 mars 2019 l'agence avait évoqué une rupture à l'amiable, et que le 15 mars 2019 elle lui a été notifiée avec effet le jour même.

Il sera fait une juste appréciation de cette brutalité en condamnant la société Caimmo Agency au paiement de la somme d'un euro à Mme [V].

Sur la demande en réparation au titre du préjudice moral.

Mme [V] dénonce le harcèlement moral qu'elle aurait subi de la part de la responsable transaction immobilière de l'agence, comme l'illustreraient les ordonnances et certificats médicaux produits. Elle fait état de la pression constante et injustifiée exercée sur elle, des répercussions constatées par ses proches, et du burn-out qu'elle a connu en octobre 2019.

Elle indique que Mme [M], responsable des transactions immobilières, lui faisait concurrence en distribuant sur son secteur des flyers à son nom, et pas à celui de l'appelante. Elle ajoute que certains appels ne lui ont pas été retransmis.

Elle dénonce aussi l'absence de formation, indiquant que les éléments produits par l'intimée ne sont pas sérieux. Elle fait état d'une confusion entretenue par l'intimée entre la formation professionnelle et la distribution de flyers, dont le coût de distribution a été surévalué, et du manquement de la société Caimmo Agency à son obligation de loyauté.

La société Caimmo Agency avance que Mme [V] ne justifie pas du prétendu harcèlement moral subi, étant rappelé qu'elle est indépendante de par son contrat d'agent, et ne se trouve pas en lien de subordination. Elle dénonce les attestations de complaisance produites par l'intéressée, et conteste tout lien avec le burn-out de Mme [V].

Elle ajoute avoir régulièrement dispensé des formations et n'avoir pas manqué de loyauté dans l'exécution du contrat.

*****

S'agissant de la demande au titre du harcèlement moral, le certificat médical du 4 juillet 2019, s'il fait état d'un 'état anxiodépressif majeur s'inscrivant dans un contexte de souffrance professionnelle', ne peut suffire à établir la maltraitance dont aurait souffert Mme [V] du fait de la responsable transaction immobilière de la société Caimmo Agency, et il en est de même des ordonnances médicales versées. L'attestation d'un client ayant estimé le comportement de cette responsable à l'égard de Mme [V] comme 'infériorisant' apparaît à elle seule insuffisante à établir les faits dénoncés. Il en est de même d'un courriel de Mme [V] du 14 mars 2019 et des attestations de ses proches, qui n'ont pas eux-mêmes observé la brutalité du comportement dénoncé.

En conséquence, les pièces produites par l'appelante ne permettent pas de démontrer à suffisance la réalité du harcèlement moral subi par elle, et le jugement sera confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de réparation présentée à ce titre.

S'agissant de la concurrence déloyale, l'attestation de l'ancien compagnon de Mme [V] indiquant que les flyers distribués dans leur boîte aux lettres étaient au nom de Mme [M] et non de Mme [V] ne peut être retenue, au vu de la proximité de son auteur avec l'intéressée. Il en est de même de l'attestation de sa voisine. Enfin, les autres reproches de Mme [V] au titre de la concurrence déloyale ne sont pas étayés ni justifiés.

S'agissant de la formation, elle est expressément prévue par l'article 3 des dispositions contractuelles : 'à l'issue de la signature de la présente convention, l'agent commercial bénéficiera d'une formation initiale en interne en matière commerciale et juridique. Il profitera par la suite de l'offre de formation en continu durant l'exercice de son mandat'.

Il résulte de la pièce 18 de l'intimée qu'elle a notamment adressé des mémos, un document de présentation sur la loi ALUR en incitant les mandataires commerciaux à le lire, un article sur 'la loi Hamon et les professionnels de l'immobilier', un autre document sur l'actualité immobilière et juridique en décembre 2018 ; elle a également adressé des conseils sur l'utilisation du logiciel de traitement des dossiers clients.

Est ainsi établie la diffusion de ces documents participant à la formation des agents commerciaux, et en particulier de Mme [V], justifiant de l'existence d'actions de formation à leur destination.

Le manque de loyauté de la société Caimmo Agency dans l'exécution de cette obligation de formation n'est donc pas démontré, ni sa carence dans un devoir réciproque d'information.

En conséquence, Mme [V] sera déboutée de sa demande au titre du préjudice moral.

Sur les frais de publicité

Mme [V] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société LM Immobilier à lui verser 600 € au titre des frais de bureautique, des frais de publicité lui ayant été facturés pour une période dépassée, et ayant été déduits des commissions qui lui étaient dues.

La société Caimmo Agency sollicite l'infirmation du jugement, car le contrat prévoyait la prise en compte des frais de bureautique par Mme [V], ce qui explique la facture émise et le fait que la somme était due.

*****

C'est à raison que le jugement a relevé que les frais de bureautique n'apparaissaient que dans le contrat signé le 21 février 2019, cette disposition étant absente du contrat du 2 août 2018.

N'étant pas contesté que les quatre ventes apportées par Mme [V] ont eu lieu avant la signature de ce nouveau contrat, l'agence ne pouvait facturer à Mme [V] la somme de 150 € au titre des frais de bureautique, pour chacune de ces ventes, ainsi que le prévoit le contrat du 21 février 2019.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de Mme [V], et condamné la société LM immobilier à lui verser la somme de 600 € au titre des frais de bureautique imputés à tort.

Sur les autres demandes,

Les condamnations au titre de l'indemnité de cessation de contrat et de dommages et intérêts en réparation de la rupture brutale et vexatoire seront assorties d'un intérêt au taux légal, à compter du 1er octobre 2019.

Les condamnations au titre des dépens et frais irrépétibles prononcées en 1ère instance seront confirmées.

Succombant au principal, la société Caimmo Agency sera condamnée au paiement de la somme de 3.000 € à Mme [V] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a débouté Mme [E] [V] de ses demandes au titre de l'indemnité de cessation de contrat et de dommages et intérêts en réparation de la rupture brutale et vexatoire,

L'infirme de ces chefs,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Caimmo Agency à payer à Mme [E] [V] la somme de 10.800 € à titre d'indemnité de cessation de contrat, et la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la rupture brutale et vexatoire, assorties d'un intérêt légal à compter du 1er octobre 2019,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société Caimmo Agency à payer à Mme [E] [V], la somme de 3.000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des dépens d'appel.