TUE, 3e ch., 18 octobre 2023, n° T-590/20
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Clariant AG, Clariant International AG
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. van der Woude
Juges :
M. de Baere (rapporteur), Mme Steinfatt, M. Kecsmár, Mme Kingston
Avocats :
Me Montag, Me Dreher
LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),
1 Par leur recours, fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Clariant AG et Clariant International AG, demandent, à titre principal, l’annulation partielle de la décision C(2020) 4817 final de la Commission, du 14 juillet 2020, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE (AT.40410 – Éthylène) (ci-après la « décision attaquée ») et, à titre subsidiaire, la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée « conjointement et solidairement » dans ladite décision. La Commission européenne demande reconventionnellement l’augmentation du montant de ladite amende.
I. Antécédents du litige
A. Procédure administrative
2 Le 29 juin 2016, l’une des quatre entreprises ayant participé à des contacts collusoires liés aux achats d’éthylène a demandé l’immunité d’amendes en vertu de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la coopération »).
3 Entre le 23 mai et le 3 juillet 2017, les trois autres entreprises ayant participé à ces contacts collusoires ont également demandé l’immunité d’amendes ou, à titre subsidiaire, la possibilité de bénéficier d’une réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération.
4 Le 10 juillet 2018, la Commission a ouvert la procédure prévue à l’article 11, paragraphe 6, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), contre les quatre entreprises faisant l’objet de la procédure (ci-après, prises ensemble, les « participantes à l’entente ») en vue d’entamer des discussions afin de parvenir à une transaction, conformément à la communication de la Commission relative aux procédures de transaction engagées en vue de l’adoption de décisions en vertu des articles 7 et 23 du règlement no 1/2003 dans les affaires d’entente (JO 2008, C 167, p. 1, ci-après la « communication sur la transaction »).
5 Par une lettre du 23 juillet 2018, les requérantes ont confirmé à la Commission leur volonté d’entamer des discussions en vue de parvenir à une transaction.
6 Lors de ces discussions, la Commission a informé les requérantes des griefs qu’elle envisageait de soulever à leur égard et leur a divulgué les éléments de preuve clés du dossier sur lesquels elle s’était fondée pour établir ces griefs. Elle leur a également communiqué une estimation de la fourchette de l’amende qu’elle envisageait de leur infliger.
7 Le 20 novembre 2019, les requérantes ont présenté leur proposition de transaction conformément à l’article 10 bis, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 et 102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), par lesquelles elles reconnaissaient leur responsabilité « conjointe et solidaire » dans leur participation à l’infraction. Elles ont également indiqué le montant maximal de l’amende qu’elles accepteraient dans le cadre de la procédure de transaction, à savoir 159 663 000 euros.
8 Le 7 février 2020, la Commission a adopté une communication des griefs. Le 24 février 2020, les requérantes ont confirmé que celle-ci reflétait dûment leur proposition de transaction et qu’elles restaient pleinement engagées à poursuivre la procédure de transaction.
B. Décision attaquée
9 Le 14 juillet 2020, la Commission a adopté la décision attaquée.
1. Description de l’infraction
10 La Commission a constaté que les requérantes avaient participé à une infraction unique et continue consistant en l’échange d’informations tarifaires et commerciales sensibles et en la fixation d’un élément de prix lié aux achats d’éthylène, sur les territoires belge, allemand, français et néerlandais, sur la période allant du 26 décembre 2011 au 29 mars 2017 [article 1er, sous c), de la décision attaquée].
11 Le comportement incriminé concernait l’achat d’éthylène sur le marché libre, à l’exclusion de l’éthylène produit à des fins captives, c’est-à-dire l’éthylène produit et utilisé par les producteurs eux-mêmes.
12 L’éthylène était généralement acheté sur la base d’accords de fourniture à long terme. Afin de refléter le risque de volatilité des prix d’achat de l’éthylène, ces accords de fourniture se référaient souvent au prix contractuel mensuel (ci-après le « PCM »). Pour établir le PCM pour le mois à venir, deux accords bilatéraux distincts, mais identiques, appelés communément « transactions », entre deux paires différentes de fournisseurs et d’acheteurs devaient être conclus. Une fois la première transaction conclue, les parties pouvaient notifier leur accord à un organisme de notification privé et indépendant, qui publiait cette première transaction sur le marché. Dès qu’une autre paire de fournisseurs et d’acheteurs avait conclu une transaction à un prix identique, ce prix était publié par les organismes de notification en tant que PCM pour le mois à venir.
13 La Commission a souligné que le PCM n’était pas un prix net, mais un élément variable des formules de tarification utilisées dans certains contrats de fourniture. Le PCM avait donc un impact direct sur le prix d’achat effectif de l’éthylène conclu dans le cadre de ces contrats de fourniture et dans le cadre de certaines transactions sur le marché au comptant.
14 La Commission a considéré que les participantes à l’entente avaient coordonné leur comportement sur le marché par le biais de contacts bilatéraux concernant le PCM en s’accordant, d’une part, sur les prix cibles qu’elles entendaient utiliser lors des procédures de négociation du PCM avec les vendeurs d’éthylène et, d’autre part, sur les PCM définitifs qu’elles voulaient obtenir et qui étaient fondés sur une évaluation commune des facteurs de tarification et des analyses publiques. Lesdites participantes se concertaient également sur leurs futures positions dans les procédures de négociation de transactions avec les vendeurs d’éthylène. Enfin, elles échangeaient des informations sur les tendances du marché.
15 L’objectif du comportement en cause était d’influencer les négociations sur le PCM afin d’obtenir le prix d’achat le plus bas possible dans le cadre des procédures de transaction avec les vendeurs d’éthylène.
16 La Commission a conclu que le comportement en cause présentait les caractéristiques d’un accord ou d’une pratique concertée au sens de l’article 101 TFUE, ayant pour objet de restreindre la concurrence sur le marché des achats de l’éthylène. Il n’était donc pas nécessaire d’examiner les effets de ce comportement sur ce marché ni de vérifier si les participantes à l’entente avaient finalement réussi à obtenir le PCM voulu.
17 S’agissant de la participation des requérantes à l’infraction, la Commission a relevé, d’une part, que la seconde requérante, Clariant International, avait accepté sans réserve sa responsabilité pour sa participation directe à l’infraction commise sur la période allant du 26 décembre 2011 au 29 mars 2017 et, d’autre part, que la première requérante, Clariant, avait accepté sans réserve sa responsabilité « conjointe et solidaire » pour la participation de sa filiale détenue à 100 % à l’infraction commise sur la période allant du 26 décembre 2011 au 29 mars 2017. Elle a donc retenu la responsabilité « conjointe et solidaire » de la seconde requérante, pour sa participation directe, et de la première requérante, en tant que société mère de la seconde requérante, à l’infraction pour la période concernée.
2. Calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes
18 Les requérantes se sont vu infliger, « conjointement et solidairement », une amende d’un montant de 155 769 000 euros [article 2, sous c), de la décision attaquée].
19 À cet égard, premièrement, la Commission a tenu compte, aux fins du calcul du montant de base de l’amende, de la valeur des achats de l’éthylène acquis au cours de la période couvrant la dernière année complète de participation des requérantes à l’infraction, à savoir 2016.
20 Selon la Commission, il n’était pas approprié d’utiliser la valeur des ventes des produits en aval en tant que point de départ du calcul du montant de base de l’amende, dans la mesure où l’infraction concernait une entente en matière d’achats et que toutes les parties n’étaient pas présentes sur le(s) même(s) marché(s) en aval.
21 En outre, la Commission a considéré qu’il convenait de tenir compte uniquement, d’une part, de la valeur des achats réalisés en vertu des accords de fourniture d’éthylène utilisant une formule de tarification fondée sur le PCM et, d’autre part, de la valeur des achats effectués sur le marché au comptant de l’éthylène et fondés sur le PCM.
22 Deuxièmement, pour la détermination du montant de base de l’amende, la Commission a tenu compte de la gravité de l’infraction et de sa durée ainsi que de la nécessité de dissuasion.
23 Tout d’abord, étant donné que l’infraction consistait en une tarification horizontale, qui compte, par sa nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves, la Commission a fixé le coefficient de gravité à 15 %.
24 Ensuite, la Commission a tenu compte du fait que les requérantes avaient pris part à l’infraction du 26 décembre 2011 au 29 mars 2017, c’est-à-dire durant 1 921 jours, ce qui correspondait à un coefficient multiplicateur de 5,25 au titre de la durée.
25 Enfin, la Commission a fixé un montant additionnel de 15 % appliqué à des fins dissuasives, au regard de la gravité de l’infraction.
26 Troisièmement, la Commission a procédé à des ajustements du montant de base de l’amende.
27 D’une part, en application du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes »), la Commission a majoré de 50 % le montant de base de l’amende, au motif que les requérantes avaient déjà commis une infraction similaire à l’article 101 TFUE. La Commission s’est référée, à cet égard, à sa décision C(2004) 4876 final, du 19 janvier 2005, relative à une procédure d’application de l’article [101 TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (COMP/E-1/37.773 – AMCA) (ci-après la « décision AMCA »), par laquelle la première requérante et sa filiale Clariant GmbH avaient été tenues pour responsables d’une entente sur le marché de l’acide monocloroacétique (ci-après l’« entente AMCA »).
28 La Commission a également estimé qu’il n’existait pas de circonstances atténuantes justifiant une réduction du montant de base de l’amende.
29 D’autre part, conformément au paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, afin de tenir compte des particularités de l’espèce et de la nécessité d’atteindre un montant suffisamment dissuasif de l’amende, la Commission a majoré de 10 % le montant de base de l’amende.
30 Quatrièmement, la Commission s’est assurée que l’amende n’excédait pas 10 % du chiffre d’affaires total des requérantes en 2019, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.
31 Cinquièmement, la Commission a encore procédé à une réduction de l’amende au titre de la clémence. Les requérantes se sont ainsi vu accorder une réduction de 30 % en vertu de la communication sur la coopération.
32 Sixièmement, le montant de l’amende a été réduit de 10 % pour récompenser les requérantes de leur coopération dans le cadre de la procédure de transaction.
II. Conclusions des parties
33 Les requérantes demandent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler l’article 2, sous c), de la décision attaquée, dans la mesure où il prévoit l’imposition d’une amende d’un montant supérieur à 94 405 800 euros ;
– à titre subsidiaire, réduire à un montant proportionné l’amende qui leur a été infligée en vertu de l’article 2, sous c), de ladite décision ;
– rejeter la demande de la Commission de porter le montant de l’amende qui leur a été infligée à 181 731 000 euros ;
– condamner la Commission aux dépens.
34 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– fixer le montant de l’amende infligée aux requérantes à l’article 2, sous c), de la décision attaquée à 181 731 000 euros ;
– condamner les requérantes aux dépens.
III. En droit
A. Sur les demandes en annulation et en réduction du montant de l’amende
35 Au soutien du recours, les requérantes invoquent trois moyens, les deux premiers étant soulevés au soutien de la demande en annulation et le troisième au soutien de la demande en réduction du montant de l’amende. Par le premier moyen, elles allèguent que la Commission a erronément majoré le montant de base de l’amende au titre du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Par le deuxième moyen, elles avancent que la Commission a erronément majoré le montant de base de l’amende au titre du paragraphe 37 desdites lignes directrices. Le troisième moyen est pris du caractère disproportionné du montant de l’amende au regard de la gravité de l’infraction commise.
1. Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission a erronément majoré le montant de base de l’amende au titre du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes
36 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il ressort des points 107 à 113 de la décision attaquée que l’amende a été imposée aux requérantes en vertu de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1/2003, conformément à l’article 10 bis, paragraphe 3, du règlement no 773/2004.
37 L’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 dispose que, pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.
38 À cet égard, une éventuelle récidive figure parmi les éléments à prendre en considération lors de l’analyse de la gravité de l’infraction en cause (arrêts du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C 413/08 P, EU:C:2010:346, point 63, et du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T 558/08, EU:T:2014:1080, point 276 ; voir également, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C 204/00 P, C 205/00 P, C 211/00 P, C 213/00 P, C 217/00 P et C 219/00 P, EU:C:2004:6, point 91).
39 La circonstance aggravante de la récidive est définie par le paragraphe 28, premier tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes comme étant la poursuite ou la répétition d’une infraction identique ou similaire après que la Commission ou une autorité nationale de concurrence a constaté que l’entreprise en cause avait enfreint les dispositions de l’article 101 TFUE ou de l’article 102 TFUE. Dans un tel cas, le montant de base de l’amende peut être augmenté jusqu’à atteindre 100 % par infraction constatée.
40 Le premier moyen s’articule en trois branches tirées, la première, d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et des principes de proportionnalité et de bonne administration dans la mesure où la Commission aurait manqué à son devoir d’appréciation, la deuxième, d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et du principe de proportionnalité en ce que la Commission aurait qualifié à tort les requérantes de récidivistes et, la troisième, d’une violation de l’obligation de motivation.
a) Sur la première branche du premier moyen, tirée du défaut d’exercice, par la Commission, de son pouvoir d’appréciation
41 Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir suffisamment tenu compte des circonstances particulières ayant mené à la constatation d’une infraction dans le cadre de l’entente AMCA. La Commission se serait limitée, au considérant 138 de la décision attaquée, à constater que les circonstances qui avaient justifié la non-imposition d’une amende dans le cadre de ladite entente n’étaient pas pertinentes en l’espèce.
42 Les requérantes mettent en exergue plusieurs circonstances que la Commission aurait dû examiner. Elles font valoir que la décision relative à l’entente AMCA a été adressée à la première requérante sur la base de sa responsabilité en tant que société mère. Ladite entente aurait été mise en place, notamment, par une société que la première requérante aurait rachetée par la suite. Lors du rachat, cette entente avait été mise en place depuis déjà à tout le moins quatorze ans. En outre, les deux employés de la société susmentionnée rachetée par la première requérante, qui étaient responsables des activités concernées par ladite entente, auraient continué à y participer en secret et aucune autre personne n’aurait été impliquée au sein de la première requérante. Cette dernière aurait découvert l’entente en question par le biais de mesures internes de conformité et l’aurait dénoncée, raison pour laquelle elle se serait vu accorder une immunité totale d’amendes par la Commission. Quant à l’infraction en cause en l’espèce, seul un employé isolé y aurait participé, à l’insu de tous les autres employés ou cadres des requérantes. Or, cette personne n’aurait pas été employée par la première requérante au moment des pratiques litigieuses sur le marché de l’acide monocloroacétique et aurait agi en dépit des mesures prises par la première requérante en matière de conformité.
43 En outre, les requérantes arguent que la Commission a violé le principe de proportionnalité lorsqu’elle a fixé le taux de majoration de l’amende. Étant donné que le paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes prévoit une fourchette de majoration comprise entre 0 et 100 % à cet égard, la Commission aurait le devoir, en vertu du principe de proportionnalité, d’apprécier où se situe la gravité d’une infraction répétée dans cette fourchette. Selon les requérantes, la décision attaquée n’explique pourtant pas la raison pour laquelle la gravité de l’infraction répétée justifiait une augmentation de 50 %.
44 Les requérantes estiment que la Commission a utilisé les mêmes critères pour justifier à la fois le constat d’une infraction répétée et le choix du taux de majoration, alors qu’il s’agit d’aspects distincts qui nécessitent une évaluation distincte. En outre, les critères appliqués par la Commission seraient communs à tous les cas de récidive et ne sauraient être invoqués pour justifier une majoration spécifique dans un cas de récidive donné.
45 Par ailleurs, il ressortirait de la pratique décisionnelle de la Commission que, d’une part, le seul facteur pris en compte pour déterminer la majoration de l’amende au titre de la récidive serait le nombre d’infractions antérieures et que, d’autre part, il ne serait pas tenu compte de la moitié inférieure de la fourchette de majoration. La Commission méconnaîtrait ainsi son obligation d’imposer une sanction appropriée qui reflète la gravité d’une infraction particulière.
46 En ne tenant pas compte de la première moitié de la fourchette de majoration des amendes prévue au paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes et en appliquant la même majoration générale de 50 % à tous les cas de première récidive, la Commission aurait violé les principes d’égalité de traitement, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.
47 La Commission conteste les arguments des requérantes.
48 Il convient de rappeler que la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation en ce qui concerne le choix des éléments à prendre en considération aux fins de la détermination du montant des amendes, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, le contexte de celle-ci et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’il soit nécessaire de se rapporter à une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte. Le constat et l’appréciation des caractéristiques spécifiques d’une récidive font partie dudit pouvoir de la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C 3/06 P, EU:C:2007:88, points 37 et 38, et du 29 septembre 2021, Nec/Commission, T 341/18, EU:T:2021:634, points 103 et 104).
49 La prise en compte de la récidive vise à inciter les entreprises qui ont manifesté une propension à s’affranchir des règles de concurrence à modifier leur comportement. La Commission peut, dès lors, dans chaque cas, prendre en considération les indices tendant à confirmer une telle propension, y compris, par exemple, le temps qui s’est écoulé entre les infractions en cause (arrêts du 7 juin 2011, Arkema France e.a./Commission, T 217/06, EU:T:2011:251, point 294, et du 29 septembre 2021, Nec/Commission, T 341/18, EU:T:2021:634, points 77 et 104).
50 S’agissant du caractère proportionné d’une majoration de l’amende au titre de la récidive, il convient de rappeler que le Tribunal peut être amené à vérifier si la Commission a respecté le principe de proportionnalité lorsqu’elle a majoré, au titre de la récidive, l’amende infligée et, en particulier, si une telle majoration s’imposait notamment au regard du temps écoulé entre l’infraction en cause et le précédent manquement aux règles de concurrence (arrêts du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C 413/08 P, EU:C:2010:346, point 70, et du 29 septembre 2021, Nec/Commission, T 341/18, EU:T:2021:634, point 117).
51 En l’espèce, la Commission a infligé aux requérantes une majoration de 50 % du montant de l’amende pour récidive. Elle a constaté que, au moment où l’infraction en cause a été commise, la première requérante avait déjà été tenue pour responsable d’un comportement anticoncurrentiel dans la décision relative à l’entente AMCA.
52 Plus précisément, au considérant 138 de la décision attaquée, la Commission a fait état des éléments qu’elle a pris en considération lors de son appréciation de l’existence d’une récidive. Elle a relevé que :
– le comportement incriminé en l’espèce avait commencé, en ce qui concerne les requérantes, le 26 décembre 2011, c’est-à-dire après l’adoption de la décision relative à l’entente AMCA, le 19 janvier 2005 ;
– une période limitée s’était écoulée entre l’adoption de ladite décision et le commencement du comportement incriminé en l’espèce ;
– les deux infractions devaient être considérées comme étant « similaires » au sens du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes, en ce qu’elles constituaient toutes les deux des violations de l’article 101 TFUE ;
– la première requérante était la société mère de Clariant GmbH, qui avait participé directement à l’infraction, et formait avec cette dernière une seule entreprise pendant la période d’infraction ; les agissements passés de l’entreprise devaient être pris en considération, et non uniquement ceux de Clariant GmbH ;
– les circonstances spécifiques de l’infraction établie dans cette décision et qui avaient justifié que les requérantes soient exemptées d’amende n’étaient pas pertinentes pour l’examen du manquement des requérantes aux règles de concurrence après l’adoption de la décision en question.
53 Il ressort de ce considérant que la Commission a, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, identifié les indices lui permettant d’apprécier la récidive des requérantes.
54 En particulier, la Commission a tenu compte du fait que la première requérante avait commis deux infractions constitutives d’une violation à l’article 101 TFUE, séparées par un laps de temps relativement bref, ce qui suffit à témoigner d’une propension à s’affranchir des règles de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C 3/06 P, EU:C:2007:88, point 40).
55 En ce qui concerne le choix du taux de majoration, c’est à tort que les requérantes font valoir que la Commission ne pouvait justifier le choix de ce taux en se fondant sur les mêmes éléments que ceux mentionnés pour apprécier l’existence d’une récidive. En effet, pour choisir le taux de majoration pour cause de récidive, la Commission doit apprécier les indices qui permettent de caractériser une telle récidive et, en particulier, le temps écoulé entre l’infraction en cause et le précédent manquement aux règles de concurrence, conformément à la jurisprudence citée au point 50 ci-dessus.
56 S’il est loisible à la Commission de prendre en compte d’autres indices aux fins de l’analyse de la récidive et du choix du taux de majoration, une telle prise en compte relève de son pouvoir d’appréciation, conformément à la jurisprudence citée aux points 48 à 50 ci-dessus. En considérant, en l’espèce, que les circonstances spécifiques de l’infraction faisant l’objet de la décision relative à l’entente AMCA, mises en exergue par les requérantes, n’étaient pas pertinentes, la Commission a donc exercé son pouvoir d’appréciation.
57 Par ailleurs, les requérantes ne peuvent utilement invoquer le fait que la Commission n’a pas déterminé le taux de majoration de 50 % en fonction de la gravité particulière de l’infraction. En effet, cette dernière a précisément pris en compte la période limitée s’étant écoulée entre l’adoption de la décision relative à l’entente AMCA et le commencement du comportement incriminé en l’espèce. Or, l’appréciation du temps écoulé entre le constat d’une infraction précédente et la nouvelle infraction dépend de la situation d’espèce, de sorte que cet indice permet à la Commission d’analyser la gravité particulière de la récidive dans chaque cas donné.
58 Dans la mesure où les requérantes font valoir que le considérant 138 de la décision attaquée ne contient pas de raisonnement explicite justifiant les raisons pour lesquelles la Commission a considéré certaines circonstances entourant l’infraction commise dans le cadre de l’entente AMCA comme étant non pertinentes, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que cet argument vise à invoquer un défaut de motivation de la décision attaquée. Il sera donc analysé dans le cadre de la troisième branche du premier moyen.
59 Les requérantes avancent encore, en substance, que la Commission viole les principes de proportionnalité, d’égalité de traitement, de confiance légitime et de sécurité juridique, dans la mesure où il ressortirait de sa pratique décisionnelle relative à la récidive qu’elle ne tient compte que du nombre d’infractions antérieures et impose un taux de majoration de 50 % à tous les cas de première récidive, sans tenir compte de la première moitié de la fourchette de majoration prévue au paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes. La ligne de conduite de la Commission ne permettrait pas une évaluation au cas par cas de la gravité particulière d’une infraction.
60 Toutefois, il convient de constater que cette argumentation s’appuie sur une analyse de la pratique décisionnelle de la Commission. Or, la Cour a itérativement jugé que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique pour les amendes en matière de concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires ont un caractère purement indicatif en ce qui concerne l’existence de discriminations (arrêt du 26 janvier 2017, Zucchetti Rubinetteria/Commission, C 618/13 P, EU:C:2017:48, point 38).
61 En tout état de cause, premièrement, il a été constaté que, bien que la prise en compte d’autres indices ne soit pas exclue, le temps écoulé entre deux infractions identiques ou similaires permet à la Commission d’apprécier la récidive d’une entreprise dans un cas donné et ainsi de déterminer le taux de majoration approprié, conformément au principe de proportionnalité.
62 Deuxièmement, s’agissant de la violation du principe d’égalité de traitement, il convient de rappeler que ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 24 septembre 2020, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi/Commission, C 601/18 P, EU:C:2020:751, point 101 et jurisprudence citée). Étant donné que les requérantes invoquent la violation dudit principe, il leur importe de préciser et de démontrer quelle est la situation comparable à une autre situation qui a été traitée de manière différente ou quelle est la situation différente par rapport à une autre qui a été traitée de manière identique [arrêt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T 31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 311 ; voir également, en ce sens, arrêt du 28 mai 2020, Agrochem-Maks/Commission, T 574/18, EU:T:2020:226, point 105 (non publié)]. Or, les requérantes se réfèrent à des décisions de la Commission sans expliquer si les circonstances de ces affaires étaient semblables à celles de la présente affaire ou différentes.
63 Troisièmement, s’agissant de la violation des principes de confiance légitime et de sécurité juridique, il suffit de relever que ces allégations ne sont pas étayées.
64 Eu égard à ce qui précède, il convient de relever que la Commission a exercé son pouvoir d’appréciation lorsqu’elle a constaté la récidive et décidé de majorer le montant de base de l’amende de 50 %. En outre, dans le cadre de cet exercice, elle n’a pas méconnu les principes de proportionnalité, d’égalité de traitement, de confiance légitime et de sécurité juridique.
65 Il convient donc de rejeter la première branche du premier moyen.
b) Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de la qualification erronée des requérantes de récidivistes
66 Les requérantes soutiennent que l’appréciation de la Commission relative à l’existence d’une récidive est entachée d’erreurs de droit et avancent à cet égard, en substance, quatre griefs, que la Commission conteste.
1) Sur le premier grief, relatif à l’absence de similitude entre l’infraction commise dans le cadre de l’entente AMCA et l’infraction en cause en l’espèce
67 Les requérantes allèguent que la Commission a commis une erreur de droit en constatant que l’infraction commise dans le cadre de l’entente AMCA et l’infraction en cause en l’espèce constituaient des infractions identiques ou similaires au sens du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes.
68 Selon les requérantes, la Commission aurait dû procéder à une comparaison détaillée des deux infractions en cause, dont la nature et les caractéristiques différaient sensiblement. L’entente AMCA aurait consisté en une entente en matière de ventes visant à la mise en œuvre d’augmentations des prix de vente en aval, par le biais d’annonces concertées du prix de vente final. L’objectif principal de ladite entente était de maintenir les parts de marché de ses participantes au moyen d’un système de répartition des volumes et des clients, accompagné d’un mécanisme de compensation pour garantir le respect en pratique des quotas de volume convenus. L’échange d’informations sur les prix de vente était accessoire au regard de l’objectif principal de cette entente.
69 En revanche, l’entente en cause en l’espèce porterait sur l’achat en amont d’une matière première. Contrairement à l’entente AMCA, l’achat d’éthylène aurait été soumis à une procédure de négociation sur le marché libre, au cours de laquelle les vendeurs pouvaient choisir parmi un grand nombre d’acheteurs. Le comportement incriminé n’aurait inclus aucun élément de répartition du marché ou des clients et les participantes à l’entente n’auraient eu aucun contact concernant leurs activités de vente en aval respectives. En outre, le comportement infractionnel en cause en l’espèce serait né de circonstances uniques, différentes de celles de l’entente AMCA. Par exemple, ce comportement aurait découlé d’une coopération licite en matière d’achat qui existait entre trois desdites participantes en raison de liens structurels et contractuels.
70 Dans la décision attaquée, la Commission a constaté que les deux infractions en cause pour lesquelles la première requérante et ses filiales ont été tenues pour responsables constituaient des violations de l’article 101 TFUE, de sorte qu’elles devaient être considérées comme étant similaires au sens du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes.
71 Cette appréciation est exempte d’erreur. En effet, selon la jurisprudence, des infractions sont similaires, ou de même type, aux fins d’établir un constat de récidive, dès lors qu’elles consistent en une violation de l’article 101 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T 101/05 et T 111/05, EU:T:2007:380, point 64, et du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, T 161/05, EU:T:2009:366, point 147).
72 Certes, l’infraction commise dans le cadre de l’entente AMCA consistait en une entente en matière de ventes visant à la mise en œuvre d’augmentations des prix de vente en aval, tandis que l’infraction en cause en l’espèce consistait en une entente en matière d’achats visant à obtenir un niveau bas du prix d’achat d’une matière première, à savoir l’éthylène. Toutefois, il suffit de constater que, dans les deux cas, la première requérante et ses filiales ont participé à une entente interdite par l’article 101 TFUE.
73 De plus, ainsi que la Commission le fait valoir, les deux infractions en cause présentaient bien des caractéristiques communes. En effet, le dispositif de la décision relative à l’entente AMCA énonce que la première requérante est tenue pour responsable d’une violation de l’article 101 TFUE, notamment, en ayant augmenté les prix de façon concertée et en ayant échangé des informations sur les volumes de vente et les prix. Le dispositif de la décision attaquée mentionne que les requérantes ont enfreint l’article 101 TFUE en raison de leur participation à une infraction consistant, notamment, en la fixation d’un élément de prix et en l’échange d’informations commercialement sensibles et relatives à la fixation de prix. Il ressort également de cette dernière décision que l’objectif du comportement infractionnel était d’influencer les négociations en vue des transactions sur le PCM afin d’obtenir le prix d’achat le plus bas possible de l’éthylène. Il s’ensuit que les pratiques de fixation de prix ou d’un élément de prix de manière concertée et d’échange d’informations sur les prix se retrouvent dans les deux ententes auxquelles la première requérante et ses filiales ont participé.
74 Par ailleurs, au regard de la jurisprudence citée au point 71 ci-dessus, le fait que le comportement incriminé en l’espèce serait né de circonstances uniques et, notamment, d’une coopération licite entre certaines participantes est dénué de pertinence pour l’appréciation de la répétition d’infractions similaires.
75 Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur en constatant la répétition d’une infraction similaire au sens du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes.
2) Sur le deuxième grief, relatif au laps de temps séparant les deux infractions
76 Les requérantes estiment que le point de départ à retenir pour déterminer le temps écoulé entre l’infraction en cause en l’espèce et l’infraction antérieure serait le moment où Clariant GmbH a activement et de sa propre initiative mis fin à l’infraction commise dans le cadre de l’entente AMCA et a demandé la clémence. Selon cette logique, plus de douze ans se seraient écoulés entre les deux infractions, de sorte que les requérantes n’auraient pas montré une tendance particulière à enfreindre les règles de concurrence.
77 Il ressortirait, notamment, de l’arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission (C 413/08 P, EU:C:2010:346), que la Commission doit tenir compte du moment de l’infraction effective en tant que point de départ pour déterminer le temps écoulé entre les deux infractions, plutôt que le moment de la première constatation de l’infraction. Pour des raisons d’équité et de proportionnalité, la durée de la procédure administrative relative à l’infraction antérieure ne devrait pas être prise en compte.
78 Dans la décision attaquée, la Commission a constaté que le comportement infractionnel des requérantes avait commencé le 26 décembre 2011, c’est-à-dire après l’adoption de la décision AMCA le 19 janvier 2005, et qu’une période de temps limitée s’était ainsi écoulée entre ces deux dates.
79 Cette appréciation est exempte d’erreurs. En effet, selon la jurisprudence citée au point 49 ci-dessus, la Commission peut prendre en considération, par exemple, le temps qui s’est écoulé entre les infractions en tant qu’indice de la récidive.
80 En particulier, il a été jugé qu’un laps de temps de moins de dix ans séparant les infractions témoignait de la propension d’une entreprise à ne pas tirer les conséquences appropriées d’un constat à son égard d’une infraction aux règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C 3/06 P, EU:C:2007:88, point 40, et du 29 septembre 2021, Nec/Commission, T 341/18, EU:T:2021:634, point 105).
81 Étant donné que le comportement des requérantes, s’agissant de l’entente en cause en l’espèce, a débuté presque sept ans après l’adoption de la décision AMCA, c’est à bon droit que la Commission a constaté que ce laps de temps, plutôt bref, témoignait d’une propension des requérantes à ne pas tirer les conséquences appropriées du constat de l’infraction aux règles de concurrence figurant dans ladite décision.
82 Les requérantes font valoir que le point de départ à retenir pour déterminer le temps écoulé entre les deux infractions en cause doit être le moment où Clariant GmbH a activement et de sa propre initiative mis fin à l’infraction commise dans le cadre de l’entente AMCA et a demandé la clémence, plutôt que le moment de la constatation de l’infraction dans la décision relative à ladite entente.
83 Toutefois, il convient de rappeler que la prise en compte de la récidive se justifie par le besoin de dissuasion supplémentaire dont témoigne le fait qu’un constat d’infraction antérieure n’a pas suffi à empêcher la réitération d’une infraction. Ainsi, la récidive est nécessairement constituée postérieurement au constat et à la sanction de la première infraction, puisqu’elle s’explique par le fait que cette sanction n’a pas été suffisamment dissuasive (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T 53/03, EU:T:2008:254, point 392, et du 7 juin 2011, Arkema France e.a./Commission, T 217/06, EU:T:2011:251, point 299).
84 En outre, il ressort du libellé du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes que la récidive est constituée par la poursuite ou la répétition d’une infraction identique ou similaire après que la Commission ou une autorité nationale de concurrence a « constaté » que l’entreprise concernée a enfreint les dispositions de l’article 101 ou 102 TFUE. Si, certes, les lignes directrices ne constituent pas le fondement juridique d’une décision infligeant des amendes, cette dernière se fondant sur le règlement no 1/2003, elles déterminent, de manière générale et abstraite, la méthode que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes infligées par cette décision et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (voir arrêt du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T 11/06, EU:T:2011:560, point 71 et jurisprudence citée).
85 C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a pris en compte la date de la décision AMCA, par laquelle elle a constaté que la première requérante et Clariant GmbH avaient commis une infraction aux règles de concurrence, comme point de départ pour apprécier le temps écoulé depuis le constat de la première infraction.
86 Il convient encore de relever que, pour étayer leur grief, les requérantes se fondent sur une lecture erronée du point 70 de l’arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission (C 413/08 P, EU:C:2010:346). La Cour a jugé, à ce point, que le juge de l’Union pouvait être appelé « à vérifier si la Commission a[vait] respecté [le] principe [de proportionnalité] lorsqu’elle a[vait] majoré, au titre de la récidive, l’amende infligée, et, en particulier, si une telle majoration s’imposait notamment au regard du temps écoulé entre l’infraction en cause et le précédent manquement aux règles de concurrence ». Or, c’est à tort que les requérantes déduisent des termes « précédent manquement aux règles de concurrence » l’enseignement selon lequel le point de départ à retenir pour déterminer le temps qui s’est écoulé entre deux infractions est le moment de la mise en œuvre du comportement infractionnel antérieur. En effet, au point 86 de l’arrêt susmentionné, la Cour a jugé que « [l]a conclusion du Tribunal selon laquelle il suffi[sai]t que l’entreprise ait été préalablement considérée comme [étant] coupable d’une infraction du même type, même si la décision [étai]t encore soumise à un contrôle juridictionnel, pour que la Commission puisse tenir compte de la récidive[, était] fondée en droit ». Il ressort de ce dernier point que c’est le constat de la responsabilité d’une entreprise pour une infraction antérieure qui est déterminant pour l’analyse de la récidive.
87 Par ailleurs, le moment où Clariant GmbH a mis fin à l’infraction commise dans le cadre de l’entente AMCA et a demandé la clémence ne peut être considéré comme étant équivalant à un constat d’infraction antérieure, dans la mesure où la Commission ne s’était pas encore prononcée, à ce stade, sur le caractère anticoncurrentiel du comportement en cause ni sur la responsabilité de la première requérante et de Clariant GmbH. En effet, une demande d’immunité ne fait que permettre la constatation d’une infraction à l’article 101 TFUE par la Commission dans sa décision finale (voir paragraphes 8 et 11 de la communication sur la coopération) [voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2016, DHL Express (Italy) et DHL Global Forwarding (Italy), C 428/14, EU:C:2016:27, point 54].
88 Enfin, la circonstance selon laquelle la procédure administrative relative à l’infraction antérieure a duré plusieurs années est dénuée de pertinence s’agissant du constat de récidive en l’espèce, dans la mesure où le point de départ qu’il convient de retenir pour ce constat est celui de la décision relative à l’entente AMCA.
89 C’est donc à bon droit que la Commission a conclu qu’une période de temps limitée s’était écoulée entre l’adoption de la décision relative à l’entente AMCA et le commencement du comportement incriminé en l’espèce.
3) Sur le troisième grief, relatif à l’absence d’imposition d’une sanction pécuniaire antérieure
90 Les requérantes font valoir que la raison d’être d’une majoration de l’amende pour cause de récidive est intrinsèquement liée à l’échec de l’effet dissuasif d’une sanction pécuniaire antérieure. Il s’ensuivrait que l’inexistence d’une amende antérieure devrait être prise en compte lors de l’examen des circonstances particulières d’une affaire et du niveau de dissuasion nécessaire. Les requérantes ne seraient pas des entreprises ayant fait l’objet d’une sanction pécuniaire. Le montant de base de l’amende infligée serait en soi suffisamment dissuasif, sans qu’une majoration soit justifiée.
91 À cet égard, il suffit de constater que, selon la jurisprudence, la notion de « récidive » n’implique pas nécessairement le constat d’une sanction pécuniaire préalable, mais seulement celui d’une infraction préalable au droit de l’Union de la concurrence (arrêts du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T 38/02, EU:T:2005:367, point 363, et du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T 53/03, EU:T:2008:254, point 387).
92 En effet, la prise en compte de la récidive vise à inciter les entreprises qui ont manifesté une propension à s’affranchir des règles de concurrence à modifier leur comportement, dès lors qu’il s’avère qu’un précédent constat d’infraction de sa part n’a pas suffi à prévenir la réitération d’un comportement infractionnel. Ainsi, l’élément déterminant de la récidive n’est pas l’imposition préalable d’une amende, et a fortiori le montant de celle-ci, mais le constat préalable d’une infraction (arrêt du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T 53/03, EU:T:2008:254, point 388).
93 Dès lors, le fait que les requérantes ne se sont pas vu infliger d’amende dans la décision relative à l’entente AMCA n’est pas susceptible de remettre en cause l’application du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes à leur égard.
4) Sur le quatrième grief, relatif à l’absence de prise en compte d’autres circonstances
94 Les requérantes soutiennent que la Commission et les juridictions de l’Union ont déjà tenu compte d’autres circonstances dans le cadre de l’évaluation globale de la propension d’une entreprise à enfreindre les règles de concurrence. Selon elles, si de telles circonstances avaient été prises en compte par la Commission, cette dernière ne les aurait pas qualifiées de récidivistes.
95 Toutefois, ainsi qu’il résulte de l’examen de la première branche du premier moyen, le constat et l’appréciation des caractéristiques spécifiques d’une récidive font partie du pouvoir d’appréciation de la Commission. Cette dernière pouvait, à bon droit, se limiter à constater que les requérantes avaient commis deux infractions, constitutives d’une violation de l’article 101 TFUE, séparées par un laps de temps relativement bref, et considérer que les circonstances mises en exergue par les requérantes n’étaient pas pertinentes.
96 Les griefs invoqués par les requérantes devant être rejetés, la deuxième branche du premier moyen ne saurait être accueillie.
c) Sur la troisième branche du premier moyen, tirée du défaut de motivation
97 Les requérantes soutiennent que la Commission a appliqué une augmentation standard de 50 % du montant de base de l’amende sans fournir de motivation du choix de ce taux et en ignorant les arguments détaillés qu’elles avaient soumis au cours de la procédure administrative.
98 Les requérantes se réfèrent aux arrêts du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T 95/15, EU:T:2016:722, point 55), et du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission (T 105/17, EU:T:2019:675, point 351), dans lesquels le Tribunal aurait enjoint à la Commission de motiver le montant précis des ajustements qu’elle avait effectués.
99 La Commission réfute les arguments des requérantes.
100 Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte incriminé, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences fixées à l’article 296 TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C 367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 ; du 10 juillet 2019, Commission/Icap e.a., C 39/18 P, EU:C:2019:584, point 23, et du 16 juin 2022, Sony Optiarc et Sony Optiarc America/Commission, C 698/19 P, EU:C:2022:480, point 79).
101 En l’espèce, force est de constater que la Commission a exposé, de manière détaillée, au considérant 138 de la décision attaquée, les raisons qui l’ont conduite à retenir la récidive en ce qui concerne les requérantes (voir point 52 ci-dessus).
102 D’ailleurs, ces considérations ont permis aux requérantes de connaître le raisonnement de la Commission et de le contester devant le Tribunal ainsi qu’à ce dernier d’en vérifier le bien-fondé.
103 En outre, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la Commission ne devait pas expliquer, au titre de l’obligation de motivation, dans la décision attaquée, pourquoi, parmi les différents taux de majoration possibles, elle avait choisi un taux de majoration pour récidive de 50 % (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2014, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, T 391/09, non publié, EU:T:2014:22, point 164 et jurisprudence citée).
104 Par ailleurs, comme le relève à bon droit la Commission, les arrêts du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T 95/15, EU:T:2016:722), et du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission (T 105/17, EU:T:2019:675), ne sont pas pertinents. En effet, dans le premier de ces arrêts, le Tribunal a constaté un défaut de motivation entourant l’application de taux de réduction du montant de base des amendes, qui différaient selon les entreprises concernées, en soulignant que la Commission s’était écartée de sa méthode générale exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes et que l’obligation de motivation s’imposait donc avec plus de vigueur. Dans le second de ces arrêts, il a constaté un défaut de motivation s’agissant de la détermination d’un facteur de réduction, en soulignant que, sans s’écarter de la méthode générale, la Commission avait néanmoins choisi une valeur de remplacement spécifique pour déterminer la valeur des ventes, dans la mesure où les entreprises ne généraient pas de ventes au sens usuel du terme.
105 Or, en l’espèce, la Commission a appliqué le paragraphe 28 des lignes directrices sur le calcul des amendes, sans s’écarter des critères qui y étaient prévus, et en appliquant un taux de majoration situé dans la fourchette explicitement mentionnée audit paragraphe. Il ne peut donc être tiré aucune analogie pertinente avec les arrêts cités au point 104 ci-dessus.
106 Il convient dès lors de rejeter la troisième branche du premier moyen et, partant, ce moyen dans son ensemble.
2. Sur le deuxième moyen, tiré de ce que la Commission a erronément majoré le montant de base de l’amende au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes
107 À titre liminaire, il convient de relever que, selon les paragraphes 9 à 12 et 19 des lignes directrices pour le calcul des amendes, « [s]ans préjudice du [paragraphe] 37 [desdites lignes], la Commission utilisera la méthod[e] suivante, comportant deux étapes, pour la fixation de l’amende à imposer aux entreprises ». En « premier lieu, la Commission déterminera un montant de base pour chaque entreprise » et, en « second lieu, elle pourra ajuster ce montant de base, à la hausse ou à la baisse », étant précisé que le montant de base de l’amende devra être « lié à une proportion de la valeur des ventes, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction ».
108 Le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes prévoit que, « [e]n vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte [...] avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’[Espace économique européen (EEE)] ».
109 Le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes a pour objectif de retenir, en principe, comme point de départ pour le calcul du montant de l’amende infligée à une entreprise, un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de cette entreprise dans celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C 194/14 P, EU:C:2015:717, point 64, et du 26 janvier 2017, Zucchetti Rubinetteria/Commission, C 618/13 P, EU:C:2017:48, point 57).
110 Selon le paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, « [b]ien que les[dites l]ignes directrices exposent la méthod[e] générale pour la fixation d’amendes, les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière peuvent justifier que la Commission s’écarte de cette méthod[e] ».
111 Le deuxième moyen s’articule en trois branches, tirées, la première, d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et des principes de proportionnalité et de bonne administration au motif que la Commission n’a pas exercé son pouvoir d’appréciation lors de l’application du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, la deuxième, d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et des principes de proportionnalité, de confiance légitime et de sécurité juridique par l’application erronée d’une majoration en vertu dudit paragraphe et, la troisième, d’une violation de l’obligation de motivation.
a) Sur la première branche du deuxième moyen, tirée du défaut d’exercice, par la Commission, de son pouvoir d’appréciation
112 Les requérantes reprochent, en substance, à la Commission d’avoir appliqué le paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes de façon mécanique, sans exercer son pouvoir discrétionnaire.
113 Les requérantes soutiennent que, dans la décision attaquée, la Commission s’est fondée sur une hypothèse générale et non prouvée selon laquelle il serait peu probable que la valeur des achats reflète l’impact économique des ententes d’achat. Elles affirment que, au cours de la procédure administrative, elles ont pourtant fourni de nombreux éléments de preuve démontrant que, en raison des circonstances spécifiques de l’affaire et du marché concerné, il n’y avait jamais eu de perspective plausible que le comportement incriminé ait la moindre incidence significative sur ce marché. La Commission n’aurait toutefois pas tenu compte de ces éléments.
114 En outre, les requérantes reprochent à la Commission de s’être bornée à se référer à sa pratique antérieure, alors que le paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes n’aurait été appliqué que dans un seul cas relatif à une infraction sur un marché d’achat, dont les faits différeraient sensiblement de ceux de la présente affaire. La Commission n’aurait donc pas agi avec soin et impartialité conformément au principe de bonne administration et n’aurait pas exercé son pouvoir discrétionnaire.
115 Les requérantes soutiennent que le défaut d’appréciation de la Commission s’étend également au choix du taux de majoration de l’amende, dans la mesure où elle n’aurait pas expliqué ce choix et se serait contentée de mentionner, dans la décision attaquée, qu’une majoration de 10 % était conforme à sa pratique antérieure, sans tenir compte des particularités du cas d’espèce.
116 La Commission conteste les arguments des requérantes.
117 Il convient de rappeler que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la méthode de calcul des amendes en cas de violation des règles de l’Union en matière de concurrence. Cette méthode comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1/2003 [voir arrêt du 1er août 2022, Daimler (Ententes – Camions à ordures ménagères), C 588/20, EU:C:2022:607, point 58 et jurisprudence citée].
118 Si l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 laisse à la Commission une marge d’appréciation, il en limite néanmoins l’exercice en instaurant des critères objectifs auxquels celle-ci doit se conformer. Ainsi, notamment, l’exercice de ce pouvoir d’appréciation est limité par les règles de conduite que la Commission s’est elle-même imposées [voir, en ce sens, arrêt du 1er août 2022, Daimler (Ententes – Camions à ordures ménagères), C 588/20, EU:C:2022:607, point 59 et jurisprudence citée].
119 Dans ce contexte, il résulte des points 107 à 110 ci-dessus que, dans le cadre de la méthode générale fixée par les lignes directrices pour le calcul des amendes, la Commission utilise la valeur des ventes comme point de départ pour le calcul du montant de l’amende infligée à une entreprise, afin de retenir, en principe, un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de cette entreprise dans celle-ci. Cela étant, le paragraphe 37 desdites lignes directrices lui permet de s’écarter de la méthode générale lorsque les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière le justifient.
120 En l’espèce, aux considérants 116 à 118 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, étant donné que l’infraction relative à l’éthylène constituait une entente en matière d’achats et que les participantes n’étaient pas toutes présentes sur le(s) même(s) marché(s) en aval, il convenait, selon elle, de calculer le montant de base de l’amende à partir de la valeur des achats plutôt qu’à partir de la valeur des ventes des produits vendus sur les marchés en aval.
121 Aux considérants 141 à 148 de la décision attaquée, la Commission a estimé qu’une majoration du montant de base de l’amende était justifiée au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Elle a indiqué ce qui suit :
– selon le paragraphe 5 des lignes directrices pour le calcul des amendes, afin d’atteindre les objectifs d’effet dissuasif spécifique et d’effet dissuasif général, il était approprié de se référer, pour la détermination des amendes, à la valeur des ventes de biens ou de services liées à l’infraction (considérant 141 de la décision attaquée)
– le mécanisme prévu par la méthode générale pour la fixation du montant des amendes était tel que plus une entente en matière de ventes était mise en œuvre avec succès, plus la valeur des ventes était élevée et, partant, le montant de l’amende. Selon le paragraphe 6 desdites lignes directrices, la combinaison de la valeur des ventes faisant l’objet de l’infraction avec la durée de celle-ci était considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à celle-ci (considérant 142 de la décision attaquée) ;
– or, l’infraction en cause en l’espèce ne concernait pas une entente sur les prix de vente, mais sur les prix d’achat. L’objectif inhérent d’une telle entente n’était pas d’obtenir une augmentation du prix (d’achat), mais, au contraire, d’obtenir une réduction de celui-ci ou d’empêcher son augmentation ; la fixation du montant de base de l’amende en prenant en compte la valeur des achats aboutissait à une situation dans laquelle le montant de l’amende était inversement proportionné à l’objectif du cartel : plus une telle entente était mise en œuvre avec succès, moins le montant de la valeur des achats était élevé et, partant, le montant de l’amende (considérant 143 de la décision attaquée). Il était donc inhérent au fait que l’entente en cause est une entente en matière d’achats que la valeur des achats n’était pas en soi susceptible de constituer une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction. Cela était également dû au fait que, normalement, pour une entreprise en activité, les achats sont moins élevés que les ventes en termes de valeur, ce qui entraîne un point de départ systématiquement inférieur pour la détermination du montant de base de l’amende (considérant 144 de la décision attaquée) ;
– dès lors, l’application de la méthode générale prévue par ces lignes directrices sans procéder au moindre ajustement, ne permettait pas d’assurer un effet dissuasif suffisant, lequel n’était pas seulement nécessaire pour sanctionner les entreprises concernées par la décision attaquée (dissuasion spécifique), mais également pour empêcher que d’autres entreprises ne s’engagent dans le même type de comportement (dissuasion générale) (considérant 145 de la décision attaquée) ;
– afin de tenir compte de cette particularité et d’assurer un effet dissuasif suffisant, il était approprié d’appliquer, conformément à la pratique antérieure, une majoration de l’amende de 10 % à toutes les entreprises concernées (considérant 146 de la décision attaquée) ;
– conformément à la jurisprudence, la majoration de l’amende au titre du paragraphe 37 des mêmes lignes directrices n’était pas subordonnée à la démonstration préalable d’éventuels effets réels du comportement incriminé sur le marché (considérant 147 de la décision attaquée) ;
– il a été tenu compte de la position spécifique de chaque partie tant lors de la détermination du montant de base, puisque la valeur des achats était différente pour chaque partie, que lors du calcul de la durée de leur participation (considérant 148 de la décision attaquée).
122 La Commission a donc dûment exercé son pouvoir d’appréciation. En effet, il résulte des considérations exposées aux points 120 et 121 ci-dessus que la Commission a considéré nécessaire, au titre de ce pouvoir, d’appliquer le paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes dans le cas d’espèce et d’augmenter le montant de base de l’amende de 10 %.
123 À cet égard, la Commission a tenu compte des particularités de l’affaire, à savoir du fait que l’entente en cause était une entente en matière d’achats et que la valeur des achats, prise en compte en lieu et place de la valeur des ventes, n’était pas en soi susceptible de constituer une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction. Elle a également tenu compte de la nécessité d’atteindre un montant dissuasif de l’amende en constatant que, si la méthode générale était appliquée sans le moindre ajustement, l’effet dissuasif ne serait pas assuré.
124 Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas fait usage de son pouvoir discrétionnaire, dans la mesure où elle n’a pas tenu compte de l’absence d’effets du comportement incriminé sur le marché.
125 Toutefois, il suffit de constater que c’est à juste titre que la Commission a rappelé que la majoration de l’amende au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes n’était pas subordonnée à la démonstration préalable d’éventuels effets réels du comportement incriminé sur le marché (arrêt du 7 novembre 2019, Campine et Campine Recycling/Commission, T 240/17, non publié, EU:T:2019:778, point 345).
126 En effet, le paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes a pour objet de permettre à la Commission de s’écarter de la méthode générale, qui peut parfois se révéler inadaptée aux circonstances particulières d’une affaire (voir, en ce sens, arrêts du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C 194/14 P, EU:C:2015:717, points 65 à 67, et du 10 juillet 2019, Commission/Icap e.a., C 39/18 P, EU:C:2019:584, point 27). Pour son application, ledit paragraphe prévoit que les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un effet dissuasif suffisant justifient de se départir de la méthode générale. Or, ces critères ne reposent pas nécessairement sur une analyse des effets de l’infraction sur le marché.
127 Les requérantes ne peuvent donc valablement reprocher à la Commission de n’avoir pas fait usage de son pouvoir discrétionnaire en ne procédant pas à l’analyse des effets du comportement infractionnel des participantes à l’entente sur le prix de l’éthylène.
128 Par ailleurs, le fait que la Commission a suivi la même approche que celle mise en œuvre dans la décision C(2017) 900 final de la Commission, du 8 février 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE (affaire AT.40018 – Recyclage de batteries automobiles) (ci-après la « décision relative au recyclage de batteries automobiles »), examinée par le Tribunal dans les arrêts du 23 mai 2019, Recylex e.a./Commission (T 222/17, EU:T:2019:356), et du 7 novembre 2019, Campine et Campine Recycling/Commission (T 240/17, non publié, EU:T:2019:778), ne constitue pas un défaut d’exercice de son pouvoir discrétionnaire ni une violation du principe de bonne administration. En effet, la Commission ne s’est pas bornée à se référer à cette décision ou à ces arrêts, mais a exposé quelles étaient les particularités de l’affaire donnée et en quoi ces particularités ne permettaient pas d’atteindre un effet dissuasif suffisant.
129 Il en va de même en ce qui concerne le choix du taux de majoration appliqué. En effet, la Commission ne s’est pas contentée de constater que la majoration de 10 % était conforme à sa pratique antérieure, mais a exposé les particularités de l’affaire donnée et la nécessité d’atteindre un effet dissuasif suffisant l’ayant conduite à ajuster le montant de base de l’amende en l’augmentant de 10 % en application du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Elle a ainsi fait usage de son pouvoir discrétionnaire.
130 En ce que les requérantes considèrent que la Commission n’a pas suffisamment explicité le choix du taux de majoration, il convient de constater que cet argument vise à invoquer un défaut de motivation de la décision attaquée et doit être rejeté pour les raisons exposées dans le cadre de la troisième branche du deuxième moyen.
131 Sur le fondement de ce qui précède, il convient de rejeter la première branche du deuxième moyen.
b) Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de l’application erronée de la majoration en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes
132 Il convient de rappeler que, dans les domaines où la Commission a conservé une marge d’appréciation, le contrôle de la légalité opéré sur ces appréciations se limite à celui de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation (arrêts du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T 241/01, EU:T:2005:296, points 64 et 79, et du 19 mai 2010, IMI e.a./Commission, T 18/05, EU:T:2010:202, point 120).
133 Les requérantes soutiennent que l’appréciation relative à l’ajustement du montant de base de l’amende au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, exposée aux considérants 141 à 148 de la décision attaquée, est entachée d’erreurs et avancent à cet égard cinq griefs, que la Commission conteste.
1) Sur le premier grief, tiré du fait que la valeur des achats ne comporte pas de sous-estimation de l’importance économique de l’infraction dans la présente affaire
134 Les requérantes soutiennent qu’il n’y aurait jamais eu de perspective plausible que le comportement infractionnel en cause puisse avoir la moindre incidence significative sur la valeur d’achat de l’éthylène, ce qui serait démontré par une analyse économique fournie à la Commission au cours de la procédure administrative.
135 Il ressortirait, notamment, de l’analyse économique en cause, tout d’abord, que, étant donné le nombre plus important d’acheteurs que de fournisseurs sur le marché de l’éthylène, un petit groupe d’acheteurs ne serait pas en mesure de contrôler le résultat des transactions sur le PCM. Ensuite, le prix de l’éthylène n’aurait pas simplement suivi celui du naphte, qui constitue le principal facteur de coût de l’éthylène, mais aurait constamment augmenté au fil des années, y compris pendant la période d’infraction. Enfin, les transactions sur le PCM suivraient généralement les prévisions publiées par l’un des organismes de notification privé et indépendant. Le fait que les transactions finales sur le PCM se situaient presque toujours dans la fourchette prévue par cet organisme démontrerait que ces transactions ont été conclues à des montants objectivement appropriés et conformes aux données du marché.
136 Au vu de ces éléments, les requérantes remettent en cause le fondement du raisonnement de la Commission, en ce qu’elle a constaté que la valeur des achats comportait une sous-estimation de l’importance économique de l’infraction en cause en l’espèce.
137 Toutefois, le présent grief procède d’une lecture erronée de la décision attaquée.
138 En effet, ainsi qu’il ressort du point 120 ci-dessus, la Commission a considéré que l’infraction en cause en l’espèce constituait une entente en matière d’achats et qu’il convenait de calculer le montant de base de l’amende à partir de la valeur des achats, ce que les requérantes ne contestent pas.
139 Ainsi qu’il ressort, en substance, du point 121 ci-dessus, la Commission a ensuite constaté qu’il était peu probable que la valeur des achats constitue, en soi, une valeur de remplacement appropriée reflétant l’importance économique de l’infraction. À cet égard, elle a expliqué, d’une part, que l’objectif d’une entente en matière d’achats était d’obtenir une réduction du prix d’achat ou d’empêcher l’augmentation de ce dernier, de sorte que la prise en compte de la valeur des achats aurait abouti à une situation où le montant de l’amende serait inversement proportionnel à l’objectif du cartel. D’autre part, elle a constaté que, pour une entreprise en activité, les achats étaient en principe moins élevés que les ventes en termes de valeur, ce qui entraînait un point de départ systématiquement inférieur pour la détermination du montant de base de l’amende.
140 Dès lors, le raisonnement de la Commission ne se fonde pas sur le fait que l’entente en cause a été fructueuse et a permis de réduire le prix d’achat de l’éthylène, de sorte que la prise en compte de la valeur des achats ne constituait pas un paramètre approprié pour le calcul du montant de l’amende. Il se fonde sur le fait que, indépendamment des effets de l’infraction sur le marché, il est inhérent aux ententes en matière d’achats que la prise en compte de la valeur des achats ne peut constituer, en soi, une valeur qui permet de refléter l’importance économique de l’infraction. La conclusion selon laquelle la valeur des achats comportait une sous-estimation de l’importance économique de l’infraction en cause en l’espèce ne repose donc pas sur les effets du comportement infractionnel sur le marché, mais sur le caractère imparfait de la valeur des achats, prise en compte aux fins du calcul du montant de l’amende.
141 Cette appréciation est conforme à la jurisprudence selon laquelle la Commission n’est pas obligée, pour l’application du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, de tenir compte des éventuels effets réels du comportement incriminé sur le marché (voir point 125 ci-dessus). L’analyse économique fournie par les requérantes, visant à constater que l’entente en cause n’a pas été efficace et que les participantes à l’entente ne sont pas parvenues à influencer les transactions sur le PCM, ne peut donc remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle la valeur des achats entraîne une sous-estimation de l’importance économique de l’infraction. Les arguments des requérantes doivent ainsi être considérés comme étant inopérants.
2) Sur le deuxième grief, tiré de ce que la majoration du montant de l’amende n’était pas nécessaire pour assurer un effet dissuasif
142 Les requérantes soutiennent que, étant donné que les pratiques en cause n’auraient pas pu générer de bénéfices, l’amende qui leur a été infligée, sans la majoration de 10 % appliquée en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, atteint déjà un montant supérieur à celui des gains hypothétiques qu’elles auraient pu raisonnablement attendre de l’infraction. En outre, la Commission ayant déjà majoré de 15 % l’amende au titre du paragraphe 25 de ces lignes directrices, elle ne pourrait imposer de façon mécanique une majoration additionnelle de 10 % en vertu du paragraphe 37 desdites lignes directrices.
143 Ainsi qu’il ressort du point 121 ci-dessus, la Commission a constaté que, s’il était fait application de la méthode générale prévue par les lignes directrices pour le calcul des amendes, fondée sur la valeur des ventes, sans procéder au moindre ajustement, cela ne permettrait pas d’assurer un effet dissuasif suffisant de l’amende. Cet effet dissuasif était pourtant nécessaire afin de sanctionner les entreprises concernées par la décision attaquée (dissuasion spécifique) et également pour empêcher que d’autres entreprises s’engagent dans le même type de comportement (dissuasion générale), conformément au paragraphe 4 desdites lignes directrices. Cette conclusion découlait, en substance, du caractère imparfait de la valeur des achats pour refléter l’importance économique de l’infraction.
144 Contrairement à ce que suggèrent les requérantes, le raisonnement de la Commission ne repose donc pas sur l’hypothèse selon laquelle l’entente en cause a été fructueuse et a généré des bénéfices pour les requérantes, mais sur le constat que la valeur des achats, en soi, ne permettait pas d’assurer un effet dissuasif suffisant.
145 Il s’ensuit que les éventuels bénéfices que les requérantes pouvaient retirer de l’entente ne sont pas pertinents. À cet égard, il convient également de rappeler qu’il est loisible à la Commission de tenir compte de l’inefficacité de l’entente et donc de l’absence de profits retirés par ses participantes à un autre stade du calcul du montant de l’amende, notamment lors de la fixation des coefficients de gravité. En effet, selon la jurisprudence, parmi les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité des infractions figurent le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement de l’entente, le profit qu’elles ont pu tirer de celle-ci, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour les objectifs de l’Union (voir arrêt du 26 janvier 2017, Roca Sanitario/Commission, C 636/13 P, EU:C:2017:56, point 49 et jurisprudence citée).
146 En ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission a déjà appliqué un pourcentage à des fins de dissuasion au titre du paragraphe 25 des lignes directrices pour le calcul des amendes, de sorte qu’il ne saurait être justifié qu’elle applique une majoration supplémentaire en vertu du paragraphe 37 de ces lignes directrices, il convient de rappeler que ces deux points ont des finalités différentes et peuvent être appliqués de façon concomitante.
147 En effet, le paragraphe 25 des lignes directrices pour le calcul des amendes prévoit la possibilité pour la Commission d’appliquer un montant additionnel afin de dissuader les entreprises de participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, ou même à d’autres infractions, et ce indépendamment de la durée de leur participation à l’infraction. Ce mécanisme vise à dissuader les entreprises de violer le droit de la concurrence, ne serait-ce que pendant une brève période. Quant au paragraphe 37 desdites lignes directrices, il a pour objet de donner à la Commission une certaine flexibilité pour garantir que le montant global de l’amende est suffisamment élevé pour être dissuasif à la lumière des particularités de l’espèce (arrêt du 7 novembre 2019, Campine et Campine Recycling/Commission, T 240/17, non publié, EU:T:2019:778, point 346).
3) Sur le troisième grief, tiré du fait qu’une majoration appliquée à toutes les ententes en matière d’achats entraînerait une dissuasion excessive systématique
148 Les requérantes avancent que, dans le cadre d’ententes en matière de ventes, la méthode appliquée par la Commission conduit à une situation dans laquelle l’amende infligée pour les ententes inefficaces est automatiquement inférieure à celle infligée pour les ententes efficaces. Selon elles, ce mécanisme garantirait que les ententes inefficaces ne soient pas sanctionnées par des amendes disproportionnées. Elles soutiennent que le même mécanisme devrait s’appliquer aux ententes en matière d’achats inefficaces. Or, l’approche de la Commission consistant à appliquer une majoration de 10 % aux ententes en matière d’achats conduirait à une situation dans laquelle les ententes en matière d’achats inefficaces sont systématiquement moins bien traitées que les ententes en matière de ventes inefficaces.
149 Il convient de constater que la comparaison avec les ententes en matière de ventes inefficaces n’est pas pertinente. Certes, s’agissant des ententes en matière de ventes, ces dernières conduisent, en principe, à la détermination d’un montant de base de l’amende qui est lié à la réussite de l’objectif de l’infraction.
150 Cela étant, il convient de constater que, à la différence de ce qui est le cas pour une entente en matière de ventes, la réalisation de l’objectif d’une entente en matière d’achats entraînerait une valeur des achats inférieure à celle qu’elle serait en l’absence de l’infraction, de sorte que l’amende n’aurait pas d’effet dissuasif (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, Campine et Campine Recycling/Commission, T 240/17, non publié, EU:T:2019:778, point 345). En effet, comme la Commission l’a relevé dans la décision attaquée, plus une telle entente est mise en œuvre avec succès, moins le montant de la valeur des achats est élevé et, partant, le montant de l’amende. Ainsi, la valeur des achats n’est pas un point de départ susceptible de refléter l’importance économique de l’infraction au sens de la jurisprudence citée au point 109 ci-dessus.
151 D’autre part, la prise en compte de la valeur des achats, même lorsque l’entente a été inefficace, ne reflète généralement pas l’importance économique de l’infraction. À cet égard, comme l’a relevé la Commission dans la décision attaquée, pour une entreprise en activité, les achats sont, en principe, moins élevés que les ventes en termes de valeur. En réponse à une mesure d’organisation de la procédure, la Commission a précisé, à bon droit, qu’un acteur économique rationnel fixe généralement le prix de vente d’un produit à un niveau plus élevé que le prix d’achat de ce produit ou que le prix d’achat de la matière première utilisée dans le cas d’une vente d’un produit intégré. Dès lors, la valeur des achats est, en principe, mécaniquement inférieure à celle des ventes, ce qui justifie qu’un ajustement soit, le cas échéant, appliqué en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes.
4) Sur le quatrième grief, tiré de l’absence de pertinence de la décision relative au recyclage de batteries automobiles au motif que l’entente en cause n’aurait concerné qu’un élément de prix mineur
152 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir fait référence à la décision relative au recyclage de batteries automobiles pour justifier l’imposition d’une majoration de 10 % du montant de l’amende en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, alors que les circonstances de cette affaire différaient sensiblement de celles de l’espèce. Le comportement en cause ne concernerait qu’une part extrêmement faible de la valeur globale des achats d’éthylène, alors que, dans l’affaire ayant fait l’objet de la décision relative au recyclage de batteries automobiles, les entreprises concernées auraient déterminé conjointement les prix d’achat réels payés aux fournisseurs. En outre, la Commission aurait constaté, dans cette dernière affaire, que les acheteurs étaient composés d’un nombre restreint d’entreprises ayant un pouvoir de marché important, alors que, dans le cas d’espèce, le pouvoir de marché et l’influence sur la fixation des prix n’auraient existé que du côté des vendeurs. Selon les requérantes, le fait que la même majoration de 10 % a été appliquée dans les deux affaires, qui sont pourtant différentes, démontrerait que l’amende qui leur a été infligée n’est pas proportionnelle à l’infraction.
153 Il convient de constater que, dans la décision relative au recyclage de batteries automobiles, qui a fait l’objet des arrêts du 23 mai 2019, Recylex e.a./Commission (T 222/17, EU:T:2019:356), et du 7 novembre 2019, Campine et Campine Recycling/Commission (T 240/17, non publié, EU:T:2019:778), la Commission avait pris en compte, aux fins du calcul du montant de base de l’amende, la valeur des achats en lieu et place de la valeur des ventes et avait appliqué une majoration de 10 % du montant de base de l’amende au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Pour motiver cette majoration, elle avait avancé, d’une part, des considérations relatives aux particularités de l’affaire, à savoir au fait qu’il s’agissait d’une entente en matière d’achats, dans le cadre de laquelle les participantes avaient pour objectif de maintenir les prix d’achat les plus bas possible et pour laquelle la valeur des achats devait être prise en compte aux fins du calcul du montant de l’amende, ainsi que, d’autre part, des considérations relatives à la nécessité d’assurer un effet dissuasif.
154 Il s’ensuit que l’affaire ayant fait l’objet de la décision relative au recyclage de batteries automobiles et la présente affaire présentent des caractéristiques communes. C’est donc de manière pertinente que la Commission y a fait référence dans la décision attaquée.
155 En outre, les requérantes ne sauraient tirer argument d’une comparaison de la part réelle du prix que les participantes ont pu influencer dans l’affaire ayant fait l’objet de la décision relative au recyclage de batteries automobiles et dans la présente affaire. En effet, cette comparaison n’est pas pertinente étant donné qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les effets réels de l’infraction sur le marché pour l’application du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes (voir point 125 ci-dessus).
5) Sur le cinquième grief, tiré de ce que les gains potentiels des ententes en matière d’achats sont moins importants que ceux des ententes en matière de ventes
156 Les requérantes font valoir que la nécessité de dissuasion est intrinsèquement liée aux avantages potentiels qu’une entreprise peut attendre de sa participation à une infraction. Selon elles, les gains potentiels qu’une entreprise pourrait hypothétiquement retirer de sa participation à une entente en matière d’achats seraient, par définition, plus faibles que dans les ententes en matière de ventes et ne sauraient justifier une majoration supplémentaire à des fins dissuasives. Elles critiquent la logique de la Commission selon laquelle toutes les amendes infligées, y compris pour les ententes en matière de ventes, devraient être ajustées en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes afin d’éviter une dissuasion excessive ou insuffisante en fonction de la valeur des produits prise en compte.
157 Toutefois, ainsi qu’il résulte du point 144 ci-dessus, le raisonnement de la Commission ne repose pas sur le fait que l’entente en cause a été fructueuse et a généré des bénéfices pour les requérantes, mais sur le constat selon lequel la valeur des achats, en soi, ne permettait pas d’assurer un effet dissuasif suffisant. La comparaison des gains potentiels que les parties à une entente en matière d’achats, d’une part, et les parties à une entente en matière de ventes, d’autre part, pourraient éventuellement retirer desdites ententes n’est donc pas pertinente.
158 De plus, l’argument des requérantes selon lequel, d’après la logique de la Commission, toute amende, y compris celle infligée dans le cadre d’ententes en matière de ventes, devrait systématiquement être ajustée en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes ne saurait prospérer. En effet, force est de constater que ledit paragraphe ne trouve pas à s’appliquer lorsqu’il n’y a pas lieu de s’écarter de la méthode générale prévue par lesdites lignes directrices, notamment lorsqu’est prise en compte la valeur des ventes dans le cadre d’une entente en matière de ventes, conformément au paragraphe 13 de ces lignes directrices. Le paragraphe 37 desdites lignes directrices n’est appliqué que lorsqu’il est constaté que la méthode générale est inadaptée et qu’il convient de s’en départir, dans la mesure où les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière le requièrent. Il ne saurait donc être constaté que la Commission devrait systématiquement ajuster le montant de l’amende à ce titre.
159 Il résulte de tout ce qui précède que les griefs visant à invoquer des erreurs manifestes d’appréciation lors de l’application du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes doivent être rejetés. Ces arguments ne sauraient davantage démontrer que la majoration de l’amende de 10 % était disproportionnée au regard de l’effet dissuasif recherché.
160 Les requérantes soutiennent encore, en filigrane de leur argumentation, que l’imposition d’une majoration standard pour les ententes en matière d’achats en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes va à l’encontre de l’objectif et du libellé dudit point et est donc contraire aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique. Cependant, force est de constater que ces allégations ne sont pas étayées.
161 La seconde branche du deuxième moyen doit donc être rejetée.
c) Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation
162 Les requérantes soutiennent que la Commission a méconnu son devoir de motivation en n’ayant pas expliqué, dans la décision attaquée, pourquoi les particularités de la présente affaire justifiaient une majoration de l’amende au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes ni pourquoi le taux de cette majoration devait être fixé à 10 %.
163 À cet égard, premièrement, les requérantes soutiennent que le considérant 146 de la décision attaquée se rapporte uniquement à la prétendue nécessité générale d’appliquer une majoration en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes afin d’atteindre un montant dissuasif de l’amende, sans fournir d’explication concernant le taux de majoration spécifique prétendument nécessaire pour l’atteindre.
164 Deuxièmement, la référence, faite par la Commission, au considérant 146 de la décision attaquée, à sa pratique antérieure ne serait pas pertinente, puisque, d’une part, la Commission n’est pas liée par sa pratique antérieure et, d’autre part, une autre affaire, dont les faits divergent de ceux de la présente affaire, ne peut constituer un fondement valable pour justifier une majoration de l’amende, qui doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction en cause en l’espèce.
165 Troisièmement, le raisonnement figurant au considérant 146 de la décision attaquée violerait l’obligation de motivation en ce que la Commission aurait dû expliquer précisément de quelle manière elle avait exercé son pouvoir discrétionnaire, d’autant plus qu’elle avait décidé de s’écarter de sa méthode générale et d’ajuster l’amende en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Un tel raisonnement précis serait impératif dans la mesure où ledit paragraphe ne prévoit pas de fourchette d’ajustement spécifique limitant le pouvoir discrétionnaire de la Commission. Cette dernière aurait dû fournir des raisons claires et précises expliquant pourquoi le taux de majoration choisi était nécessaire au regard des particularités de l’affaire afin d’atteindre un montant dissuasif de l’amende et pourquoi un taux inférieur n’aurait pas suffi.
166 La Commission conteste les arguments des requérantes.
167 Outre les principes rappelés au point 100 ci-dessus, il convient de relever que, lorsque la Commission invoque le paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, elle est tenue d’exposer les raisons lui permettant de considérer que les particularités de l’affaire dont elle est saisie ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif justifient qu’elle s’écarte de la méthode indiquée dans lesdites lignes directrices (arrêt du 10 juillet 2019, Commission/Icap e.a., C 39/18 P, EU:C:2019:584, point 30). À cet égard, les exigences de motivation s’imposent avec d’autant plus de vigueur (arrêts du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T 95/15, EU:T:2016:722, point 48, et du 12 juillet 2019, Hitachi-LG Data Storage et Hitachi-LG Data Storage Korea/Commission, T 1/16, EU:T:2019:514, point 80).
168 En l’espèce, la Commission a exposé, de manière détaillée, aux considérants 141 à 148 de la décision attaquée, les raisons qui l’ont conduite à considérer que les particularités de l’affaire et la nécessité d’atteindre un montant dissuasif de l’amende justifiaient de s’écarter de la méthode générale et d’augmenter ce montant de base de 10 % au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Ainsi qu’il ressort du point 121 ci-dessus, elle a relevé que l’affaire concernait une entente en matière d’achats qui nécessitait la prise en compte de la valeur des achats aux fins du calcul du montant de base de l’amende, cette valeur revêtant toutefois un caractère imparfait aux fins du calcul d’un montant de base qui reflète l’importance économique de l’infraction.
169 D’ailleurs, force est de constater que ces considérations ont permis aux requérantes de comprendre le raisonnement de la Commission et de le contester devant le Tribunal, ainsi qu’à ce dernier d’en vérifier le bien-fondé.
170 En outre, contrairement à ce que laissent entendre les requérantes, de telles considérations ne constituent pas des « préoccupations générales », mais bien des considérations spécifiques à l’affaire donnée, liées à la nature de l’entente en cause, à savoir une entente en matière d’achats.
171 Comme l’a précisé à juste titre la Commission dans sa réponse à une mesure d’organisation de la procédure et lors de l’audience, les particularités d’une affaire donnée au sens du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes peuvent être des particularités liées au type d’entente en cause et ne doivent pas nécessairement être des circonstances uniques au cas d’espèce.
172 Ces considérations étant suffisamment spécifiques et circonstanciées, elles sont donc conformes à l’exigence de motivation renforcée incombant à la Commission pour l’application du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes.
173 S’agissant de la motivation du choix du taux de majoration de 10 % appliqué au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, il ressort, en substance, du considérant 146 de la décision attaquée que, afin de tenir compte des particularités de l’affaire et d’assurer un effet dissuasif suffisant, il était approprié, pour la Commission, d’appliquer, conformément à sa pratique décisionnelle antérieure et, notamment, à la décision relative au recyclage de batteries automobiles, une majoration du montant de l’amende de 10 % au titre dudit paragraphe.
174 À cet égard, la Commission a précisé, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure et lors de l’audience que, en l’espèce, elle avait considéré qu’une majoration de 10 % était appropriée, à l’instar de ce qu’elle avait décidé dans la décision relative au recyclage de batteries automobiles, étant donné que l’application du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes à une entente en matière d’achats était une pratique assez récente, le cas d’espèce n’en constituant que la seconde application après ladite décision.
175 Ces précisions ne peuvent toutefois être prises en compte par le Tribunal dans le cadre de son contrôle du respect de l’obligation de motivation dans la mesure où elles ne figurent pas dans la décision attaquée. En effet, le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié en fonction des éléments d’information dont la partie requérante dispose au moment de l’introduction de son recours et la motivation ne peut être explicitée pour la première fois et a posteriori devant le juge, sauf circonstances exceptionnelles [voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (KLM; Covid-19), T 643/20, EU:T:2021:286, point 66 et jurisprudence citée].
176 L’absence de telles précisions ne peut toutefois entraîner un défaut de motivation du choix du taux de majoration.
177 À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce que les requérantes suggèrent, au considérant 146 de la décision attaquée, la Commission ne s’est pas bornée à se référer de manière sommaire à la décision relative au recyclage de batteries automobiles pour justifier le choix du taux de majoration, mais elle s’est référée également, et surtout, aux particularités de l’affaire et à la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif.
178 À cet égard, selon la jurisprudence, la Commission satisfait à son obligation de motivation lorsqu’elle expose, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction. Bien qu’elle ne soit pas tenue d’indiquer tous les éléments chiffrés relatifs à chacune des étapes intermédiaires du mode de calcul du montant de l’amende retenu, il lui incombe cependant d’expliquer la pondération et l’évaluation qu’elle a faites des éléments pris en considération (voir arrêt du 10 juillet 2019, Commission/Icap e.a., C 39/18 P, EU:C:2019:584, point 31 et jurisprudence citée). Ainsi qu’il ressort du point 168 ci-dessus, la Commission a dûment expliqué les éléments qu’elle a pris en considération pour déterminer qu’une majoration de 10 % du montant de base de l’amende était appropriée au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Contrairement à ce que suggèrent les requérantes, étant donné que la Commission n’est pas tenue d’indiquer les éléments chiffrés relatifs à chacune des étapes du mode de calcul, elle n’était pas tenue de fournir d’explication supplémentaire concernant le taux de majoration spécifique choisi.
179 Par ailleurs, il convient de préciser que, lors de la procédure administrative, la Commission avait communiqué aux requérantes son intention de majorer le montant de base au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Il ressort, notamment, de la dernière réunion de transaction du 29 octobre 2019 que la Commission a clairement indiqué aux requérantes que l’application de la méthode générale à une entente en matière d’achats conduisait à sous-évaluer l’importance économique de l’infraction et à rendre l’amende peu dissuasive, de sorte qu’elle comptait appliquer à cette fin une majoration de 10 % au titre dudit paragraphe. Conformément à la jurisprudence citée au point 100 ci-dessus, ces éléments font partie du contexte dans lequel s’inscrit la décision attaquée et au regard duquel son caractère suffisamment motivé doit être apprécié.
180 Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter la troisième branche du deuxième moyen et, partant, ce moyen dans son ensemble.
181 Étant donné que les premier et deuxième moyens ne sauraient prospérer, les conclusions en annulation doivent être rejetées. Il convient à présent d’examiner les conclusions en réduction du montant de l’amende, présentées à titre subsidiaire, au soutien desquelles le troisième moyen est invoqué.
3. Sur le troisième moyen, pris du caractère disproportionné du montant de l’amende
182 Les requérantes font valoir que, même si le Tribunal rejetait les deux premiers moyens comme étant non fondés, il y aurait lieu de considérer que l’amende qui leur a été infligée n’est pas proportionnée à la gravité de l’infraction commise. Elles estiment que, si les circonstances de l’espèce justifiaient une quelconque majoration, celle-ci devrait se situer à un taux nettement inférieur à 50 % en ce qui concerne l’infraction répétée au titre du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes et à un taux sensiblement plus faible en ce qui concerne la majoration au titre du paragraphe 37 des mêmes lignes directrices.
183 À cet égard, les requérantes énumèrent un certain nombre d’éléments dont le Tribunal devrait tenir compte au titre de sa propre compétence de pleine juridiction et demande à ce dernier, à la lumière de ces éléments, de réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée.
184 La Commission conteste les éléments invoqués et fait valoir que la demande des requérantes est dénuée de fondement.
185 Il convient de rappeler que le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge de l’Union, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée (arrêts du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C 386/10 P, EU:C:2011:815, point 63, et du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission, C 606/18 P, EU:C:2020:571, point 96).
186 Afin de déterminer le montant de l’amende infligée, il appartient au juge de l’Union d’apprécier les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause. Cet exercice suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, de prendre en considération, pour chaque entreprise sanctionnée, la gravité de l’infraction en cause ainsi que la durée de celle-ci, dans le respect des principes, notamment, de motivation, de proportionnalité, d’individualisation des sanctions et d’égalité de traitement, sans que le Tribunal soit lié par les règles indicatives définies par la Commission dans ses lignes directrices (voir, en ce sens, arrêts du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C 603/13 P, EU:C:2016:38, points 89 et 90, et du 16 juin 2022, Sony Optiarc et Sony Optiarc America/Commission, C 698/19 P, EU:C:2022:480, points 173 et 174).
a) Sur la demande de réduction du taux de majoration au titre du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes
187 Les requérantes avancent, premièrement, qu’elles ont mis fin à l’entente AMCA et l’ont dénoncée plus de douze ans avant le début de l’infraction en cause en l’espèce, deuxièmement, que l’infraction commise dans le cadre de ladite entente et l’infraction en cause en l’espèce sont de nature différente, concernent des produits différents et auraient impliqué des entités différentes, troisièmement, que cette entente a été découverte par le biais de leurs mesures internes de mise en conformité, quatrièmement, que Clariant GmbH n’a pas elle-même été impliquée dans la mise en place et le fonctionnement de la même entente, cinquièmement, que le comportement infractionnel en cause aurait émané d’une coopération auparavant licite avec d’autres participantes à l’entente en question, sixièmement, que les infractions relatives aux prix d’achat sont généralement moins susceptibles de produire des effets préjudiciables à la concurrence et, en particulier, aux consommateurs, que les ententes en matière de vente et, septièmement, qu’une majoration de 50 % du montant de base de l’amende pour récidive serait disproportionnée au regard d’autres affaires dans lesquelles une majoration du même taux a été imposée, alors que le cas de récidive était beaucoup plus grave que celui de la présente affaire.
188 Tout d’abord, il convient de constater que les requérantes se bornent à réitérer les circonstances déjà mises en exergue dans le cadre du premier moyen, afin de demander une réduction de l’amende. Or, conformément à la jurisprudence citée au point 50 ci-dessus, le Tribunal considère que, indépendamment de ces circonstances, l’imposition d’un taux de majoration de 50 % n’apparaît pas disproportionnée au regard du laps de temps relativement bref s’étant écoulé entre le constat de la première infraction à l’article 101 TFUE dans la décision relative à l’entente AMCA et le début de l’infraction au même article concerné par la décision attaquée.
189 Ensuite, l’argument des requérantes selon lequel le taux de majoration de 50 % est disproportionné au regard d’autres affaires dans lesquelles une majoration du même taux a été appliquée pour des récidives plus graves ne saurait conduire à une réduction de l’amende. Il suffit de relever à cet égard que les requérantes se sont référées, au point 60 de la réplique, à 28 décisions dans lesquelles la Commission avait appliqué une majoration de 50 % dans des cas de première récidive, comme en l’espèce.
190 Enfin, l’argument des requérantes selon lequel une entente en matière d’achats est moins préjudiciable au jeu normal de la concurrence qu’une entente en matière de ventes n’est pas une circonstance pertinente pour apprécier si la majoration de 50 % en ce qui concerne l’infraction répétée au titre du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes est proportionnée à la gravité de l’infraction commise. En tout état de cause, à cet égard, il importe de relever que le premier exemple d’entente donné par l’article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE, déclaré expressément incompatible avec le marché intérieur, est précisément celui qui consiste à « fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction ». La pratique ayant fait l’objet de l’entente, à savoir une coordination sur un élément du prix de l’éthylène, est ainsi expressément interdite par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, car elle comporte des restrictions intrinsèques à la concurrence dans le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, Campine et Campine Recycling/Commission, T 240/17, non publié, EU:T:2019:778, point 297 et jurisprudence citée).
b) Sur la demande de réduction du taux de majoration au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes
191 Les requérantes avancent, d’une part, que l’analyse économique qu’elles ont fournie à la Commission au cours de la procédure administrative démontrait que le comportement en cause n’était pas susceptible d’avoir la moindre incidence significative sur le prix d’achat de l’éthylène et, d’autre part, que la thèse développée par la Commission dans le cadre de l’affaire relative au recyclage de batteries automobiles selon laquelle la valeur des achats ne constitue pas un fondement adéquat pour le montant de base de l’amende n’est pas applicable en l’espèce.
192 Il suffit toutefois de relever, d’une part, que, conformément à la jurisprudence citée au point 125 ci-dessus, la majoration du montant de base de l’amende au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes n’est pas subordonnée à la démonstration préalable d’éventuels effets réels du comportement incriminé sur le marché, de sorte que l’analyse économique visant à démontrer l’absence d’incidence du comportement incriminé sur le prix d’achat de l’éthylène n’est pas pertinente et ne saurait conduire à réduire le montant de l’amende. D’autre part, l’application d’un taux de 10 % pour remédier au caractère imparfait de la valeur des achats, prise en compte aux fins du calcul du montant de base de l’amende, n’apparaît pas disproportionnée. Les requérantes n’invoquent aucun autre élément pertinent qui serait de nature à justifier une réduction de ce taux.
193 Par conséquent, le troisième moyen doit être écarté.
194 Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions en réduction du montant de l’amende doivent être rejetées et, partant, que le recours doit être rejeté dans son intégralité.
B. Sur la demande reconventionnelle de la Commission
195 La Commission demande au Tribunal de majorer l’amende, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, en n’octroyant pas d’avantage de 10 % pour la coopération des requérantes au cours de la procédure administrative en vertu du paragraphe 32 de la communication sur la transaction.
196 La Commission fait valoir que, par le présent recours, les requérantes contestent le montant de l’amende, qui constituait pourtant un élément essentiel de leur proposition de transaction et qui avait fait l’objet d’une appréciation commune.
197 À cet égard, la Commission indique que les requérantes ne se sont pas retirées de la procédure de transaction, bien qu’elles aient été en désaccord avec l’application des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Au contraire, les requérantes se seraient engagées à poursuivre la procédure de transaction en présentant leur proposition de transaction et en reconnaissant que la communication des griefs reflétait dûment la teneur de ces propositions.
198 La Commission ajoute que c’est l’existence d’une « appréciation commune » de l’étendue des griefs éventuels et de l’estimation de la fourchette probable des amendes à infliger qui l’amène à inviter une entreprise à présenter une proposition de transaction. Cette fourchette doit figurer dans les propositions de transaction. Selon elle, tant que le montant de l’amende indiqué dans la décision finale n’excède pas le montant maximal de la fourchette qui a fait l’objet des discussions menant à la proposition de transaction, la décision finale doit être considérée comme reflétant la proposition de transaction à cet égard.
199 Or, la contestation, par les requérantes, d’un élément essentiel de la proposition de transaction compromettrait la finalité de la procédure de transaction.
200 À cet égard, premièrement, la Commission avance que la procédure de transaction est synallagmatique par nature. Les parties disposeraient de la possibilité, et même auraient l’obligation, de signaler tout obstacle empêchant de parvenir à une appréciation commune. Selon elle, l’approche adoptée par les requérantes au cours de la procédure administrative était purement stratégique et n’était qu’un moyen d’obtenir une réduction du montant de l’amende, pour ensuite contester la décision sur le fondement des mêmes éléments que ceux qui faisaient l’objet de l’appréciation commune, de façon à obtenir de nouvelles réductions de la part du juge de l’Union.
201 Deuxièmement, la Commission fait valoir que les gains d’efficacité recherchés par la procédure de transaction ne sont globalement plus réalisés en l’espèce. L’objectif de la procédure de transaction consisterait à lui permettre, d’une part, de traiter les affaires d’entente plus rapidement et, d’autre part, de traiter des affaires d’entente en plus grand nombre avec les mêmes ressources. Or, dans la mesure où des ressources de la Commission ont été mobilisées tant pour la phase administrative que pour la phase contentieuse de la présente affaire, entraînant ainsi un surcroît de travail, elle ne serait pas en mesure de traiter un plus grand nombre d’affaires.
202 Si la Commission reconnaît avoir bénéficié du fait que les requérantes n’ont pas contesté certains éléments liés à leur responsabilité et à l’infraction et qu’elles n’ont pas demandé l’accès aux documents du dossier, elle souligne cependant qu’elle a investi des ressources supplémentaires dans l’organisation de plusieurs réunions avec les parties sur les deux majorations litigieuses. Elle n’aurait, par ailleurs, pas économisé de ressources s’agissant de la motivation et de la justification du calcul du montant de l’amende figurant dans la communication des griefs et dans la décision finale.
203 La Commission souligne qu’il n’est pas possible de quantifier a posteriori le degré de coopération d’une partie à la procédure de transaction. Elle indique qu’il lui est ainsi difficile de déterminer si elle se serait engagée dans une procédure de transaction si la coopération des entreprises avait été limitée, voire inexistante, mais que certains gains d’efficacité avaient tout de même pu être réalisés.
204 Troisièmement, la Commission relève que le Tribunal a admis, dans l’arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission (T 236/01, T 244/01 à T 246/01, T 251/01 et T 252/01, EU:T:2004:118), que le bénéfice des réductions d’amende au titre de la clémence pouvait être retiré et l’amende ainsi augmentée lorsque l’attitude du requérant change et que ce dernier conteste pour la première fois devant le Tribunal des éléments qui n’ont pas été contestés ou qui ont été reconnus au cours de la procédure administrative. Outre ledit arrêt, le Tribunal aurait, dans d’autres affaires, examiné, dans sa compétence de pleine juridiction, s’il convenait de retirer une réduction que les parties au litige avaient obtenue en échange de leur coopération lors de la procédure administrative, même si les conditions de ce retrait n’étaient pas réunies.
205 Quatrièmement, la Commission estime que le droit des requérantes à un contrôle juridictionnel est pleinement respecté. Selon elle, l’exercice de ce droit ne signifie pas que le recours n’ait aucune conséquence sur l’amende. Le retrait de la réduction de 10 % au titre de la procédure de transaction ne constituerait pas une sanction des requérantes pour avoir exercé leur droit à un contrôle juridictionnel, mais serait une simple conséquence du fait que les requérantes remettent en cause des éléments qu’elles avaient reconnus et confirmés au cours de la procédure administrative.
206 En conséquence, la Commission soutient que le bénéfice de la réduction d’amende qui avait été accordée aux requérantes pour les récompenser de leur coopération doit être retiré. Elle demande donc au Tribunal d’augmenter l’amende infligée aux requérantes et d’en fixer le montant à 181 731 000 euros.
207 Les requérantes réfutent les arguments de la Commission.
1. Considérations liminaires sur la procédure de transaction
208 La procédure de transaction a été instituée par le règlement (CE) no 622/2008 de la Commission, du 30 juin 2008, modifiant le règlement no 773/2004 en ce qui concerne les procédures de transaction engagées dans les affaires d’entente (JO 2008, L 171, p. 3). Cette procédure a été précisée par la communication sur la transaction.
209 Selon le considérant 4 du règlement no 622/2008, la procédure de transaction permet à la Commission de traiter les affaires d’entente plus rapidement et plus efficacement. L’objectif de cette procédure est donc de simplifier et d’accélérer les procédures administratives, en vue de permettre à la Commission de traiter davantage d’affaires avec les mêmes ressources (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T 456/10, EU:T:2015:296, point 60).
210 En substance, la procédure de transaction prévoit que les entreprises qui font l’objet d’enquêtes, faisant face à des preuves à charge et ayant décidé de transiger, reconnaissent leur participation à l’infraction, renoncent, sous certaines conditions, à leur droit d’accès au dossier administratif et à leur droit d’être entendues et acceptent de recevoir la communication des griefs et la décision finale dans une langue officielle convenue de l’Union (communication sur la transaction, paragraphe 20). En outre, si la communication des griefs reflète leurs propositions de transaction, lesdites entreprises sont tenues d’y répondre dans le délai imparti en confirmant que ladite communication correspond à la teneur de leurs propositions et que leur engagement à suivre la procédure de transaction n’est, dès lors, pas remis en cause (communication sur la transaction, paragraphe 26). En contrepartie, la Commission peut leur accorder une réduction de 10 % du montant de l’amende qui leur aurait été imposé à l’issue d’une procédure ordinaire en appliquant les lignes directrices pour le calcul des amendes ainsi que la communication sur la coopération (communication sur la transaction, paragraphes 30 à 33) (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T 456/10, EU:T:2015:296, points 61 et 62).
211 Il ressort du considérant 4 du règlement no 622/2008 et du paragraphe 5 de la communication sur la transaction que la Commission doit tenir compte de la probabilité de parvenir, dans un délai raisonnable, à une appréciation commune sur l’étendue des griefs éventuels avec les parties en cause, en prenant en considération des facteurs tels que le nombre de parties en cause, les divergences de vues prévisibles quant à l’attribution des responsabilités et l’étendue de la contestation des faits. Il ressort également de ce considérant que la Commission peut prendre en compte d’autres considérations que celles concernant d’éventuels gains d’efficience, telles que la possibilité de créer un précédent. Il s’ensuit que la Commission dispose d’une large marge d’appréciation quant à l’identification des affaires qui peuvent se prêter à un accord transactionnel (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T 456/10, EU:T:2015:296, point 64).
212 La procédure de transaction se déroule essentiellement de la manière suivante. Cette procédure est initiée par la Commission avec l’accord des entreprises concernées (communication sur la transaction, paragraphes 5, 6 et 11). Dès que la procédure est lancée, les entreprises faisant l’objet d’enquêtes et participant à la procédure de transaction sont informées par la Commission, lors de discussions bilatérales, des éléments essentiels « tels que les faits allégués, leur qualification, la gravité et la durée de l’entente alléguée, l’attribution des responsabilités, une estimation des fourchettes d’amendes probables, ainsi que les éléments de preuve utilisés à l’appui des griefs éventuels » (communication sur la transaction, paragraphe 16). Ce dispositif permet aux parties de faire valoir leur point de vue sur les griefs que la Commission pourrait soulever à leur égard et de décider, en connaissance de cause, de conclure ou non une transaction (communication sur la transaction, paragraphe 16) (arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T 456/10, EU:T:2015:296, points 66 et 67).
213 C’est à la suite de la communication de ces informations que les entreprises concernées ont le choix d’opter pour la procédure de transaction et de présenter une proposition de transaction. Cette proposition de transaction doit contenir, notamment, une reconnaissance en termes clairs et sans équivoque, par les parties, de leur responsabilité dans l’infraction, une indication du montant maximal des amendes que les parties s’attendent à se voir infliger par la Commission et qu’elles accepteraient dans le cadre d’une procédure de transaction et une confirmation du fait qu’elles n’envisagent pas de demander l’accès au dossier ou à être entendues de nouveau, lors d’une audition, à moins que la communication des griefs et la décision de la Commission ne reflètent pas leur proposition de transaction (communication sur la transaction, paragraphe 20) (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T 456/10, EU:T:2015:296, point 68).
214 À la suite de cette reconnaissance de responsabilité et des confirmations fournies par les entreprises concernées, la Commission transmet à celles-ci la communication des griefs et adopte, ensuite, une décision finale. Celle-ci se fonde essentiellement sur le fait que les parties ont sans équivoque reconnu leur responsabilité, n’ont pas contesté la communication des griefs et ont maintenu leur engagement de parvenir à une transaction (communication sur la transaction, paragraphes 23 à 28) (arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T 456/10, EU:T:2015:296, point 69).
215 Si l’entreprise concernée décide de ne pas transiger, la procédure conduisant à la décision finale est régie par les dispositions générales du règlement no 773/2004, au lieu de celles qui régissent la procédure de transaction. Il en va de même si la Commission prend l’initiative de mettre fin à la procédure de transaction (communication sur la transaction, paragraphes 19, 27 et 29) (arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T 456/10, EU:T:2015:296, point 70).
216 Les décisions finales adoptées à l’issue d’une procédure de transaction, prises en vertu des articles 7 et 23 du règlement n° 1/2003, sont soumises à un contrôle juridictionnel conformément à l’article 263 TFUE (communication sur la transaction, paragraphe 41).
2. Sur le déroulement de la procédure de transaction
217 Lors de discussions entre la Commission et les requérantes, entre le 18 septembre 2018 et le 29 octobre 2019, la Commission a indiqué les griefs qu’elle envisageait de soulever à leur égard ainsi que son intention de majorer l’amende en vertu des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, respectivement, de 50 % et de 10 %. Les requérantes ont pu présenter leurs observations.
218 Le 20 novembre 2019, les requérantes ont soumis une proposition de transaction par laquelle elles ont, notamment, reconnu leur responsabilité pour leur participation dans l’entente en cause en l’espèce et déclaré qu’elles étaient d’accord avec l’imposition d’une amende n’excédant pas 159 663 000 euros.
219 La Commission a adopté la communication des griefs, dans laquelle elle a, notamment, indiqué les majorations du montant de base de l’amende en vertu des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, sans toutefois indiquer les taux précis de majoration envisagés. En réponse à ladite communication, les requérantes ont confirmé que cette dernière reflétait dûment la teneur de leur proposition de transaction et qu’elles restaient pleinement engagées à poursuivre la procédure de transaction.
3. Sur le bien-fondé de la demande reconventionnelle de la Commission
220 Comme il a été rappelé au point 185 ci-dessus, le juge de l’Union est habilité, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée au titre de sa compétence de pleine juridiction.
221 Si l’exercice de la compétence de pleine juridiction est le plus souvent sollicité par les parties requérantes dans le sens d’une réduction du montant de l’amende, rien ne s’oppose à ce que la Commission puisse également soumettre au juge de l’Union la question du montant de l’amende et formuler une demande d’augmentation dudit montant (arrêt du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T 69/04, EU:T:2008:415, point 244).
222 S’il n’est donc pas exclu que le Tribunal décide de majorer l’amende à la suite d’une demande reconventionnelle de la Commission, il incombe toutefois à cette dernière de démontrer que l’augmentation du montant de l’amende demandée est appropriée, notamment, au regard de faits et de circonstances qui sont apparus en cours d’instance et dont elle n’avait pas connaissance au moment où elle a adopté sa décision. Or, il convient de constater que la Commission n’est pas parvenue à démontrer qu’une telle augmentation était appropriée en l’espèce.
223 En effet, l’argumentation de la Commission relative à l’avantage de 10 % pour la coopération au cours de la procédure administrative repose sur la prémisse erronée selon laquelle les requérantes contestent, par le présent recours, des éléments qu’elles auraient reconnus dans leur proposition de transaction ou qu’elles auraient acceptés lors de ladite procédure.
224 À cet égard, il convient de rappeler que le paragraphe 16 de la communication sur la transaction prévoit que, lors des discussions menées en vue de parvenir à une transaction, les parties sont informées, notamment, de l’« estimation des fourchettes d’amendes probables ». Il ressort du paragraphe 17 de ladite communication que cet élément doit faire l’objet d’une « appréciation commune » à l’issue des discussions bilatérales avant que la Commission n’accorde un délai aux entreprises pour présenter une proposition de transaction. Le paragraphe 20 de cette communication prévoit, s’agissant du montant de l’amende, que les propositions de transactions contiennent une « indication du montant maximal des amendes que les parties s’attendent à se voir infliger par la Commission et qu’elles accepteraient dans le cadre d’une procédure de transaction ».
225 Il n’est donc pas requis des parties à la procédure de transaction qu’elles acceptent le montant final de l’amende et l’ensemble de ses paramètres, tels que les ajustements en vertu des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, afin de pouvoir transiger, mais seulement une fourchette probable ou un montant maximal de l’amende.
226 En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 218 ci-dessus, dans leur proposition de transaction, les requérantes n’ont accepté qu’un montant maximal de l’amende que la Commission envisageait de leur infliger. Les majorations en vertu des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes ne constituaient donc pas un élément essentiel de cette proposition. Par suite, la confirmation des requérantes que la communication des griefs reflétait dûment leur proposition de transaction ne peut être interprétée comme une acceptation des majorations en vertu desdits paragraphes, d’autant plus que ladite communication n’indiquait pas les taux de majoration que la Commission envisageait d’appliquer.
227 L’argument de la Commission selon lequel le montant maximal de l’amende incluait les majorations envisagées au titre des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes ne saurait prospérer. En effet, comme les requérantes l’affirment à juste titre en réponse à une mesure d’organisation de la procédure, le fait d’avoir accepté un montant maximal de l’amende dans leur proposition de transaction ne saurait être assimilé à une acceptation de son montant exact final, des modalités de son calcul et du raisonnement sur lequel la Commission s’est fondée pour déterminer ce montant final.
228 À cet égard, il convient de noter que, dans la décision attaquée, la Commission aurait pu décider de ne pas majorer le montant de l’amende au titre des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes ou encore décider d’appliquer des taux de majoration inférieurs à ceux finalement retenus. Ce n’est donc qu’après avoir pris connaissance de la décision attaquée, dans laquelle la Commission a décidé du montant final de l’amende conformément au paragraphe 30 de la communication sur la transaction, que les requérantes ont pu utilement contester les paramètres du calcul de ce montant, ainsi qu’elles le font valoir en réponse à une mesure d’organisation de la procédure.
229 De plus, ainsi que la Commission le reconnaît elle-même, il importe de rappeler que les discussions bilatérales en vue d’une transaction n’avaient pas permis de dégager un consensus entre la Commission et les requérantes sur les majorations appliquées en vertu des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. En effet, il ressort des remarques finales du compte-rendu de la dernière réunion de transaction, en date du 29 octobre 2019, que le représentant des requérantes avait réitéré son désaccord en ce qui concerne l’application des deux points susvisés. Il ne saurait donc être constaté que ces majorations avaient fait l’objet d’une appréciation commune entre la Commission et les requérantes.
230 Dès lors, contrairement à ce que soutient la Commission, les majorations de l’amende appliquées en vertu des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes n’ont pas été expressément admises par les requérantes dans leur proposition de transaction et n’ont pas fait l’objet d’une appréciation commune. Étant donné que, par le présent recours, les requérantes contestent le montant de l’amende qui leur a été infligée en faisant valoir que l’application desdits paragraphes était erronée, la Commission n’est pas parvenue à démontrer qu’il serait justifié de ne pas leur octroyer l’avantage de 10 % pour les récompenser de leur coopération au cours de la procédure administrative.
231 Les autres arguments avancés par la Commission ne sauraient infirmer cette conclusion.
232 Premièrement, la Commission soutient que les requérantes ne se sont pas retirées de la procédure de transaction et ne lui ont pas indiqué qu’il était, selon elles, impossible de parvenir à une appréciation commune, alors qu’elles auraient été dans l’obligation de signaler tout obstacle empêchant de parvenir à une telle appréciation. Elle estime que l’approche adoptée par les requérantes au cours de la procédure administrative était purement stratégique et n’était qu’un moyen d’obtenir une réduction du montant de l’amende en coopérant, pour ensuite tenter d’obtenir de nouvelles réductions auprès du juge de l’Union.
233 Cependant, ainsi qu’il ressort du point 225 ci-dessus, il n’est pas requis des parties à la procédure de transaction qu’elles acceptent le montant final de l’amende et l’ensemble de ses paramètres, tels que les ajustements en vertu des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, afin de pouvoir transiger. Du reste, il suffit de constater, à l’instar de ce qui a été relevé au point 229 ci-dessus, que les requérantes ont exprimé leur désaccord s’agissant de l’application des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes au cours des discussions bilatérales, de sorte que, contrairement à ce que suggère la Commission, cette dernière n’a pas été induite en erreur par les requérantes.
234 En outre, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été évoqué au point 211 ci-dessus, selon le paragraphe 5 de la communication sur la transaction, la Commission dispose d’une large marge d’appréciation pour identifier les affaires qui pourraient se prêter à rechercher l’intérêt que les parties auraient à prendre part à des discussions de transaction, pour décider d’entamer ces discussions ou d’y mettre fin ou de parvenir à un règlement transactionnel définitif de l’affaire. La Commission peut donc décider, à toute étape de la procédure, de mettre fin aux discussions menées en vue d’une transaction. En l’espèce, elle n’a pas considéré opportun de mettre fin aux discussions, alors qu’elle avait connaissance du désaccord des requérantes quant à l’application des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes.
235 Deuxièmement, la Commission fait valoir que les gains d’efficacité recherchés par la procédure de transaction ne sont globalement plus réalisés.
236 À cet égard, il convient de rappeler que la procédure de transaction vise à permettre à la Commission de traiter plus rapidement et plus efficacement les affaires d’entente et ainsi à lui permettre de traiter davantage d’affaires avec les mêmes ressources (voir point 209 ci-dessus).
237 Or, comme le reconnaît la Commission, cette dernière a retiré des gains procéduraux de la poursuite de la procédure de transaction avec les requérantes. À cet égard, d’une part, elle a pu établir une version simplifiée de la communication des griefs et de la décision attaquée, dans une seule langue. D’autre part, elle n’a pas été obligée d’établir une version non confidentielle de ladite communication, d’organiser une audition ni de mettre en place un accès au dossier pour les requérantes. Elle a donc bénéficié de gains d’efficacité procéduraux qui, comme les requérantes le relèvent correctement, restent acquis, indépendamment de l’introduction du présent recours.
238 Quant à la mobilisation de ressources supplémentaires pour l’organisation de réunions avec les parties concernant les deux majorations litigieuses, elle doit être considérée comme une mobilisation de ressources inhérente à la procédure de transaction.
239 Par ailleurs, l’impossibilité de procéder a posteriori à une quantification des gains qui peuvent être conservés ou non au cours de la procédure administrative n’est pas pertinente. Il ressort du paragraphe 17 de la communication sur la transaction que la Commission n’invite l’entreprise à présenter une proposition de transaction que si elle « estime a priori, à la lumière des progrès accomplis globalement, que cette procédure sera plus efficace ». Elle doit donc procéder à une évaluation a priori de l’efficacité de la procédure au regard des discussions initiées avec les parties et décider, sur cette base, de continuer ou non la procédure de transaction au titre de son pouvoir d’appréciation.
240 Troisièmement, la Commission soutient que, même si elle reconnaît le droit des requérantes d’introduire un recours contre la décision attaquée, l’exercice de ce droit ne signifie pas que le recours n’ait aucune conséquence sur l’amende. Elle fait notamment référence à l’arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission (T 236/01, T 244/01 à T 246/01, T 251/01 et T 252/01, EU:T:2004:118), rendu dans le contexte de réductions d’amende au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4), dans lequel le Tribunal aurait considéré qu’une telle réduction pouvait être retirée à la requérante.
241 Certes, dans l’arrêt cité au point 240 ci-dessus, le Tribunal a fait droit à une conclusion de majoration de l’amende de la Commission en indiquant que celle-ci, contre toute attente qu’elle pouvait raisonnablement fonder sur la coopération objective de la requérante lors de la procédure administrative, avait été obligée d’élaborer et de présenter une défense devant le Tribunal ciblée sur la contestation de faits infractionnels dont elle avait considéré à bon droit que la requérante ne les remettrait plus en question.
242 Toutefois, il suffit de relever que, en l’espèce, les requérantes contestent les majorations appliquées en vertu des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, qui ne figuraient pas dans leur proposition de transaction et qu’elles n’avaient pas acceptées lors de la procédure administrative. La Commission ne pouvait donc pas partir de la prémisse selon laquelle elles ne les remettraient plus en question dans le cadre d’un recours.
243 Il résulte de tout ce qui précède que la demande reconventionnelle de la Commission doit être rejetée.
Sur les dépens
244 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Selon l’article 134, paragraphe 3, du même règlement, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.
245 FEn l’espèce, les requérantes ont succombé en leur recours, alors que la Commission a succombé en sa demande reconventionnelle. Celle-ci ne visant à majorer le montant des amendes que marginalement, force est de constater que ce sont essentiellement les requérantes qui ont succombé en leurs conclusions et en leurs moyens. Dans ces conditions, il y a lieu de décider que les requérantes supporteront leurs propres dépens et 90 % des dépens exposés par la Commission, alors que la Commission supportera 10 % de ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La demande reconventionnelle de la Commission européenne est rejetée.
3) Clariant AG et Clariant International AG supporteront leurs propres dépens et 90 % des dépens exposés par la Commission.
4) La Commission supportera 10 % de ses propres dépens.