DĂ©cisions

TUE, 3e ch., 18 octobre 2023, n° T-590/20

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

ArrĂȘt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Clariant AG, Clariant International AG

DĂ©fendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

PrĂ©sident :

M. van der Woude

Juges :

M. de Baere (rapporteur), Mme Steinfatt, M. KecsmĂĄr, Mme Kingston

Avocats :

Me Montag, Me Dreher

LE TRIBUNAL (troisiĂšme chambre Ă©largie),

1 Par leur recours, fondĂ© sur l’article 263 TFUE, les requĂ©rantes, Clariant AG et Clariant International AG, demandent, Ă  titre principal, l’annulation partielle de la dĂ©cision C(2020) 4817 final de la Commission, du 14 juillet 2020, relative Ă  une procĂ©dure d’application de l’article 101 TFUE (AT.40410 – ÉthylĂšne) (ci-aprĂšs la « dĂ©cision attaquĂ©e ») et, Ă  titre subsidiaire, la rĂ©duction du montant de l’amende qui leur a Ă©tĂ© infligĂ©e « conjointement et solidairement » dans ladite dĂ©cision. La Commission europĂ©enne demande reconventionnellement l’augmentation du montant de ladite amende.

I. Antécédents du litige

A. Procédure administrative

2 Le 29 juin 2016, l’une des quatre entreprises ayant participĂ© Ă  des contacts collusoires liĂ©s aux achats d’éthylĂšne a demandĂ© l’immunitĂ© d’amendes en vertu de la communication de la Commission sur l’immunitĂ© d’amendes et la rĂ©duction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-aprĂšs la « communication sur la coopĂ©ration »).

3 Entre le 23 mai et le 3 juillet 2017, les trois autres entreprises ayant participĂ© Ă  ces contacts collusoires ont Ă©galement demandĂ© l’immunitĂ© d’amendes ou, Ă  titre subsidiaire, la possibilitĂ© de bĂ©nĂ©ficier d’une rĂ©duction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopĂ©ration.

4 Le 10 juillet 2018, la Commission a ouvert la procĂ©dure prĂ©vue Ă  l’article 11, paragraphe 6, du rĂšglement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 dĂ©cembre 2002, relatif Ă  la mise en Ɠuvre des rĂšgles de concurrence prĂ©vues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), contre les quatre entreprises faisant l’objet de la procĂ©dure (ci-aprĂšs, prises ensemble, les « participantes Ă  l’entente ») en vue d’entamer des discussions afin de parvenir Ă  une transaction, conformĂ©ment Ă  la communication de la Commission relative aux procĂ©dures de transaction engagĂ©es en vue de l’adoption de dĂ©cisions en vertu des articles 7 et 23 du rĂšglement no 1/2003 dans les affaires d’entente (JO 2008, C 167, p. 1, ci-aprĂšs la « communication sur la transaction »).

5 Par une lettre du 23 juillet 2018, les requĂ©rantes ont confirmĂ© Ă  la Commission leur volontĂ© d’entamer des discussions en vue de parvenir Ă  une transaction.

6 Lors de ces discussions, la Commission a informĂ© les requĂ©rantes des griefs qu’elle envisageait de soulever Ă  leur Ă©gard et leur a divulguĂ© les Ă©lĂ©ments de preuve clĂ©s du dossier sur lesquels elle s’était fondĂ©e pour Ă©tablir ces griefs. Elle leur a Ă©galement communiquĂ© une estimation de la fourchette de l’amende qu’elle envisageait de leur infliger.

7 Le 20 novembre 2019, les requĂ©rantes ont prĂ©sentĂ© leur proposition de transaction conformĂ©ment Ă  l’article 10 bis, paragraphe 2, troisiĂšme alinĂ©a, du rĂšglement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procĂ©dures mises en Ɠuvre par la Commission en application des articles [101 et 102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), par lesquelles elles reconnaissaient leur responsabilitĂ© « conjointe et solidaire » dans leur participation Ă  l’infraction. Elles ont Ă©galement indiquĂ© le montant maximal de l’amende qu’elles accepteraient dans le cadre de la procĂ©dure de transaction, Ă  savoir 159 663 000 euros.

8 Le 7 fĂ©vrier 2020, la Commission a adoptĂ© une communication des griefs. Le 24 fĂ©vrier 2020, les requĂ©rantes ont confirmĂ© que celle-ci reflĂ©tait dĂ»ment leur proposition de transaction et qu’elles restaient pleinement engagĂ©es Ă  poursuivre la procĂ©dure de transaction.

B. Décision attaquée

9 Le 14 juillet 2020, la Commission a adopté la décision attaquée.

1. Description de l’infraction

10 La Commission a constatĂ© que les requĂ©rantes avaient participĂ© Ă  une infraction unique et continue consistant en l’échange d’informations tarifaires et commerciales sensibles et en la fixation d’un Ă©lĂ©ment de prix liĂ© aux achats d’éthylĂšne, sur les territoires belge, allemand, français et nĂ©erlandais, sur la pĂ©riode allant du 26 dĂ©cembre 2011 au 29 mars 2017 [article 1er, sous c), de la dĂ©cision attaquĂ©e].

11 Le comportement incriminĂ© concernait l’achat d’éthylĂšne sur le marchĂ© libre, Ă  l’exclusion de l’éthylĂšne produit Ă  des fins captives, c’est-Ă -dire l’éthylĂšne produit et utilisĂ© par les producteurs eux-mĂȘmes.

12 L’éthylĂšne Ă©tait gĂ©nĂ©ralement achetĂ© sur la base d’accords de fourniture Ă  long terme. Afin de reflĂ©ter le risque de volatilitĂ© des prix d’achat de l’éthylĂšne, ces accords de fourniture se rĂ©fĂ©raient souvent au prix contractuel mensuel (ci-aprĂšs le « PCM »). Pour Ă©tablir le PCM pour le mois Ă  venir, deux accords bilatĂ©raux distincts, mais identiques, appelĂ©s communĂ©ment « transactions », entre deux paires diffĂ©rentes de fournisseurs et d’acheteurs devaient ĂȘtre conclus. Une fois la premiĂšre transaction conclue, les parties pouvaient notifier leur accord Ă  un organisme de notification privĂ© et indĂ©pendant, qui publiait cette premiĂšre transaction sur le marchĂ©. DĂšs qu’une autre paire de fournisseurs et d’acheteurs avait conclu une transaction Ă  un prix identique, ce prix Ă©tait publiĂ© par les organismes de notification en tant que PCM pour le mois Ă  venir.

13 La Commission a soulignĂ© que le PCM n’était pas un prix net, mais un Ă©lĂ©ment variable des formules de tarification utilisĂ©es dans certains contrats de fourniture. Le PCM avait donc un impact direct sur le prix d’achat effectif de l’éthylĂšne conclu dans le cadre de ces contrats de fourniture et dans le cadre de certaines transactions sur le marchĂ© au comptant.

14 La Commission a considĂ©rĂ© que les participantes Ă  l’entente avaient coordonnĂ© leur comportement sur le marchĂ© par le biais de contacts bilatĂ©raux concernant le PCM en s’accordant, d’une part, sur les prix cibles qu’elles entendaient utiliser lors des procĂ©dures de nĂ©gociation du PCM avec les vendeurs d’éthylĂšne et, d’autre part, sur les PCM dĂ©finitifs qu’elles voulaient obtenir et qui Ă©taient fondĂ©s sur une Ă©valuation commune des facteurs de tarification et des analyses publiques. Lesdites participantes se concertaient Ă©galement sur leurs futures positions dans les procĂ©dures de nĂ©gociation de transactions avec les vendeurs d’éthylĂšne. Enfin, elles Ă©changeaient des informations sur les tendances du marchĂ©.

15 L’objectif du comportement en cause Ă©tait d’influencer les nĂ©gociations sur le PCM afin d’obtenir le prix d’achat le plus bas possible dans le cadre des procĂ©dures de transaction avec les vendeurs d’éthylĂšne.

16 La Commission a conclu que le comportement en cause prĂ©sentait les caractĂ©ristiques d’un accord ou d’une pratique concertĂ©e au sens de l’article 101 TFUE, ayant pour objet de restreindre la concurrence sur le marchĂ© des achats de l’éthylĂšne. Il n’était donc pas nĂ©cessaire d’examiner les effets de ce comportement sur ce marchĂ© ni de vĂ©rifier si les participantes Ă  l’entente avaient finalement rĂ©ussi Ă  obtenir le PCM voulu.

17 S’agissant de la participation des requĂ©rantes Ă  l’infraction, la Commission a relevĂ©, d’une part, que la seconde requĂ©rante, Clariant International, avait acceptĂ© sans rĂ©serve sa responsabilitĂ© pour sa participation directe Ă  l’infraction commise sur la pĂ©riode allant du 26 dĂ©cembre 2011 au 29 mars 2017 et, d’autre part, que la premiĂšre requĂ©rante, Clariant, avait acceptĂ© sans rĂ©serve sa responsabilitĂ© « conjointe et solidaire » pour la participation de sa filiale dĂ©tenue Ă  100 % Ă  l’infraction commise sur la pĂ©riode allant du 26 dĂ©cembre 2011 au 29 mars 2017. Elle a donc retenu la responsabilitĂ© « conjointe et solidaire » de la seconde requĂ©rante, pour sa participation directe, et de la premiĂšre requĂ©rante, en tant que sociĂ©tĂ© mĂšre de la seconde requĂ©rante, Ă  l’infraction pour la pĂ©riode concernĂ©e.

2. Calcul du montant de l’amende infligĂ©e aux requĂ©rantes

18 Les requĂ©rantes se sont vu infliger, « conjointement et solidairement », une amende d’un montant de 155 769 000 euros [article 2, sous c), de la dĂ©cision attaquĂ©e].

19 À cet Ă©gard, premiĂšrement, la Commission a tenu compte, aux fins du calcul du montant de base de l’amende, de la valeur des achats de l’éthylĂšne acquis au cours de la pĂ©riode couvrant la derniĂšre annĂ©e complĂšte de participation des requĂ©rantes Ă  l’infraction, Ă  savoir 2016.

20 Selon la Commission, il n’était pas appropriĂ© d’utiliser la valeur des ventes des produits en aval en tant que point de dĂ©part du calcul du montant de base de l’amende, dans la mesure oĂč l’infraction concernait une entente en matiĂšre d’achats et que toutes les parties n’étaient pas prĂ©sentes sur le(s) mĂȘme(s) marchĂ©(s) en aval.

21 En outre, la Commission a considĂ©rĂ© qu’il convenait de tenir compte uniquement, d’une part, de la valeur des achats rĂ©alisĂ©s en vertu des accords de fourniture d’éthylĂšne utilisant une formule de tarification fondĂ©e sur le PCM et, d’autre part, de la valeur des achats effectuĂ©s sur le marchĂ© au comptant de l’éthylĂšne et fondĂ©s sur le PCM.

22 DeuxiĂšmement, pour la dĂ©termination du montant de base de l’amende, la Commission a tenu compte de la gravitĂ© de l’infraction et de sa durĂ©e ainsi que de la nĂ©cessitĂ© de dissuasion.

23 Tout d’abord, Ă©tant donnĂ© que l’infraction consistait en une tarification horizontale, qui compte, par sa nature mĂȘme, parmi les restrictions de concurrence les plus graves, la Commission a fixĂ© le coefficient de gravitĂ© Ă  15 %.

24 Ensuite, la Commission a tenu compte du fait que les requĂ©rantes avaient pris part Ă  l’infraction du 26 dĂ©cembre 2011 au 29 mars 2017, c’est-Ă -dire durant 1 921 jours, ce qui correspondait Ă  un coefficient multiplicateur de 5,25 au titre de la durĂ©e.

25 Enfin, la Commission a fixĂ© un montant additionnel de 15 % appliquĂ© Ă  des fins dissuasives, au regard de la gravitĂ© de l’infraction.

26 TroisiĂšmement, la Commission a procĂ©dĂ© Ă  des ajustements du montant de base de l’amende.

27 D’une part, en application du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligĂ©es en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du rĂšglement (CE) no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-aprĂšs les « lignes directrices pour le calcul des amendes »), la Commission a majorĂ© de 50 % le montant de base de l’amende, au motif que les requĂ©rantes avaient dĂ©jĂ  commis une infraction similaire Ă  l’article 101 TFUE. La Commission s’est rĂ©fĂ©rĂ©e, Ă  cet Ă©gard, Ă  sa dĂ©cision C(2004) 4876 final, du 19 janvier 2005, relative Ă  une procĂ©dure d’application de l’article [101 TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (COMP/E-1/37.773 – AMCA) (ci-aprĂšs la « dĂ©cision AMCA »), par laquelle la premiĂšre requĂ©rante et sa filiale Clariant GmbH avaient Ă©tĂ© tenues pour responsables d’une entente sur le marchĂ© de l’acide monocloroacĂ©tique (ci-aprĂšs l’« entente AMCA »).

28 La Commission a Ă©galement estimĂ© qu’il n’existait pas de circonstances attĂ©nuantes justifiant une rĂ©duction du montant de base de l’amende.

29 D’autre part, conformĂ©ment au paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, afin de tenir compte des particularitĂ©s de l’espĂšce et de la nĂ©cessitĂ© d’atteindre un montant suffisamment dissuasif de l’amende, la Commission a majorĂ© de 10 % le montant de base de l’amende.

30 QuatriĂšmement, la Commission s’est assurĂ©e que l’amende n’excĂ©dait pas 10 % du chiffre d’affaires total des requĂ©rantes en 2019, conformĂ©ment Ă  l’article 23, paragraphe 2, du rĂšglement no 1/2003.

31 CinquiĂšmement, la Commission a encore procĂ©dĂ© Ă  une rĂ©duction de l’amende au titre de la clĂ©mence. Les requĂ©rantes se sont ainsi vu accorder une rĂ©duction de 30 % en vertu de la communication sur la coopĂ©ration.

32 SixiĂšmement, le montant de l’amende a Ă©tĂ© rĂ©duit de 10 % pour rĂ©compenser les requĂ©rantes de leur coopĂ©ration dans le cadre de la procĂ©dure de transaction.

II. Conclusions des parties

33 Les requĂ©rantes demandent Ă  ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler l’article 2, sous c), de la dĂ©cision attaquĂ©e, dans la mesure oĂč il prĂ©voit l’imposition d’une amende d’un montant supĂ©rieur Ă  94 405 800 euros ;

– Ă  titre subsidiaire, rĂ©duire Ă  un montant proportionnĂ© l’amende qui leur a Ă©tĂ© infligĂ©e en vertu de l’article 2, sous c), de ladite dĂ©cision ;

– rejeter la demande de la Commission de porter le montant de l’amende qui leur a Ă©tĂ© infligĂ©e Ă  181 731 000 euros ;

– condamner la Commission aux dĂ©pens.

34 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– fixer le montant de l’amende infligĂ©e aux requĂ©rantes Ă  l’article 2, sous c), de la dĂ©cision attaquĂ©e Ă  181 731 000 euros ;

– condamner les requĂ©rantes aux dĂ©pens.

III. En droit

A. Sur les demandes en annulation et en rĂ©duction du montant de l’amende

35 Au soutien du recours, les requĂ©rantes invoquent trois moyens, les deux premiers Ă©tant soulevĂ©s au soutien de la demande en annulation et le troisiĂšme au soutien de la demande en rĂ©duction du montant de l’amende. Par le premier moyen, elles allĂšguent que la Commission a erronĂ©ment majorĂ© le montant de base de l’amende au titre du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Par le deuxiĂšme moyen, elles avancent que la Commission a erronĂ©ment majorĂ© le montant de base de l’amende au titre du paragraphe 37 desdites lignes directrices. Le troisiĂšme moyen est pris du caractĂšre disproportionnĂ© du montant de l’amende au regard de la gravitĂ© de l’infraction commise.

1. Sur le premier moyen, tirĂ© de ce que la Commission a erronĂ©ment majorĂ© le montant de base de l’amende au titre du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes

36 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il ressort des points 107 Ă  113 de la dĂ©cision attaquĂ©e que l’amende a Ă©tĂ© imposĂ©e aux requĂ©rantes en vertu de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du rĂšglement no 1/2003, conformĂ©ment Ă  l’article 10 bis, paragraphe 3, du rĂšglement no 773/2004.

37 L’article 23, paragraphe 3, du rĂšglement no 1/2003 dispose que, pour dĂ©terminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considĂ©ration, outre la gravitĂ© de l’infraction, la durĂ©e de celle-ci.

38 À cet Ă©gard, une Ă©ventuelle rĂ©cidive figure parmi les Ă©lĂ©ments Ă  prendre en considĂ©ration lors de l’analyse de la gravitĂ© de l’infraction en cause (arrĂȘts du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C 413/08 P, EU:C:2010:346, point 63, et du 12 dĂ©cembre 2014, Eni/Commission, T 558/08, EU:T:2014:1080, point 276 ; voir Ă©galement, en ce sens, arrĂȘt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C 204/00 P, C 205/00 P, C 211/00 P, C 213/00 P, C 217/00 P et C 219/00 P, EU:C:2004:6, point 91).

39 La circonstance aggravante de la rĂ©cidive est dĂ©finie par le paragraphe 28, premier tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes comme Ă©tant la poursuite ou la rĂ©pĂ©tition d’une infraction identique ou similaire aprĂšs que la Commission ou une autoritĂ© nationale de concurrence a constatĂ© que l’entreprise en cause avait enfreint les dispositions de l’article 101 TFUE ou de l’article 102 TFUE. Dans un tel cas, le montant de base de l’amende peut ĂȘtre augmentĂ© jusqu’à atteindre 100 % par infraction constatĂ©e.

40 Le premier moyen s’articule en trois branches tirĂ©es, la premiĂšre, d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du rĂšglement no 1/2003 et des principes de proportionnalitĂ© et de bonne administration dans la mesure oĂč la Commission aurait manquĂ© Ă  son devoir d’apprĂ©ciation, la deuxiĂšme, d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du rĂšglement no 1/2003 et du principe de proportionnalitĂ© en ce que la Commission aurait qualifiĂ© Ă  tort les requĂ©rantes de rĂ©cidivistes et, la troisiĂšme, d’une violation de l’obligation de motivation.

a) Sur la premiĂšre branche du premier moyen, tirĂ©e du dĂ©faut d’exercice, par la Commission, de son pouvoir d’apprĂ©ciation

41 Les requĂ©rantes reprochent Ă  la Commission de ne pas avoir suffisamment tenu compte des circonstances particuliĂšres ayant menĂ© Ă  la constatation d’une infraction dans le cadre de l’entente AMCA. La Commission se serait limitĂ©e, au considĂ©rant 138 de la dĂ©cision attaquĂ©e, Ă  constater que les circonstances qui avaient justifiĂ© la non-imposition d’une amende dans le cadre de ladite entente n’étaient pas pertinentes en l’espĂšce.

42 Les requĂ©rantes mettent en exergue plusieurs circonstances que la Commission aurait dĂ» examiner. Elles font valoir que la dĂ©cision relative Ă  l’entente AMCA a Ă©tĂ© adressĂ©e Ă  la premiĂšre requĂ©rante sur la base de sa responsabilitĂ© en tant que sociĂ©tĂ© mĂšre. Ladite entente aurait Ă©tĂ© mise en place, notamment, par une sociĂ©tĂ© que la premiĂšre requĂ©rante aurait rachetĂ©e par la suite. Lors du rachat, cette entente avait Ă©tĂ© mise en place depuis dĂ©jĂ  Ă  tout le moins quatorze ans. En outre, les deux employĂ©s de la sociĂ©tĂ© susmentionnĂ©e rachetĂ©e par la premiĂšre requĂ©rante, qui Ă©taient responsables des activitĂ©s concernĂ©es par ladite entente, auraient continuĂ© Ă  y participer en secret et aucune autre personne n’aurait Ă©tĂ© impliquĂ©e au sein de la premiĂšre requĂ©rante. Cette derniĂšre aurait dĂ©couvert l’entente en question par le biais de mesures internes de conformitĂ© et l’aurait dĂ©noncĂ©e, raison pour laquelle elle se serait vu accorder une immunitĂ© totale d’amendes par la Commission. Quant Ă  l’infraction en cause en l’espĂšce, seul un employĂ© isolĂ© y aurait participĂ©, Ă  l’insu de tous les autres employĂ©s ou cadres des requĂ©rantes. Or, cette personne n’aurait pas Ă©tĂ© employĂ©e par la premiĂšre requĂ©rante au moment des pratiques litigieuses sur le marchĂ© de l’acide monocloroacĂ©tique et aurait agi en dĂ©pit des mesures prises par la premiĂšre requĂ©rante en matiĂšre de conformitĂ©.

43 En outre, les requĂ©rantes arguent que la Commission a violĂ© le principe de proportionnalitĂ© lorsqu’elle a fixĂ© le taux de majoration de l’amende. Étant donnĂ© que le paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes prĂ©voit une fourchette de majoration comprise entre 0 et 100 % Ă  cet Ă©gard, la Commission aurait le devoir, en vertu du principe de proportionnalitĂ©, d’apprĂ©cier oĂč se situe la gravitĂ© d’une infraction rĂ©pĂ©tĂ©e dans cette fourchette. Selon les requĂ©rantes, la dĂ©cision attaquĂ©e n’explique pourtant pas la raison pour laquelle la gravitĂ© de l’infraction rĂ©pĂ©tĂ©e justifiait une augmentation de 50 %.

44 Les requĂ©rantes estiment que la Commission a utilisĂ© les mĂȘmes critĂšres pour justifier Ă  la fois le constat d’une infraction rĂ©pĂ©tĂ©e et le choix du taux de majoration, alors qu’il s’agit d’aspects distincts qui nĂ©cessitent une Ă©valuation distincte. En outre, les critĂšres appliquĂ©s par la Commission seraient communs Ă  tous les cas de rĂ©cidive et ne sauraient ĂȘtre invoquĂ©s pour justifier une majoration spĂ©cifique dans un cas de rĂ©cidive donnĂ©.

45 Par ailleurs, il ressortirait de la pratique dĂ©cisionnelle de la Commission que, d’une part, le seul facteur pris en compte pour dĂ©terminer la majoration de l’amende au titre de la rĂ©cidive serait le nombre d’infractions antĂ©rieures et que, d’autre part, il ne serait pas tenu compte de la moitiĂ© infĂ©rieure de la fourchette de majoration. La Commission mĂ©connaĂźtrait ainsi son obligation d’imposer une sanction appropriĂ©e qui reflĂšte la gravitĂ© d’une infraction particuliĂšre.

46 En ne tenant pas compte de la premiĂšre moitiĂ© de la fourchette de majoration des amendes prĂ©vue au paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes et en appliquant la mĂȘme majoration gĂ©nĂ©rale de 50 % Ă  tous les cas de premiĂšre rĂ©cidive, la Commission aurait violĂ© les principes d’égalitĂ© de traitement, de protection de la confiance lĂ©gitime et de sĂ©curitĂ© juridique.

47 La Commission conteste les arguments des requérantes.

48 Il convient de rappeler que la Commission dispose d’un pouvoir d’apprĂ©ciation en ce qui concerne le choix des Ă©lĂ©ments Ă  prendre en considĂ©ration aux fins de la dĂ©termination du montant des amendes, tels que, notamment, les circonstances particuliĂšres de l’affaire, le contexte de celle-ci et la portĂ©e dissuasive des amendes, et ce sans qu’il soit nĂ©cessaire de se rapporter Ă  une liste contraignante ou exhaustive de critĂšres devant obligatoirement ĂȘtre pris en compte. Le constat et l’apprĂ©ciation des caractĂ©ristiques spĂ©cifiques d’une rĂ©cidive font partie dudit pouvoir de la Commission (voir, en ce sens, arrĂȘts du 8 fĂ©vrier 2007, Groupe Danone/Commission, C 3/06 P, EU:C:2007:88, points 37 et 38, et du 29 septembre 2021, Nec/Commission, T 341/18, EU:T:2021:634, points 103 et 104).

49 La prise en compte de la rĂ©cidive vise Ă  inciter les entreprises qui ont manifestĂ© une propension Ă  s’affranchir des rĂšgles de concurrence Ă  modifier leur comportement. La Commission peut, dĂšs lors, dans chaque cas, prendre en considĂ©ration les indices tendant Ă  confirmer une telle propension, y compris, par exemple, le temps qui s’est Ă©coulĂ© entre les infractions en cause (arrĂȘts du 7 juin 2011, Arkema France e.a./Commission, T 217/06, EU:T:2011:251, point 294, et du 29 septembre 2021, Nec/Commission, T 341/18, EU:T:2021:634, points 77 et 104).

50 S’agissant du caractĂšre proportionnĂ© d’une majoration de l’amende au titre de la rĂ©cidive, il convient de rappeler que le Tribunal peut ĂȘtre amenĂ© Ă  vĂ©rifier si la Commission a respectĂ© le principe de proportionnalitĂ© lorsqu’elle a majorĂ©, au titre de la rĂ©cidive, l’amende infligĂ©e et, en particulier, si une telle majoration s’imposait notamment au regard du temps Ă©coulĂ© entre l’infraction en cause et le prĂ©cĂ©dent manquement aux rĂšgles de concurrence (arrĂȘts du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C 413/08 P, EU:C:2010:346, point 70, et du 29 septembre 2021, Nec/Commission, T 341/18, EU:T:2021:634, point 117).

51 En l’espĂšce, la Commission a infligĂ© aux requĂ©rantes une majoration de 50 % du montant de l’amende pour rĂ©cidive. Elle a constatĂ© que, au moment oĂč l’infraction en cause a Ă©tĂ© commise, la premiĂšre requĂ©rante avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© tenue pour responsable d’un comportement anticoncurrentiel dans la dĂ©cision relative Ă  l’entente AMCA.

52 Plus prĂ©cisĂ©ment, au considĂ©rant 138 de la dĂ©cision attaquĂ©e, la Commission a fait Ă©tat des Ă©lĂ©ments qu’elle a pris en considĂ©ration lors de son apprĂ©ciation de l’existence d’une rĂ©cidive. Elle a relevĂ© que :

– le comportement incriminĂ© en l’espĂšce avait commencĂ©, en ce qui concerne les requĂ©rantes, le 26 dĂ©cembre 2011, c’est-Ă -dire aprĂšs l’adoption de la dĂ©cision relative Ă  l’entente AMCA, le 19 janvier 2005 ;

– une pĂ©riode limitĂ©e s’était Ă©coulĂ©e entre l’adoption de ladite dĂ©cision et le commencement du comportement incriminĂ© en l’espĂšce ;

– les deux infractions devaient ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme Ă©tant « similaires » au sens du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes, en ce qu’elles constituaient toutes les deux des violations de l’article 101 TFUE ;

– la premiĂšre requĂ©rante Ă©tait la sociĂ©tĂ© mĂšre de Clariant GmbH, qui avait participĂ© directement Ă  l’infraction, et formait avec cette derniĂšre une seule entreprise pendant la pĂ©riode d’infraction ; les agissements passĂ©s de l’entreprise devaient ĂȘtre pris en considĂ©ration, et non uniquement ceux de Clariant GmbH ;

– les circonstances spĂ©cifiques de l’infraction Ă©tablie dans cette dĂ©cision et qui avaient justifiĂ© que les requĂ©rantes soient exemptĂ©es d’amende n’étaient pas pertinentes pour l’examen du manquement des requĂ©rantes aux rĂšgles de concurrence aprĂšs l’adoption de la dĂ©cision en question.

53 Il ressort de ce considĂ©rant que la Commission a, dans l’exercice de son pouvoir d’apprĂ©ciation, identifiĂ© les indices lui permettant d’apprĂ©cier la rĂ©cidive des requĂ©rantes.

54 En particulier, la Commission a tenu compte du fait que la premiĂšre requĂ©rante avait commis deux infractions constitutives d’une violation Ă  l’article 101 TFUE, sĂ©parĂ©es par un laps de temps relativement bref, ce qui suffit Ă  tĂ©moigner d’une propension Ă  s’affranchir des rĂšgles de la concurrence (voir, en ce sens, arrĂȘt du 8 fĂ©vrier 2007, Groupe Danone/Commission, C 3/06 P, EU:C:2007:88, point 40).

55 En ce qui concerne le choix du taux de majoration, c’est Ă  tort que les requĂ©rantes font valoir que la Commission ne pouvait justifier le choix de ce taux en se fondant sur les mĂȘmes Ă©lĂ©ments que ceux mentionnĂ©s pour apprĂ©cier l’existence d’une rĂ©cidive. En effet, pour choisir le taux de majoration pour cause de rĂ©cidive, la Commission doit apprĂ©cier les indices qui permettent de caractĂ©riser une telle rĂ©cidive et, en particulier, le temps Ă©coulĂ© entre l’infraction en cause et le prĂ©cĂ©dent manquement aux rĂšgles de concurrence, conformĂ©ment Ă  la jurisprudence citĂ©e au point 50 ci-dessus.

56 S’il est loisible Ă  la Commission de prendre en compte d’autres indices aux fins de l’analyse de la rĂ©cidive et du choix du taux de majoration, une telle prise en compte relĂšve de son pouvoir d’apprĂ©ciation, conformĂ©ment Ă  la jurisprudence citĂ©e aux points 48 Ă  50 ci-dessus. En considĂ©rant, en l’espĂšce, que les circonstances spĂ©cifiques de l’infraction faisant l’objet de la dĂ©cision relative Ă  l’entente AMCA, mises en exergue par les requĂ©rantes, n’étaient pas pertinentes, la Commission a donc exercĂ© son pouvoir d’apprĂ©ciation.

57 Par ailleurs, les requĂ©rantes ne peuvent utilement invoquer le fait que la Commission n’a pas dĂ©terminĂ© le taux de majoration de 50 % en fonction de la gravitĂ© particuliĂšre de l’infraction. En effet, cette derniĂšre a prĂ©cisĂ©ment pris en compte la pĂ©riode limitĂ©e s’étant Ă©coulĂ©e entre l’adoption de la dĂ©cision relative Ă  l’entente AMCA et le commencement du comportement incriminĂ© en l’espĂšce. Or, l’apprĂ©ciation du temps Ă©coulĂ© entre le constat d’une infraction prĂ©cĂ©dente et la nouvelle infraction dĂ©pend de la situation d’espĂšce, de sorte que cet indice permet Ă  la Commission d’analyser la gravitĂ© particuliĂšre de la rĂ©cidive dans chaque cas donnĂ©.

58 Dans la mesure oĂč les requĂ©rantes font valoir que le considĂ©rant 138 de la dĂ©cision attaquĂ©e ne contient pas de raisonnement explicite justifiant les raisons pour lesquelles la Commission a considĂ©rĂ© certaines circonstances entourant l’infraction commise dans le cadre de l’entente AMCA comme Ă©tant non pertinentes, il convient de constater, Ă  l’instar de la Commission, que cet argument vise Ă  invoquer un dĂ©faut de motivation de la dĂ©cision attaquĂ©e. Il sera donc analysĂ© dans le cadre de la troisiĂšme branche du premier moyen.

59 Les requĂ©rantes avancent encore, en substance, que la Commission viole les principes de proportionnalitĂ©, d’égalitĂ© de traitement, de confiance lĂ©gitime et de sĂ©curitĂ© juridique, dans la mesure oĂč il ressortirait de sa pratique dĂ©cisionnelle relative Ă  la rĂ©cidive qu’elle ne tient compte que du nombre d’infractions antĂ©rieures et impose un taux de majoration de 50 % Ă  tous les cas de premiĂšre rĂ©cidive, sans tenir compte de la premiĂšre moitiĂ© de la fourchette de majoration prĂ©vue au paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes. La ligne de conduite de la Commission ne permettrait pas une Ă©valuation au cas par cas de la gravitĂ© particuliĂšre d’une infraction.

60 Toutefois, il convient de constater que cette argumentation s’appuie sur une analyse de la pratique dĂ©cisionnelle de la Commission. Or, la Cour a itĂ©rativement jugĂ© que la pratique dĂ©cisionnelle antĂ©rieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique pour les amendes en matiĂšre de concurrence et que des dĂ©cisions concernant d’autres affaires ont un caractĂšre purement indicatif en ce qui concerne l’existence de discriminations (arrĂȘt du 26 janvier 2017, Zucchetti Rubinetteria/Commission, C 618/13 P, EU:C:2017:48, point 38).

61 En tout Ă©tat de cause, premiĂšrement, il a Ă©tĂ© constatĂ© que, bien que la prise en compte d’autres indices ne soit pas exclue, le temps Ă©coulĂ© entre deux infractions identiques ou similaires permet Ă  la Commission d’apprĂ©cier la rĂ©cidive d’une entreprise dans un cas donnĂ© et ainsi de dĂ©terminer le taux de majoration appropriĂ©, conformĂ©ment au principe de proportionnalitĂ©.

62 DeuxiĂšmement, s’agissant de la violation du principe d’égalitĂ© de traitement, il convient de rappeler que ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitĂ©es de maniĂšre diffĂ©rente et que des situations diffĂ©rentes ne soient pas traitĂ©es de maniĂšre Ă©gale, Ă  moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifiĂ© (voir arrĂȘt du 24 septembre 2020, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi/Commission, C 601/18 P, EU:C:2020:751, point 101 et jurisprudence citĂ©e). Étant donnĂ© que les requĂ©rantes invoquent la violation dudit principe, il leur importe de prĂ©ciser et de dĂ©montrer quelle est la situation comparable Ă  une autre situation qui a Ă©tĂ© traitĂ©e de maniĂšre diffĂ©rente ou quelle est la situation diffĂ©rente par rapport Ă  une autre qui a Ă©tĂ© traitĂ©e de maniĂšre identique [arrĂȘt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T 31/07, non publiĂ©, EU:T:2013:167, point 311 ; voir Ă©galement, en ce sens, arrĂȘt du 28 mai 2020, Agrochem-Maks/Commission, T 574/18, EU:T:2020:226, point 105 (non publiĂ©)]. Or, les requĂ©rantes se rĂ©fĂšrent Ă  des dĂ©cisions de la Commission sans expliquer si les circonstances de ces affaires Ă©taient semblables Ă  celles de la prĂ©sente affaire ou diffĂ©rentes.

63 TroisiĂšmement, s’agissant de la violation des principes de confiance lĂ©gitime et de sĂ©curitĂ© juridique, il suffit de relever que ces allĂ©gations ne sont pas Ă©tayĂ©es.

64 Eu Ă©gard Ă  ce qui prĂ©cĂšde, il convient de relever que la Commission a exercĂ© son pouvoir d’apprĂ©ciation lorsqu’elle a constatĂ© la rĂ©cidive et dĂ©cidĂ© de majorer le montant de base de l’amende de 50 %. En outre, dans le cadre de cet exercice, elle n’a pas mĂ©connu les principes de proportionnalitĂ©, d’égalitĂ© de traitement, de confiance lĂ©gitime et de sĂ©curitĂ© juridique.

65 Il convient donc de rejeter la premiĂšre branche du premier moyen.

b) Sur la deuxiÚme branche du premier moyen, tirée de la qualification erronée des requérantes de récidivistes

66 Les requĂ©rantes soutiennent que l’apprĂ©ciation de la Commission relative Ă  l’existence d’une rĂ©cidive est entachĂ©e d’erreurs de droit et avancent Ă  cet Ă©gard, en substance, quatre griefs, que la Commission conteste.

1) Sur le premier grief, relatif à l’absence de similitude entre l’infraction commise dans le cadre de l’entente AMCA et l’infraction en cause en l’espùce

67 Les requĂ©rantes allĂšguent que la Commission a commis une erreur de droit en constatant que l’infraction commise dans le cadre de l’entente AMCA et l’infraction en cause en l’espĂšce constituaient des infractions identiques ou similaires au sens du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes.

68 Selon les requĂ©rantes, la Commission aurait dĂ» procĂ©der Ă  une comparaison dĂ©taillĂ©e des deux infractions en cause, dont la nature et les caractĂ©ristiques diffĂ©raient sensiblement. L’entente AMCA aurait consistĂ© en une entente en matiĂšre de ventes visant Ă  la mise en Ɠuvre d’augmentations des prix de vente en aval, par le biais d’annonces concertĂ©es du prix de vente final. L’objectif principal de ladite entente Ă©tait de maintenir les parts de marchĂ© de ses participantes au moyen d’un systĂšme de rĂ©partition des volumes et des clients, accompagnĂ© d’un mĂ©canisme de compensation pour garantir le respect en pratique des quotas de volume convenus. L’échange d’informations sur les prix de vente Ă©tait accessoire au regard de l’objectif principal de cette entente.

69 En revanche, l’entente en cause en l’espĂšce porterait sur l’achat en amont d’une matiĂšre premiĂšre. Contrairement Ă  l’entente AMCA, l’achat d’éthylĂšne aurait Ă©tĂ© soumis Ă  une procĂ©dure de nĂ©gociation sur le marchĂ© libre, au cours de laquelle les vendeurs pouvaient choisir parmi un grand nombre d’acheteurs. Le comportement incriminĂ© n’aurait inclus aucun Ă©lĂ©ment de rĂ©partition du marchĂ© ou des clients et les participantes Ă  l’entente n’auraient eu aucun contact concernant leurs activitĂ©s de vente en aval respectives. En outre, le comportement infractionnel en cause en l’espĂšce serait nĂ© de circonstances uniques, diffĂ©rentes de celles de l’entente AMCA. Par exemple, ce comportement aurait dĂ©coulĂ© d’une coopĂ©ration licite en matiĂšre d’achat qui existait entre trois desdites participantes en raison de liens structurels et contractuels.

70 Dans la dĂ©cision attaquĂ©e, la Commission a constatĂ© que les deux infractions en cause pour lesquelles la premiĂšre requĂ©rante et ses filiales ont Ă©tĂ© tenues pour responsables constituaient des violations de l’article 101 TFUE, de sorte qu’elles devaient ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme Ă©tant similaires au sens du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes.

71 Cette apprĂ©ciation est exempte d’erreur. En effet, selon la jurisprudence, des infractions sont similaires, ou de mĂȘme type, aux fins d’établir un constat de rĂ©cidive, dĂšs lors qu’elles consistent en une violation de l’article 101 TFUE (voir, en ce sens, arrĂȘts du 12 dĂ©cembre 2007, BASF et UCB/Commission, T 101/05 et T 111/05, EU:T:2007:380, point 64, et du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, T 161/05, EU:T:2009:366, point 147).

72 Certes, l’infraction commise dans le cadre de l’entente AMCA consistait en une entente en matiĂšre de ventes visant Ă  la mise en Ɠuvre d’augmentations des prix de vente en aval, tandis que l’infraction en cause en l’espĂšce consistait en une entente en matiĂšre d’achats visant Ă  obtenir un niveau bas du prix d’achat d’une matiĂšre premiĂšre, Ă  savoir l’éthylĂšne. Toutefois, il suffit de constater que, dans les deux cas, la premiĂšre requĂ©rante et ses filiales ont participĂ© Ă  une entente interdite par l’article 101 TFUE.

73 De plus, ainsi que la Commission le fait valoir, les deux infractions en cause prĂ©sentaient bien des caractĂ©ristiques communes. En effet, le dispositif de la dĂ©cision relative Ă  l’entente AMCA Ă©nonce que la premiĂšre requĂ©rante est tenue pour responsable d’une violation de l’article 101 TFUE, notamment, en ayant augmentĂ© les prix de façon concertĂ©e et en ayant Ă©changĂ© des informations sur les volumes de vente et les prix. Le dispositif de la dĂ©cision attaquĂ©e mentionne que les requĂ©rantes ont enfreint l’article 101 TFUE en raison de leur participation Ă  une infraction consistant, notamment, en la fixation d’un Ă©lĂ©ment de prix et en l’échange d’informations commercialement sensibles et relatives Ă  la fixation de prix. Il ressort Ă©galement de cette derniĂšre dĂ©cision que l’objectif du comportement infractionnel Ă©tait d’influencer les nĂ©gociations en vue des transactions sur le PCM afin d’obtenir le prix d’achat le plus bas possible de l’éthylĂšne. Il s’ensuit que les pratiques de fixation de prix ou d’un Ă©lĂ©ment de prix de maniĂšre concertĂ©e et d’échange d’informations sur les prix se retrouvent dans les deux ententes auxquelles la premiĂšre requĂ©rante et ses filiales ont participĂ©.

74 Par ailleurs, au regard de la jurisprudence citĂ©e au point 71 ci-dessus, le fait que le comportement incriminĂ© en l’espĂšce serait nĂ© de circonstances uniques et, notamment, d’une coopĂ©ration licite entre certaines participantes est dĂ©nuĂ© de pertinence pour l’apprĂ©ciation de la rĂ©pĂ©tition d’infractions similaires.

75 DĂšs lors, la Commission n’a pas commis d’erreur en constatant la rĂ©pĂ©tition d’une infraction similaire au sens du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes.

2) Sur le deuxiÚme grief, relatif au laps de temps séparant les deux infractions

76 Les requĂ©rantes estiment que le point de dĂ©part Ă  retenir pour dĂ©terminer le temps Ă©coulĂ© entre l’infraction en cause en l’espĂšce et l’infraction antĂ©rieure serait le moment oĂč Clariant GmbH a activement et de sa propre initiative mis fin Ă  l’infraction commise dans le cadre de l’entente AMCA et a demandĂ© la clĂ©mence. Selon cette logique, plus de douze ans se seraient Ă©coulĂ©s entre les deux infractions, de sorte que les requĂ©rantes n’auraient pas montrĂ© une tendance particuliĂšre Ă  enfreindre les rĂšgles de concurrence.

77 Il ressortirait, notamment, de l’arrĂȘt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission (C 413/08 P, EU:C:2010:346), que la Commission doit tenir compte du moment de l’infraction effective en tant que point de dĂ©part pour dĂ©terminer le temps Ă©coulĂ© entre les deux infractions, plutĂŽt que le moment de la premiĂšre constatation de l’infraction. Pour des raisons d’équitĂ© et de proportionnalitĂ©, la durĂ©e de la procĂ©dure administrative relative Ă  l’infraction antĂ©rieure ne devrait pas ĂȘtre prise en compte.

78 Dans la dĂ©cision attaquĂ©e, la Commission a constatĂ© que le comportement infractionnel des requĂ©rantes avait commencĂ© le 26 dĂ©cembre 2011, c’est-Ă -dire aprĂšs l’adoption de la dĂ©cision AMCA le 19 janvier 2005, et qu’une pĂ©riode de temps limitĂ©e s’était ainsi Ă©coulĂ©e entre ces deux dates.

79 Cette apprĂ©ciation est exempte d’erreurs. En effet, selon la jurisprudence citĂ©e au point 49 ci-dessus, la Commission peut prendre en considĂ©ration, par exemple, le temps qui s’est Ă©coulĂ© entre les infractions en tant qu’indice de la rĂ©cidive.

80 En particulier, il a Ă©tĂ© jugĂ© qu’un laps de temps de moins de dix ans sĂ©parant les infractions tĂ©moignait de la propension d’une entreprise Ă  ne pas tirer les consĂ©quences appropriĂ©es d’un constat Ă  son Ă©gard d’une infraction aux rĂšgles de concurrence (voir, en ce sens, arrĂȘts du 8 fĂ©vrier 2007, Groupe Danone/Commission, C 3/06 P, EU:C:2007:88, point 40, et du 29 septembre 2021, Nec/Commission, T 341/18, EU:T:2021:634, point 105).

81 Étant donnĂ© que le comportement des requĂ©rantes, s’agissant de l’entente en cause en l’espĂšce, a dĂ©butĂ© presque sept ans aprĂšs l’adoption de la dĂ©cision AMCA, c’est Ă  bon droit que la Commission a constatĂ© que ce laps de temps, plutĂŽt bref, tĂ©moignait d’une propension des requĂ©rantes Ă  ne pas tirer les consĂ©quences appropriĂ©es du constat de l’infraction aux rĂšgles de concurrence figurant dans ladite dĂ©cision.

82 Les requĂ©rantes font valoir que le point de dĂ©part Ă  retenir pour dĂ©terminer le temps Ă©coulĂ© entre les deux infractions en cause doit ĂȘtre le moment oĂč Clariant GmbH a activement et de sa propre initiative mis fin Ă  l’infraction commise dans le cadre de l’entente AMCA et a demandĂ© la clĂ©mence, plutĂŽt que le moment de la constatation de l’infraction dans la dĂ©cision relative Ă  ladite entente.

83 Toutefois, il convient de rappeler que la prise en compte de la rĂ©cidive se justifie par le besoin de dissuasion supplĂ©mentaire dont tĂ©moigne le fait qu’un constat d’infraction antĂ©rieure n’a pas suffi Ă  empĂȘcher la rĂ©itĂ©ration d’une infraction. Ainsi, la rĂ©cidive est nĂ©cessairement constituĂ©e postĂ©rieurement au constat et Ă  la sanction de la premiĂšre infraction, puisqu’elle s’explique par le fait que cette sanction n’a pas Ă©tĂ© suffisamment dissuasive (voir, en ce sens, arrĂȘts du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T 53/03, EU:T:2008:254, point 392, et du 7 juin 2011, Arkema France e.a./Commission, T 217/06, EU:T:2011:251, point 299).

84 En outre, il ressort du libellĂ© du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes que la rĂ©cidive est constituĂ©e par la poursuite ou la rĂ©pĂ©tition d’une infraction identique ou similaire aprĂšs que la Commission ou une autoritĂ© nationale de concurrence a « constatĂ© » que l’entreprise concernĂ©e a enfreint les dispositions de l’article 101 ou 102 TFUE. Si, certes, les lignes directrices ne constituent pas le fondement juridique d’une dĂ©cision infligeant des amendes, cette derniĂšre se fondant sur le rĂšglement no 1/2003, elles dĂ©terminent, de maniĂšre gĂ©nĂ©rale et abstraite, la mĂ©thode que la Commission s’est imposĂ©e aux fins de la fixation du montant des amendes infligĂ©es par cette dĂ©cision et assurent, par consĂ©quent, la sĂ©curitĂ© juridique des entreprises (voir arrĂȘt du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T 11/06, EU:T:2011:560, point 71 et jurisprudence citĂ©e).

85 C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a pris en compte la date de la dĂ©cision AMCA, par laquelle elle a constatĂ© que la premiĂšre requĂ©rante et Clariant GmbH avaient commis une infraction aux rĂšgles de concurrence, comme point de dĂ©part pour apprĂ©cier le temps Ă©coulĂ© depuis le constat de la premiĂšre infraction.

86 Il convient encore de relever que, pour Ă©tayer leur grief, les requĂ©rantes se fondent sur une lecture erronĂ©e du point 70 de l’arrĂȘt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission (C 413/08 P, EU:C:2010:346). La Cour a jugĂ©, Ă  ce point, que le juge de l’Union pouvait ĂȘtre appelĂ© « Ă  vĂ©rifier si la Commission a[vait] respectĂ© [le] principe [de proportionnalitĂ©] lorsqu’elle a[vait] majorĂ©, au titre de la rĂ©cidive, l’amende infligĂ©e, et, en particulier, si une telle majoration s’imposait notamment au regard du temps Ă©coulĂ© entre l’infraction en cause et le prĂ©cĂ©dent manquement aux rĂšgles de concurrence ». Or, c’est Ă  tort que les requĂ©rantes dĂ©duisent des termes « prĂ©cĂ©dent manquement aux rĂšgles de concurrence » l’enseignement selon lequel le point de dĂ©part Ă  retenir pour dĂ©terminer le temps qui s’est Ă©coulĂ© entre deux infractions est le moment de la mise en Ɠuvre du comportement infractionnel antĂ©rieur. En effet, au point 86 de l’arrĂȘt susmentionnĂ©, la Cour a jugĂ© que « [l]a conclusion du Tribunal selon laquelle il suffi[sai]t que l’entreprise ait Ă©tĂ© prĂ©alablement considĂ©rĂ©e comme [Ă©tant] coupable d’une infraction du mĂȘme type, mĂȘme si la dĂ©cision [Ă©tai]t encore soumise Ă  un contrĂŽle juridictionnel, pour que la Commission puisse tenir compte de la rĂ©cidive[, Ă©tait] fondĂ©e en droit ». Il ressort de ce dernier point que c’est le constat de la responsabilitĂ© d’une entreprise pour une infraction antĂ©rieure qui est dĂ©terminant pour l’analyse de la rĂ©cidive.

87 Par ailleurs, le moment oĂč Clariant GmbH a mis fin Ă  l’infraction commise dans le cadre de l’entente AMCA et a demandĂ© la clĂ©mence ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme Ă©tant Ă©quivalant Ă  un constat d’infraction antĂ©rieure, dans la mesure oĂč la Commission ne s’était pas encore prononcĂ©e, Ă  ce stade, sur le caractĂšre anticoncurrentiel du comportement en cause ni sur la responsabilitĂ© de la premiĂšre requĂ©rante et de Clariant GmbH. En effet, une demande d’immunitĂ© ne fait que permettre la constatation d’une infraction Ă  l’article 101 TFUE par la Commission dans sa dĂ©cision finale (voir paragraphes 8 et 11 de la communication sur la coopĂ©ration) [voir, en ce sens, arrĂȘt du 20 janvier 2016, DHL Express (Italy) et DHL Global Forwarding (Italy), C 428/14, EU:C:2016:27, point 54].

88 Enfin, la circonstance selon laquelle la procĂ©dure administrative relative Ă  l’infraction antĂ©rieure a durĂ© plusieurs annĂ©es est dĂ©nuĂ©e de pertinence s’agissant du constat de rĂ©cidive en l’espĂšce, dans la mesure oĂč le point de dĂ©part qu’il convient de retenir pour ce constat est celui de la dĂ©cision relative Ă  l’entente AMCA.

89 C’est donc Ă  bon droit que la Commission a conclu qu’une pĂ©riode de temps limitĂ©e s’était Ă©coulĂ©e entre l’adoption de la dĂ©cision relative Ă  l’entente AMCA et le commencement du comportement incriminĂ© en l’espĂšce.

3) Sur le troisiĂšme grief, relatif Ă  l’absence d’imposition d’une sanction pĂ©cuniaire antĂ©rieure

90 Les requĂ©rantes font valoir que la raison d’ĂȘtre d’une majoration de l’amende pour cause de rĂ©cidive est intrinsĂšquement liĂ©e Ă  l’échec de l’effet dissuasif d’une sanction pĂ©cuniaire antĂ©rieure. Il s’ensuivrait que l’inexistence d’une amende antĂ©rieure devrait ĂȘtre prise en compte lors de l’examen des circonstances particuliĂšres d’une affaire et du niveau de dissuasion nĂ©cessaire. Les requĂ©rantes ne seraient pas des entreprises ayant fait l’objet d’une sanction pĂ©cuniaire. Le montant de base de l’amende infligĂ©e serait en soi suffisamment dissuasif, sans qu’une majoration soit justifiĂ©e.

91 À cet Ă©gard, il suffit de constater que, selon la jurisprudence, la notion de « rĂ©cidive » n’implique pas nĂ©cessairement le constat d’une sanction pĂ©cuniaire prĂ©alable, mais seulement celui d’une infraction prĂ©alable au droit de l’Union de la concurrence (arrĂȘts du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T 38/02, EU:T:2005:367, point 363, et du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T 53/03, EU:T:2008:254, point 387).

92 En effet, la prise en compte de la rĂ©cidive vise Ă  inciter les entreprises qui ont manifestĂ© une propension Ă  s’affranchir des rĂšgles de concurrence Ă  modifier leur comportement, dĂšs lors qu’il s’avĂšre qu’un prĂ©cĂ©dent constat d’infraction de sa part n’a pas suffi Ă  prĂ©venir la rĂ©itĂ©ration d’un comportement infractionnel. Ainsi, l’élĂ©ment dĂ©terminant de la rĂ©cidive n’est pas l’imposition prĂ©alable d’une amende, et a fortiori le montant de celle-ci, mais le constat prĂ©alable d’une infraction (arrĂȘt du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T 53/03, EU:T:2008:254, point 388).

93 DĂšs lors, le fait que les requĂ©rantes ne se sont pas vu infliger d’amende dans la dĂ©cision relative Ă  l’entente AMCA n’est pas susceptible de remettre en cause l’application du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes Ă  leur Ă©gard.

4) Sur le quatriùme grief, relatif à l’absence de prise en compte d’autres circonstances

94 Les requĂ©rantes soutiennent que la Commission et les juridictions de l’Union ont dĂ©jĂ  tenu compte d’autres circonstances dans le cadre de l’évaluation globale de la propension d’une entreprise Ă  enfreindre les rĂšgles de concurrence. Selon elles, si de telles circonstances avaient Ă©tĂ© prises en compte par la Commission, cette derniĂšre ne les aurait pas qualifiĂ©es de rĂ©cidivistes.

95 Toutefois, ainsi qu’il rĂ©sulte de l’examen de la premiĂšre branche du premier moyen, le constat et l’apprĂ©ciation des caractĂ©ristiques spĂ©cifiques d’une rĂ©cidive font partie du pouvoir d’apprĂ©ciation de la Commission. Cette derniĂšre pouvait, Ă  bon droit, se limiter Ă  constater que les requĂ©rantes avaient commis deux infractions, constitutives d’une violation de l’article 101 TFUE, sĂ©parĂ©es par un laps de temps relativement bref, et considĂ©rer que les circonstances mises en exergue par les requĂ©rantes n’étaient pas pertinentes.

96 Les griefs invoquĂ©s par les requĂ©rantes devant ĂȘtre rejetĂ©s, la deuxiĂšme branche du premier moyen ne saurait ĂȘtre accueillie.

c) Sur la troisiÚme branche du premier moyen, tirée du défaut de motivation

97 Les requĂ©rantes soutiennent que la Commission a appliquĂ© une augmentation standard de 50 % du montant de base de l’amende sans fournir de motivation du choix de ce taux et en ignorant les arguments dĂ©taillĂ©s qu’elles avaient soumis au cours de la procĂ©dure administrative.

98 Les requĂ©rantes se rĂ©fĂšrent aux arrĂȘts du 13 dĂ©cembre 2016, Printeos e.a./Commission (T 95/15, EU:T:2016:722, point 55), et du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission (T 105/17, EU:T:2019:675, point 351), dans lesquels le Tribunal aurait enjoint Ă  la Commission de motiver le montant prĂ©cis des ajustements qu’elle avait effectuĂ©s.

99 La Commission réfute les arguments des requérantes.

100 Selon une jurisprudence constante, la motivation exigĂ©e Ă  l’article 296 TFUE doit ĂȘtre adaptĂ©e Ă  la nature de l’acte en cause et doit faire apparaĂźtre de façon claire et non Ă©quivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte incriminĂ©, de maniĂšre Ă  permettre aux intĂ©ressĂ©s de connaĂźtre les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrĂŽle. Il n’est pas exigĂ© que la motivation spĂ©cifie tous les Ă©lĂ©ments de fait et de droit pertinents, dans la mesure oĂč la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences fixĂ©es Ă  l’article 296 TFUE doit ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e non seulement au regard de son libellĂ©, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des rĂšgles juridiques rĂ©gissant la matiĂšre concernĂ©e (arrĂȘts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C 367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 ; du 10 juillet 2019, Commission/Icap e.a., C 39/18 P, EU:C:2019:584, point 23, et du 16 juin 2022, Sony Optiarc et Sony Optiarc America/Commission, C 698/19 P, EU:C:2022:480, point 79).

101 En l’espĂšce, force est de constater que la Commission a exposĂ©, de maniĂšre dĂ©taillĂ©e, au considĂ©rant 138 de la dĂ©cision attaquĂ©e, les raisons qui l’ont conduite Ă  retenir la rĂ©cidive en ce qui concerne les requĂ©rantes (voir point 52 ci-dessus).

102 D’ailleurs, ces considĂ©rations ont permis aux requĂ©rantes de connaĂźtre le raisonnement de la Commission et de le contester devant le Tribunal ainsi qu’à ce dernier d’en vĂ©rifier le bien-fondĂ©.

103 En outre, contrairement Ă  ce que font valoir les requĂ©rantes, la Commission ne devait pas expliquer, au titre de l’obligation de motivation, dans la dĂ©cision attaquĂ©e, pourquoi, parmi les diffĂ©rents taux de majoration possibles, elle avait choisi un taux de majoration pour rĂ©cidive de 50 % (voir, en ce sens, arrĂȘt du 23 janvier 2014, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, T 391/09, non publiĂ©, EU:T:2014:22, point 164 et jurisprudence citĂ©e).

104 Par ailleurs, comme le relĂšve Ă  bon droit la Commission, les arrĂȘts du 13 dĂ©cembre 2016, Printeos e.a./Commission (T 95/15, EU:T:2016:722), et du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission (T 105/17, EU:T:2019:675), ne sont pas pertinents. En effet, dans le premier de ces arrĂȘts, le Tribunal a constatĂ© un dĂ©faut de motivation entourant l’application de taux de rĂ©duction du montant de base des amendes, qui diffĂ©raient selon les entreprises concernĂ©es, en soulignant que la Commission s’était Ă©cartĂ©e de sa mĂ©thode gĂ©nĂ©rale exposĂ©e dans les lignes directrices pour le calcul des amendes et que l’obligation de motivation s’imposait donc avec plus de vigueur. Dans le second de ces arrĂȘts, il a constatĂ© un dĂ©faut de motivation s’agissant de la dĂ©termination d’un facteur de rĂ©duction, en soulignant que, sans s’écarter de la mĂ©thode gĂ©nĂ©rale, la Commission avait nĂ©anmoins choisi une valeur de remplacement spĂ©cifique pour dĂ©terminer la valeur des ventes, dans la mesure oĂč les entreprises ne gĂ©nĂ©raient pas de ventes au sens usuel du terme.

105 Or, en l’espĂšce, la Commission a appliquĂ© le paragraphe 28 des lignes directrices sur le calcul des amendes, sans s’écarter des critĂšres qui y Ă©taient prĂ©vus, et en appliquant un taux de majoration situĂ© dans la fourchette explicitement mentionnĂ©e audit paragraphe. Il ne peut donc ĂȘtre tirĂ© aucune analogie pertinente avec les arrĂȘts citĂ©s au point 104 ci-dessus.

106 Il convient dĂšs lors de rejeter la troisiĂšme branche du premier moyen et, partant, ce moyen dans son ensemble.

2. Sur le deuxiĂšme moyen, tirĂ© de ce que la Commission a erronĂ©ment majorĂ© le montant de base de l’amende au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes

107 À titre liminaire, il convient de relever que, selon les paragraphes 9 Ă  12 et 19 des lignes directrices pour le calcul des amendes, « [s]ans prĂ©judice du [paragraphe] 37 [desdites lignes], la Commission utilisera la mĂ©thod[e] suivante, comportant deux Ă©tapes, pour la fixation de l’amende Ă  imposer aux entreprises ». En « premier lieu, la Commission dĂ©terminera un montant de base pour chaque entreprise » et, en « second lieu, elle pourra ajuster ce montant de base, Ă  la hausse ou Ă  la baisse », Ă©tant prĂ©cisĂ© que le montant de base de l’amende devra ĂȘtre « liĂ© Ă  une proportion de la valeur des ventes, dĂ©terminĂ©e en fonction du degrĂ© de gravitĂ© de l’infraction ».

108 Le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes prĂ©voit que, « [e]n vue de dĂ©terminer le montant de base de l’amende Ă  infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, rĂ©alisĂ©es par l’entreprise, en relation directe ou indirecte [...] avec l’infraction, dans le secteur gĂ©ographique concernĂ© Ă  l’intĂ©rieur du territoire de l’[Espace Ă©conomique europĂ©en (EEE)] ».

109 Le paragraphe 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes a pour objectif de retenir, en principe, comme point de dĂ©part pour le calcul du montant de l’amende infligĂ©e Ă  une entreprise, un montant qui reflĂšte l’importance Ă©conomique de l’infraction et le poids relatif de cette entreprise dans celle-ci (voir, en ce sens, arrĂȘts du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C 194/14 P, EU:C:2015:717, point 64, et du 26 janvier 2017, Zucchetti Rubinetteria/Commission, C 618/13 P, EU:C:2017:48, point 57).

110 Selon le paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, « [b]ien que les[dites l]ignes directrices exposent la mĂ©thod[e] gĂ©nĂ©rale pour la fixation d’amendes, les particularitĂ©s d’une affaire donnĂ©e ou la nĂ©cessitĂ© d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particuliĂšre peuvent justifier que la Commission s’écarte de cette mĂ©thod[e] ».

111 Le deuxiĂšme moyen s’articule en trois branches, tirĂ©es, la premiĂšre, d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du rĂšglement no 1/2003 et des principes de proportionnalitĂ© et de bonne administration au motif que la Commission n’a pas exercĂ© son pouvoir d’apprĂ©ciation lors de l’application du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, la deuxiĂšme, d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du rĂšglement no 1/2003 et des principes de proportionnalitĂ©, de confiance lĂ©gitime et de sĂ©curitĂ© juridique par l’application erronĂ©e d’une majoration en vertu dudit paragraphe et, la troisiĂšme, d’une violation de l’obligation de motivation.

a) Sur la premiĂšre branche du deuxiĂšme moyen, tirĂ©e du dĂ©faut d’exercice, par la Commission, de son pouvoir d’apprĂ©ciation

112 Les requĂ©rantes reprochent, en substance, Ă  la Commission d’avoir appliquĂ© le paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes de façon mĂ©canique, sans exercer son pouvoir discrĂ©tionnaire.

113 Les requĂ©rantes soutiennent que, dans la dĂ©cision attaquĂ©e, la Commission s’est fondĂ©e sur une hypothĂšse gĂ©nĂ©rale et non prouvĂ©e selon laquelle il serait peu probable que la valeur des achats reflĂšte l’impact Ă©conomique des ententes d’achat. Elles affirment que, au cours de la procĂ©dure administrative, elles ont pourtant fourni de nombreux Ă©lĂ©ments de preuve dĂ©montrant que, en raison des circonstances spĂ©cifiques de l’affaire et du marchĂ© concernĂ©, il n’y avait jamais eu de perspective plausible que le comportement incriminĂ© ait la moindre incidence significative sur ce marchĂ©. La Commission n’aurait toutefois pas tenu compte de ces Ă©lĂ©ments.

114 En outre, les requĂ©rantes reprochent Ă  la Commission de s’ĂȘtre bornĂ©e Ă  se rĂ©fĂ©rer Ă  sa pratique antĂ©rieure, alors que le paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes n’aurait Ă©tĂ© appliquĂ© que dans un seul cas relatif Ă  une infraction sur un marchĂ© d’achat, dont les faits diffĂ©reraient sensiblement de ceux de la prĂ©sente affaire. La Commission n’aurait donc pas agi avec soin et impartialitĂ© conformĂ©ment au principe de bonne administration et n’aurait pas exercĂ© son pouvoir discrĂ©tionnaire.

115 Les requĂ©rantes soutiennent que le dĂ©faut d’apprĂ©ciation de la Commission s’étend Ă©galement au choix du taux de majoration de l’amende, dans la mesure oĂč elle n’aurait pas expliquĂ© ce choix et se serait contentĂ©e de mentionner, dans la dĂ©cision attaquĂ©e, qu’une majoration de 10 % Ă©tait conforme Ă  sa pratique antĂ©rieure, sans tenir compte des particularitĂ©s du cas d’espĂšce.

116 La Commission conteste les arguments des requérantes.

117 Il convient de rappeler que la Commission bĂ©nĂ©ficie d’un large pouvoir d’apprĂ©ciation en ce qui concerne la mĂ©thode de calcul des amendes en cas de violation des rĂšgles de l’Union en matiĂšre de concurrence. Cette mĂ©thode comporte diffĂ©rents Ă©lĂ©ments de flexibilitĂ© permettant Ă  la Commission d’exercer son pouvoir d’apprĂ©ciation en conformitĂ© avec les dispositions de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du rĂšglement no 1/2003 [voir arrĂȘt du 1er aoĂ»t 2022, Daimler (Ententes – Camions Ă  ordures mĂ©nagĂšres), C 588/20, EU:C:2022:607, point 58 et jurisprudence citĂ©e].

118 Si l’article 23, paragraphe 2, du rĂšglement no 1/2003 laisse Ă  la Commission une marge d’apprĂ©ciation, il en limite nĂ©anmoins l’exercice en instaurant des critĂšres objectifs auxquels celle-ci doit se conformer. Ainsi, notamment, l’exercice de ce pouvoir d’apprĂ©ciation est limitĂ© par les rĂšgles de conduite que la Commission s’est elle-mĂȘme imposĂ©es [voir, en ce sens, arrĂȘt du 1er aoĂ»t 2022, Daimler (Ententes – Camions Ă  ordures mĂ©nagĂšres), C 588/20, EU:C:2022:607, point 59 et jurisprudence citĂ©e].

119 Dans ce contexte, il rĂ©sulte des points 107 Ă  110 ci-dessus que, dans le cadre de la mĂ©thode gĂ©nĂ©rale fixĂ©e par les lignes directrices pour le calcul des amendes, la Commission utilise la valeur des ventes comme point de dĂ©part pour le calcul du montant de l’amende infligĂ©e Ă  une entreprise, afin de retenir, en principe, un montant qui reflĂšte l’importance Ă©conomique de l’infraction et le poids relatif de cette entreprise dans celle-ci. Cela Ă©tant, le paragraphe 37 desdites lignes directrices lui permet de s’écarter de la mĂ©thode gĂ©nĂ©rale lorsque les particularitĂ©s d’une affaire donnĂ©e ou la nĂ©cessitĂ© d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particuliĂšre le justifient.

120 En l’espĂšce, aux considĂ©rants 116 Ă  118 de la dĂ©cision attaquĂ©e, la Commission a constatĂ© que, Ă©tant donnĂ© que l’infraction relative Ă  l’éthylĂšne constituait une entente en matiĂšre d’achats et que les participantes n’étaient pas toutes prĂ©sentes sur le(s) mĂȘme(s) marchĂ©(s) en aval, il convenait, selon elle, de calculer le montant de base de l’amende Ă  partir de la valeur des achats plutĂŽt qu’à partir de la valeur des ventes des produits vendus sur les marchĂ©s en aval.

121 Aux considĂ©rants 141 Ă  148 de la dĂ©cision attaquĂ©e, la Commission a estimĂ© qu’une majoration du montant de base de l’amende Ă©tait justifiĂ©e au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Elle a indiquĂ© ce qui suit :

– selon le paragraphe 5 des lignes directrices pour le calcul des amendes, afin d’atteindre les objectifs d’effet dissuasif spĂ©cifique et d’effet dissuasif gĂ©nĂ©ral, il Ă©tait appropriĂ© de se rĂ©fĂ©rer, pour la dĂ©termination des amendes, Ă  la valeur des ventes de biens ou de services liĂ©es Ă  l’infraction (considĂ©rant 141 de la dĂ©cision attaquĂ©e)

– le mĂ©canisme prĂ©vu par la mĂ©thode gĂ©nĂ©rale pour la fixation du montant des amendes Ă©tait tel que plus une entente en matiĂšre de ventes Ă©tait mise en Ɠuvre avec succĂšs, plus la valeur des ventes Ă©tait Ă©levĂ©e et, partant, le montant de l’amende. Selon le paragraphe 6 desdites lignes directrices, la combinaison de la valeur des ventes faisant l’objet de l’infraction avec la durĂ©e de celle-ci Ă©tait considĂ©rĂ©e comme une valeur de remplacement adĂ©quate pour reflĂ©ter l’importance Ă©conomique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant Ă  celle-ci (considĂ©rant 142 de la dĂ©cision attaquĂ©e) ;

– or, l’infraction en cause en l’espĂšce ne concernait pas une entente sur les prix de vente, mais sur les prix d’achat. L’objectif inhĂ©rent d’une telle entente n’était pas d’obtenir une augmentation du prix (d’achat), mais, au contraire, d’obtenir une rĂ©duction de celui-ci ou d’empĂȘcher son augmentation ; la fixation du montant de base de l’amende en prenant en compte la valeur des achats aboutissait Ă  une situation dans laquelle le montant de l’amende Ă©tait inversement proportionnĂ© Ă  l’objectif du cartel : plus une telle entente Ă©tait mise en Ɠuvre avec succĂšs, moins le montant de la valeur des achats Ă©tait Ă©levĂ© et, partant, le montant de l’amende (considĂ©rant 143 de la dĂ©cision attaquĂ©e). Il Ă©tait donc inhĂ©rent au fait que l’entente en cause est une entente en matiĂšre d’achats que la valeur des achats n’était pas en soi susceptible de constituer une valeur de remplacement adĂ©quate pour reflĂ©ter l’importance Ă©conomique de l’infraction. Cela Ă©tait Ă©galement dĂ» au fait que, normalement, pour une entreprise en activitĂ©, les achats sont moins Ă©levĂ©s que les ventes en termes de valeur, ce qui entraĂźne un point de dĂ©part systĂ©matiquement infĂ©rieur pour la dĂ©termination du montant de base de l’amende (considĂ©rant 144 de la dĂ©cision attaquĂ©e) ;

– dĂšs lors, l’application de la mĂ©thode gĂ©nĂ©rale prĂ©vue par ces lignes directrices sans procĂ©der au moindre ajustement, ne permettait pas d’assurer un effet dissuasif suffisant, lequel n’était pas seulement nĂ©cessaire pour sanctionner les entreprises concernĂ©es par la dĂ©cision attaquĂ©e (dissuasion spĂ©cifique), mais Ă©galement pour empĂȘcher que d’autres entreprises ne s’engagent dans le mĂȘme type de comportement (dissuasion gĂ©nĂ©rale) (considĂ©rant 145 de la dĂ©cision attaquĂ©e) ;

– afin de tenir compte de cette particularitĂ© et d’assurer un effet dissuasif suffisant, il Ă©tait appropriĂ© d’appliquer, conformĂ©ment Ă  la pratique antĂ©rieure, une majoration de l’amende de 10 % Ă  toutes les entreprises concernĂ©es (considĂ©rant 146 de la dĂ©cision attaquĂ©e) ;

– conformĂ©ment Ă  la jurisprudence, la majoration de l’amende au titre du paragraphe 37 des mĂȘmes lignes directrices n’était pas subordonnĂ©e Ă  la dĂ©monstration prĂ©alable d’éventuels effets rĂ©els du comportement incriminĂ© sur le marchĂ© (considĂ©rant 147 de la dĂ©cision attaquĂ©e) ;

– il a Ă©tĂ© tenu compte de la position spĂ©cifique de chaque partie tant lors de la dĂ©termination du montant de base, puisque la valeur des achats Ă©tait diffĂ©rente pour chaque partie, que lors du calcul de la durĂ©e de leur participation (considĂ©rant 148 de la dĂ©cision attaquĂ©e).

122 La Commission a donc dĂ»ment exercĂ© son pouvoir d’apprĂ©ciation. En effet, il rĂ©sulte des considĂ©rations exposĂ©es aux points 120 et 121 ci-dessus que la Commission a considĂ©rĂ© nĂ©cessaire, au titre de ce pouvoir, d’appliquer le paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes dans le cas d’espĂšce et d’augmenter le montant de base de l’amende de 10 %.

123 À cet Ă©gard, la Commission a tenu compte des particularitĂ©s de l’affaire, Ă  savoir du fait que l’entente en cause Ă©tait une entente en matiĂšre d’achats et que la valeur des achats, prise en compte en lieu et place de la valeur des ventes, n’était pas en soi susceptible de constituer une valeur de remplacement adĂ©quate pour reflĂ©ter l’importance Ă©conomique de l’infraction. Elle a Ă©galement tenu compte de la nĂ©cessitĂ© d’atteindre un montant dissuasif de l’amende en constatant que, si la mĂ©thode gĂ©nĂ©rale Ă©tait appliquĂ©e sans le moindre ajustement, l’effet dissuasif ne serait pas assurĂ©.

124 Les requĂ©rantes font valoir que la Commission n’a pas fait usage de son pouvoir discrĂ©tionnaire, dans la mesure oĂč elle n’a pas tenu compte de l’absence d’effets du comportement incriminĂ© sur le marchĂ©.

125 Toutefois, il suffit de constater que c’est Ă  juste titre que la Commission a rappelĂ© que la majoration de l’amende au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes n’était pas subordonnĂ©e Ă  la dĂ©monstration prĂ©alable d’éventuels effets rĂ©els du comportement incriminĂ© sur le marchĂ© (arrĂȘt du 7 novembre 2019, Campine et Campine Recycling/Commission, T 240/17, non publiĂ©, EU:T:2019:778, point 345).

126 En effet, le paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes a pour objet de permettre Ă  la Commission de s’écarter de la mĂ©thode gĂ©nĂ©rale, qui peut parfois se rĂ©vĂ©ler inadaptĂ©e aux circonstances particuliĂšres d’une affaire (voir, en ce sens, arrĂȘts du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C 194/14 P, EU:C:2015:717, points 65 Ă  67, et du 10 juillet 2019, Commission/Icap e.a., C 39/18 P, EU:C:2019:584, point 27). Pour son application, ledit paragraphe prĂ©voit que les particularitĂ©s d’une affaire donnĂ©e ou la nĂ©cessitĂ© d’atteindre un effet dissuasif suffisant justifient de se dĂ©partir de la mĂ©thode gĂ©nĂ©rale. Or, ces critĂšres ne reposent pas nĂ©cessairement sur une analyse des effets de l’infraction sur le marchĂ©.

127 Les requĂ©rantes ne peuvent donc valablement reprocher Ă  la Commission de n’avoir pas fait usage de son pouvoir discrĂ©tionnaire en ne procĂ©dant pas Ă  l’analyse des effets du comportement infractionnel des participantes Ă  l’entente sur le prix de l’éthylĂšne.

128 Par ailleurs, le fait que la Commission a suivi la mĂȘme approche que celle mise en Ɠuvre dans la dĂ©cision C(2017) 900 final de la Commission, du 8 fĂ©vrier 2017, relative Ă  une procĂ©dure d’application de l’article 101 TFUE (affaire AT.40018 – Recyclage de batteries automobiles) (ci-aprĂšs la « dĂ©cision relative au recyclage de batteries automobiles »), examinĂ©e par le Tribunal dans les arrĂȘts du 23 mai 2019, Recylex e.a./Commission (T 222/17, EU:T:2019:356), et du 7 novembre 2019, Campine et Campine Recycling/Commission (T 240/17, non publiĂ©, EU:T:2019:778), ne constitue pas un dĂ©faut d’exercice de son pouvoir discrĂ©tionnaire ni une violation du principe de bonne administration. En effet, la Commission ne s’est pas bornĂ©e Ă  se rĂ©fĂ©rer Ă  cette dĂ©cision ou Ă  ces arrĂȘts, mais a exposĂ© quelles Ă©taient les particularitĂ©s de l’affaire donnĂ©e et en quoi ces particularitĂ©s ne permettaient pas d’atteindre un effet dissuasif suffisant.

129 Il en va de mĂȘme en ce qui concerne le choix du taux de majoration appliquĂ©. En effet, la Commission ne s’est pas contentĂ©e de constater que la majoration de 10 % Ă©tait conforme Ă  sa pratique antĂ©rieure, mais a exposĂ© les particularitĂ©s de l’affaire donnĂ©e et la nĂ©cessitĂ© d’atteindre un effet dissuasif suffisant l’ayant conduite Ă  ajuster le montant de base de l’amende en l’augmentant de 10 % en application du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Elle a ainsi fait usage de son pouvoir discrĂ©tionnaire.

130 En ce que les requĂ©rantes considĂšrent que la Commission n’a pas suffisamment explicitĂ© le choix du taux de majoration, il convient de constater que cet argument vise Ă  invoquer un dĂ©faut de motivation de la dĂ©cision attaquĂ©e et doit ĂȘtre rejetĂ© pour les raisons exposĂ©es dans le cadre de la troisiĂšme branche du deuxiĂšme moyen.

131 Sur le fondement de ce qui précÚde, il convient de rejeter la premiÚre branche du deuxiÚme moyen.

b) Sur la deuxiĂšme branche du deuxiĂšme moyen, tirĂ©e de l’application erronĂ©e de la majoration en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes

132 Il convient de rappeler que, dans les domaines oĂč la Commission a conservĂ© une marge d’apprĂ©ciation, le contrĂŽle de la lĂ©galitĂ© opĂ©rĂ© sur ces apprĂ©ciations se limite Ă  celui de l’absence d’erreur manifeste d’apprĂ©ciation (arrĂȘts du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T 241/01, EU:T:2005:296, points 64 et 79, et du 19 mai 2010, IMI e.a./Commission, T 18/05, EU:T:2010:202, point 120).

133 Les requĂ©rantes soutiennent que l’apprĂ©ciation relative Ă  l’ajustement du montant de base de l’amende au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, exposĂ©e aux considĂ©rants 141 Ă  148 de la dĂ©cision attaquĂ©e, est entachĂ©e d’erreurs et avancent Ă  cet Ă©gard cinq griefs, que la Commission conteste.

1) Sur le premier grief, tirĂ© du fait que la valeur des achats ne comporte pas de sous-estimation de l’importance Ă©conomique de l’infraction dans la prĂ©sente affaire

134 Les requĂ©rantes soutiennent qu’il n’y aurait jamais eu de perspective plausible que le comportement infractionnel en cause puisse avoir la moindre incidence significative sur la valeur d’achat de l’éthylĂšne, ce qui serait dĂ©montrĂ© par une analyse Ă©conomique fournie Ă  la Commission au cours de la procĂ©dure administrative.

135 Il ressortirait, notamment, de l’analyse Ă©conomique en cause, tout d’abord, que, Ă©tant donnĂ© le nombre plus important d’acheteurs que de fournisseurs sur le marchĂ© de l’éthylĂšne, un petit groupe d’acheteurs ne serait pas en mesure de contrĂŽler le rĂ©sultat des transactions sur le PCM. Ensuite, le prix de l’éthylĂšne n’aurait pas simplement suivi celui du naphte, qui constitue le principal facteur de coĂ»t de l’éthylĂšne, mais aurait constamment augmentĂ© au fil des annĂ©es, y compris pendant la pĂ©riode d’infraction. Enfin, les transactions sur le PCM suivraient gĂ©nĂ©ralement les prĂ©visions publiĂ©es par l’un des organismes de notification privĂ© et indĂ©pendant. Le fait que les transactions finales sur le PCM se situaient presque toujours dans la fourchette prĂ©vue par cet organisme dĂ©montrerait que ces transactions ont Ă©tĂ© conclues Ă  des montants objectivement appropriĂ©s et conformes aux donnĂ©es du marchĂ©.

136 Au vu de ces Ă©lĂ©ments, les requĂ©rantes remettent en cause le fondement du raisonnement de la Commission, en ce qu’elle a constatĂ© que la valeur des achats comportait une sous-estimation de l’importance Ă©conomique de l’infraction en cause en l’espĂšce.

137 Toutefois, le prĂ©sent grief procĂšde d’une lecture erronĂ©e de la dĂ©cision attaquĂ©e.

138 En effet, ainsi qu’il ressort du point 120 ci-dessus, la Commission a considĂ©rĂ© que l’infraction en cause en l’espĂšce constituait une entente en matiĂšre d’achats et qu’il convenait de calculer le montant de base de l’amende Ă  partir de la valeur des achats, ce que les requĂ©rantes ne contestent pas.

139 Ainsi qu’il ressort, en substance, du point 121 ci-dessus, la Commission a ensuite constatĂ© qu’il Ă©tait peu probable que la valeur des achats constitue, en soi, une valeur de remplacement appropriĂ©e reflĂ©tant l’importance Ă©conomique de l’infraction. À cet Ă©gard, elle a expliquĂ©, d’une part, que l’objectif d’une entente en matiĂšre d’achats Ă©tait d’obtenir une rĂ©duction du prix d’achat ou d’empĂȘcher l’augmentation de ce dernier, de sorte que la prise en compte de la valeur des achats aurait abouti Ă  une situation oĂč le montant de l’amende serait inversement proportionnel Ă  l’objectif du cartel. D’autre part, elle a constatĂ© que, pour une entreprise en activitĂ©, les achats Ă©taient en principe moins Ă©levĂ©s que les ventes en termes de valeur, ce qui entraĂźnait un point de dĂ©part systĂ©matiquement infĂ©rieur pour la dĂ©termination du montant de base de l’amende.

140 DĂšs lors, le raisonnement de la Commission ne se fonde pas sur le fait que l’entente en cause a Ă©tĂ© fructueuse et a permis de rĂ©duire le prix d’achat de l’éthylĂšne, de sorte que la prise en compte de la valeur des achats ne constituait pas un paramĂštre appropriĂ© pour le calcul du montant de l’amende. Il se fonde sur le fait que, indĂ©pendamment des effets de l’infraction sur le marchĂ©, il est inhĂ©rent aux ententes en matiĂšre d’achats que la prise en compte de la valeur des achats ne peut constituer, en soi, une valeur qui permet de reflĂ©ter l’importance Ă©conomique de l’infraction. La conclusion selon laquelle la valeur des achats comportait une sous-estimation de l’importance Ă©conomique de l’infraction en cause en l’espĂšce ne repose donc pas sur les effets du comportement infractionnel sur le marchĂ©, mais sur le caractĂšre imparfait de la valeur des achats, prise en compte aux fins du calcul du montant de l’amende.

141 Cette apprĂ©ciation est conforme Ă  la jurisprudence selon laquelle la Commission n’est pas obligĂ©e, pour l’application du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, de tenir compte des Ă©ventuels effets rĂ©els du comportement incriminĂ© sur le marchĂ© (voir point 125 ci-dessus). L’analyse Ă©conomique fournie par les requĂ©rantes, visant Ă  constater que l’entente en cause n’a pas Ă©tĂ© efficace et que les participantes Ă  l’entente ne sont pas parvenues Ă  influencer les transactions sur le PCM, ne peut donc remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle la valeur des achats entraĂźne une sous-estimation de l’importance Ă©conomique de l’infraction. Les arguments des requĂ©rantes doivent ainsi ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme Ă©tant inopĂ©rants.

2) Sur le deuxiĂšme grief, tirĂ© de ce que la majoration du montant de l’amende n’était pas nĂ©cessaire pour assurer un effet dissuasif

142 Les requĂ©rantes soutiennent que, Ă©tant donnĂ© que les pratiques en cause n’auraient pas pu gĂ©nĂ©rer de bĂ©nĂ©fices, l’amende qui leur a Ă©tĂ© infligĂ©e, sans la majoration de 10 % appliquĂ©e en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, atteint dĂ©jĂ  un montant supĂ©rieur Ă  celui des gains hypothĂ©tiques qu’elles auraient pu raisonnablement attendre de l’infraction. En outre, la Commission ayant dĂ©jĂ  majorĂ© de 15 % l’amende au titre du paragraphe 25 de ces lignes directrices, elle ne pourrait imposer de façon mĂ©canique une majoration additionnelle de 10 % en vertu du paragraphe 37 desdites lignes directrices.

143 Ainsi qu’il ressort du point 121 ci-dessus, la Commission a constatĂ© que, s’il Ă©tait fait application de la mĂ©thode gĂ©nĂ©rale prĂ©vue par les lignes directrices pour le calcul des amendes, fondĂ©e sur la valeur des ventes, sans procĂ©der au moindre ajustement, cela ne permettrait pas d’assurer un effet dissuasif suffisant de l’amende. Cet effet dissuasif Ă©tait pourtant nĂ©cessaire afin de sanctionner les entreprises concernĂ©es par la dĂ©cision attaquĂ©e (dissuasion spĂ©cifique) et Ă©galement pour empĂȘcher que d’autres entreprises s’engagent dans le mĂȘme type de comportement (dissuasion gĂ©nĂ©rale), conformĂ©ment au paragraphe 4 desdites lignes directrices. Cette conclusion dĂ©coulait, en substance, du caractĂšre imparfait de la valeur des achats pour reflĂ©ter l’importance Ă©conomique de l’infraction.

144 Contrairement Ă  ce que suggĂšrent les requĂ©rantes, le raisonnement de la Commission ne repose donc pas sur l’hypothĂšse selon laquelle l’entente en cause a Ă©tĂ© fructueuse et a gĂ©nĂ©rĂ© des bĂ©nĂ©fices pour les requĂ©rantes, mais sur le constat que la valeur des achats, en soi, ne permettait pas d’assurer un effet dissuasif suffisant.

145 Il s’ensuit que les Ă©ventuels bĂ©nĂ©fices que les requĂ©rantes pouvaient retirer de l’entente ne sont pas pertinents. À cet Ă©gard, il convient Ă©galement de rappeler qu’il est loisible Ă  la Commission de tenir compte de l’inefficacitĂ© de l’entente et donc de l’absence de profits retirĂ©s par ses participantes Ă  un autre stade du calcul du montant de l’amende, notamment lors de la fixation des coefficients de gravitĂ©. En effet, selon la jurisprudence, parmi les Ă©lĂ©ments de nature Ă  entrer dans l’apprĂ©ciation de la gravitĂ© des infractions figurent le comportement de chacune des entreprises, le rĂŽle jouĂ© par chacune d’elles dans l’établissement de l’entente, le profit qu’elles ont pu tirer de celle-ci, leur taille et la valeur des marchandises concernĂ©es ainsi que le risque que des infractions de ce type reprĂ©sentent pour les objectifs de l’Union (voir arrĂȘt du 26 janvier 2017, Roca Sanitario/Commission, C 636/13 P, EU:C:2017:56, point 49 et jurisprudence citĂ©e).

146 En ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission a dĂ©jĂ  appliquĂ© un pourcentage Ă  des fins de dissuasion au titre du paragraphe 25 des lignes directrices pour le calcul des amendes, de sorte qu’il ne saurait ĂȘtre justifiĂ© qu’elle applique une majoration supplĂ©mentaire en vertu du paragraphe 37 de ces lignes directrices, il convient de rappeler que ces deux points ont des finalitĂ©s diffĂ©rentes et peuvent ĂȘtre appliquĂ©s de façon concomitante.

147 En effet, le paragraphe 25 des lignes directrices pour le calcul des amendes prĂ©voit la possibilitĂ© pour la Commission d’appliquer un montant additionnel afin de dissuader les entreprises de participer Ă  des accords horizontaux de fixation de prix, de rĂ©partition de marchĂ© et de limitation de production, ou mĂȘme Ă  d’autres infractions, et ce indĂ©pendamment de la durĂ©e de leur participation Ă  l’infraction. Ce mĂ©canisme vise Ă  dissuader les entreprises de violer le droit de la concurrence, ne serait-ce que pendant une brĂšve pĂ©riode. Quant au paragraphe 37 desdites lignes directrices, il a pour objet de donner Ă  la Commission une certaine flexibilitĂ© pour garantir que le montant global de l’amende est suffisamment Ă©levĂ© pour ĂȘtre dissuasif Ă  la lumiĂšre des particularitĂ©s de l’espĂšce (arrĂȘt du 7 novembre 2019, Campine et Campine Recycling/Commission, T 240/17, non publiĂ©, EU:T:2019:778, point 346).

3) Sur le troisiĂšme grief, tirĂ© du fait qu’une majoration appliquĂ©e Ă  toutes les ententes en matiĂšre d’achats entraĂźnerait une dissuasion excessive systĂ©matique

148 Les requĂ©rantes avancent que, dans le cadre d’ententes en matiĂšre de ventes, la mĂ©thode appliquĂ©e par la Commission conduit Ă  une situation dans laquelle l’amende infligĂ©e pour les ententes inefficaces est automatiquement infĂ©rieure Ă  celle infligĂ©e pour les ententes efficaces. Selon elles, ce mĂ©canisme garantirait que les ententes inefficaces ne soient pas sanctionnĂ©es par des amendes disproportionnĂ©es. Elles soutiennent que le mĂȘme mĂ©canisme devrait s’appliquer aux ententes en matiĂšre d’achats inefficaces. Or, l’approche de la Commission consistant Ă  appliquer une majoration de 10 % aux ententes en matiĂšre d’achats conduirait Ă  une situation dans laquelle les ententes en matiĂšre d’achats inefficaces sont systĂ©matiquement moins bien traitĂ©es que les ententes en matiĂšre de ventes inefficaces.

149 Il convient de constater que la comparaison avec les ententes en matiĂšre de ventes inefficaces n’est pas pertinente. Certes, s’agissant des ententes en matiĂšre de ventes, ces derniĂšres conduisent, en principe, Ă  la dĂ©termination d’un montant de base de l’amende qui est liĂ© Ă  la rĂ©ussite de l’objectif de l’infraction.

150 Cela Ă©tant, il convient de constater que, Ă  la diffĂ©rence de ce qui est le cas pour une entente en matiĂšre de ventes, la rĂ©alisation de l’objectif d’une entente en matiĂšre d’achats entraĂźnerait une valeur des achats infĂ©rieure Ă  celle qu’elle serait en l’absence de l’infraction, de sorte que l’amende n’aurait pas d’effet dissuasif (voir, en ce sens, arrĂȘt du 7 novembre 2019, Campine et Campine Recycling/Commission, T 240/17, non publiĂ©, EU:T:2019:778, point 345). En effet, comme la Commission l’a relevĂ© dans la dĂ©cision attaquĂ©e, plus une telle entente est mise en Ɠuvre avec succĂšs, moins le montant de la valeur des achats est Ă©levĂ© et, partant, le montant de l’amende. Ainsi, la valeur des achats n’est pas un point de dĂ©part susceptible de reflĂ©ter l’importance Ă©conomique de l’infraction au sens de la jurisprudence citĂ©e au point 109 ci-dessus.

151 D’autre part, la prise en compte de la valeur des achats, mĂȘme lorsque l’entente a Ă©tĂ© inefficace, ne reflĂšte gĂ©nĂ©ralement pas l’importance Ă©conomique de l’infraction. À cet Ă©gard, comme l’a relevĂ© la Commission dans la dĂ©cision attaquĂ©e, pour une entreprise en activitĂ©, les achats sont, en principe, moins Ă©levĂ©s que les ventes en termes de valeur. En rĂ©ponse Ă  une mesure d’organisation de la procĂ©dure, la Commission a prĂ©cisĂ©, Ă  bon droit, qu’un acteur Ă©conomique rationnel fixe gĂ©nĂ©ralement le prix de vente d’un produit Ă  un niveau plus Ă©levĂ© que le prix d’achat de ce produit ou que le prix d’achat de la matiĂšre premiĂšre utilisĂ©e dans le cas d’une vente d’un produit intĂ©grĂ©. DĂšs lors, la valeur des achats est, en principe, mĂ©caniquement infĂ©rieure Ă  celle des ventes, ce qui justifie qu’un ajustement soit, le cas Ă©chĂ©ant, appliquĂ© en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes.

4) Sur le quatriĂšme grief, tirĂ© de l’absence de pertinence de la dĂ©cision relative au recyclage de batteries automobiles au motif que l’entente en cause n’aurait concernĂ© qu’un Ă©lĂ©ment de prix mineur

152 Les requĂ©rantes reprochent Ă  la Commission d’avoir fait rĂ©fĂ©rence Ă  la dĂ©cision relative au recyclage de batteries automobiles pour justifier l’imposition d’une majoration de 10 % du montant de l’amende en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, alors que les circonstances de cette affaire diffĂ©raient sensiblement de celles de l’espĂšce. Le comportement en cause ne concernerait qu’une part extrĂȘmement faible de la valeur globale des achats d’éthylĂšne, alors que, dans l’affaire ayant fait l’objet de la dĂ©cision relative au recyclage de batteries automobiles, les entreprises concernĂ©es auraient dĂ©terminĂ© conjointement les prix d’achat rĂ©els payĂ©s aux fournisseurs. En outre, la Commission aurait constatĂ©, dans cette derniĂšre affaire, que les acheteurs Ă©taient composĂ©s d’un nombre restreint d’entreprises ayant un pouvoir de marchĂ© important, alors que, dans le cas d’espĂšce, le pouvoir de marchĂ© et l’influence sur la fixation des prix n’auraient existĂ© que du cĂŽtĂ© des vendeurs. Selon les requĂ©rantes, le fait que la mĂȘme majoration de 10 % a Ă©tĂ© appliquĂ©e dans les deux affaires, qui sont pourtant diffĂ©rentes, dĂ©montrerait que l’amende qui leur a Ă©tĂ© infligĂ©e n’est pas proportionnelle Ă  l’infraction.

153 Il convient de constater que, dans la dĂ©cision relative au recyclage de batteries automobiles, qui a fait l’objet des arrĂȘts du 23 mai 2019, Recylex e.a./Commission (T 222/17, EU:T:2019:356), et du 7 novembre 2019, Campine et Campine Recycling/Commission (T 240/17, non publiĂ©, EU:T:2019:778), la Commission avait pris en compte, aux fins du calcul du montant de base de l’amende, la valeur des achats en lieu et place de la valeur des ventes et avait appliquĂ© une majoration de 10 % du montant de base de l’amende au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Pour motiver cette majoration, elle avait avancĂ©, d’une part, des considĂ©rations relatives aux particularitĂ©s de l’affaire, Ă  savoir au fait qu’il s’agissait d’une entente en matiĂšre d’achats, dans le cadre de laquelle les participantes avaient pour objectif de maintenir les prix d’achat les plus bas possible et pour laquelle la valeur des achats devait ĂȘtre prise en compte aux fins du calcul du montant de l’amende, ainsi que, d’autre part, des considĂ©rations relatives Ă  la nĂ©cessitĂ© d’assurer un effet dissuasif.

154 Il s’ensuit que l’affaire ayant fait l’objet de la dĂ©cision relative au recyclage de batteries automobiles et la prĂ©sente affaire prĂ©sentent des caractĂ©ristiques communes. C’est donc de maniĂšre pertinente que la Commission y a fait rĂ©fĂ©rence dans la dĂ©cision attaquĂ©e.

155 En outre, les requĂ©rantes ne sauraient tirer argument d’une comparaison de la part rĂ©elle du prix que les participantes ont pu influencer dans l’affaire ayant fait l’objet de la dĂ©cision relative au recyclage de batteries automobiles et dans la prĂ©sente affaire. En effet, cette comparaison n’est pas pertinente Ă©tant donnĂ© qu’il n’est pas nĂ©cessaire d’examiner les effets rĂ©els de l’infraction sur le marchĂ© pour l’application du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes (voir point 125 ci-dessus).

5) Sur le cinquiĂšme grief, tirĂ© de ce que les gains potentiels des ententes en matiĂšre d’achats sont moins importants que ceux des ententes en matiĂšre de ventes

156 Les requĂ©rantes font valoir que la nĂ©cessitĂ© de dissuasion est intrinsĂšquement liĂ©e aux avantages potentiels qu’une entreprise peut attendre de sa participation Ă  une infraction. Selon elles, les gains potentiels qu’une entreprise pourrait hypothĂ©tiquement retirer de sa participation Ă  une entente en matiĂšre d’achats seraient, par dĂ©finition, plus faibles que dans les ententes en matiĂšre de ventes et ne sauraient justifier une majoration supplĂ©mentaire Ă  des fins dissuasives. Elles critiquent la logique de la Commission selon laquelle toutes les amendes infligĂ©es, y compris pour les ententes en matiĂšre de ventes, devraient ĂȘtre ajustĂ©es en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes afin d’éviter une dissuasion excessive ou insuffisante en fonction de la valeur des produits prise en compte.

157 Toutefois, ainsi qu’il rĂ©sulte du point 144 ci-dessus, le raisonnement de la Commission ne repose pas sur le fait que l’entente en cause a Ă©tĂ© fructueuse et a gĂ©nĂ©rĂ© des bĂ©nĂ©fices pour les requĂ©rantes, mais sur le constat selon lequel la valeur des achats, en soi, ne permettait pas d’assurer un effet dissuasif suffisant. La comparaison des gains potentiels que les parties Ă  une entente en matiĂšre d’achats, d’une part, et les parties Ă  une entente en matiĂšre de ventes, d’autre part, pourraient Ă©ventuellement retirer desdites ententes n’est donc pas pertinente.

158 De plus, l’argument des requĂ©rantes selon lequel, d’aprĂšs la logique de la Commission, toute amende, y compris celle infligĂ©e dans le cadre d’ententes en matiĂšre de ventes, devrait systĂ©matiquement ĂȘtre ajustĂ©e en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes ne saurait prospĂ©rer. En effet, force est de constater que ledit paragraphe ne trouve pas Ă  s’appliquer lorsqu’il n’y a pas lieu de s’écarter de la mĂ©thode gĂ©nĂ©rale prĂ©vue par lesdites lignes directrices, notamment lorsqu’est prise en compte la valeur des ventes dans le cadre d’une entente en matiĂšre de ventes, conformĂ©ment au paragraphe 13 de ces lignes directrices. Le paragraphe 37 desdites lignes directrices n’est appliquĂ© que lorsqu’il est constatĂ© que la mĂ©thode gĂ©nĂ©rale est inadaptĂ©e et qu’il convient de s’en dĂ©partir, dans la mesure oĂč les particularitĂ©s d’une affaire donnĂ©e ou la nĂ©cessitĂ© d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particuliĂšre le requiĂšrent. Il ne saurait donc ĂȘtre constatĂ© que la Commission devrait systĂ©matiquement ajuster le montant de l’amende Ă  ce titre.

159 Il rĂ©sulte de tout ce qui prĂ©cĂšde que les griefs visant Ă  invoquer des erreurs manifestes d’apprĂ©ciation lors de l’application du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes doivent ĂȘtre rejetĂ©s. Ces arguments ne sauraient davantage dĂ©montrer que la majoration de l’amende de 10 % Ă©tait disproportionnĂ©e au regard de l’effet dissuasif recherchĂ©.

160 Les requĂ©rantes soutiennent encore, en filigrane de leur argumentation, que l’imposition d’une majoration standard pour les ententes en matiĂšre d’achats en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes va Ă  l’encontre de l’objectif et du libellĂ© dudit point et est donc contraire aux principes de protection de la confiance lĂ©gitime et de sĂ©curitĂ© juridique. Cependant, force est de constater que ces allĂ©gations ne sont pas Ă©tayĂ©es.

161 La seconde branche du deuxiĂšme moyen doit donc ĂȘtre rejetĂ©e.

c) Sur la troisiĂšme branche du deuxiĂšme moyen, tirĂ©e d’une violation de l’obligation de motivation

162 Les requĂ©rantes soutiennent que la Commission a mĂ©connu son devoir de motivation en n’ayant pas expliquĂ©, dans la dĂ©cision attaquĂ©e, pourquoi les particularitĂ©s de la prĂ©sente affaire justifiaient une majoration de l’amende au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes ni pourquoi le taux de cette majoration devait ĂȘtre fixĂ© Ă  10 %.

163 À cet Ă©gard, premiĂšrement, les requĂ©rantes soutiennent que le considĂ©rant 146 de la dĂ©cision attaquĂ©e se rapporte uniquement Ă  la prĂ©tendue nĂ©cessitĂ© gĂ©nĂ©rale d’appliquer une majoration en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes afin d’atteindre un montant dissuasif de l’amende, sans fournir d’explication concernant le taux de majoration spĂ©cifique prĂ©tendument nĂ©cessaire pour l’atteindre.

164 DeuxiĂšmement, la rĂ©fĂ©rence, faite par la Commission, au considĂ©rant 146 de la dĂ©cision attaquĂ©e, Ă  sa pratique antĂ©rieure ne serait pas pertinente, puisque, d’une part, la Commission n’est pas liĂ©e par sa pratique antĂ©rieure et, d’autre part, une autre affaire, dont les faits divergent de ceux de la prĂ©sente affaire, ne peut constituer un fondement valable pour justifier une majoration de l’amende, qui doit ĂȘtre proportionnelle Ă  la gravitĂ© de l’infraction en cause en l’espĂšce.

165 TroisiĂšmement, le raisonnement figurant au considĂ©rant 146 de la dĂ©cision attaquĂ©e violerait l’obligation de motivation en ce que la Commission aurait dĂ» expliquer prĂ©cisĂ©ment de quelle maniĂšre elle avait exercĂ© son pouvoir discrĂ©tionnaire, d’autant plus qu’elle avait dĂ©cidĂ© de s’écarter de sa mĂ©thode gĂ©nĂ©rale et d’ajuster l’amende en vertu du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Un tel raisonnement prĂ©cis serait impĂ©ratif dans la mesure oĂč ledit paragraphe ne prĂ©voit pas de fourchette d’ajustement spĂ©cifique limitant le pouvoir discrĂ©tionnaire de la Commission. Cette derniĂšre aurait dĂ» fournir des raisons claires et prĂ©cises expliquant pourquoi le taux de majoration choisi Ă©tait nĂ©cessaire au regard des particularitĂ©s de l’affaire afin d’atteindre un montant dissuasif de l’amende et pourquoi un taux infĂ©rieur n’aurait pas suffi.

166 La Commission conteste les arguments des requérantes.

167 Outre les principes rappelĂ©s au point 100 ci-dessus, il convient de relever que, lorsque la Commission invoque le paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, elle est tenue d’exposer les raisons lui permettant de considĂ©rer que les particularitĂ©s de l’affaire dont elle est saisie ou la nĂ©cessitĂ© d’atteindre un niveau dissuasif justifient qu’elle s’écarte de la mĂ©thode indiquĂ©e dans lesdites lignes directrices (arrĂȘt du 10 juillet 2019, Commission/Icap e.a., C 39/18 P, EU:C:2019:584, point 30). À cet Ă©gard, les exigences de motivation s’imposent avec d’autant plus de vigueur (arrĂȘts du 13 dĂ©cembre 2016, Printeos e.a./Commission, T 95/15, EU:T:2016:722, point 48, et du 12 juillet 2019, Hitachi-LG Data Storage et Hitachi-LG Data Storage Korea/Commission, T 1/16, EU:T:2019:514, point 80).

168 En l’espĂšce, la Commission a exposĂ©, de maniĂšre dĂ©taillĂ©e, aux considĂ©rants 141 Ă  148 de la dĂ©cision attaquĂ©e, les raisons qui l’ont conduite Ă  considĂ©rer que les particularitĂ©s de l’affaire et la nĂ©cessitĂ© d’atteindre un montant dissuasif de l’amende justifiaient de s’écarter de la mĂ©thode gĂ©nĂ©rale et d’augmenter ce montant de base de 10 % au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Ainsi qu’il ressort du point 121 ci-dessus, elle a relevĂ© que l’affaire concernait une entente en matiĂšre d’achats qui nĂ©cessitait la prise en compte de la valeur des achats aux fins du calcul du montant de base de l’amende, cette valeur revĂȘtant toutefois un caractĂšre imparfait aux fins du calcul d’un montant de base qui reflĂšte l’importance Ă©conomique de l’infraction.

169 D’ailleurs, force est de constater que ces considĂ©rations ont permis aux requĂ©rantes de comprendre le raisonnement de la Commission et de le contester devant le Tribunal, ainsi qu’à ce dernier d’en vĂ©rifier le bien-fondĂ©.

170 En outre, contrairement Ă  ce que laissent entendre les requĂ©rantes, de telles considĂ©rations ne constituent pas des « prĂ©occupations gĂ©nĂ©rales », mais bien des considĂ©rations spĂ©cifiques Ă  l’affaire donnĂ©e, liĂ©es Ă  la nature de l’entente en cause, Ă  savoir une entente en matiĂšre d’achats.

171 Comme l’a prĂ©cisĂ© Ă  juste titre la Commission dans sa rĂ©ponse Ă  une mesure d’organisation de la procĂ©dure et lors de l’audience, les particularitĂ©s d’une affaire donnĂ©e au sens du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes peuvent ĂȘtre des particularitĂ©s liĂ©es au type d’entente en cause et ne doivent pas nĂ©cessairement ĂȘtre des circonstances uniques au cas d’espĂšce.

172 Ces considĂ©rations Ă©tant suffisamment spĂ©cifiques et circonstanciĂ©es, elles sont donc conformes Ă  l’exigence de motivation renforcĂ©e incombant Ă  la Commission pour l’application du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes.

173 S’agissant de la motivation du choix du taux de majoration de 10 % appliquĂ© au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, il ressort, en substance, du considĂ©rant 146 de la dĂ©cision attaquĂ©e que, afin de tenir compte des particularitĂ©s de l’affaire et d’assurer un effet dissuasif suffisant, il Ă©tait appropriĂ©, pour la Commission, d’appliquer, conformĂ©ment Ă  sa pratique dĂ©cisionnelle antĂ©rieure et, notamment, Ă  la dĂ©cision relative au recyclage de batteries automobiles, une majoration du montant de l’amende de 10 % au titre dudit paragraphe.

174 À cet Ă©gard, la Commission a prĂ©cisĂ©, en rĂ©ponse Ă  une mesure d’organisation de la procĂ©dure et lors de l’audience que, en l’espĂšce, elle avait considĂ©rĂ© qu’une majoration de 10 % Ă©tait appropriĂ©e, Ă  l’instar de ce qu’elle avait dĂ©cidĂ© dans la dĂ©cision relative au recyclage de batteries automobiles, Ă©tant donnĂ© que l’application du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes Ă  une entente en matiĂšre d’achats Ă©tait une pratique assez rĂ©cente, le cas d’espĂšce n’en constituant que la seconde application aprĂšs ladite dĂ©cision.

175 Ces prĂ©cisions ne peuvent toutefois ĂȘtre prises en compte par le Tribunal dans le cadre de son contrĂŽle du respect de l’obligation de motivation dans la mesure oĂč elles ne figurent pas dans la dĂ©cision attaquĂ©e. En effet, le respect de l’obligation de motivation doit ĂȘtre apprĂ©ciĂ© en fonction des Ă©lĂ©ments d’information dont la partie requĂ©rante dispose au moment de l’introduction de son recours et la motivation ne peut ĂȘtre explicitĂ©e pour la premiĂšre fois et a posteriori devant le juge, sauf circonstances exceptionnelles [voir, en ce sens, arrĂȘt du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (KLM; Covid-19), T 643/20, EU:T:2021:286, point 66 et jurisprudence citĂ©e].

176 L’absence de telles prĂ©cisions ne peut toutefois entraĂźner un dĂ©faut de motivation du choix du taux de majoration.

177 À cet Ă©gard, il convient de relever que, contrairement Ă  ce que les requĂ©rantes suggĂšrent, au considĂ©rant 146 de la dĂ©cision attaquĂ©e, la Commission ne s’est pas bornĂ©e Ă  se rĂ©fĂ©rer de maniĂšre sommaire Ă  la dĂ©cision relative au recyclage de batteries automobiles pour justifier le choix du taux de majoration, mais elle s’est rĂ©fĂ©rĂ©e Ă©galement, et surtout, aux particularitĂ©s de l’affaire et Ă  la nĂ©cessitĂ© d’atteindre un niveau dissuasif.

178 À cet Ă©gard, selon la jurisprudence, la Commission satisfait Ă  son obligation de motivation lorsqu’elle expose, dans sa dĂ©cision, les Ă©lĂ©ments d’apprĂ©ciation qui lui ont permis de mesurer la gravitĂ© et la durĂ©e de l’infraction. Bien qu’elle ne soit pas tenue d’indiquer tous les Ă©lĂ©ments chiffrĂ©s relatifs Ă  chacune des Ă©tapes intermĂ©diaires du mode de calcul du montant de l’amende retenu, il lui incombe cependant d’expliquer la pondĂ©ration et l’évaluation qu’elle a faites des Ă©lĂ©ments pris en considĂ©ration (voir arrĂȘt du 10 juillet 2019, Commission/Icap e.a., C 39/18 P, EU:C:2019:584, point 31 et jurisprudence citĂ©e). Ainsi qu’il ressort du point 168 ci-dessus, la Commission a dĂ»ment expliquĂ© les Ă©lĂ©ments qu’elle a pris en considĂ©ration pour dĂ©terminer qu’une majoration de 10 % du montant de base de l’amende Ă©tait appropriĂ©e au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Contrairement Ă  ce que suggĂšrent les requĂ©rantes, Ă©tant donnĂ© que la Commission n’est pas tenue d’indiquer les Ă©lĂ©ments chiffrĂ©s relatifs Ă  chacune des Ă©tapes du mode de calcul, elle n’était pas tenue de fournir d’explication supplĂ©mentaire concernant le taux de majoration spĂ©cifique choisi.

179 Par ailleurs, il convient de prĂ©ciser que, lors de la procĂ©dure administrative, la Commission avait communiquĂ© aux requĂ©rantes son intention de majorer le montant de base au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Il ressort, notamment, de la derniĂšre rĂ©union de transaction du 29 octobre 2019 que la Commission a clairement indiquĂ© aux requĂ©rantes que l’application de la mĂ©thode gĂ©nĂ©rale Ă  une entente en matiĂšre d’achats conduisait Ă  sous-Ă©valuer l’importance Ă©conomique de l’infraction et Ă  rendre l’amende peu dissuasive, de sorte qu’elle comptait appliquer Ă  cette fin une majoration de 10 % au titre dudit paragraphe. ConformĂ©ment Ă  la jurisprudence citĂ©e au point 100 ci-dessus, ces Ă©lĂ©ments font partie du contexte dans lequel s’inscrit la dĂ©cision attaquĂ©e et au regard duquel son caractĂšre suffisamment motivĂ© doit ĂȘtre apprĂ©ciĂ©.

180 Au regard de tout ce qui précÚde, il y a lieu de rejeter la troisiÚme branche du deuxiÚme moyen et, partant, ce moyen dans son ensemble.

181 Étant donnĂ© que les premier et deuxiĂšme moyens ne sauraient prospĂ©rer, les conclusions en annulation doivent ĂȘtre rejetĂ©es. Il convient Ă  prĂ©sent d’examiner les conclusions en rĂ©duction du montant de l’amende, prĂ©sentĂ©es Ă  titre subsidiaire, au soutien desquelles le troisiĂšme moyen est invoquĂ©.

3. Sur le troisiĂšme moyen, pris du caractĂšre disproportionnĂ© du montant de l’amende

182 Les requĂ©rantes font valoir que, mĂȘme si le Tribunal rejetait les deux premiers moyens comme Ă©tant non fondĂ©s, il y aurait lieu de considĂ©rer que l’amende qui leur a Ă©tĂ© infligĂ©e n’est pas proportionnĂ©e Ă  la gravitĂ© de l’infraction commise. Elles estiment que, si les circonstances de l’espĂšce justifiaient une quelconque majoration, celle-ci devrait se situer Ă  un taux nettement infĂ©rieur Ă  50 % en ce qui concerne l’infraction rĂ©pĂ©tĂ©e au titre du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes et Ă  un taux sensiblement plus faible en ce qui concerne la majoration au titre du paragraphe 37 des mĂȘmes lignes directrices.

183 À cet Ă©gard, les requĂ©rantes Ă©numĂšrent un certain nombre d’élĂ©ments dont le Tribunal devrait tenir compte au titre de sa propre compĂ©tence de pleine juridiction et demande Ă  ce dernier, Ă  la lumiĂšre de ces Ă©lĂ©ments, de rĂ©duire le montant de l’amende qui leur a Ă©tĂ© infligĂ©e.

184 La Commission conteste les éléments invoqués et fait valoir que la demande des requérantes est dénuée de fondement.

185 Il convient de rappeler que le contrĂŽle de lĂ©galitĂ© est complĂ©tĂ© par la compĂ©tence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du rĂšglement no 1/2003, conformĂ©ment Ă  l’article 261 TFUE. Cette compĂ©tence habilite le juge de l’Union, au-delĂ  du simple contrĂŽle de lĂ©galitĂ© de la sanction, Ă  substituer son apprĂ©ciation Ă  celle de la Commission et, en consĂ©quence, Ă  supprimer, Ă  rĂ©duire ou Ă  majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligĂ©e (arrĂȘts du 8 dĂ©cembre 2011, Chalkor/Commission, C 386/10 P, EU:C:2011:815, point 63, et du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission, C 606/18 P, EU:C:2020:571, point 96).

186 Afin de dĂ©terminer le montant de l’amende infligĂ©e, il appartient au juge de l’Union d’apprĂ©cier les circonstances de l’espĂšce et le type d’infraction en cause. Cet exercice suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du rĂšglement no 1/2003, de prendre en considĂ©ration, pour chaque entreprise sanctionnĂ©e, la gravitĂ© de l’infraction en cause ainsi que la durĂ©e de celle-ci, dans le respect des principes, notamment, de motivation, de proportionnalitĂ©, d’individualisation des sanctions et d’égalitĂ© de traitement, sans que le Tribunal soit liĂ© par les rĂšgles indicatives dĂ©finies par la Commission dans ses lignes directrices (voir, en ce sens, arrĂȘts du 21 janvier 2016, Galp EnergĂ­a España e.a./Commission, C 603/13 P, EU:C:2016:38, points 89 et 90, et du 16 juin 2022, Sony Optiarc et Sony Optiarc America/Commission, C 698/19 P, EU:C:2022:480, points 173 et 174).

a) Sur la demande de réduction du taux de majoration au titre du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes

187 Les requĂ©rantes avancent, premiĂšrement, qu’elles ont mis fin Ă  l’entente AMCA et l’ont dĂ©noncĂ©e plus de douze ans avant le dĂ©but de l’infraction en cause en l’espĂšce, deuxiĂšmement, que l’infraction commise dans le cadre de ladite entente et l’infraction en cause en l’espĂšce sont de nature diffĂ©rente, concernent des produits diffĂ©rents et auraient impliquĂ© des entitĂ©s diffĂ©rentes, troisiĂšmement, que cette entente a Ă©tĂ© dĂ©couverte par le biais de leurs mesures internes de mise en conformitĂ©, quatriĂšmement, que Clariant GmbH n’a pas elle-mĂȘme Ă©tĂ© impliquĂ©e dans la mise en place et le fonctionnement de la mĂȘme entente, cinquiĂšmement, que le comportement infractionnel en cause aurait Ă©manĂ© d’une coopĂ©ration auparavant licite avec d’autres participantes Ă  l’entente en question, sixiĂšmement, que les infractions relatives aux prix d’achat sont gĂ©nĂ©ralement moins susceptibles de produire des effets prĂ©judiciables Ă  la concurrence et, en particulier, aux consommateurs, que les ententes en matiĂšre de vente et, septiĂšmement, qu’une majoration de 50 % du montant de base de l’amende pour rĂ©cidive serait disproportionnĂ©e au regard d’autres affaires dans lesquelles une majoration du mĂȘme taux a Ă©tĂ© imposĂ©e, alors que le cas de rĂ©cidive Ă©tait beaucoup plus grave que celui de la prĂ©sente affaire.

188 Tout d’abord, il convient de constater que les requĂ©rantes se bornent Ă  rĂ©itĂ©rer les circonstances dĂ©jĂ  mises en exergue dans le cadre du premier moyen, afin de demander une rĂ©duction de l’amende. Or, conformĂ©ment Ă  la jurisprudence citĂ©e au point 50 ci-dessus, le Tribunal considĂšre que, indĂ©pendamment de ces circonstances, l’imposition d’un taux de majoration de 50 % n’apparaĂźt pas disproportionnĂ©e au regard du laps de temps relativement bref s’étant Ă©coulĂ© entre le constat de la premiĂšre infraction Ă  l’article 101 TFUE dans la dĂ©cision relative Ă  l’entente AMCA et le dĂ©but de l’infraction au mĂȘme article concernĂ© par la dĂ©cision attaquĂ©e.

189 Ensuite, l’argument des requĂ©rantes selon lequel le taux de majoration de 50 % est disproportionnĂ© au regard d’autres affaires dans lesquelles une majoration du mĂȘme taux a Ă©tĂ© appliquĂ©e pour des rĂ©cidives plus graves ne saurait conduire Ă  une rĂ©duction de l’amende. Il suffit de relever Ă  cet Ă©gard que les requĂ©rantes se sont rĂ©fĂ©rĂ©es, au point 60 de la rĂ©plique, Ă  28 dĂ©cisions dans lesquelles la Commission avait appliquĂ© une majoration de 50 % dans des cas de premiĂšre rĂ©cidive, comme en l’espĂšce.

190 Enfin, l’argument des requĂ©rantes selon lequel une entente en matiĂšre d’achats est moins prĂ©judiciable au jeu normal de la concurrence qu’une entente en matiĂšre de ventes n’est pas une circonstance pertinente pour apprĂ©cier si la majoration de 50 % en ce qui concerne l’infraction rĂ©pĂ©tĂ©e au titre du paragraphe 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes est proportionnĂ©e Ă  la gravitĂ© de l’infraction commise. En tout Ă©tat de cause, Ă  cet Ă©gard, il importe de relever que le premier exemple d’entente donnĂ© par l’article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE, dĂ©clarĂ© expressĂ©ment incompatible avec le marchĂ© intĂ©rieur, est prĂ©cisĂ©ment celui qui consiste Ă  « fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction ». La pratique ayant fait l’objet de l’entente, Ă  savoir une coordination sur un Ă©lĂ©ment du prix de l’éthylĂšne, est ainsi expressĂ©ment interdite par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, car elle comporte des restrictions intrinsĂšques Ă  la concurrence dans le marchĂ© intĂ©rieur (voir, en ce sens, arrĂȘt du 7 novembre 2019, Campine et Campine Recycling/Commission, T 240/17, non publiĂ©, EU:T:2019:778, point 297 et jurisprudence citĂ©e).

b) Sur la demande de réduction du taux de majoration au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes

191 Les requĂ©rantes avancent, d’une part, que l’analyse Ă©conomique qu’elles ont fournie Ă  la Commission au cours de la procĂ©dure administrative dĂ©montrait que le comportement en cause n’était pas susceptible d’avoir la moindre incidence significative sur le prix d’achat de l’éthylĂšne et, d’autre part, que la thĂšse dĂ©veloppĂ©e par la Commission dans le cadre de l’affaire relative au recyclage de batteries automobiles selon laquelle la valeur des achats ne constitue pas un fondement adĂ©quat pour le montant de base de l’amende n’est pas applicable en l’espĂšce.

192 Il suffit toutefois de relever, d’une part, que, conformĂ©ment Ă  la jurisprudence citĂ©e au point 125 ci-dessus, la majoration du montant de base de l’amende au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes n’est pas subordonnĂ©e Ă  la dĂ©monstration prĂ©alable d’éventuels effets rĂ©els du comportement incriminĂ© sur le marchĂ©, de sorte que l’analyse Ă©conomique visant Ă  dĂ©montrer l’absence d’incidence du comportement incriminĂ© sur le prix d’achat de l’éthylĂšne n’est pas pertinente et ne saurait conduire Ă  rĂ©duire le montant de l’amende. D’autre part, l’application d’un taux de 10 % pour remĂ©dier au caractĂšre imparfait de la valeur des achats, prise en compte aux fins du calcul du montant de base de l’amende, n’apparaĂźt pas disproportionnĂ©e. Les requĂ©rantes n’invoquent aucun autre Ă©lĂ©ment pertinent qui serait de nature Ă  justifier une rĂ©duction de ce taux.

193 Par consĂ©quent, le troisiĂšme moyen doit ĂȘtre Ă©cartĂ©.

194 Il rĂ©sulte de tout ce qui prĂ©cĂšde que les conclusions en rĂ©duction du montant de l’amende doivent ĂȘtre rejetĂ©es et, partant, que le recours doit ĂȘtre rejetĂ© dans son intĂ©gralitĂ©.

B. Sur la demande reconventionnelle de la Commission

195 La Commission demande au Tribunal de majorer l’amende, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, en n’octroyant pas d’avantage de 10 % pour la coopĂ©ration des requĂ©rantes au cours de la procĂ©dure administrative en vertu du paragraphe 32 de la communication sur la transaction.

196 La Commission fait valoir que, par le prĂ©sent recours, les requĂ©rantes contestent le montant de l’amende, qui constituait pourtant un Ă©lĂ©ment essentiel de leur proposition de transaction et qui avait fait l’objet d’une apprĂ©ciation commune.

197 À cet Ă©gard, la Commission indique que les requĂ©rantes ne se sont pas retirĂ©es de la procĂ©dure de transaction, bien qu’elles aient Ă©tĂ© en dĂ©saccord avec l’application des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. Au contraire, les requĂ©rantes se seraient engagĂ©es Ă  poursuivre la procĂ©dure de transaction en prĂ©sentant leur proposition de transaction et en reconnaissant que la communication des griefs reflĂ©tait dĂ»ment la teneur de ces propositions.

198 La Commission ajoute que c’est l’existence d’une « apprĂ©ciation commune » de l’étendue des griefs Ă©ventuels et de l’estimation de la fourchette probable des amendes Ă  infliger qui l’amĂšne Ă  inviter une entreprise Ă  prĂ©senter une proposition de transaction. Cette fourchette doit figurer dans les propositions de transaction. Selon elle, tant que le montant de l’amende indiquĂ© dans la dĂ©cision finale n’excĂšde pas le montant maximal de la fourchette qui a fait l’objet des discussions menant Ă  la proposition de transaction, la dĂ©cision finale doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme reflĂ©tant la proposition de transaction Ă  cet Ă©gard.

199 Or, la contestation, par les requĂ©rantes, d’un Ă©lĂ©ment essentiel de la proposition de transaction compromettrait la finalitĂ© de la procĂ©dure de transaction.

200 À cet Ă©gard, premiĂšrement, la Commission avance que la procĂ©dure de transaction est synallagmatique par nature. Les parties disposeraient de la possibilitĂ©, et mĂȘme auraient l’obligation, de signaler tout obstacle empĂȘchant de parvenir Ă  une apprĂ©ciation commune. Selon elle, l’approche adoptĂ©e par les requĂ©rantes au cours de la procĂ©dure administrative Ă©tait purement stratĂ©gique et n’était qu’un moyen d’obtenir une rĂ©duction du montant de l’amende, pour ensuite contester la dĂ©cision sur le fondement des mĂȘmes Ă©lĂ©ments que ceux qui faisaient l’objet de l’apprĂ©ciation commune, de façon Ă  obtenir de nouvelles rĂ©ductions de la part du juge de l’Union.

201 DeuxiĂšmement, la Commission fait valoir que les gains d’efficacitĂ© recherchĂ©s par la procĂ©dure de transaction ne sont globalement plus rĂ©alisĂ©s en l’espĂšce. L’objectif de la procĂ©dure de transaction consisterait Ă  lui permettre, d’une part, de traiter les affaires d’entente plus rapidement et, d’autre part, de traiter des affaires d’entente en plus grand nombre avec les mĂȘmes ressources. Or, dans la mesure oĂč des ressources de la Commission ont Ă©tĂ© mobilisĂ©es tant pour la phase administrative que pour la phase contentieuse de la prĂ©sente affaire, entraĂźnant ainsi un surcroĂźt de travail, elle ne serait pas en mesure de traiter un plus grand nombre d’affaires.

202 Si la Commission reconnaĂźt avoir bĂ©nĂ©ficiĂ© du fait que les requĂ©rantes n’ont pas contestĂ© certains Ă©lĂ©ments liĂ©s Ă  leur responsabilitĂ© et Ă  l’infraction et qu’elles n’ont pas demandĂ© l’accĂšs aux documents du dossier, elle souligne cependant qu’elle a investi des ressources supplĂ©mentaires dans l’organisation de plusieurs rĂ©unions avec les parties sur les deux majorations litigieuses. Elle n’aurait, par ailleurs, pas Ă©conomisĂ© de ressources s’agissant de la motivation et de la justification du calcul du montant de l’amende figurant dans la communication des griefs et dans la dĂ©cision finale.

203 La Commission souligne qu’il n’est pas possible de quantifier a posteriori le degrĂ© de coopĂ©ration d’une partie Ă  la procĂ©dure de transaction. Elle indique qu’il lui est ainsi difficile de dĂ©terminer si elle se serait engagĂ©e dans une procĂ©dure de transaction si la coopĂ©ration des entreprises avait Ă©tĂ© limitĂ©e, voire inexistante, mais que certains gains d’efficacitĂ© avaient tout de mĂȘme pu ĂȘtre rĂ©alisĂ©s.

204 TroisiĂšmement, la Commission relĂšve que le Tribunal a admis, dans l’arrĂȘt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission (T 236/01, T 244/01 Ă  T 246/01, T 251/01 et T 252/01, EU:T:2004:118), que le bĂ©nĂ©fice des rĂ©ductions d’amende au titre de la clĂ©mence pouvait ĂȘtre retirĂ© et l’amende ainsi augmentĂ©e lorsque l’attitude du requĂ©rant change et que ce dernier conteste pour la premiĂšre fois devant le Tribunal des Ă©lĂ©ments qui n’ont pas Ă©tĂ© contestĂ©s ou qui ont Ă©tĂ© reconnus au cours de la procĂ©dure administrative. Outre ledit arrĂȘt, le Tribunal aurait, dans d’autres affaires, examinĂ©, dans sa compĂ©tence de pleine juridiction, s’il convenait de retirer une rĂ©duction que les parties au litige avaient obtenue en Ă©change de leur coopĂ©ration lors de la procĂ©dure administrative, mĂȘme si les conditions de ce retrait n’étaient pas rĂ©unies.

205 QuatriĂšmement, la Commission estime que le droit des requĂ©rantes Ă  un contrĂŽle juridictionnel est pleinement respectĂ©. Selon elle, l’exercice de ce droit ne signifie pas que le recours n’ait aucune consĂ©quence sur l’amende. Le retrait de la rĂ©duction de 10 % au titre de la procĂ©dure de transaction ne constituerait pas une sanction des requĂ©rantes pour avoir exercĂ© leur droit Ă  un contrĂŽle juridictionnel, mais serait une simple consĂ©quence du fait que les requĂ©rantes remettent en cause des Ă©lĂ©ments qu’elles avaient reconnus et confirmĂ©s au cours de la procĂ©dure administrative.

206 En consĂ©quence, la Commission soutient que le bĂ©nĂ©fice de la rĂ©duction d’amende qui avait Ă©tĂ© accordĂ©e aux requĂ©rantes pour les rĂ©compenser de leur coopĂ©ration doit ĂȘtre retirĂ©. Elle demande donc au Tribunal d’augmenter l’amende infligĂ©e aux requĂ©rantes et d’en fixer le montant Ă  181 731 000 euros.

207 Les requérantes réfutent les arguments de la Commission.

1. Considérations liminaires sur la procédure de transaction

208 La procĂ©dure de transaction a Ă©tĂ© instituĂ©e par le rĂšglement (CE) no 622/2008 de la Commission, du 30 juin 2008, modifiant le rĂšglement no 773/2004 en ce qui concerne les procĂ©dures de transaction engagĂ©es dans les affaires d’entente (JO 2008, L 171, p. 3). Cette procĂ©dure a Ă©tĂ© prĂ©cisĂ©e par la communication sur la transaction.

209 Selon le considĂ©rant 4 du rĂšglement no 622/2008, la procĂ©dure de transaction permet Ă  la Commission de traiter les affaires d’entente plus rapidement et plus efficacement. L’objectif de cette procĂ©dure est donc de simplifier et d’accĂ©lĂ©rer les procĂ©dures administratives, en vue de permettre Ă  la Commission de traiter davantage d’affaires avec les mĂȘmes ressources (voir, en ce sens, arrĂȘt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T 456/10, EU:T:2015:296, point 60).

210 En substance, la procĂ©dure de transaction prĂ©voit que les entreprises qui font l’objet d’enquĂȘtes, faisant face Ă  des preuves Ă  charge et ayant dĂ©cidĂ© de transiger, reconnaissent leur participation Ă  l’infraction, renoncent, sous certaines conditions, Ă  leur droit d’accĂšs au dossier administratif et Ă  leur droit d’ĂȘtre entendues et acceptent de recevoir la communication des griefs et la dĂ©cision finale dans une langue officielle convenue de l’Union (communication sur la transaction, paragraphe 20). En outre, si la communication des griefs reflĂšte leurs propositions de transaction, lesdites entreprises sont tenues d’y rĂ©pondre dans le dĂ©lai imparti en confirmant que ladite communication correspond Ă  la teneur de leurs propositions et que leur engagement Ă  suivre la procĂ©dure de transaction n’est, dĂšs lors, pas remis en cause (communication sur la transaction, paragraphe 26). En contrepartie, la Commission peut leur accorder une rĂ©duction de 10 % du montant de l’amende qui leur aurait Ă©tĂ© imposĂ© Ă  l’issue d’une procĂ©dure ordinaire en appliquant les lignes directrices pour le calcul des amendes ainsi que la communication sur la coopĂ©ration (communication sur la transaction, paragraphes 30 Ă  33) (voir, en ce sens, arrĂȘt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T 456/10, EU:T:2015:296, points 61 et 62).

211 Il ressort du considĂ©rant 4 du rĂšglement no 622/2008 et du paragraphe 5 de la communication sur la transaction que la Commission doit tenir compte de la probabilitĂ© de parvenir, dans un dĂ©lai raisonnable, Ă  une apprĂ©ciation commune sur l’étendue des griefs Ă©ventuels avec les parties en cause, en prenant en considĂ©ration des facteurs tels que le nombre de parties en cause, les divergences de vues prĂ©visibles quant Ă  l’attribution des responsabilitĂ©s et l’étendue de la contestation des faits. Il ressort Ă©galement de ce considĂ©rant que la Commission peut prendre en compte d’autres considĂ©rations que celles concernant d’éventuels gains d’efficience, telles que la possibilitĂ© de crĂ©er un prĂ©cĂ©dent. Il s’ensuit que la Commission dispose d’une large marge d’apprĂ©ciation quant Ă  l’identification des affaires qui peuvent se prĂȘter Ă  un accord transactionnel (voir, en ce sens, arrĂȘt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T 456/10, EU:T:2015:296, point 64).

212 La procĂ©dure de transaction se dĂ©roule essentiellement de la maniĂšre suivante. Cette procĂ©dure est initiĂ©e par la Commission avec l’accord des entreprises concernĂ©es (communication sur la transaction, paragraphes 5, 6 et 11). DĂšs que la procĂ©dure est lancĂ©e, les entreprises faisant l’objet d’enquĂȘtes et participant Ă  la procĂ©dure de transaction sont informĂ©es par la Commission, lors de discussions bilatĂ©rales, des Ă©lĂ©ments essentiels « tels que les faits allĂ©guĂ©s, leur qualification, la gravitĂ© et la durĂ©e de l’entente allĂ©guĂ©e, l’attribution des responsabilitĂ©s, une estimation des fourchettes d’amendes probables, ainsi que les Ă©lĂ©ments de preuve utilisĂ©s Ă  l’appui des griefs Ă©ventuels » (communication sur la transaction, paragraphe 16). Ce dispositif permet aux parties de faire valoir leur point de vue sur les griefs que la Commission pourrait soulever Ă  leur Ă©gard et de dĂ©cider, en connaissance de cause, de conclure ou non une transaction (communication sur la transaction, paragraphe 16) (arrĂȘt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T 456/10, EU:T:2015:296, points 66 et 67).

213 C’est Ă  la suite de la communication de ces informations que les entreprises concernĂ©es ont le choix d’opter pour la procĂ©dure de transaction et de prĂ©senter une proposition de transaction. Cette proposition de transaction doit contenir, notamment, une reconnaissance en termes clairs et sans Ă©quivoque, par les parties, de leur responsabilitĂ© dans l’infraction, une indication du montant maximal des amendes que les parties s’attendent Ă  se voir infliger par la Commission et qu’elles accepteraient dans le cadre d’une procĂ©dure de transaction et une confirmation du fait qu’elles n’envisagent pas de demander l’accĂšs au dossier ou Ă  ĂȘtre entendues de nouveau, lors d’une audition, Ă  moins que la communication des griefs et la dĂ©cision de la Commission ne reflĂštent pas leur proposition de transaction (communication sur la transaction, paragraphe 20) (voir, en ce sens, arrĂȘt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T 456/10, EU:T:2015:296, point 68).

214 À la suite de cette reconnaissance de responsabilitĂ© et des confirmations fournies par les entreprises concernĂ©es, la Commission transmet Ă  celles-ci la communication des griefs et adopte, ensuite, une dĂ©cision finale. Celle-ci se fonde essentiellement sur le fait que les parties ont sans Ă©quivoque reconnu leur responsabilitĂ©, n’ont pas contestĂ© la communication des griefs et ont maintenu leur engagement de parvenir Ă  une transaction (communication sur la transaction, paragraphes 23 Ă  28) (arrĂȘt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T 456/10, EU:T:2015:296, point 69).

215 Si l’entreprise concernĂ©e dĂ©cide de ne pas transiger, la procĂ©dure conduisant Ă  la dĂ©cision finale est rĂ©gie par les dispositions gĂ©nĂ©rales du rĂšglement no 773/2004, au lieu de celles qui rĂ©gissent la procĂ©dure de transaction. Il en va de mĂȘme si la Commission prend l’initiative de mettre fin Ă  la procĂ©dure de transaction (communication sur la transaction, paragraphes 19, 27 et 29) (arrĂȘt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T 456/10, EU:T:2015:296, point 70).

216 Les dĂ©cisions finales adoptĂ©es Ă  l’issue d’une procĂ©dure de transaction, prises en vertu des articles 7 et 23 du rĂšglement n° 1/2003, sont soumises Ă  un contrĂŽle juridictionnel conformĂ©ment Ă  l’article 263 TFUE (communication sur la transaction, paragraphe 41).

2. Sur le déroulement de la procédure de transaction

217 Lors de discussions entre la Commission et les requĂ©rantes, entre le 18 septembre 2018 et le 29 octobre 2019, la Commission a indiquĂ© les griefs qu’elle envisageait de soulever Ă  leur Ă©gard ainsi que son intention de majorer l’amende en vertu des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, respectivement, de 50 % et de 10 %. Les requĂ©rantes ont pu prĂ©senter leurs observations.

218 Le 20 novembre 2019, les requĂ©rantes ont soumis une proposition de transaction par laquelle elles ont, notamment, reconnu leur responsabilitĂ© pour leur participation dans l’entente en cause en l’espĂšce et dĂ©clarĂ© qu’elles Ă©taient d’accord avec l’imposition d’une amende n’excĂ©dant pas 159 663 000 euros.

219 La Commission a adoptĂ© la communication des griefs, dans laquelle elle a, notamment, indiquĂ© les majorations du montant de base de l’amende en vertu des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, sans toutefois indiquer les taux prĂ©cis de majoration envisagĂ©s. En rĂ©ponse Ă  ladite communication, les requĂ©rantes ont confirmĂ© que cette derniĂšre reflĂ©tait dĂ»ment la teneur de leur proposition de transaction et qu’elles restaient pleinement engagĂ©es Ă  poursuivre la procĂ©dure de transaction.

3. Sur le bien-fondé de la demande reconventionnelle de la Commission

220 Comme il a Ă©tĂ© rappelĂ© au point 185 ci-dessus, le juge de l’Union est habilitĂ©, au-delĂ  du simple contrĂŽle de lĂ©galitĂ© de la sanction, Ă  supprimer, Ă  rĂ©duire ou Ă  majorer l’amende ou l’astreinte infligĂ©e au titre de sa compĂ©tence de pleine juridiction.

221 Si l’exercice de la compĂ©tence de pleine juridiction est le plus souvent sollicitĂ© par les parties requĂ©rantes dans le sens d’une rĂ©duction du montant de l’amende, rien ne s’oppose Ă  ce que la Commission puisse Ă©galement soumettre au juge de l’Union la question du montant de l’amende et formuler une demande d’augmentation dudit montant (arrĂȘt du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T 69/04, EU:T:2008:415, point 244).

222 S’il n’est donc pas exclu que le Tribunal dĂ©cide de majorer l’amende Ă  la suite d’une demande reconventionnelle de la Commission, il incombe toutefois Ă  cette derniĂšre de dĂ©montrer que l’augmentation du montant de l’amende demandĂ©e est appropriĂ©e, notamment, au regard de faits et de circonstances qui sont apparus en cours d’instance et dont elle n’avait pas connaissance au moment oĂč elle a adoptĂ© sa dĂ©cision. Or, il convient de constater que la Commission n’est pas parvenue Ă  dĂ©montrer qu’une telle augmentation Ă©tait appropriĂ©e en l’espĂšce.

223 En effet, l’argumentation de la Commission relative Ă  l’avantage de 10 % pour la coopĂ©ration au cours de la procĂ©dure administrative repose sur la prĂ©misse erronĂ©e selon laquelle les requĂ©rantes contestent, par le prĂ©sent recours, des Ă©lĂ©ments qu’elles auraient reconnus dans leur proposition de transaction ou qu’elles auraient acceptĂ©s lors de ladite procĂ©dure.

224 À cet Ă©gard, il convient de rappeler que le paragraphe 16 de la communication sur la transaction prĂ©voit que, lors des discussions menĂ©es en vue de parvenir Ă  une transaction, les parties sont informĂ©es, notamment, de l’« estimation des fourchettes d’amendes probables ». Il ressort du paragraphe 17 de ladite communication que cet Ă©lĂ©ment doit faire l’objet d’une « apprĂ©ciation commune » Ă  l’issue des discussions bilatĂ©rales avant que la Commission n’accorde un dĂ©lai aux entreprises pour prĂ©senter une proposition de transaction. Le paragraphe 20 de cette communication prĂ©voit, s’agissant du montant de l’amende, que les propositions de transactions contiennent une « indication du montant maximal des amendes que les parties s’attendent Ă  se voir infliger par la Commission et qu’elles accepteraient dans le cadre d’une procĂ©dure de transaction ».

225 Il n’est donc pas requis des parties Ă  la procĂ©dure de transaction qu’elles acceptent le montant final de l’amende et l’ensemble de ses paramĂštres, tels que les ajustements en vertu des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, afin de pouvoir transiger, mais seulement une fourchette probable ou un montant maximal de l’amende.

226 En l’espĂšce, ainsi qu’il ressort du point 218 ci-dessus, dans leur proposition de transaction, les requĂ©rantes n’ont acceptĂ© qu’un montant maximal de l’amende que la Commission envisageait de leur infliger. Les majorations en vertu des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes ne constituaient donc pas un Ă©lĂ©ment essentiel de cette proposition. Par suite, la confirmation des requĂ©rantes que la communication des griefs reflĂ©tait dĂ»ment leur proposition de transaction ne peut ĂȘtre interprĂ©tĂ©e comme une acceptation des majorations en vertu desdits paragraphes, d’autant plus que ladite communication n’indiquait pas les taux de majoration que la Commission envisageait d’appliquer.

227 L’argument de la Commission selon lequel le montant maximal de l’amende incluait les majorations envisagĂ©es au titre des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes ne saurait prospĂ©rer. En effet, comme les requĂ©rantes l’affirment Ă  juste titre en rĂ©ponse Ă  une mesure d’organisation de la procĂ©dure, le fait d’avoir acceptĂ© un montant maximal de l’amende dans leur proposition de transaction ne saurait ĂȘtre assimilĂ© Ă  une acceptation de son montant exact final, des modalitĂ©s de son calcul et du raisonnement sur lequel la Commission s’est fondĂ©e pour dĂ©terminer ce montant final.

228 À cet Ă©gard, il convient de noter que, dans la dĂ©cision attaquĂ©e, la Commission aurait pu dĂ©cider de ne pas majorer le montant de l’amende au titre des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes ou encore dĂ©cider d’appliquer des taux de majoration infĂ©rieurs Ă  ceux finalement retenus. Ce n’est donc qu’aprĂšs avoir pris connaissance de la dĂ©cision attaquĂ©e, dans laquelle la Commission a dĂ©cidĂ© du montant final de l’amende conformĂ©ment au paragraphe 30 de la communication sur la transaction, que les requĂ©rantes ont pu utilement contester les paramĂštres du calcul de ce montant, ainsi qu’elles le font valoir en rĂ©ponse Ă  une mesure d’organisation de la procĂ©dure.

229 De plus, ainsi que la Commission le reconnaĂźt elle-mĂȘme, il importe de rappeler que les discussions bilatĂ©rales en vue d’une transaction n’avaient pas permis de dĂ©gager un consensus entre la Commission et les requĂ©rantes sur les majorations appliquĂ©es en vertu des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes. En effet, il ressort des remarques finales du compte-rendu de la derniĂšre rĂ©union de transaction, en date du 29 octobre 2019, que le reprĂ©sentant des requĂ©rantes avait rĂ©itĂ©rĂ© son dĂ©saccord en ce qui concerne l’application des deux points susvisĂ©s. Il ne saurait donc ĂȘtre constatĂ© que ces majorations avaient fait l’objet d’une apprĂ©ciation commune entre la Commission et les requĂ©rantes.

230 DĂšs lors, contrairement Ă  ce que soutient la Commission, les majorations de l’amende appliquĂ©es en vertu des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes n’ont pas Ă©tĂ© expressĂ©ment admises par les requĂ©rantes dans leur proposition de transaction et n’ont pas fait l’objet d’une apprĂ©ciation commune. Étant donnĂ© que, par le prĂ©sent recours, les requĂ©rantes contestent le montant de l’amende qui leur a Ă©tĂ© infligĂ©e en faisant valoir que l’application desdits paragraphes Ă©tait erronĂ©e, la Commission n’est pas parvenue Ă  dĂ©montrer qu’il serait justifiĂ© de ne pas leur octroyer l’avantage de 10 % pour les rĂ©compenser de leur coopĂ©ration au cours de la procĂ©dure administrative.

231 Les autres arguments avancés par la Commission ne sauraient infirmer cette conclusion.

232 PremiĂšrement, la Commission soutient que les requĂ©rantes ne se sont pas retirĂ©es de la procĂ©dure de transaction et ne lui ont pas indiquĂ© qu’il Ă©tait, selon elles, impossible de parvenir Ă  une apprĂ©ciation commune, alors qu’elles auraient Ă©tĂ© dans l’obligation de signaler tout obstacle empĂȘchant de parvenir Ă  une telle apprĂ©ciation. Elle estime que l’approche adoptĂ©e par les requĂ©rantes au cours de la procĂ©dure administrative Ă©tait purement stratĂ©gique et n’était qu’un moyen d’obtenir une rĂ©duction du montant de l’amende en coopĂ©rant, pour ensuite tenter d’obtenir de nouvelles rĂ©ductions auprĂšs du juge de l’Union.

233 Cependant, ainsi qu’il ressort du point 225 ci-dessus, il n’est pas requis des parties Ă  la procĂ©dure de transaction qu’elles acceptent le montant final de l’amende et l’ensemble de ses paramĂštres, tels que les ajustements en vertu des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, afin de pouvoir transiger. Du reste, il suffit de constater, Ă  l’instar de ce qui a Ă©tĂ© relevĂ© au point 229 ci-dessus, que les requĂ©rantes ont exprimĂ© leur dĂ©saccord s’agissant de l’application des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes au cours des discussions bilatĂ©rales, de sorte que, contrairement Ă  ce que suggĂšre la Commission, cette derniĂšre n’a pas Ă©tĂ© induite en erreur par les requĂ©rantes.

234 En outre, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a Ă©tĂ© Ă©voquĂ© au point 211 ci-dessus, selon le paragraphe 5 de la communication sur la transaction, la Commission dispose d’une large marge d’apprĂ©ciation pour identifier les affaires qui pourraient se prĂȘter Ă  rechercher l’intĂ©rĂȘt que les parties auraient Ă  prendre part Ă  des discussions de transaction, pour dĂ©cider d’entamer ces discussions ou d’y mettre fin ou de parvenir Ă  un rĂšglement transactionnel dĂ©finitif de l’affaire. La Commission peut donc dĂ©cider, Ă  toute Ă©tape de la procĂ©dure, de mettre fin aux discussions menĂ©es en vue d’une transaction. En l’espĂšce, elle n’a pas considĂ©rĂ© opportun de mettre fin aux discussions, alors qu’elle avait connaissance du dĂ©saccord des requĂ©rantes quant Ă  l’application des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes.

235 DeuxiĂšmement, la Commission fait valoir que les gains d’efficacitĂ© recherchĂ©s par la procĂ©dure de transaction ne sont globalement plus rĂ©alisĂ©s.

236 À cet Ă©gard, il convient de rappeler que la procĂ©dure de transaction vise Ă  permettre Ă  la Commission de traiter plus rapidement et plus efficacement les affaires d’entente et ainsi Ă  lui permettre de traiter davantage d’affaires avec les mĂȘmes ressources (voir point 209 ci-dessus).

237 Or, comme le reconnaĂźt la Commission, cette derniĂšre a retirĂ© des gains procĂ©duraux de la poursuite de la procĂ©dure de transaction avec les requĂ©rantes. À cet Ă©gard, d’une part, elle a pu Ă©tablir une version simplifiĂ©e de la communication des griefs et de la dĂ©cision attaquĂ©e, dans une seule langue. D’autre part, elle n’a pas Ă©tĂ© obligĂ©e d’établir une version non confidentielle de ladite communication, d’organiser une audition ni de mettre en place un accĂšs au dossier pour les requĂ©rantes. Elle a donc bĂ©nĂ©ficiĂ© de gains d’efficacitĂ© procĂ©duraux qui, comme les requĂ©rantes le relĂšvent correctement, restent acquis, indĂ©pendamment de l’introduction du prĂ©sent recours.

238 Quant Ă  la mobilisation de ressources supplĂ©mentaires pour l’organisation de rĂ©unions avec les parties concernant les deux majorations litigieuses, elle doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une mobilisation de ressources inhĂ©rente Ă  la procĂ©dure de transaction.

239 Par ailleurs, l’impossibilitĂ© de procĂ©der a posteriori Ă  une quantification des gains qui peuvent ĂȘtre conservĂ©s ou non au cours de la procĂ©dure administrative n’est pas pertinente. Il ressort du paragraphe 17 de la communication sur la transaction que la Commission n’invite l’entreprise Ă  prĂ©senter une proposition de transaction que si elle « estime a priori, Ă  la lumiĂšre des progrĂšs accomplis globalement, que cette procĂ©dure sera plus efficace ». Elle doit donc procĂ©der Ă  une Ă©valuation a priori de l’efficacitĂ© de la procĂ©dure au regard des discussions initiĂ©es avec les parties et dĂ©cider, sur cette base, de continuer ou non la procĂ©dure de transaction au titre de son pouvoir d’apprĂ©ciation.

240 TroisiĂšmement, la Commission soutient que, mĂȘme si elle reconnaĂźt le droit des requĂ©rantes d’introduire un recours contre la dĂ©cision attaquĂ©e, l’exercice de ce droit ne signifie pas que le recours n’ait aucune consĂ©quence sur l’amende. Elle fait notamment rĂ©fĂ©rence Ă  l’arrĂȘt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission (T 236/01, T 244/01 Ă  T 246/01, T 251/01 et T 252/01, EU:T:2004:118), rendu dans le contexte de rĂ©ductions d’amende au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la rĂ©duction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4), dans lequel le Tribunal aurait considĂ©rĂ© qu’une telle rĂ©duction pouvait ĂȘtre retirĂ©e Ă  la requĂ©rante.

241 Certes, dans l’arrĂȘt citĂ© au point 240 ci-dessus, le Tribunal a fait droit Ă  une conclusion de majoration de l’amende de la Commission en indiquant que celle-ci, contre toute attente qu’elle pouvait raisonnablement fonder sur la coopĂ©ration objective de la requĂ©rante lors de la procĂ©dure administrative, avait Ă©tĂ© obligĂ©e d’élaborer et de prĂ©senter une dĂ©fense devant le Tribunal ciblĂ©e sur la contestation de faits infractionnels dont elle avait considĂ©rĂ© Ă  bon droit que la requĂ©rante ne les remettrait plus en question.

242 Toutefois, il suffit de relever que, en l’espĂšce, les requĂ©rantes contestent les majorations appliquĂ©es en vertu des paragraphes 28 et 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, qui ne figuraient pas dans leur proposition de transaction et qu’elles n’avaient pas acceptĂ©es lors de la procĂ©dure administrative. La Commission ne pouvait donc pas partir de la prĂ©misse selon laquelle elles ne les remettraient plus en question dans le cadre d’un recours.

243 Il rĂ©sulte de tout ce qui prĂ©cĂšde que la demande reconventionnelle de la Commission doit ĂȘtre rejetĂ©e.

Sur les dépens

244 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du rĂšglement de procĂ©dure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnĂ©e aux dĂ©pens, s’il est conclu en ce sens. Selon l’article 134, paragraphe 3, du mĂȘme rĂšglement, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dĂ©pens. Toutefois, si cela apparaĂźt justifiĂ© au vu des circonstances de l’espĂšce, le Tribunal peut dĂ©cider que, outre ses propres dĂ©pens, une partie supporte une fraction des dĂ©pens de l’autre partie.

245 FEn l’espĂšce, les requĂ©rantes ont succombĂ© en leur recours, alors que la Commission a succombĂ© en sa demande reconventionnelle. Celle-ci ne visant Ă  majorer le montant des amendes que marginalement, force est de constater que ce sont essentiellement les requĂ©rantes qui ont succombĂ© en leurs conclusions et en leurs moyens. Dans ces conditions, il y a lieu de dĂ©cider que les requĂ©rantes supporteront leurs propres dĂ©pens et 90 % des dĂ©pens exposĂ©s par la Commission, alors que la Commission supportera 10 % de ses propres dĂ©pens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisiĂšme chambre Ă©largie)

dĂ©clare et arrĂȘte :

1) Le recours est rejeté.

2) La demande reconventionnelle de la Commission européenne est rejetée.

3) Clariant AG et Clariant International AG supporteront leurs propres dépens et 90 % des dépens exposés par la Commission.

4) La Commission supportera 10 % de ses propres dépens.