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Décisions

TUE, 10e ch., 18 octobre 2023, n° T-737/20

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Ryanair DAC

Défendeur :

Commission européenne, République de Lettonie, Air Baltic Corporation AS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Kornezov

Juges :

M. Buttigieg (rapporteur), M. Hesse

Avocats :

Me Vahida, Me Laprévote, Me Blanc, Me Rating, Me Metaxas-Maranghidis, Me Pérez de Lamo

TUE n° T-737/20

18 octobre 2023

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Ryanair DAC, demande l’annulation de la décision C(2020) 4665 final de la Commission, du 3 juillet 2020, relative à l’aide d’État SA.56943 (2020/N) – Lettonie – COVID 19 : Recapitalisation d’airBaltic (ci-après la « décision attaquée »).

I. Antécédents du litige

2 Le 17 juin 2020, la République de Lettonie a notifié à la Commission européenne une mesure d’aide individuelle, prenant la forme d’une recapitalisation (ci-après l’« aide litigieuse »), en faveur d’Air Baltic Corporation AS (ci-après « airBaltic »), une compagnie aérienne non cotée en Bourse, détenue par l’État letton, à hauteur de 80,05 %, et par un actionnaire minoritaire privé, à hauteur de 19,95 %.

3 L’aide litigieuse a été notifiée en tant qu’aide compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE tel qu’il est interprété dans la communication de la Commission, du 19 mars 2020, intitulée « Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 » (JO 2020, C 91 I, p. 1), modifiée le 3 avril 2020 (JO 2020, C 112 I, p. 1), le 8 mai 2020 (JO 2020, C 164, p. 3) et le 29 juin 2020 (JO 2020, C 218, p. 3) (ci-après, telle que modifiée, l’« encadrement temporaire »].

4 La recapitalisation visée au point 2 ci-dessus prenait la forme d’une augmentation de capital à hauteur de 250 millions d’euros et visait à aider airBaltic à rétablir le niveau de ses fonds propres et de ses liquidités dans le contexte de la flambée de COVID 19.

5 Le 3 juillet 2020, la Commission a adopté la décision attaquée, par laquelle elle a considéré que l’aide litigieuse, d’une part, était constitutive d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et, d’autre part, était compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

II. Conclusions des parties

6 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

7 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme étant non fondé ;

– condamner la requérante aux dépens.

8 La République de Lettonie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours comme étant non fondé.

9 AirBaltic conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme étant non fondé ;

– condamner la requérante aux dépens relatifs à son intervention au soutien de la Commission.

III. En droit

A. Sur la recevabilité du recours

10 D’une part, la requérante soutient que, en tant que concurrente d’airBaltic, elle est une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9) et qu’elle dispose, dès lors, de la qualité pour introduire le présent recours afin de protéger ses droits procéduraux prévus dans la disposition susmentionnée du traité FUE. La protection desdits droits lui conférerait également un intérêt à agir.

11 D’autre part, la requérante précise que, par son recours, elle entend également contester le bien-fondé de la décision attaquée. À cet égard, elle soutient que sa position sur le marché est substantiellement affectée dans la mesure où elle est la concurrente la plus directe d’airBaltic et la seule véritable candidate susceptible de prendre sa place sur le marché en cause.

12 La Commission ne conteste pas que la requérante se trouve en concurrence avec airBaltic. Elle ne conteste, dès lors, pas que la requérante dispose de la qualité pour introduire le présent recours visant à la sauvegarde de ses droits procéduraux en tant que partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589.

13 La Commission ne présente pas d’arguments sur la prétendue affectation substantielle de la position sur le marché de la requérante et, plus généralement, sur la question de savoir si elle dispose de la qualité pour contester le bien-fondé de la décision attaquée.

14 La République de Lettonie et airBaltic n’ont pas présenté d’arguments sur la recevabilité du recours.

15 En l’espèce, il n’est pas contesté que la requérante est une concurrente d’airBaltic et que, dès lors, elle est une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589. Conformément à une jurisprudence bien établie, elle dispose, dès lors, de la qualité pour agir afin de sauvegarder les droits procéduraux qu’elle tire de la disposition susvisée du traité FUE (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, points 35 et 36 et jurisprudence citée). À cet égard, il convient de noter, d’ores et déjà, que le troisième moyen soulevé par la requérante est tiré du défaut d’ouverture de la procédure formelle d’examen par la Commission.

16 Quant à la qualité de la requérante pour contester le bien-fondé de la décision attaquée, il importe de rappeler que la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est subordonnée à la condition que lui soit reconnue la qualité pour agir, laquelle se présente dans deux cas de figure. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C 33/14 P, EU:C:2015:609, points 59 et 91, et du 13 mars 2018, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C 244/16 P, EU:C:2018:177, point 39).

17 La décision attaquée, qui a été adressée à la République de Lettonie, ne constitue pas un acte réglementaire aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dès lors qu’elle n’est pas un acte de portée générale (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C 583/11 P, EU:C:2013:625, point 56). En conséquence, il appartient au Tribunal de vérifier si la partie requérante est directement et individuellement concernée par cette décision, au sens de cette disposition.

18 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223 ; du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 22, et du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C 260/05 P, EU:C:2007:700, point 53).

19 Ainsi, lorsqu’une partie requérante met en cause le bien fondé d’une décision d’appréciation d’une aide prise sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ou à l’issue de la procédure formelle d’examen, le simple fait qu’elle puisse être considérée comme un « intéressé », au sens du paragraphe 2 de cet article, ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Elle doit alors démontrer qu’elle a un statut particulier au sens de la jurisprudence rappelée au point 18 ci-dessus. Il en est notamment ainsi lorsque la position de la partie requérante sur le marché concerné est substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 37 et jurisprudence citée).

20 À cet égard, la Cour a jugé que la démonstration, par la partie requérante, d’une atteinte substantielle à sa position sur le marché n’implique pas de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre cette partie et les entreprises bénéficiaires, mais nécessite seulement de la part de ladite partie qu’elle indique de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision de la Commission est susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché en cause (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 57 et jurisprudence citée).

21 Il ressort ainsi de la jurisprudence de la Cour que l’atteinte substantielle à la position concurrentielle de la partie requérante sur le marché en cause résulte non pas d’une analyse approfondie des différents rapports de concurrence sur ce marché, permettant d’établir avec précision l’étendue de l’atteinte à sa position concurrentielle, mais, en principe, d’un constat prima facie que l’octroi de la mesure visée par la décision de la Commission conduit à porter substantiellement atteinte à cette position (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 58 et jurisprudence citée).

22 Il en découle que cette condition peut être satisfaite si la partie requérante apporte des éléments permettant de démontrer que la mesure en cause est susceptible de porter substantiellement atteinte à sa position sur le marché concerné (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 59 et jurisprudence citée).

23 S’agissant des éléments admis par la jurisprudence pour établir une telle atteinte substantielle, il convient de rappeler que la seule circonstance qu’un acte soit susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant dans le marché pertinent et que l’entreprise concernée se trouve dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de cet acte ne saurait suffire pour que ladite entreprise puisse être considérée comme étant individuellement concernée par ledit acte. Dès lors, une entreprise ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 60 et jurisprudence citée).

24 La démonstration d’une atteinte substantielle portée à la position d’un concurrent sur le marché ne saurait être limitée à la présence de certains éléments indiquant une dégradation des performances commerciales ou financières de la partie requérante, tels qu’une importante baisse du chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou encore une diminution significative des parts de marché à la suite de l’octroi de l’aide en question. L’octroi d’une aide d’État peut également porter atteinte à la situation concurrentielle d’un opérateur d’autres manières, notamment en provoquant un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle aide (arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 61).

25 En outre, la jurisprudence n’exige pas que la partie requérante apporte des éléments quant à la taille ou à l’étendue géographique des marchés en cause, ou encore quant à ses parts de marché ou à celles du bénéficiaire de la mesure en cause ou d’éventuels concurrents sur ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 65).

26 C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner si la requérante a apporté des éléments permettant de démontrer que l’aide litigieuse est susceptible de porter substantiellement atteinte à sa position sur le marché concerné.

27 À cet égard, s’agissant de la question liminaire de la détermination du « marché concerné » aux fins de l’appréciation de l’affectation substantielle de la position concurrentielle de la requérante, il convient d’observer que la Commission a défini les marchés pertinents en l’espèce comme étant les aéroports à partir desquels airBaltic fournit des services de transport aérien de passagers (considérant 143 de la décision attaquée). Trois de ces aéroports ont été identifiés, à savoir les aéroports de Riga (Lettonie), de Vilnius (Lituanie) et de Tallinn (Estonie) (considérant 144 de la décision attaquée).

28 Or, la requérante conteste la méthode de définition des marchés pertinents utilisée par la Commission et soutient devant le Tribunal que celle-ci devait définir ces marchés en se fondant sur des paires de villes entre un point d’origine et un point de destination (ci-après l’« approche O&D »).

29 À cet égard, il convient de rappeler qu’il n’est pas nécessaire, au stade de l’examen de la recevabilité du recours, de se prononcer de façon définitive sur la définition du marché des produits ou des services en cause ou encore sur les rapports de concurrence entre la partie requérante et le bénéficiaire. Il suffit, en principe, que la partie requérante démontre que, prima facie, l’octroi de la mesure en cause conduit à porter substantiellement atteinte à sa position concurrentielle sur le marché (voir jurisprudence citée aux points 20 et 21 ci-dessus).

30 Dès lors, au stade de l’examen de la recevabilité du recours, lorsque la définition du marché en cause est contestée au fond par la partie requérante, comme c’est le cas en l’espèce, il suffit d’examiner si la définition dudit marché avancée par la partie requérante est plausible, et cela sans préjudice de l’examen au fond de cette question.

31 En l’espèce, le Tribunal considère que la définition des marchés de services de transport aérien de passagers selon l’approche O&D préconisée par Ryanair est prima facie plausible. En effet, il suffit de rappeler que, dans le secteur aérien, le Tribunal a accepté que la Commission puisse avoir recours à cette approche pour définir les marchés en cause, notamment dans le domaine du contrôle des concentrations (voir, en ce sens, arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T 162/10, EU:T:2015:283, points 139 et 140 et jurisprudence citée).

32 Dès lors que ces précisions liminaires relatives au « marché concerné » ont été apportées, il convient d’examiner les éléments présentés par la requérante, lesquels n’ont pas été contestés par les autres parties au litige.

33 La requérante a indiqué, en premier lieu, en s’appuyant sur des données de 2019, qu’elle se trouvait en concurrence directe avec airBaltic sur quinze lignes desservies à partir des aéroports de Riga, de Tallinn et de Vilnius, contribuant ainsi à la connectivité des pays baltes avec des villes européennes importantes sur le plan économique et politique. La requérante a indiqué qu’elle constituait la compagnie aérienne qui se trouvait en concurrence directe avec airBaltic sur un plus grand nombre de lignes que n’importe quelle autre compagnie aérienne opérant à l’aéroport de Riga. Elle a également précisé que, à titre plus général, elle exploitait alors dix-sept lignes au départ de l’aéroport de Riga, soit quatre de moins qu’airBaltic.

34 En deuxième lieu, la requérante a invoqué une étude selon laquelle, en 2019, en Lettonie, elle avait une part de marché de 14 % en ce qui concerne les sièges fournis (0,6 million des sièges) et se plaçait en deuxième position derrière airBaltic, qui avait une part de marché de 63 % (2,6 millions de sièges).

35 En troisième lieu, la requérante a fait état d’une croissance constante sur les marchés pertinents au cours des seize dernières années et nettement supérieure à celle d’airBaltic, laquelle était également importante, notamment pour les quatre dernières années, ainsi qu’il ressortait du considérant 28 de la décision attaquée. Dans ce contexte, la requérante a également indiqué que Riga était particulièrement visée par ses plans d’expansion avec huit nouvelles liaisons lancées en 2019. Par ailleurs, elle a fait valoir qu’elle avait récemment commandé 210 Boeing 737 Max qui rejoindraient sa flotte au début de l’année 2021, ce qui lui permettrait de contribuer davantage à la connectivité de la Lettonie et de créer de nouveaux emplois dans ce pays, tout en réduisant considérablement son empreinte écologique.

36 En quatrième lieu, il convient de tenir compte également de la conclusion de la Commission, au considérant 83 de la décision attaquée, selon laquelle, en l’absence de l’aide litigieuse, airBaltic aurait éprouvé de graves difficultés à poursuivre ses opérations au sens du paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire. Selon les autorités lettones, la recapitalisation d’airBaltic constituait l’unique moyen d’éviter sa sortie du marché en raison de la pandémie de COVID 19 (considérant 11 de la décision attaquée). Selon la requérante, airBaltic pourra utiliser les capitaux obtenus grâce à l’aide pour augmenter sa flotte et développer son réseau, améliorant ainsi sa position concurrentielle.

37 Eu égard aux éléments présentés aux points 33 à 36 ci-dessus, il convient de considérer que la requérante a démontré à suffisance de droit que l’aide litigieuse était susceptible, prima facie, de porter substantiellement atteinte à sa position sur le marché concerné, en provoquant notamment un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en son absence (voir jurisprudence citée au point 24 ci-dessus). Il convient, dès lors, de conclure que la requérante est individuellement concernée par la décision attaquée.

38 Quant à la question de savoir si Ryanair est directement concernée par la décision attaquée, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un concurrent du bénéficiaire d’une aide est directement concerné par une décision de la Commission autorisant un État membre à verser celle-ci lorsque la volonté dudit État d’y procéder ne fait nul doute (voir, en ce sens, arrêts du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C 386/96 P, EU:C:1998:193, points 43 et 44, et du 15 septembre 2016, Ferracci/Commission, T 219/13, EU:T:2016:485, point 44 et jurisprudence citée), comme c’est le cas en l’espèce.

39 Il convient, dès lors, de conclure que la requérante dispose de la qualité pour contester le bien-fondé de la décision attaquée.

40 Par ailleurs, il est constant que la requérante dispose d’un intérêt à agir en l’espèce.

41 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure que le présent recours est recevable dans son ensemble.

B. Sur le fond

42 La requérante soulève quatre moyens à l’appui de son recours, le premier, tiré d’une application erronée de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’encadrement temporaire, le deuxième, tiré de la violation de certaines dispositions spécifiques du traité FUE et des principes généraux de non-discrimination, de libre prestation de services et de la liberté d’établissement, le troisième, tiré du défaut d’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et, le quatrième, tiré de la violation de l’obligation de motivation.

1. Sur le premier moyen tiré d’une application erronée de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’encadrement temporaire

43 Le premier moyen se compose de sept branches qu’il convient d’aborder successivement.

a) Sur la première branche, tirée du caractère inapproprié de l’aide litigieuse pour remédier à une perturbation grave de l’économie lettone au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE

44 La requérante, tout en ne contestant pas que la pandémie de COVID 19 a provoqué une perturbation grave de l’économie lettone et affecté le secteur des transports aériens dans son ensemble, soutient que l’aide litigieuse, dans la mesure où elle est octroyée à une seule compagnie aérienne, ne constitue pas une mesure appropriée pour remédier à cette perturbation, mais que, au contraire, elle l’aggrave. Selon la requérante, afin de faire face à la pandémie de COVID 19, il conviendrait de mettre en place des régimes d’aides non discriminatoires et accessibles à tous les opérateurs.

45 La requérante précise que l’exclusion du bénéfice de l’aide litigieuse des autres compagnies aériennes qui, comme elle, jouent un rôle important dans la connectivité de la Lettonie affaiblit son efficacité et la rend inapte à remédier à la perturbation de l’économie lettone.

46 À l’appui de son argumentation, la requérante invoque la pratique décisionnelle de la Commission relative au secteur bancaire et au secteur des transports ferroviaires, dont il ressortirait qu’une aide individuelle peut être exceptionnellement autorisée au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, à condition que son bénéficiaire soit une entreprise jouant un rôle systémique dans l’économie de l’État membre concerné, comme c’est le cas d’une banque, ou représentant l’intégralité du secteur de transport concerné, notamment en tant que gestionnaire de l’infrastructure, ce qui ne serait pas le cas d’airBaltic.

47 La Commission, soutenue par la République de Lettonie et airBaltic, conteste l’argumentation de la requérante.

48 L’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE dispose, notamment, que les aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur.

49 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE est une dérogation au principe général d’incompatibilité avec le marché intérieur des aides d’État énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Il est donc d’interprétation stricte (voir arrêt du 9 avril 2014, Grèce/Commission, T 150/12, non publié, EU:T:2014:191, point 146 et jurisprudence citée). L’article 107, paragraphe 1, TFUE précise que les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sont incompatibles avec le marché intérieur « sous quelque forme que ce soit ». Dès lors, il importe de noter que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE s’applique tant aux régimes d’aides qu’aux aides individuelles [arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T 388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 32].

50 Selon la jurisprudence, la Commission ne peut déclarer une aide compatible au regard de l’article 107, paragraphe 3, TFUE que si elle peut constater que cette aide contribue à la réalisation de l’un des objectifs cités, objectifs que l’entreprise bénéficiaire ne pourrait atteindre par ses propres moyens dans des conditions normales de marché. En d’autres termes, la mesure en cause ne saurait être déclarée compatible avec le marché intérieur si elle apporte une amélioration de la situation financière de l’entreprise bénéficiaire sans être nécessaire pour atteindre le but prévu à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, à savoir remédier à la perturbation grave de l’économie nationale [voir, en ce sens, arrêts du 14 janvier 2009, Kronoply/Commission, T 162/06, EU:T:2009:2, point 65 et jurisprudence citée, du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T 388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 33].

51 Dans ces conditions, une aide individuelle, telle que celle en l’espèce, peut être déclarée compatible avec le marché intérieur dès lors qu’elle est nécessaire, appropriée et proportionnée pour remédier à une perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné [arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T 388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 34].

52 Par ailleurs, il a déjà été précisé que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’exige pas que l’aide en cause soit susceptible, à elle seule, de remédier à la perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné. En effet, une fois que la Commission constate la réalité d’une perturbation grave de l’économie d’un État membre, ce dernier peut être autorisé, si les autres conditions prévues à cet article sont par ailleurs satisfaites, à octroyer des aides d’État, sous forme de régimes d’aides ou d’aides individuelles, qui contribuent à remédier à ladite perturbation. Il pourrait ainsi s’agir de plusieurs mesures d’aide qui, chacune pour leur part, contribuent à cette fin. Dès lors, il ne saurait être exigé qu’une mesure d’aide, pour qu’elle soit valablement fondée sur l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, remédie en elle-même à une perturbation grave de l’économie d’un État membre [arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T 388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 41].

53 Il résulte des considérations qui précèdent que l’argumentation de la requérante, dans la mesure où elle peut être interprétée comme suggérant que seuls des régimes d’aides peuvent être déclarés compatibles en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ou que la mesure d’aide en question doit être susceptible, à elle seule, de remédier à la perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné, doit être rejetée.

54 En ce qui concerne l’argument de la requérante, fondé sur la prétendue pratique décisionnelle de la Commission, selon lequel, d’une part, airBaltic n’était pas suffisamment importante, en comparaison avec les autres compagnies aériennes opérant en Lettonie, pour justifier, au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, l’octroi, à elle seule, de l’aide litigieuse et, d’autre part, l’exclusion des autres compagnies du bénéfice de l’aide affecterait son efficacité, il convient de constater ce qui suit.

55 En premier lieu, dans la mesure où la requérante invoque la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, il y a lieu de rappeler que c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée, et non à l’aune d’une prétendue pratique antérieure (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2013, Nitrogénművek Vegyipari/Commission, T 387/11, non publié, EU:T:2013:98, point 126 et jurisprudence citée).

56 En deuxième lieu, le fait que les bénéficiaires des aides dans les affaires relevant de la pratique antérieure de la Commission citées par la requérante constituaient des entreprises « systémiques », en raison de leur rôle dans le système bancaire ou dans les transports ferroviaires de l’État membre concerné, ne signifie en aucun cas que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE prévoit la condition que les bénéficiaires d’aides individuelles doivent posséder un statut équivalent. En effet, dans le cadre de cette disposition, la Commission doit apprécier si l’aide en question est nécessaire, appropriée et proportionnée pour remédier à une perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné (voir point 51 ci dessus). En l’espèce, la Commission a conclu que tel était le cas au considérant 160 de la décision attaquée.

57 En troisième lieu, s’agissant du caractère approprié de l’aide litigieuse pour remédier à la perturbation grave de l’économie lettone, mis en cause, en substance, par l’argumentation de la requérante, d’une part, il convient de constater que la requérante ne conteste pas que la pandémie de COVID 19 a entraîné une perturbation grave de l’économie lettone, ni que le transport aérien dans son ensemble a été particulièrement touché par cette pandémie.

58 D’autre part, il ressort de la décision attaquée que l’objectif de l’aide litigieuse est de renforcer le niveau des fonds propres et de la liquidité d’airBaltic afin de lui permettre de faire face aux pertes subies en raison de la crise provoquée par la pandémie de COVID 19 et de poursuivre ses opérations. Or, la Commission a expliqué, aux considérants 85 à 92 de la décision attaquée, le rôle important que jouait airBaltic pour l’économie lettone du fait, notamment, que cette compagnie aérienne constituait la plus grande compagnie aérienne opérant en Lettonie et qu’elle était la seule qui assurait, avec une grande fréquence, la connectivité de ce pays avec les plus grands centres d’affaires européens. Dans ce contexte, la Commission a expliqué, en se référant à une étude d’un cabinet de conseil fournie par les autorités lettones et à un rapport préparé par l’Association du transport aérien international (IATA), le rôle majeur joué par les services de transport aérien, tels que ceux fournis par airBaltic, pour l’économie lettone. Il apparaît ainsi que l’aide litigieuse, dans la mesure où elle participait au maintien des activités d’airBaltic, contribuait à remédier à la perturbation grave de l’économie lettone, conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

59 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter la première branche du premier moyen.

b) Sur la deuxième branche, tirée de l’application erronée des conditions d’éligibilité prévues au paragraphe 49 de l’encadrement temporaire

60 Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, la requérante soutient que la Commission a erronément conclu que l’aide litigieuse remplissait les conditions d’éligibilité énoncées au paragraphe 49 de l’encadrement temporaire. Cette branche comporte trois griefs visant la méconnaissance des trois conditions prévues au paragraphe 49, sous a), b) et c), de l’encadrement temporaire.

1) Sur le premier grief, tiré d’une méconnaissance du paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire

61 La requérante soutient que la Commission ne démontre pas qu’airBaltic cesserait ses activités et sortirait du marché en l’absence de l’octroi de l’aide litigieuse.

62 La requérante note que la Commission invoque dans la décision attaquée le risque de défaillance d’airBaltic sur certaines obligations existantes émises en 2019 ainsi que les pertes subies par cette compagnie aérienne en 2020. Or, ces éléments ne permettraient pas de présager une sortie potentielle du marché : selon la requérante, les dettes peuvent être restructurées avec le consentement des créanciers et les pertes peuvent être absorbées par le capital existant.

63 La Commission, soutenue par la République de Lettonie et airBaltic, conteste l’argumentation de la requérante.

64 Selon le paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire, une mesure de recapitalisation dans le contexte de la pandémie de COVID-19 doit remplir la condition suivante :

« [E]n l’absence d’intervention de l’État, le bénéficiaire cesserait ses activités ou éprouverait de graves difficultés à les poursuivre. Ces difficultés peuvent être démontrées par la détérioration, en particulier, du ratio dette/fonds propres du bénéficiaire ou d’indicateurs similaires. »

65 En l’espèce, au considérant 83 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, sans l’aide litigieuse, airBaltic éprouverait de graves difficultés pour poursuivre ses opérations au sens du paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire.

66 Les raisons de cette appréciation étaient exposées aux considérants 81 et 82 de la décision attaquée.

67 Au considérant 81 de la décision attaquée, la Commission a constaté qu’airBaltic était obligée contractuellement, dans le cadre des obligations qu’elle avait émises en 2019, pour un montant de 200 millions d’euros (ci-après les « obligations de 2019 »), de maintenir un niveau de liquidités disponibles à tout moment de 25 millions d’euros au minimum, faute de quoi elle serait soumise à l’obligation de rembourser plus de 200 millions d’euros correspondant à ces obligations, ce qui aggraverait sa situation financière déjà fragile et lui ferait courir le risque grave d’une cessation de paiement à très court terme.

68 Au considérant 82 de la décision attaquée, la Commission a constaté qu’airBaltic avait subi des pertes importantes en raison du déclenchement de la pandémie de COVID 19, sa flotte étant presque entièrement immobilisée pour trois mois environ. En raison de cette situation, la compagnie aérienne allait enregistrer en 2020 des pertes d’au moins 200 à 300 millions d’euros (cette situation devant être mise en rapport avec le fait qu’airBaltic disposait de fonds propres d’un montant de 20 à 70 millions d’euros en décembre 2019), malgré les réductions des coûts effectuées et les reports des paiements.

69 Par ailleurs, au considérant 104 de la décision attaquée, la Commission a constaté que le niveau du capital d’airBaltic baisserait pour atteindre un montant négatif de plusieurs dizaines de millions d’euros jusqu’au mois de décembre 2020.

70 Ces constatations de la Commission étaient fondées sur des éléments d’information fournis par les autorités lettones et présentés aux considérants 5 à 10 de la décision attaquée.

71 Il ressort de ces constatations, non contestées par la requérante, qu’airBaltic connaissait une grave pénurie de liquidité en raison des répercussions sur ses opérations de la pandémie de COVID-19 et du risque, qui en découlait, d’activation immédiate de l’obligation contractuelle de remboursement des obligations de 2019. Ces constatations corroboraient, à suffisance de droit, la conclusion de la Commission, au considérant 83 de la décision attaquée, selon laquelle airBaltic rencontrait de graves difficultés pour poursuivre ses activités au sens du paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire.

72 Les allégations de la requérante (voir points 61 et 62 ci-dessus) sont spéculatives et ne sont appuyées par aucun élément concret et probant. Elles semblent également être fondées sur la prémisse erronée selon laquelle la Commission a conclu qu’airBaltic cesserait ses activités en l’absence de l’aide litigieuse. Or, la Commission n’a pas conclu en ce sens au considérant 83 de la décision attaquée.

73 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le grief de la requérante concernant l’application par la Commission du paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire n’est pas fondé.

2) Sur le deuxième grief, tiré d’une méconnaissance du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire

74 La requérante soutient que la Commission ne démontre pas l’existence d’un intérêt commun pour intervenir, au sens du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire. Selon la requérante, la décision attaquée n’établit pas que la faillite d’airBaltic puisse mettre en danger l’économie lettone et la connectivité de la Lettonie.

75 La Commission, soutenue par la République de Lettonie et airBaltic, conteste l’argumentation de la requérante.

76 Le paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire prévoit que la mesure de recapitalisation envisagée doit être dans l’intérêt commun. L’existence d’un tel intérêt peut être démontrée si la mesure en cause vise à éviter des difficultés sociales et une défaillance de marché découlant de pertes d’emplois significatives, la sortie du marché d’une entreprise innovante ou d’une entreprise qui revêt une importance systémique, le risque de perturbation d’un service important ou des situations similaires dûment étayées par l’État membre concerné.

77 La Commission a examiné, aux considérants 84 à 92 de la décision attaquée, si la condition prévue au paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire était remplie. Elle a tenu compte, d’une part, du rôle d’airBaltic pour la connectivité de la Lettonie et, d’autre part, de son importance pour l’économie lettone.

78 Concernant le rôle d’airBaltic pour la connectivité de la Lettonie, la Commission a constaté, au considérant 85 de la décision attaquée, que cette compagnie aérienne constituait la plus grande compagnie aérienne en Lettonie et le plus grand transporteur de passagers de ce pays. Elle assurait le transport vers le plus grand nombre de destinations à partir de son hub à l’aéroport de Riga et assurait la connexion de la Lettonie avec les centres économiques et politiques importants de la Scandinavie et de l’Europe en général. Les données présentées dans le tableau no 1 de la décision attaquée, intitulé « Fréquence des vols des principaux transporteurs aériens à l’aéroport de Riga en 2019 », démontreraient qu’airBaltic offrait, de loin, le plus grand choix de destinations à partir de l’aéroport de Riga, à savoir le principal aéroport international de Lettonie, et avec la plus grande fréquence. Ainsi, selon ce tableau, airBaltic a desservi entre 70 et 80 destinations en 2019, tandis que ses deux principaux concurrents ont desservi de 10 à 20 destinations. Par ailleurs, durant cette année, airBaltic a desservi entre 20 et 30 destinations avec une fréquence de 10 fois par semaine au minimum et de 30 à 40 destinations avec une fréquence de 5 fois par semaine au minimum, tandis que ses deux principaux concurrents ont desservi avec les mêmes fréquences (10 et 5 fois par semaine) seulement de 0 à 10 destinations.

79 Sur le fondement de ces éléments, la Commission a conclu, au considérant 89 de la décision attaquée, qu’airBaltic assurait, de manière régulière et substantielle, la connectivité de la Lettonie avec les centres d’affaires européens importants et qu’il était improbable que ses services soient reproduits dans la même envergure par des concurrents. La Commission a également considéré que cette compagnie aérienne était bien placée pour aider l’économie lettone à récupérer après la crise, dans la mesure où elle était la seule compagnie aérienne qui assurait, avec une telle fréquence, la connectivité de la Lettonie avec d’importants centres d’affaires.

80 Concernant l’importance d’airBaltic pour l’économie lettone, la Commission a constaté, sur la base de l’étude mentionnée au point 58 ci-dessus, que cette compagnie aérienne avait contribué à hauteur de 2,5 % au produit intérieur brut (PIB) de la Lettonie en 2018 (730 millions d’euros approximativement). AirBaltic emploierait directement 1 800 employés et soutiendrait jusqu’à 30 000 emplois en Lettonie. Elle constituerait l’une des plus grandes compagnies dans ce pays. La Commission a également constaté, sur la base de l’étude susvisée et du rapport de l’IATA (voir point 58 ci-dessus), le rôle important joué par les services de transport aérien pour l’économie lettone, eu égard en particulier à la position géographique relativement éloignée de la Lettonie dans l’Union européenne (considérants 90 et 91 de la décision attaquée). En substance, selon la Commission, le rôle essentiel joué par airBaltic pour la connectivité de la Lettonie démontrait, ensemble avec les données relatives au PIB et à l’emploi, le rôle important de cette compagnie aérienne pour l’économie de ce pays.

81 La Commission a conclu, au considérant 92 de la décision attaquée, que la contribution d’airBaltic à l’économie lettone était significative et que sa faillite pourrait sévèrement affecter l’économie lettone et la connectivité de ce pays dans le contexte de la pandémie de COVID-19. La Commission a conclu qu’il était dans l’intérêt commun que l’État letton intervienne.

82 La requérante ne conteste pas les données présentées par la Commission dans la décision attaquée. Elle lui reproche, en substance, de ne pas avoir examiné la possibilité que d’autres compagnies aériennes, plus efficaces qu’airBaltic, reprennent ses activités, en assurant ainsi la connectivité de la Lettonie.

83 À cet égard, la requérante fait valoir, en premier lieu, que les compagnies aériennes sont facilement remplaçables et que leurs actifs et leurs activités sont par nature mobiles, tout particulièrement dans le contexte de surcapacité provoquée par la pandémie de COVID 19, des centaines d’avions étant immobilisés au sol dans toute l’Europe. Pour corroborer son argumentation, la requérante invoque des exemples de faillites des compagnies aériennes qui ont eu lieu en 2013, lesquelles ont prétendument conduit à une augmentation immédiate du trafic aérien et à l’amélioration de la connectivité des États membres concernés.

84 En deuxième lieu, la requérante se réfère à la conclusion, dans la décision attaquée, selon laquelle airBaltic ne détient pas de pouvoir de marché significatif dans l’aéroport de Riga compte tenu de son faible niveau de congestion, ce qui laisserait entendre que les barrières à l’entrée dans les infrastructures de cet aéroport ne sont pas importantes.

85 En troisième lieu, la requérante soutient que la contribution d’airBaltic à la connectivité internationale de la Lettonie n’est pas aussi importante qu’elle le paraît, dans la mesure où une part importante des passagers d’airBaltic utilisent l’aéroport de Riga uniquement comme point de correspondance.

86 Cette argumentation de la requérante ne remet pas en cause la conclusion de la Commission selon laquelle la condition prévue au paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire était respectée.

87 Tout d’abord, il convient de noter que, ainsi qu’il ressort du considérant 89 de la décision attaquée, la Commission a examiné la possibilité que les concurrents d’airBaltic puissent offrir le même niveau de connectivité à partir de l’aéroport de Riga que celle-ci et a conclu que cela était peu probable. La Commission a tenu compte des données présentées dans le tableau no 1 de la décision attaquée, qui démontraient que la contribution d’airBaltic à la connectivité de la Lettonie était beaucoup plus substantielle, en ce qui concerne le nombre de destinations desservies et la fréquence des vols, que la contribution de n’importe quelle autre compagnie aérienne concurrente, ce qui rendait peu probable l’hypothèse qu’une ou plusieurs compagnies aériennes puissent assurer le même niveau de connectivité qu’airBaltic, compte tenu également de la crise provoquée par la pandémie de COVID 19 qui affectait l’ensemble de compagnies aériennes.

88 La requérante n’invoque aucun élément probant pour étayer son argumentation. Les exemples, cités par elle, de faillites de certaines compagnies aériennes en 2013, lesquelles auraient conduit, en substance, à une croissance de la concurrence et au développement des services de transport aérien fournis dans les États membres concernés, ne sont pas pertinents. Ainsi que la Commission le note à juste titre, ces faillites ont eu lieu dans un contexte caractérisé par un marché des transports aériens qui fonctionnait et qui était en expansion et non dans un contexte, comme celui en cause en l’espèce, caractérisé par une crise sanitaire sans précédent affectant la quasi-totalité des pays du monde et l’ensemble du secteur des transports aériens.

89 Il convient également d’écarter l’argument de la requérante présenté au point 84 ci dessus. En effet, le fait que d’autres compagnies aériennes qu’airBaltic puissent commencer à fournir des services de transport aérien à partir de l’aéroport de Riga (dans la mesure où celui-ci disposait de la capacité libre permettant l’entrée de ces compagnies aériennes), ne démontre pas que ces nouveaux arrivants puissent offrir des services de transport aérien de la même envergure que ceux fournis par airBaltic et apporter la même contribution qu’elle à la connectivité de la Lettonie.

90 De même, l’argument de la requérante présenté au point 85 ci-dessus n’est pas convaincant non plus. En effet, à supposer même que, ainsi que la requérante le soutient, une part importante des passagers transportés par airBaltic utilisent l’aéroport de Riga uniquement comme point de correspondance, cette circonstance ne remet pas en cause le rôle de cette compagnie aérienne dans la connectivité de la Lettonie.

91 Enfin, force est de noter que, par son argumentation, la requérante ne conteste nullement le rôle important d’airBaltic dans l’économie lettone du fait de sa contribution au PIB et de son soutien à l’emploi de ce pays.

92 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de conclure que le grief de la requérante concernant l’application du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire par la Commission n’est pas fondé.

3) Sur le troisième grief, tiré d’une méconnaissance du paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire

93 La requérante soutient qu’airBaltic disposait d’autres solutions de financement que l’aide litigieuse, fondées sur le marché. Dans ce contexte, elle reproche à la Commission d’avoir confondu le refus de l’actionnaire minoritaire d’airBaltic de participer au financement de cette compagnie aérienne avec son incapacité à le faire. Selon la requérante, le critère de l’« incapacité » constitue le critère pertinent aux fins de l’application du paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire, afin d’éviter que les propriétaires d’une entreprise, à travers leur refus de participer au financement, ne transfèrent la charge du sauvetage à l’État.

94 La requérante reproche également à la Commission de ne pas avoir examiné si d’autres solutions de financement impliquant notamment les créanciers existants, les acheteurs potentiels d’actifs ou l’acquisition d’actions d’airBaltic par d’autres investisseurs que l’État letton n’étaient pas disponibles.

95 La requérante fait valoir que d’autres compagnies aériennes dont les notations sont comparables ou inférieures à celles d’airBaltic, comme IAG, easyJet ou encore Virgin Atlantic, sont parvenues à obtenir des solutions de financement sur les marchés et ont adopté des mesures de restructuration de grande ampleur. La requérante affirme qu’elle avait attiré l’attention de la Commission sur ces solutions et qu’il n’y avait pas de raison qu’airBaltic ne puisse pas bénéficier de ces solutions, lesquelles ne sont même pas mentionnées dans la décision attaquée.

96 La requérante conclut que la Commission, en supposant que la seule alternative à l’octroi de l’aide litigieuse était la faillite d’airBaltic, a commis une erreur manifeste d’appréciation.

97 La Commission, soutenue par la République de Lettonie et airBaltic, conteste l’argumentation de la requérante.

98 Selon le paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire, une mesure de recapitalisation dans le contexte de la pandémie de COVID 19 doit remplir la condition suivante :

« [L]e bénéficiaire est dans l’incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables et les mesures horizontales existantes dans l’État membre concerné pour couvrir les besoins de liquidités sont insuffisantes pour garantir sa viabilité. »

99 La Commission a examiné cette condition aux considérants 93 à 97 de la décision attaquée.

100 En premier lieu, la Commission a constaté, au considérant 93 de la décision attaquée, que le contrat relatif à l’émission des obligations de 2019 contenait une clause qui empêchait airBaltic d’obtenir un prêt auprès du marché ou de l’État afin de couvrir ses besoins de liquidité. Si airBaltic décidait de rembourser le montant des obligations de 2019, elle devrait lever 200 millions d’euros sur les marchés, lesquels s’ajouteraient aux fonds nécessaires pour couvrir ses pertes résultant du déclenchement de la pandémie de COVID-19. La Commission a constaté qu’airBaltic, en raison de ses pertes substantielles et du niveau négatif de ses fonds propres, rencontrerait beaucoup de difficultés pour lever des fonds sur les marchés.

101 En deuxième lieu, au considérant 95 de la décision attaquée, la Commission a noté qu’airBaltic avait essayé d’obtenir un financement de la part de son actionnaire minoritaire, mais que celui-ci avait finalement refusé de participer audit financement.

102 En troisième lieu, au considérant 96 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, en tant que mesures horizontales, il existait en Lettonie un régime d’aides, d’un budget total de 250 millions d’euros, consistant en l’octroi des garanties étatiques ou des prêts à des taux subventionnés. Or, selon la Commission, airBaltic ne pouvait pas recevoir d’aide en vertu de ce régime, non seulement en raison du contrat, mentionné au point 100 ci-dessus, qui l’empêchait d’obtenir des prêts étatiques, mais également en raison du budget dudit régime qui était insuffisant pour couvrir ses besoins en liquidités.

103 La Commission a conclu, au considérant 97 de la décision attaquée, que la condition prévue au paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire était remplie.

104 À titre liminaire, il convient de noter que, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, une source importante de financement potentiel pour airBaltic, à savoir l’obtention d’un prêt auprès du marché ou de l’État letton, n’était pas disponible en raison d’une stipulation dans le contrat qui régissait l’émission des obligations de 2019. La requérante ne conteste pas cette donnée factuelle.

105 Ensuite, l’argument de la requérante selon lequel, en substance, la Commission ne devait pas se contenter de constater le refus de l’actionnaire minoritaire d’airBaltic de participer à son financement, mais devait examiner si cet actionnaire se trouvait véritablement dans l’incapacité de participer audit financement ne saurait être retenu.

106 En effet, force est de noter que le paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire évoque l’incapacité du bénéficiaire de l’aide de se financer sur les marchés à des conditions abordables, ce bénéficiaire étant, en l’espèce, airBaltic. Dans la mesure où il n’est pas contesté que l’actionnaire minoritaire d’airBaltic constitue une entité distincte de cette compagnie aérienne et qu’il ne peut pas être assimilé à celle-ci, il était suffisant pour la Commission de tenir compte de son refus de participer au financement d’airBaltic aux fins de constater que cette compagnie aérienne se trouvait dans l’« incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables » au sens du paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire.

107 Il convient également d’écarter l’argumentation de la requérante tirée des cas de financement sur les marchés de certaines autres compagnies aériennes.

108 Tout d’abord, il y a lieu de constater que les documents soumis par la requérante devant le Tribunal ne démontrent pas que, avant l’adoption de la décision attaquée, elle avait attiré l’attention de la Commission sur les cas spécifiques de financement sur les marchés des trois compagnies aériennes citées dans le cadre de son argumentation (voir point 95 ci-dessus).

109 Ensuite, il convient de noter que la Commission a indiqué, dans le mémoire en défense, que la situation financière des compagnies aériennes mentionnées par la requérante était différente de celle d’airBaltic. À l’appui de son argumentation, la Commission a produit devant le Tribunal des documents démontrant que le financement sur le marché de ces compagnies aériennes avait été précédé, selon le cas, de l’obtention des prêts à des conditions favorables et du report des paiements auprès des créanciers. L’argumentation de la Commission et les données factuelles qui l’appuyaient n’ont pas été contestées par la requérante.

110 Il n’est, dès lors, pas démontré que la Commission avait une obligation de vérifier davantage si d’autres solutions de financement fondées sur le marché existaient pour airBaltic.

111 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de conclure que le grief de la requérante relatif à l’application du paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire par la Commission n’est pas fondé.

c) Sur la troisième branche, tirée du défaut d’examen par la Commission de l’existence de mesures faussant moins la concurrence que l’aide litigieuse

112 La requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir examiné si l’aide litigieuse constituait, parmi tous les instruments disponibles, celle qui fausserait le moins la concurrence. Selon la requérante, la décision attaquée ne contient aucune analyse des distorsions de la concurrence et n’examine pas s’il existait d’autres instruments de recapitalisation entraînant moins des distorsions. La requérante conclut que cette décision enfreint le paragraphe 53 de l’encadrement temporaire.

113 La Commission, soutenue par la République de Lettonie et airBaltic, conteste l’argumentation de la requérante.

114 Le point 3.11.3 de l’encadrement temporaire, intitulé « Types de mesures de recapitalisation », contient les paragraphes 52 et 53. Le paragraphe 52 énumère les mesures de recapitalisation que les États membres peuvent prendre dans le contexte de la pandémie de COVID-19, à savoir, d’une part, les instruments de fonds propres, en particulier l’émission de nouvelles parts ordinaires ou privilégiées, et, d’autre part, les instruments assortis d’une composante fonds propres (dénommés « instruments hybrides »), en particulier les clauses de participation aux bénéfices, les participations tacites et les obligations convertibles garanties ou non garanties.

115 Le paragraphe 53 de l’encadrement temporaire précise ce qui suit :

« L’intervention de l’État peut prendre la forme de toute variante de [ces] instruments ou être constituée d’une combinaison d’instruments de fonds propres et d’instruments hybrides. […] L’État membre doit faire en sorte que les instruments de recapitalisation choisis et les conditions dont ils sont assortis soient les plus appropriés pour répondre aux besoins de recapitalisation du bénéficiaire, tout en faussant le moins la concurrence. »

116 En l’espèce, à l’instar de la Commission, il y a lieu de souligner qu’une mesure de recapitalisation et les conditions dont celle-ci est assortie peuvent être considérées comme appropriées pour répondre aux besoins de recapitalisation du bénéficiaire, tout en faussant le moins la concurrence, au sens du paragraphe 53 de l’encadrement temporaire, dès lors qu’elles remplissent les différentes exigences prévues à cette fin dans cet encadrement et relatives au montant de la recapitalisation (point 3.11.4 de l’encadrement temporaire), à la rémunération et à la sortie de l’État (point 3.11.5 de l’encadrement temporaire), à la gouvernance et la prévention des distorsions indues de la concurrence (point 3.11.6 de l’encadrement temporaire) et à la stratégie de sortie de l’État de la participation résultant de la recapitalisation (point 3.11.7 de l’encadrement temporaire). En effet, la référence, au paragraphe 53 de l’encadrement temporaire, aux « conditions dont [la mesure en cause] est assortie » vise des exigences, telles que celles mentionnées dans la phrase précédente, qui ont pour objet précisément de garantir que la mesure en cause et les conditions dont elle est assortie ne dépassent pas ce qui est approprié pour répondre aux besoins de recapitalisation du bénéficiaire, tout en faussant le moins la concurrence. Dès lors, si les exigences susmentionnées sont remplies, l’instrument de recapitalisation choisi doit être considéré conforme au paragraphe 53 de l’encadrement temporaire.

117 Aux considérants 101 à 158 de la décision attaquée, la Commission a examiné si l’aide litigieuse remplissait les conditions posées dans les points 3.11.4 à 3.11.7 de l’encadrement temporaire. La requérante conteste le bien-fondé de cet examen dans les quatrième à septième branches du présent moyen.

118 Il ressort des considérations qui précèdent que le présent grief de la requérante n’a pas de contenu autonome par rapport aux arguments qu’elle soulève dans le cadre des quatrième à septième branches de son premier moyen. Le bien-fondé du présent grief est donc tributaire de l’analyse de ces autres branches examinées ci-après.

119 À supposer que l’argumentation de la requérante doive être comprise comme reprochant également à la Commission d’avoir omis d’examiner si un autre type de mesure d’aide que la recapitalisation litigieuse aurait été plus approprié et moins générateur de distorsions de concurrence, force est de constater que cet éventuel volet de son argumentation n’est aucunement étayé.

120 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la Commission n’a pas à se prononcer sur toute autre mesure d’aide envisageable. En effet, elle n’est pas tenue de démontrer, de manière positive, qu’aucune autre mesure d’aide imaginable, par définition hypothétique, ne serait plus appropriée et moins génératrice de distorsions de concurrence (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 6 mai 2019, Scor/Commission, T 135/17, non publié, EU:T:2019:287, point 94 et jurisprudence citée).

121 Par ailleurs, si la Cour a également jugé que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C 283/11, EU:C:2013:28, point 50 et jurisprudence citée), en l’espèce, rien n’indique que la Commission devait effectuer un choix entre plusieurs mesures appropriées.

122 Partant, le volet de l’argumentation éventuellement soulevé par la requérante et résumé au point 119 ci-dessus doit être écarté.

d) Sur la quatrième branche, tirée de ce que la Commission se serait abstenue d’appliquer à la recapitalisation litigieuse des conditions appropriées à la sortie de l’État

123 La requérante reproche à la Commission d’avoir validé l’aide litigieuse nonobstant l’absence de mécanisme visant à garantir le remboursement de cette aide conformément au paragraphe 56 de l’encadrement temporaire. Selon la requérante, le seul fait qu’il est prévu qu’airBaltic sera introduite en Bourse (ci-après l’« IPO ») et que l’État letton vendra ses actions dans le cadre de cette introduction n’est pas suffisant pour démontrer ce remboursement.

124 Par ailleurs, selon la requérante, les informations fournies par les autorités lettones, présentées au considérant 54 de la décision attaquée, laissent supposer que l’État letton ne vendra pas la totalité des actions acquises par le biais de la recapitalisation, ce qui signifie que l’exigence de remboursement intégral de l’aide, prévue au paragraphe 56 de l’encadrement temporaire, ne sera pas respectée. La requérante soutient que, en tout état de cause, l’État letton ne dispose d’aucun droit de conserver son niveau initial de participation dans airBaltic une fois le rachat des actions qu’il a acquises effectuer.

125 La requérante conclut que la Commission n’a pas appliqué correctement les dispositions de l’encadrement temporaire visant à garantir la sortie de l’État letton du capital d’airBaltic et la mise en place d’un mécanisme de hausse de la rémunération. Elle aurait, dès lors, commis une erreur dans l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’encadrement temporaire justifiant l’annulation de la décision attaquée.

126 La Commission, soutenue par la République de Lettonie et airBaltic, conteste l’argumentation de la requérante.

127 L’argumentation de la requérante vise deux problématiques distinctes. La première problématique concerne l’existence de mécanismes incitatifs au remboursement de la recapitalisation litigieuse et est abordée au point 3.11.5 de l’encadrement temporaire, intitulé « Rémunération et sortie de l’État ». La seconde problématique concerne l’existence d’une stratégie de sortie de l’État letton de la participation au capital d’airBaltic résultant de la recapitalisation litigieuse et est abordée dans le point 3.11.7 de l’encadrement temporaire, intitulé « Stratégie de sortie de l’État de la participation résultant de la recapitalisation et obligations en matière d’information ».

128 S’agissant de la première problématique identifiée au point 127 ci-dessus, il convient de noter que le paragraphe 56 de l’encadrement temporaire pose le principe selon lequel la recapitalisation dans le contexte de la pandémie de COVID 19 doit être remboursée lorsque l’économie se stabilise. Ce paragraphe prévoit également que l’État membre concerné doit mettre en place un mécanisme visant à inciter progressivement au remboursement.

129 En tant que mesure d’incitation du remboursement des instruments de fonds propres tels que la recapitalisation, le paragraphe 61 de l’encadrement temporaire prévoit l’instauration d’un mécanisme de hausse de la rémunération (step up), qui augmente la rémunération de l’État au fil du temps, afin d’inciter le bénéficiaire à racheter la participation souscrite par celui-ci. Cette hausse de la rémunération peut, notamment, prendre la forme d’actions supplémentaires octroyées à l’État selon les modalités prévues au paragraphe 61 de l’encadrement temporaire.

130 Par ailleurs, le paragraphe 64 de l’encadrement temporaire prévoit que l’État membre concerné peut vendre à tout moment sa participation au prix du marché à des acheteurs autres que le bénéficiaire et qu’une telle vente peut, notamment, être effectuée en Bourse.

131 En l’espèce, il ressort des considérants 43 à 48 de la décision attaquée que la République de Lettonie a mis en place un mécanisme de hausse de la rémunération impliquant, ainsi que le prévoit le paragraphe 61, deuxième alinéa, de l’encadrement temporaire, l’octroi à son profit, à deux reprises (à savoir respectivement cinq et sept ans après la recapitalisation), d’actions supplémentaires aboutissant ainsi à l’augmentation de sa participation dans le capital d’airBaltic et à la dilution de la participation de l’actionnaire minoritaire. La Commission a apprécié ce mécanisme de hausse de la rémunération aux considérants 126 à 131 de la décision attaquée et a conclu qu’il était conforme au paragraphe 61 de l’encadrement temporaire.

132 Il convient de constater que cette appréciation de la Commission relative au mécanisme de hausse de la rémunération mis en place par la République de Lettonie et à sa conformité avec l’encadrement temporaire n’est pas contestée par la requérante.

133 S’agissant de la seconde problématique identifiée au point 127 ci-dessus, il y a lieu de noter que, aux termes du paragraphe 79 de l’encadrement temporaire, les bénéficiaires autres que les petites et moyennes entreprises (PME) ayant obtenu une recapitalisation dans le cadre des mesures liées à la pandémie de COVID-19 équivalant à plus de 25 % de leurs fonds propres doivent apporter la preuve de l’existence d’une stratégie de sortie crédible en ce qui concerne la participation de l’État, à moins que l’intervention de celui-ci ne soit ramenée à moins de 25 % des fonds propres au cours des douze mois suivant la date d’octroi de l’aide.

134 Conformément au paragraphe 80 de l’encadrement temporaire, la stratégie de sortie doit préciser, d’une part, les intentions du bénéficiaire quant à la poursuite de ses activités et à l’utilisation des fonds investis par l’État, notamment un calendrier de versement de la rémunération et un calendrier de remboursement de l’investissement de l’État et, d’autre part, les mesures que prendront le bénéficiaire et l’État pour se conformer à ce calendrier de remboursement.

135 Le paragraphe 81 de l’encadrement temporaire énonce que la stratégie de sortie devrait être élaborée et soumise à l’État membre dans les douze mois suivant l’octroi de l’aide et doit être approuvée par celui-ci.

136 La stratégie de sortie de l’État letton du capital d’airBaltic est décrite aux considérants 53 à 58 et appréciée aux considérants 153 à 158 de la décision attaquée.

137 Dans son appréciation, la Commission rappelle tout d’abord, au considérant 154 de la décision attaquée, qu’airBaltic a élaboré un plan d’affaires présentant la poursuite de ses activités et l’utilisation des fonds investis par l’État letton. Cette compagnie aérienne aurait pour objectif de lancer une IPO lors de laquelle l’État vendrait les actions acquises au moyen de la recapitalisation. La Commission estime, au considérant 155 de la décision attaquée, que, bien que la République de Lettonie ait présenté des indications quant à une stratégie de sortie de sa participation acquise dans le contexte de la pandémie de COVID-19, cette stratégie de sortie devra contenir plus de détails, notamment en ce qui concerne le calendrier de remboursement et l’organisation de l’IPO. Ainsi, au considérant 156 de la décision attaquée, la Commission a pris acte de l’engagement pris par la République de Lettonie de recevoir et d’approuver une stratégie de sortie crédible dans les douze mois suivant l’octroi de l’aide, à moins que l’intervention de l’État ne soit ramenée à moins de 25 % des fonds propres dans le délai imparti, conformément aux paragraphes 79 à 81 de l’encadrement temporaire.

138 La Commission a conclu, au considérant 158 de la décision attaquée, que l’aide litigieuse était conforme au point 3.11.7 de l’encadrement temporaire.

139 Le seul grief de la requérante à l’encontre de l’appréciation susvisée de la Commission, tel qu’il ressort du point 65 de la requête, est que celle-ci a opéré un contrôle défaillant en se limitant à valider une future IPO d’airBaltic et la vente des actions supplémentaires de l’État letton à travers cette IPO.

140 Or, ce grief n’est pas fondé. La Commission a indiqué clairement, au considérant 155 de la décision attaquée, que la stratégie de sortie de l’État letton devra être plus détaillée, en particulier en ce qui concerne l’organisation de l’IPO d’airBaltic. Cette approche de la Commission était conforme au paragraphe 81 de l’encadrement temporaire selon lequel la stratégie de sortie ne doit pas nécessairement être fixée à la date d’adoption de la décision attaquée, mais doit être soumise à l’État membre concerné dans les douze mois suivant l’octroi de l’aide.

141 L’argumentation de la requérante, présentée au point 124 ci dessus, doit également être écartée compte tenu de l’engagement de l’État letton de vendre, dans le cadre de l’IPO d’airBaltic, les actions qu’il a acquises dans cette compagnie à travers la recapitalisation (voir considérant 54 de la décision attaquée). Cet engagement, qui a été pris en compte par la Commission au considérant 154 de la décision attaquée, est conforme au paragraphe 56 de l’encadrement temporaire qui prévoit l’obligation de remboursement de la recapitalisation.

142 Par ailleurs, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle la République de Lettonie ne dispose d’aucun droit de conserver son niveau initial de participation dans airBaltic à la suite du rachat des actions acquises à travers la recapitalisation, force est de noter, à l’instar de la Commission, que l’encadrement temporaire n’impose pas à l’État membre concerné (en l’occurrence la République de Lettonie) de céder sa participation initiale dans le capital du bénéficiaire de l’aide ou même de la réduire. Il exige seulement le remboursement de la recapitalisation ainsi qu’il ressort de son paragraphe 56.

143 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter la quatrième branche du premier moyen.

e) Sur la cinquième branche, tirée de ce que la Commission n’aurait pas exigé la notification d’un plan de restructuration « en temps utile »

144 La requérante fait valoir que la notification d’un plan de restructuration seulement après la période de sept ans, tel que cela est prévu au paragraphe 85 de l’encadrement temporaire, ne permet pas, du fait de la longueur de ce délai, de garantir que la recapitalisation reste appropriée et proportionnée et qu’elle ne porte pas atteinte à la concurrence. En ce sens, un tel délai serait incompatible avec le paragraphe 45 de l’encadrement temporaire, lequel exige que les mesures de recapitalisation soient accompagnées de conditions strictes afin de limiter les distorsions de concurrence, et serait contradictoire avec l’exigence équivalente prévue dans la communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1er août 2013, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière (JO 2013, C 216, p. 1).

145 La requérante soulève également une exception d’illégalité en vertu de l’article 277 TFUE à l’encontre de l’encadrement temporaire dans la mesure où celui-ci n’exige pas qu’un plan de restructuration soit présenté en temps utile, afin de respecter les principes d’adéquation, de proportionnalité et de maintien de la concurrence effective.

146 La Commission, soutenue par la République de Lettonie et airBaltic, conteste l’argumentation de la requérante.

147 Le paragraphe 85 de l’encadrement temporaire, placé sous le point 3.11.7 intitulé « Stratégie de sortie de l’État de la participation résultant de la recapitalisation et obligations en matière d’information », prévoit ce qui suit :

« Dans le cas où six ans après la recapitalisation COVID-19, l’intervention de l’État n’a pas été ramenée à moins de 15 % des fonds propres du bénéficiaire, un plan de restructuration conforme aux lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration doit être notifié à la Commission pour approbation. […] Si le bénéficiaire n’est pas une société cotée en Bourse ou est une PME, l’État membre peut décider de notifier un plan de restructuration uniquement si son intervention n’a pas été ramenée à moins de 15 % des fonds propres sept ans après la recapitalisation COVID-19. »

148 Au considérant 57 de la décision attaquée (placé sous le point 2.7.6, intitulé « Stratégie de sortie de l’État »), la Commission a précisé que, si sept ans après la recapitalisation liée à la pandémie de COVID 19, l’intervention de l’État letton n’avait pas été ramenée à moins de 15 % des fonds propres d’airBaltic, la République de Lettonie devrait lui notifier, pour approbation, un plan de restructuration en conformité avec les lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers (JO 2014, C 249, p. 1).

149 À cet égard, il importe de souligner que les mesures d’aide ne sont octroyées au titre de l’encadrement temporaire qu’aux entreprises qui n’étaient pas en difficulté au 31 décembre 2019, conformément au paragraphe 49, sous d), dudit encadrement. Dès lors, les bénéficiaires d’une telle aide sont des entreprises dont les problèmes de liquidités ont été causés par la survenance de la pandémie de COVID-19, sur laquelle les bénéficiaires n’ont pas de contrôle. Ainsi, il importe de souligner que les bénéficiaires n’ont ni créé ni contribué à la survenance de cette crise.

150 Partant, il serait contraire à l’objectif même des soutiens étatiques accordés pour combattre les effets économiques néfastes occasionnés par la pandémie de COVID-19 d’exiger dès le début ou aussitôt un plan de restructuration des entreprises qui n’ont aucunement contribué à la survenance desdites difficultés.

151 Il n’est donc aucunement contraire au principe de proportionnalité de prévoir au paragraphe 85 de l’encadrement temporaire qu’un tel plan de restructuration n’est à notifier que si, après sept ans, l’intervention de l’État n’a pas été ramenée à moins de 15 % des fonds propres du bénéficiaire concerné. En effet, ce n’est qu’après ladite période de sept ans qu’il sera devenu clair que les différents mécanismes d’incitation n’ont pas produit le résultat escompté et que, dès lors, un plan de restructuration devra être notifié. Une telle durée est également tout à fait cohérente avec les différents mécanismes mis en place par l’encadrement temporaire afin d’inciter et d’accélérer la sortie de l’État du capital du bénéficiaire concerné, dont certains s’étalent sur une période analogue. Ainsi, à titre d’exemple, le mécanisme de hausse de la rémunération pour les instruments de fonds propres, décrit au paragraphe 61 de l’encadrement temporaire, prévoit l’augmentation, dans certaines conditions, de la rémunération de l’État quatre ans puis six ans après l’injection du capital, tandis que la rémunération des instruments hybrides, décrite au paragraphe 66 de l’encadrement temporaire, croît au fil du temps jusqu’à la huitième année suivant la recapitalisation.

152 En outre, l’analogie avec la communication mentionnée au point 144 ci-dessus est inappropriée, car, comme le rappelle la Commission, la crise correspondante a été causée, au moins en partie, par les risques excessifs pris par certaines institutions financières, à la différence de la pandémie de COVID-19, qui est une crise sanitaire. Partant, il ne peut pas être exigé que les mesures mises en place par la Commission afin de remédier aux conséquences de la crise liée au COVID-19 soient de la même nature que celles répondant à cette crise financière.

153 Eu égard à ces considérations, le délai de sept ans pour présenter un plan de restructuration prévu au paragraphe 85 de l’encadrement temporaire ne paraît pas excessif. Ainsi, en appliquant dans la décision attaquée le délai visé au paragraphe 85 de l’encadrement temporaire, la Commission n’a pas méconnu l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

154 Par ailleurs, il convient de rejeter l’argument de la requérante tiré du paragraphe 45 de l’encadrement temporaire. Si ce paragraphe exige que les mesures de recapitalisation soient accompagnées de conditions strictes afin de limiter les distorsions de concurrence, il est expliqué que ces conditions se rattachent à l’entrée de l’État dans le capital d’une entreprise, à la rémunération liée à cette participation, à la sortie de l’État du capital de l’entreprise en question, aux dispositions sur la gouvernance et aux mesures appropriées pour limiter les distorsions de concurrence. Il s’agit manifestement d’un renvoi aux conditions prévues aux points 3.11.2 à 3.11.7 de l’encadrement temporaire. La requérante reste donc en défaut d’expliquer de quelle manière le délai pour présenter un plan de restructuration prévu au paragraphe 85 de l’encadrement temporaire, lequel a été respecté par la Commission dans la décision attaquée, serait en contradiction avec ce paragraphe.

155 En outre, il y a lieu de constater que l’argumentation de la requérante, soulevée au point 71 de la requête à l’appui de l’exception d’illégalité à l’encontre du paragraphe 85 de l’encadrement temporaire, n’est pas suffisamment étayée et reste trop générale pour pouvoir satisfaire aux prescriptions de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal. Partant, elle doit être écartée comme étant irrecevable.

156 Eu égard aux considérations qui précèdent, l’argumentation de la requérante dans le cadre de la cinquième branche du présent moyen doit être écartée.

f) Sur la sixième branche, tirée de ce que la Commission n’aurait pas mis en balance les effets positifs escomptés de l’aide litigieuse avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et le maintien d’une concurrence non faussée

157 La requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir procédé, en l’espèce, à la mise en balance des effets positifs escomptés de l’aide litigieuse en ce qui concerne la réalisation des objectifs énoncés à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE avec ses effets négatifs quant à la distorsion de la concurrence et l’incidence sur les échanges entre États membres (ci après le « test de mise en balance »).

158 La requérante soutient que l’obligation de procéder au test de mise en balance résulte du caractère exceptionnel des aides déclarées compatibles avec le marché intérieur, notamment des aides déclarées compatibles en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, de l’exigence de proportionnalité et de la nécessité de contrôler les aides dans le contexte de l’Union.

159 La requérante ajoute que l’encadrement temporaire prévoit également le test de mise en balance, ainsi qu’il ressort du point 1.2 et du paragraphe 53 de cet encadrement, et constitue donc une deuxième base juridique de l’obligation pour la Commission d’effectuer ce test.

160 Selon la requérante, dans l’hypothèse où l’encadrement temporaire devait être interprété comme autorisant la Commission à ne pas procéder au test de mise en balance, cela reviendrait pour elle à se priver de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation de la compatibilité des aides et, partant, l’encadrement temporaire serait dépourvu de validité. Ainsi, la requérante soulève également une exception d’illégalité de l’encadrement temporaire en vertu de l’article 277 TFUE dans la mesure où celui-ci, dans l’hypothèse susvisée, enfreindrait l’obligation de procéder au test de mise en balance dans le cadre de l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

161 La Commission, soutenue par la République de Lettonie et airBaltic, conteste l’argumentation de la requérante.

162 Il y a lieu de rappeler que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE prévoit que « [p]euvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur [...] les aides destinées […] à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre ». Il résulte du libellé de cette disposition que ses auteurs ont considéré qu’il était de l’intérêt de l’Union tout entière que l’un ou l’autre de ses États membres soit en mesure de surmonter une crise majeure, voire existentielle, qui ne pouvait qu’avoir des conséquences graves sur l’économie de tout ou partie des autres États membres, et donc sur l’Union en tant que telle. Cette interprétation textuelle de la lettre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE est confirmée par sa comparaison avec l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, qui concerne « les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun », dans la mesure où le libellé de cette dernière disposition comporte une condition, relative à la démonstration d’une absence d’altération des conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun, qui ne figure pas à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C 594/18 P, EU:C:2020:742, points 20 et 39).

163 Ainsi, pour autant que les conditions posées à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE soient remplies, à savoir, en l’espèce, que l’État membre concerné soit bel et bien face à une perturbation grave de son économie et que la mesure d’aide adoptée pour remédier à cette perturbation soit, d’une part, nécessaire à cette fin et, d’autre part, appropriée et proportionnée, ladite mesure est présumée être adoptée dans l’intérêt de l’Union, de sorte qu’il n’est pas requis par cette disposition que la Commission procède à une mise en balance des effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée, au contraire de ce qui est prescrit à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. En d’autres termes, une telle mise en balance n’aurait pas raison d’être dans le cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, son résultat étant présumé positif. Qu’un État membre parvienne à remédier à une perturbation grave de son économie ne peut en effet que profiter à l’Union en général et au marché intérieur en particulier (arrêt du 17 février 2021, Ryanair/Commission, T 238/20, sous pourvoi, EU:T:2021:91, point 68).

164 Il convient par conséquent de rejeter l’argument de la requérante selon lequel l’obligation de mise en balance résulterait du caractère exceptionnel des aides compatibles, y compris celles déclarées compatibles en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Pour les mêmes raisons, elle n’est pas fondée à se prévaloir des arrêts du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission (T 447/93 à T 449/93, EU:T:1995:130), et du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission (T 68/15, EU:T:2018:563, points 210 à 214) [voir, en ce sens, arrêts du 17 février 2021, Ryanair/Commission, T 238/20, sous pourvoi, EU:T:2021:91, point 69, et du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T 388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, points 70 et 71].

165 La requérante ne saurait non plus convaincre lorsqu’elle affirme que le caractère obligatoire d’une mise en balance découlerait de l’encadrement temporaire, dès lors qu’une telle obligation ne figure pas dans celui-ci. En particulier, le point 1.2 de cet encadrement auquel elle se réfère, relatif à la « nécessité d’une étroite coordination européenne des mesures d’aide nationales », est composé d’un seul paragraphe, le paragraphe 10, qui ne contient aucune prescription à cet égard. La requérante ne saurait se prévaloir, non plus, du paragraphe 53 de l’encadrement temporaire à cet égard. En effet, ainsi qu’il est expliqué au point 116 ci-dessus, ce dernier paragraphe doit être compris comme exigeant qu’une mesure de recapitalisation soit assortie de conditions qui remplissent les différentes exigences expressément prévues au point 3.11 de l’encadrement temporaire, relatives au montant de la recapitalisation, à la rémunération et à la sortie de l’État, à la gouvernance et à la prévention des distorsions indues de la concurrence et à la stratégie de sortie de l’État de la participation résultant de la recapitalisation.

166 Il s’ensuit que la Commission n’avait pas l’obligation de procéder, dans la décision attaquée, à la mise en balance exigée par la requérante. Si la requérante excipe de l’illégalité de l’encadrement temporaire, l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’exige pas, ainsi qu’il résulte du point 163 ci-dessus, que la Commission procède à une mise en balance des effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée. Dès lors, l’encadrement temporaire, lequel ne prévoit pas une telle mise en balance, ne saurait méconnaître cette disposition.

167 Par conséquent, l’argumentation de la requérante dans le cadre de la sixième branche du présent moyen doit être écartée.

g) Sur la septième branche, tirée de l’application erronée des paragraphes 71 et 72 de l’encadrement temporaire

1) Sur l’application du paragraphe 71 de l’encadrement temporaire

168 La requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir considéré que le plan d’affaires d’airBaltic, lequel faisait état d’un « retour progressif aux […] projets pré-COVID 19 », équivalait, dans le contexte de l’époque où toutes les compagnies aériennes qui n’avaient pas reçu d’aides d’État devaient réduire massivement leurs effectifs, à une expansion commerciale agressive prohibée en vertu du paragraphe 71 de l’encadrement temporaire. À l’appui de son argumentation, la requérante invoque le lancement, par airBaltic, de nouvelles liaisons et l’acquisition de nouveaux appareils, ainsi que cela ressortirait des communiqués de presse fournis dans l’annexe A.2.4 de la requête.

169 La Commission, soutenue par la République de Lettonie et airBaltic, conteste l’argumentation de la requérante.

170 Le paragraphe 71 de l’encadrement temporaire est placé sous le point 3.11.6 intitulé « Gouvernance et prévention des distorsions indues de la concurrence ». Aux termes de ce paragraphe, afin de prévenir toute distorsion indue de la concurrence, les bénéficiaires ne doivent pas s’adonner à une expansion commerciale agressive financée par des aides d’État ou rendue possible par une prise de risques excessive. De manière générale, plus la participation de l’État membre est faible et la rémunération élevée, moins grande est la nécessité de prévoir des garde-fous.

171 Au considérant 134 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le plan d’affaires d’airBaltic démontrait que cette compagnie aérienne préparait un retour progressif au niveau de ses activités d’avant le déclenchement de la pandémie de COVID 19. Au même considérant, la Commission s’est également référée à l’engagement d’airBaltic de respecter les conditions prévues au point 3.11.6 de l’encadrement temporaire.

172 L’argumentation de la requérante ne saurait être retenue.

173 En effet, il convient de constater que la Commission a procédé à l’examen du plan d’affaires d’airBaltic. Le fait que ce plan révélait l’objectif de cette compagnie aérienne de retourner, de manière progressive, au niveau de ses activités d’avant le déclenchement de la pandémie de COVID 19, à savoir avant la recapitalisation litigieuse, ne démontre pas que celle-ci s’est adonnée à une expansion commerciale agressive financée par l’aide litigieuse ou rendue possible par une prise de risques excessive, au sens du paragraphe 71 de l’encadrement temporaire.

174 Les communiqués de presse invoqués par la requérante ne remettent pas en cause cette conclusion.

175 En effet, ces communiqués de presse datent de décembre 2020 et sont, dès lors, postérieurs à l’adoption de la décision attaquée. Par ailleurs, les faits exposés dans ces communiqués sont postérieurs à ladite décision. Or, à cet égard, il convient de rappeler que la légalité de la décision attaquée ne saurait être remise en cause sur la base de circonstances survenues postérieurement à l’adoption de celle-ci (voir arrêt du 9 février 2022, Sped-Pro/Commission, T 791/19, EU:T:2022:67, point 82 et jurisprudence citée).

176 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de conclure que la requérante ne parvient pas à démontrer que la Commission a procédé à une application erronée du paragraphe 71 de l’encadrement temporaire.

2) Sur l’application du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire

177 Conformément au paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, si le bénéficiaire d’une mesure de recapitalisation prise dans le contexte de la crise due à la pandémie de COVID-19 d’un montant supérieur à 250 millions d’euros est une entreprise ayant un pouvoir de marché significatif (ci-après le « PMS ») sur au moins l’un des marchés en cause sur lesquels elle exerce ses activités, les États membres doivent proposer des mesures supplémentaires pour préserver l’exercice d’une concurrence effective sur lesdits marchés. Lorsqu’ils proposent de telles mesures, les États membres peuvent notamment offrir des engagements structurels ou comportementaux, tels que ceux prévus dans la communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CE) no 139/2004 du Conseil et au règlement (CE) no 802/2004 de la Commission (JO 2008, C 267, p. 1, ci-après la « communication sur les mesures correctives »).

178 La requérante soutient, tout d’abord, que la définition du marché pertinent effectuée dans la décision attaquée est erronée et déroge à la méthode « normale » de définition du marché suivie par la Commission dans des affaires de concentration dans le secteur du transport aérien.

179 La requérante conteste, ensuite, la conclusion de la Commission relative à l’absence de PMS d’airBaltic dans les marchés pertinents définis dans la décision attaquée.

180 La Commission soutient, à titre liminaire, que l’argumentation de la requérante est inopérante dans la mesure où, ainsi qu’il a été noté au considérant 135 de la décision attaquée, le montant de recapitalisation en l’espèce ne dépassait pas les 250 millions d’euros et, dès lors, la République de Lettonie n’était pas obligée de proposer des mesures supplémentaires au sens du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire.

181 À cet égard, il convient de noter que le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire s’applique lorsque le montant de la recapitalisation en cause est supérieur à 250 millions d’euros.

182 Au considérant 135 de la décision attaquée, la Commission a noté que, dans la mesure où le montant de recapitalisation en l’espèce ne dépassait pas les 250 millions d’euros, la République de Lettonie n’était pas obligée de proposer des mesures supplémentaires au sens du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire. Néanmoins, au considérant 136, la Commission a considéré que, puisque le montant de recapitalisation était exactement de 250 millions d’euros et que le montant initial notifié dépassait ce montant, il était approprié qu’elle examine la question de savoir si airBaltic disposait d’un PMS sur, au moins, l’un des marchés en cause sur lesquels elle exerce ses activités au sens du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire.

183 Dans la mesure où, finalement, la Commission a estimé opportun d’examiner, dans la décision attaquée, la question de savoir si airBaltic détenait un PMS sur, au moins, l’un des marchés en cause, il convient de rejeter l’argument de la Commission relatif au caractère inopérant des griefs de la requérante et d’examiner ceux-ci au fond.

i) Sur la définition des marchés en cause au sens du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire

184 Aux considérants 137 à 143 de la décision attaquée, la Commission a examiné la question de la définition des marchés en cause en l’espèce, au sens du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire.

185 Aux fins de cette définition, elle a fait une distinction entre l’approche O&D (voir point 28 ci-dessus), selon laquelle chaque paire de villes ou d’aéroports constitue un marché distinct, et l’approche consistant à considérer que chaque aéroport dans lequel l’opérateur concerné fournit des services des transports aériens constitue un marché distinct (ci-après l’« approche aéroport par aéroport »).

186 La Commission a suivi, en l’espèce, l’approche aéroport par aéroport et a conclu, au considérant 143 de la décision attaquée, que, aux fins de l’appréciation de la compatibilité de l’aide litigieuse, les marchés pertinents étaient les aéroports dans lesquels airBaltic fournissait des services de transport aérien des passagers, à savoir les aéroports de Riga, de Vilnius et de Tallinn.

187 La Commission a justifié l’application de cette approche, en l’espèce, par le fait que l’aide litigieuse visait à préserver la capacité globale du bénéficiaire (à savoir airBaltic) à fournir des services de transport aérien, notamment en assurant la préservation de ses actifs et de ses droits d’exploitation à moyen et à long terme. En effet, ces actifs et ces droits ne seraient pas affectés, en principe, à une liaison particulière (considérant 142 de la décision attaquée).

188 Par conséquent, selon la Commission, si la mesure litigieuse affecte la concurrence, elle l’affecte sur toutes les liaisons au départ et à l’arrivée d’un aéroport dans lequel le bénéficiaire détient des créneaux horaires, indépendamment de la position concurrentielle dudit bénéficiaire sur chacune de ces liaisons. Il ne serait donc pas approprié, selon la Commission, d’analyser l’impact de la mesure litigieuse sur chacune de ces liaisons séparément. En lieu et place de cette démarche, il conviendrait de définir les marchés pertinents comme étant les aéroports où le bénéficiaire fournissait des services de transport aérien de passagers (considérant 143 de la décision attaquée).

189 La requérante conteste l’application, en l’espèce, de l’approche aéroport par aéroport, en invoquant la pratique décisionnelle de la Commission en matière des concentrations dans le secteur de l’aviation, selon laquelle le marché pertinent est défini selon l’approche O&D. Elle soutient qu’une concentration vise également à renforcer la « capacité globale du bénéficiaire à fournir des services de transport aérien » au sens du considérant 142 de la décision attaquée, mais que cela ne justifie pas de faire une exception aux règles régissant la définition du marché pertinent, lesquelles doivent être les mêmes que celles appliquées en matière de contrôle des concentrations. La requérante ajoute que le renvoi opéré par le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire à la communication sur les mesures correctives confirme que la définition du marché pertinent en l’espèce doit se faire en cohérence avec les règles régissant la définition du marché pertinent en matière des concentrations.

190 La question du choix de la méthode d’identification des marchés pertinents en l’espèce implique des évaluations économiques complexes, de sorte que le contrôle qu’exerce le juge de l’Union se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’au contrôle de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance, C 75/05 P et C 80/05 P, EU:C:2008:482, point 59 et jurisprudence citée).

191 À cet égard, premièrement, il convient de relever que le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire ne précise pas la méthode selon laquelle les marchés pertinents doivent être définis.

192 Deuxièmement, ainsi que l’indique la note en bas de page no 1 de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5), le centre de l’évaluation dans les cas d’aides d’État est le bénéficiaire de l’aide en cause et l’industrie ou le secteur concerné plutôt que l’identification des contraintes compétitives que connaît ledit bénéficiaire.

193 Troisièmement, il convient de rappeler que, dans le cadre de l’examen des mesures d’aide susceptibles d’être autorisées conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, la Commission doit veiller à ce que celles-ci soient destinées notamment à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre. En particulier, l’encadrement temporaire s’inscrit dans le cadre de l’effort global déployé par les États membres pour contrer les effets de la flambée de COVID-19 sur leur économie et vise à préciser les possibilités offertes aux États membres par les règles de l’Union pour garantir la liquidité et l’accès au financement des entreprises (paragraphe 11 de l’encadrement temporaire). En ce qui concerne plus particulièrement les mesures de recapitalisation, l’encadrement temporaire vise à faire en sorte que la perturbation de l’économie causée par la pandémie ne provoque pas une sortie du marché évitable pour les entreprises qui étaient viables avant la flambée de COVID-19. Dans le même temps, la Commission doit s’assurer que les recapitalisations ne dépassent pas le minimum nécessaire pour garantir la viabilité du bénéficiaire et qu’elles se limitent à rétablir la structure de capital qui était celle du bénéficiaire avant la flambée de COVID-19.

194 Ce type de mesures d’aide vise donc à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre en soutenant, en particulier, la viabilité des entreprises touchées par la crise due à la pandémie de COVID-19, afin de rétablir leur structure de capital au niveau qui était le leur avant celle-ci. Ces mesures d’aide visent ainsi la situation financière globale du bénéficiaire et, plus généralement, celle du secteur économique concerné.

195 Quatrièmement, en ce qui concerne concrètement la mesure en cause, il convient de relever que celle-ci vise à garantir, en substance, qu’airBaltic dispose de suffisamment de liquidités et que les perturbations causées par la pandémie de COVID-19 ne compromettent pas sa viabilité (considérants 4, 11 et 81 à 83 de la décision attaquée). Les effets de cette aide s’étendent donc à la situation financière globale de cette compagnie aérienne. En effet, la mesure en cause vise à restaurer la structure de capital qui était celle du bénéficiaire avant la flambée de COVID-19 et non pas à soutenir la présence du bénéficiaire sur telle ou telle ligne aérienne.

196 Partant, c’est à juste titre que la Commission a relevé dans la décision attaquée que la mesure en cause visait à préserver les actifs du bénéficiaire et ses droits d’exploitation à moyen et à long terme et, dès lors, sa capacité globale à fournir des services de transport aérien et que, par conséquent, il n’était pas approprié d’examiner l’impact de la mesure en cause sur chaque marché O&D pris isolément.

197 Cinquièmement, les arguments de la requérante visant à remettre en cause l’approche aéroport par aéroport suivie par la Commission dans la décision attaquée sont fondés, en substance, sur une analogie avec la méthode de définition des marchés suivie en matière de contrôle des concentrations, selon laquelle les marchés pertinents sont définis selon l’approche O&D.

198 Cette analogie ne tient toutefois pas suffisamment compte des spécificités de l’encadrement temporaire et de la mesure en cause.

199 En effet, la mesure en cause dans la présente affaire n’a pas pour effet de renforcer la position du bénéficiaire concerné sur certains marchés O&D et non sur d’autres. Plus particulièrement, une mesure de recapitalisation produit des effets sur la situation globale du bénéficiaire concerné, dans la mesure où les capitaux apportés à celui-ci ne sont pas affectés à des liaisons particulières et n’ont donc pas de lien direct avec certains marchés O&D plutôt qu’avec d’autres.

200 Partant, il n’existe aucune contradiction découlant du fait que la Commission aurait suivi des approches différentes pour définir les marchés, d’une part, dans la décision attaquée et, d’autre part, dans sa pratique décisionnelle en matière de contrôle des concentrations (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T 162/10, EU:T:2015:283, point 148).

201 Au demeurant, il y a lieu de relever que, même dans le domaine des concentrations, il est arrivé que la Commission définisse les marchés pertinents sur le fondement de la seule approche aéroport par aéroport, lorsque la concentration consistait en un rachat d’actifs, et notamment de créneaux horaires, d’une compagnie aérienne ayant cessé toute activité et s’étant ainsi retirée de tous les marchés O&D. Cette approche a été admise par le Tribunal au motif, notamment, que les créneaux horaires faisant l’objet de la concentration pouvaient être utilisés sur l’ensemble des liaisons O&D au départ ou à destination des aéroports concernés (voir, en ce sens, arrêts du 20 octobre 2021, Polskie Linie Lotnicze “LOT”/Commission, T 240/18, EU:T:2021:723, point 57, et du 20 octobre 2021, Polskie Linie Lotnicze “LOT”/Commission, T 296/18, EU:T:2021:724, point 80). Or, une mesure de recapitalisation telle que la mesure en cause a un effet comparable à une concentration portant essentiellement sur des créneaux horaires, en ce sens que, à l’instar de ces créneaux horaires, les capitaux apportés à airBaltic ne sont pas affectés à des liaisons particulières et peuvent être utilisés aux fins d’assurer n’importe quelle liaison O&D au départ d’un aéroport.

202 Enfin, s’il est vrai que le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire renvoie à la communication sur les mesures correctives afin de guider les États membres lorsqu’ils choisissent d’offrir des engagements structurels ou comportementaux pour préserver l’exercice d’une concurrence effective sur les marchés pertinents, ce renvoi ne vise pas à imposer à la Commission une méthode donnée de définition des marchés.

203 Partant, il y a lieu de conclure que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, définir les marchés en cause aux fins de l’application du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire selon l’approche aéroport par aéroport.

ii) Sur le PMS d’airBaltic sur les marchés en cause

204 La Commission, en appliquant l’approche aéroport par aéroport, a identifié, au considérant 144 de la décision attaquée, trois marchés en cause au sens du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, à savoir les aéroports de Riga, de Vilnius et de Tallinn, dans lesquels airBaltic disposait d’une base. Elle a conclu, au considérant 149 de la décision attaquée, qu’airBaltic ne disposait de PMS sur aucun de ces trois aéroports.

205 La requérante soutient, en premier lieu, que, selon la pratique de la Commission, une part de marché supérieure à 50 % constitue en soi la preuve d’une position dominante et d’un PMS, en particulier si cette part de marché est restée stable dans le temps. Selon la requérante, tel est le cas d’airBaltic en l’espèce, dans la mesure où, selon la décision attaquée, cette compagnie aérienne détenait une part de marché, au départ et à destination de l’aéroport de Riga, se situant entre 50 et 70 %.

206 En deuxième lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir ignoré les conclusions du Konkurences padome (conseil de la concurrence, Lettonie) et du Vilniaus miesto apylinkes teismas (tribunal de district de Vilnius, Lituanie), relatives à l’abus de position dominante commis par airBaltic. La requérante explique que ces pratiques abusives et la mise en œuvre de demandes d’indemnisation à l’encontre d’airBaltic ont abouti à des procédures ayant donné lieu à l’arrêt du 5 juillet 2018, flyLAL-Lithuanian Airlines (C 27/17, EU:C:2018:533). Selon la requérante, la Commission pouvait trouver facilement cette information.

207 En troisième lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir apprécié l’existence d’un PMS en l’espèce en s’appuyant exclusivement sur la part des capacités des infrastructures aéroportuaires des aéroports de Riga, de Vilnius et de Tallinn détenue par airBaltic, sans tenir compte de tous les autres facteurs qui contribuent à l’existence d’un PMS et sans expliquer pour quelle raison elle a limité son examen aux deux facteurs susvisés.

208 La requérante soutient que des barrières à l’entrée, autres que la congestion des aéroports, peuvent contribuer à l’existence d’un PMS. En ce qui concerne airBaltic, ces barrières à l’entrée comprendraient l’intégration verticale entre cette compagnie aérienne et l’aéroport de Riga, résultant du fait que l’État letton contrôlerait ces deux entités. Selon la requérante, cette intégration verticale aboutit à ce que la structure des redevances aéroportuaires à l’aéroport de Riga a profité à airBaltic, par le biais de réductions et d’exonérations sur le trafic de transfert et de transit, au détriment des compagnies aériennes, concurrentes d’airBaltic souhaitant fournir des services de transport des passagers de point à point.

209 En quatrième lieu, la requérante fait valoir que l’appréciation de l’existence d’un PMS est un exercice par nature prospectif, l’objectif de la Commission étant de déterminer si l’aide peut avoir des effets négatifs à l’avenir. Selon la requérante, la Commission aurait dû tenir compte de la capacité d’airBaltic de vendre à perte grâce à l’aide litigieuse ou de poursuivre une expansion artificielle de ses capacités. La requérante soutient que l’affirmation de la Commission, au considérant 146 de la décision attaquée, selon laquelle « airBaltic ne détient ni créneaux horaires ni droits historiques sur des créneaux horaires à l’[aéroport de Riga] susceptibles d’empêcher d’autres compagnies aériennes de programmer des vols » ignore le contexte de la pandémie de COVID-19, qui rend très improbable toute nouvelle entrée ou expansion par un opérateur qui ne bénéficie pas d’une aide.

210 La Commission, soutenue par la République de Lettonie et airBaltic, conteste l’argumentation de la requérante.

211 L’appréciation de l’argumentation de la requérante nécessite une clarification, à titre liminaire, de la notion de « PMS ».

–  Sur la notion de « PMS »

212 La notion de « PMS » n’est pas définie dans l’encadrement temporaire, ni plus généralement dans le domaine des aides d’État.

213 Cette notion prend sa source à l’article 63, paragraphe 2, de la directive (UE) 2018/1972, du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, établissant le code des communications électroniques européen (JO 2018, L 321, p. 36). Aux termes de cette disposition, une entreprise est considérée comme ayant un PMS lorsque, individuellement ou conjointement avec d’autres, elle se trouve dans une position équivalente à une position dominante, à savoir une position de puissance économique lui permettant de se comporter, dans une mesure appréciable, de manière indépendante de ses concurrents, de ses clients et, en fin de compte, des consommateurs.

214 Selon le considérant 161 de la directive 2018/1972, la définition du PMS utilisée dans cette directive est « équivalente à la notion de position dominante telle qu’elle est définie dans la jurisprudence de la Cour ».

215 Le Tribunal considère qu’il n’existe pas de raison objective pour interpréter la notion de « PMS » au sens du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire différemment de celle résultant de la directive 2018/1972.

216 Partant, la notion de « PMS » au sens du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire doit être considérée comme étant, en substance, équivalente à celle de position dominante en droit de la concurrence.

217 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une position dominante est définie en droit de l’Union comme une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable à l’égard de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs (arrêts du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continental/Commission, 27/76, EU:C:1978:22, point 65, et du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 38).

218 Il ressort également d’une jurisprudence bien établie que l’existence d’une position dominante résulte en général de la réunion de plusieurs facteurs, qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants (arrêts du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continental/Commission, 27/76, EU:C:1978:22, point 66, et du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 39).

219 Par ailleurs, même s’il a été jugé qu’une part de marché supérieure ou égale à 50 % constitue une présomption d’existence d’une position dominante (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C 62/86, EU:C:1991:286, point 60), il ressort de la jurisprudence que la détention d’une part de marché considérable n’est pas une donnée immuable et que sa signification varie d’un marché à l’autre selon la structure de ceux-ci, notamment en ce qui concerne la production, l’offre et la demande (arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 40).

220 Enfin, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’appréciation de l’existence d’un PMS n’est pas, par nature, prospective. En effet, cette appréciation doit être effectuée en fonction de la situation telle qu’elle se présente lors de la notification de la mesure en cause. Si le bénéficiaire ne jouit pas d’un PMS au moment de ladite notification, le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire ne trouve pas à s’appliquer. La Commission n’a donc pas à examiner si, à la suite de l’octroi de l’aide, le bénéficiaire pourrait acquérir un PMS. Au demeurant, ainsi que la Commission le note à juste titre, les éléments prospectifs relatifs au comportement d’airBaltic, invoqués par la requérante (voir point 209 ci-dessus), sont couverts par d’autres paragraphes de l’encadrement temporaire que le paragraphe 72, à savoir, notamment, le paragraphe 71, qui interdit au bénéficiaire d’une mesure de recapitalisation de s’adonner à une expansion commerciale agressive, et le paragraphe 74, qui interdit, en substance, audit bénéficiaire de faire des acquisitions tant que la majeure partie de l’aide n’a pas été remboursée.

–  Sur l’appréciation du PMS d’airBaltic sur les trois aéroports pertinents en l’espèce

221 Dans la décision attaquée, la Commission a conclu à l’absence d’un PMS détenu par airBaltic sur les aéroports de Riga, de Vilnius et de Tallinn en tenant compte des éléments suivants.

222 Concernant, tout d’abord, l’aéroport de Riga, la Commission a noté, au considérant 145 de la décision attaquée, que, à la date d’adoption de cette décision, cet aéroport ne constituait pas un aéroport coordonné et que sa capacité, en ce qui concerne les infrastructures, était généralement adéquate pour satisfaire la demande des usagers. Il est rappelé à cet égard que, selon l’article 2, sous g), du règlement (CEE) no 95/93 du Conseil, du 18 janvier 1993, fixant des règles communes en ce qui concerne l’attribution des créneaux horaires dans les aéroports de la Communauté (JO 1993, L 14, p. 1), dans sa version applicable en l’espèce, un aéroport « coordonné » constitue tout aéroport où, pour atterrir ou décoller, un transporteur aérien ou tout autre exploitant d’aéronefs doit s’être vu attribuer un créneau horaire par un coordonnateur, à l’exception des vols d’État, des atterrissages d’urgence et des vols humanitaires. Ainsi, dans ces aéroports, la demande d’infrastructures aéroportuaires, en particulier en ce qui concerne les créneaux horaires, dépasse de manière significative la capacité de l’aéroport et l’extension de ces infrastructures pour répondre à la demande n’est pas possible à court terme. En revanche, tel n’est pas le cas dans les aéroports non coordonnés, comme l’aéroport de Riga, dans lesquels il existe suffisamment de créneaux disponibles.

223 Au considérant 146 de la décision attaquée, la Commission a noté, en se fondant sur des données de l’année 2019, que le trafic des passagers transportés par airBaltic représentait entre 50 et 70 % du trafic total des passagers ayant utilisé l’aéroport de Riga. Elle a également constaté que, en raison de la capacité disponible de cet aéroport, airBaltic ne détenait pas de créneaux horaires ou de droits historiques sur des tels créneaux qui pourraient empêcher d’autres compagnies aériennes de programmer des vols.

224 Par ailleurs, au considérant 147 de la décision attaquée, la Commission a noté que la capacité, à la date d’adoption de cette décision, de la piste en mode mixte (arrivées et départs) de l’aéroport de Riga était de 29 mouvements par heure. Elle a également noté que, durant l’été 2019, la part des mouvements à cet aéroport détenue par airBaltic représentait en moyenne moins de 30 à 40 % et atteignait au maximum 50 à 60 % durant seulement une heure de pointe. Par ailleurs, le taux de congestion moyen de cet aéroport pendant l’été 2019 était inférieur à 43 %, ce qui démontrait, selon la Commission, qu’il existait une capacité disponible significative dans cet aéroport.

225 Concernant les aéroports de Vilnius et de Tallinn, la Commission a noté, au considérant 148 de la décision attaquée, que le trafic des passagers transportés par airBaltic représentait, respectivement, de 5 à 15 % et de 30 à 40 % du trafic total des passagers ayant utilisé ces aéroports et que ces aéroports n’étaient pas congestionnés ni coordonnés.

226 La requérante ne conteste pas les données susvisées, invoquées par la Commission. Ces données démontrent effectivement que, à la date d’adoption de la décision attaquée, les trois aéroports en question disposaient amplement d’une capacité libre, permettant aux concurrents d’airBaltic de programmer des vols aux jours et à l’heure qui leur convenaient.

227 L’argument de la requérante selon lequel airBaltic détenait un PMS dans l’aéroport de Riga du seul fait qu’elle détenait entre 50 % et 70 % du trafic de passagers dans cet aéroport n’emporte pas la conviction du Tribunal.

228 À cet égard, compte tenu du fait que cet aéroport ne constituait ni un aéroport coordonné ni un aéroport présentant un taux de congestion élevé et qu’il permettait l’entrée ou l’expansion de n’importe quelle compagnie aérienne, la donnée susvisée ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant qu’airBaltic n’avait pas un PMS à l’aéroport de Riga.

229 En effet, même si la part du trafic des passagers détenue par airBaltic est, certes, élevée, il n’en demeure pas moins que sa part des mouvements à l’aéroport de Riga représente en moyenne moins de 30 à 40 % et que ledit aéroport n’est pas coordonné. Ces données démontrent l’existence de suffisamment de créneaux disponibles dans cet aéroport permettant l’entrée et l’expansion des concurrents d’airBaltic, ce qui est d’ailleurs corroboré par le fait que le taux moyen de congestion dans cet aéroport pendant l’été 2019 était inférieur à 43 %.

230 À cet égard, conformément à la jurisprudence rappelée au point 219 ci-dessus, la détention d’une part de marché considérable n’est pas une donnée immuable et sa signification varie d’un marché à l’autre selon la structure de ceux-ci, notamment en ce qui concerne la production, l’offre et la demande.

231 Ainsi, en l’espèce, la Commission pouvait conclure à bon droit que, compte tenu de la structure du marché en cause, notamment de l’absence d’importantes barrières à l’entrée et à l’expansion, tel que cela ressort du point 229 ci-dessus, airBaltic ne disposait pas d’un PMS dans l’aéroport de Riga.

232 S’agissant de la référence faite par la requérante aux décisions du conseil de la concurrence letton et du Vilniaus miesto apylinkes teismas (tribunal de district de Vilnius) (voir point 206 ci-dessus), il suffit de constater que la République de Lettonie a soutenu devant le Tribunal, sans qu’elle soit contestée par la requérante, que ces décisions portaient sur des conditions de marché remontant à plus de dix ans et qu’elles n’étaient, dès lors, pas pertinentes en l’espèce.

233 L’arrêt du 5 juillet 2018, flyLAL-Lithuanian Airlines (C 27/17, EU:C:2018:533), invoqué également par la requérante (voir point 206 ci-dessus), ne démontre pas non plus la détention d’un PMS d’airBaltic sur les aéroports de Riga, de Vilnius et de Tallinn. En effet, la Cour ne s’est pas prononcée, dans cet arrêt, sur le pouvoir de marché d’airBaltic sur lesdits aéroports.

234 Il convient également de rejeter l’argumentation de la requérante présentée au point 208 ci-dessus. En effet, cette argumentation ne démontre pas l’existence de barrières à l’entrée pour les infrastructures de l’aéroport de Riga, lesquelles devraient conduire la Commission à conclure qu’airBaltic détenait un PMS sur ledit aéroport en dépit du fait que cet aéroport n’était pas coordonné et qu’il disposait de la capacité pour permettre l’entrée ou l’expansion d’un concurrent de cette compagnie aérienne. En tout état de cause, l’argumentation de la requérante ne démontre pas que la Commission a commis d’erreur manifeste d’appréciation du pouvoir de marché d’airBaltic sur l’aéroport de Riga.

235 Enfin, quant au grief de la requérante selon lequel la Commission a apprécié l’existence d’un PMS en s’appuyant exclusivement sur la part des capacités des infrastructures aéroportuaires des aéroports de Riga, de Vilnius et de Tallinn détenue par airBaltic, sans tenir compte d’autres facteurs pertinents (voir point 207 ci-dessus), il y a lieu de le rejeter, car il repose sur une lecture partielle de la décision attaquée. En effet, ainsi qu’il ressort des considérants 145 à 148 de la décision attaquée, la Commission a également tenu compte du fait que les aéroports susvisés n’étaient ni coordonnés ni congestionnés et de la part de marché d’airBaltic relative au trafic de passagers. Ainsi, dans la décision attaquée, la Commission a pris en considération non seulement la part de la capacité aéroportuaire détenue par le bénéficiaire, mais également les caractéristiques des trois aéroports en ce qui concerne la capacité disponible et les parts du marché du bénéficiaire sur le marché de fourniture des services de transport aérien de passagers.

236 En conclusion, il y a lieu de constater que la requérante ne parvient pas à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’airBaltic ne détenait pas un PMS sur les trois aéroports pertinents en l’espèce, à savoir ceux de Riga, de Vilnius et de Tallinn. En outre, et en réponse au grief de la requérante présenté au point 207 ci-dessus, relatif à un défaut de motivation de la décision attaquée, il découle de ce qui précède que la Commission a motivé, à suffisance de droit, la conclusion susvisée.

237 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter la septième branche du premier moyen. Par conséquent, celui-ci doit être rejeté dans son ensemble.

2. Sur le deuxième moyen tiré d’une violation des principes de non discrimination, de libre prestation de services et de la liberté d’établissement

238 La requérante soutient que l’aide litigieuse enfreint les principes de non-discrimination, de libre prestation de services et de la liberté d’établissement.

239 La Commission, soutenue par la République de Lettonie et airBaltic, conteste l’argumentation de la requérante.

240 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’une aide d’État qui viole des dispositions du traité ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur (arrêts du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C 390/06, EU:C:2008:224, points 50 et 51, et du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C 594/18 P, EU:C:2020:742, point 44).

a) Sur la violation du principe de non-discrimination

241 La requérante soutient, en substance, que la Commission a traité différemment la situation comparable des compagnies aériennes exploitant des lignes au départ et à destination de la Lettonie en favorisant airBaltic sans aucune justification objective. Selon la requérante, l’ensemble de compagnies aériennes opérant en Lettonie a été impacté par la pandémie de COVID-19. La Commission n’exposerait que certains faits relatifs à la taille et à l’offre d’airBaltic, qui ne démontrent pas que cette dernière était plus apte à remédier aux perturbations graves causées à l’économie lettone que d’autres compagnies aériennes. Cela serait particulièrement vrai en ce qui concerne la requérante, qui est en concurrence directe avec airBaltic à l’aéroport de Riga.

242 La requérante soutient également que la Commission n’a pas établi que la différence de traitement décrite ci-dessus était nécessaire et proportionnée à l’objectif poursuivi de remédier à une perturbation grave de l’économie lettone.

243 La Commission, soutenue par la République de Lettonie et airBaltic, conteste l’argumentation de la requérante.

244 Il convient de rappeler que le principe de non-discrimination requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C 390/06, EU:C:2008:224, point 66 ; voir également, en ce sens, arrêt du 5 juin 2018, Montero Mateos, C 677/16, EU:C:2018:393, point 49).

245 Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent en outre être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C 127/07, EU:C:2008:728, point 26).

246 Par ailleurs, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause (arrêt du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25), étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C 611/17, EU:C:2019:332, point 55].

247 En l’espèce, il convient de rappeler que, selon la décision attaquée, l’aide litigieuse vise uniquement à répondre aux besoins de liquidité et de fonds propres d’airBaltic à la suite des pertes de revenus subies par cette entreprise en raison de la propagation de la pandémie de COVID-19, afin de remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre au sens de l’encadrement temporaire.

248 En premier lieu, il est vrai que les autres compagnies aériennes contribuent incontestablement dans une certaine mesure à la connectivité de la Lettonie et qu’elles sont tout autant qu’airBaltic affectées par la pandémie de COVID-19 et les restrictions de voyage qui en ont découlées. Toutefois, il n’en demeure pas moins que, ainsi que le fait valoir la Commission, il n’existe aucune obligation, pour les États membres, d’accorder des aides destinées à remédier à la perturbation grave d’une économie au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE [voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, Ryanair et Laudamotion/Commission (Austrian Airlines ; Covid-19), T 677/20, sous pourvoi, EU:T:2021:465, point 54]. En effet, si l’article 108, paragraphe 3, TFUE oblige les États membres à notifier à la Commission leurs projets en matière d’aides d’État avant leur mise à exécution, il ne les oblige pas, en revanche, à octroyer une aide (ordonnance du 30 mai 2018, Yanchev, C 481/17, non publiée, EU:C:2018:352, point 22).

249 En outre, une aide peut être destinée à remédier à la perturbation grave de l’économie d’un État membre, conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, indépendamment du fait qu’elle ne remédie pas, à elle seule, à une telle perturbation. Dès lors, contrairement à ce que soutient de la requérante, la République de Lettonie ne saurait être tenue d’accorder une aide à toutes les entreprises qui contribuent, dans une mesure ou une autre, à la connectivité de son territoire.

250 En deuxième lieu, il convient de relever qu’une aide individuelle, telle que la mesure en cause, ne profite, par définition, qu’à une seule entreprise, à l’exclusion de toutes les autres entreprises, y compris celles se trouvant dans une situation comparable à celle du bénéficiaire de cette aide. Ainsi, de par sa nature, une telle aide instaure une différence de traitement, voire une discrimination, laquelle est inhérente au caractère individuel de ladite mesure. Or, soutenir, comme le fait la requérante, que l’aide individuelle en cause est contraire au principe de non-discrimination revient, en substance, à mettre en cause systématiquement la compatibilité avec le marché intérieur de toute aide individuelle du seul fait de son caractère intrinsèquement exclusif et par là discriminatoire, alors même que le droit de l’Union permet aux États membres d’octroyer des aides individuelles, pourvu que toutes les conditions prévues à l’article 107 TFUE soient remplies [arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T 388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 81].

251 En troisième lieu, à supposer que, comme l’affirme la requérante, la différence de traitement instituée par la mesure en cause, en ce qu’elle ne profite qu’à airBaltic, puisse être assimilée à une discrimination, il convient de vérifier si elle est justifiée par un objectif légitime et si elle est nécessaire, appropriée et proportionnée pour l’atteindre. De même, pour autant que la requérante fait référence à l’article 18, premier alinéa, TFUE, il convient de souligner que, selon cette disposition, toute discrimination exercée en raison de la nationalité dans le domaine d’application des traités « sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient » est interdite. Partant, il importe de vérifier si cette différence de traitement est permise au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, qui constitue la base juridique de la décision attaquée. Cet examen implique, d’une part, que l’objectif de la mesure en cause satisfasse aux exigences prévues par cette dernière disposition et, d’autre part, que les modalités d’octroi de la mesure en cause, à savoir, en l’espèce, le fait que celle-ci ne profite qu’à airBaltic, soient de nature à permettre que soit atteint cet objectif et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre [arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T 388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 82].

252 S’agissant de l’objectif de la mesure en cause, il est constant que la pandémie de COVID-19 a gravement perturbé l’économie lettone et qu’elle a eu des effets négatifs majeurs sur le marché letton du transport aérien. Dans ce contexte, eu égard au rôle important d’airBaltic concernant la connectivité de la Lettonie et sa contribution significative à l’économie lettone (voir points 57, 58 et 77 à 91 ci-dessus), l’objectif de la mesure en cause, à savoir maintenir la viabilité et les services de transport aérien d’airBaltic, était de nature à remédier à la perturbation grave de l’économie lettone.

253 S’agissant des modalités d’octroi de la mesure en cause, il est rappelé que cette mesure visait à restaurer la liquidité de cette compagnie aérienne. Dans la mesure où elle prenait la forme d’une recapitalisation, il ne fait pas de doute qu’elle était de nature à permettre que l’objectif susvisé soit atteint.

254 S’agissant de la question de savoir si l’aide litigieuse va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé, la Commission a conclu, au considérant 114 de la décision attaquée, que cette mesure ne dépassait pas le minimum nécessaire pour assurer la viabilité d’airBaltic et n’allait pas au-delà du rétablissement de la structure capitalistique de cette société, telle qu’elle existait au 31 décembre 2019. La requérante ne conteste pas cette conclusion.

255 La requérante conteste le caractère nécessaire de la prétendue différence de traitement instaurée entre airBaltic et les autres compagnies aériennes opérant en Lettonie en invoquant des arguments qui ont déjà été examinés et rejetés par le Tribunal dans le cadre du premier moyen.

256 Ainsi, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel il existait d’autres solutions de marché à la disposition d’airBaltic que l’octroi de l’aide litigieuse, celui-ci a été examiné et rejeté aux points 61 à 73 ci-dessus.

257 S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel il n’était pas établi que la faillite d’airBaltic mettrait nécessairement en danger l’économie lettone et la connectivité de ce pays, celui-ci a été examiné et rejeté aux points 74 à 92 ci-dessus.

258 Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas examiné la nécessité d’octroyer l’aide litigieuse uniquement à airBaltic, il y a lieu de rappeler qu’il n’existe aucune obligation pour la Commission d’examiner si, outre le maintien d’airBaltic, la République de Lettonie devait élargir le cercle des bénéficiaires de l’aide, dès lors que la décision attaquée établit, à suffisance de droit, la nécessité de préserver la contribution d’airBaltic à la connectivité de la Lettonie et l’économie lettone.

259 La requérante conteste le caractère proportionné de la prétendue différence de traitement instaurée entre airBaltic et les autres compagnies aériennes opérant en Lettonie, au regard du fait qu’airBaltic reçoit l’intégralité de l’aide octroyée par l’État letton en dépit du fait que sa participation à la connectivité internationale de la Lettonie était comprise entre 50 % et 70 %. La requérante soutient que si l’aide litigieuse était octroyée à toutes les compagnies aériennes opérant en Lettonie en fonction de leur part de marché, l’objectif de la mesure serait atteint sans discrimination.

260 Cet argument ne saurait être retenu. En effet, compte tenu de son rôle majeur en matière de connectivité internationale ainsi que de son poids économique en Lettonie, tels qu’ils ont déjà été établis dans le cadre de l’examen du deuxième grief de la deuxième branche du premier moyen (voir points 74 à 91 ci-dessus), il y a lieu de constater qu’assurer la continuité des activités économiques d’airBaltic était davantage susceptible de contribuer à remédier à la perturbation grave de l’économie lettone que maintenir les activités des autres compagnies aériennes qui opéraient – dans une moindre mesure qu’airBaltic – en Lettonie. En particulier, il ne ressort d’aucune pièce du dossier dont dispose le Tribunal que la requérante ou une autre compagnie aérienne, de par leur rôle dans la connectivité nationale et internationale de la Lettonie ainsi que leur poids économique et social pour ce pays, avait une importance comparable à celle d’airBaltic pour l’économie lettone et sa reprise.

261 Il s’ensuit que, en toute hypothèse et pour autant que la différence de traitement instituée par l’aide litigieuse puisse être assimilée à une discrimination, il était justifié d’accorder le bénéfice de celle-ci uniquement à airBaltic.

262 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le grief de la requérante tiré de la violation du principe de non-discrimination.

b) Sur la violation des principes de libre prestation de services et de la liberté d’établissement

263 La requérante soutient que la décision attaquée constitue une restriction à l’exercice de la libre prestation de services et à la liberté d’établissement des compagnies aériennes qui opèrent à destination ou au départ de la Lettonie. En effet, cette décision autoriserait l’octroi de l’aide litigieuse, laquelle renforce la position d’airBaltic sur le marché letton du transport de passagers et rend, ainsi, plus difficile l’exercice des activités des compagnies aériennes qui se trouvent en concurrence avec airBaltic sur ledit marché.

264 La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir examiné la compatibilité de l’aide litigieuse avec la liberté d’établissement et la libre prestation de services ainsi qu’avec le règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (JO 2008, L 293, p. 3). Elle en déduit que l’aide litigieuse restreint les droits accordés aux transporteurs communautaires par le biais du régime des licences européennes d’exploitation prévu par ce règlement.

265 La requérante fait valoir aussi que la restriction à l’exercice de la libre prestation de services et à la liberté d’établissement susvisée ne peut pas être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, dans la mesure où elle est discriminatoire et disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi.

266 La Commission, soutenue par la République de Lettonie et airBaltic, conteste l’argumentation de la requérante.

267 Il convient de rappeler, d’une part, que les dispositions du traité FUE relatives à la liberté d’établissement visent notamment à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil (voir arrêt du 6 octobre 2015, Finanzamt Linz, C 66/14, EU:C:2015:661, point 26 et jurisprudence citée).

268 D’autre part, la libre prestation de services s’oppose à l’application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre, indépendamment de l’existence d’une discrimination selon la nationalité ou la résidence (arrêt du 6 février 2003, Stylianakis, C 92/01, EU:C:2003:72, point 25). Toutefois, il y a lieu de constater que, en vertu de l’article 58, paragraphe 1, TFUE, la libre prestation de services, en matière de transports, est régie par les dispositions du titre relatif aux transports, à savoir le titre VI du traité FUE. La libre prestation de services en matière de transports est ainsi soumise, au sein du droit primaire, à un régime juridique particulier (arrêt du 18 mars 2014, International Jet Management, C 628/11, EU:C:2014:171, point 36). Par conséquent, l’article 56 TFUE, qui consacre la libre prestation de services, ne s’applique pas tel quel au domaine de la navigation aérienne (arrêt du 25 janvier 2011, Neukirchinger, C 382/08, EU:C:2011:27, point 22).

269 C’est dès lors uniquement sur la base de l’article 100, paragraphe 2, TFUE que des mesures de libéralisation des services de transport aérien peuvent être adoptées (arrêt du 18 mars 2014, International Jet Management, C 628/11, EU:C:2014:171, point 38). Or, ainsi que le relève, à juste titre, la requérante, le législateur de l’Union a adopté le règlement no 1008/2008 sur le fondement de cette disposition, qui a précisément pour objet de définir les conditions d’application, dans le secteur du transport aérien, du principe de la libre prestation de services (voir, par analogie, arrêt du 6 février 2003, Stylianakis, C 92/01, EU:C:2003:72, points 23 et 24).

270 En l’espèce, il convient de relever que la requérante soutient, en substance, que la mesure d’aide en cause constitue une entrave à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services du fait de son caractère discriminatoire, en ce qu’elle ne bénéficie qu’à airBaltic.

271 Or, s’il est vrai que la mesure en cause porte sur une aide individuelle qui ne bénéficie qu’à airBaltic, la requérante n’établit pas en quoi ce caractère exclusif est de nature à la dissuader de s’établir en Lettonie ou d’effectuer des prestations de services au départ et à destination de cet État membre. La requérante reste notamment en défaut d’identifier les éléments de fait ou de droit qui feraient que cette mesure produit des effets restrictifs qui iraient au-delà de ceux qui déclenchent l’interdiction prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Au contraire, ainsi qu’il a été jugé aux points 251 à 261 ci-dessus, ces effets sont nécessaires et proportionnés pour remédier à la perturbation grave de l’économie lettone causée par la pandémie de COVID-19, conformément aux exigences prévues par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

272 Par conséquent, la mesure litigieuse ne saurait constituer une entrave à la liberté d’établissement ou à la libre prestation de services et il ne saurait, dès lors, être reproché à la Commission de ne pas avoir examiné la compatibilité de cette mesure avec la liberté d’établissement, la libre prestation de services et le règlement no 1008/2008.

273 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le deuxième moyen doit être rejeté.

3. Sur le troisième moyen tiré du défaut d’ouverture de la procédure formelle d’examen

274 La requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE en dépit de l’existence des difficultés sérieuses rencontrées par elle lors de l’examen de l’aide litigieuse. Aux fins de démontrer l’existence de telles difficultés, la requérante renvoie à son argumentation développée dans le cadre des premier et deuxième moyens, qui démontrerait que la Commission avait procédé à une appréciation insuffisante et incomplète de cette mesure au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’encadrement temporaire, ainsi qu’au regard des principes de non-discrimination, de libre prestation de services et de la liberté d’établissement.

275 La Commission, soutenue par la République de Lettonie et airBaltic, conteste l’argumentation de la requérante.

276 À titre liminaire, il convient de rappeler que la légalité d’une décision, telle que la décision attaquée, de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, dépend de la question de savoir si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû objectivement susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur, étant donné que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), de ce règlement (voir, par analogie, arrêts du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C 817/18 P, EU:C:2020:637, point 80, et du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C 57/19 P, EU:C:2021:663, point 38).

277 Selon la jurisprudence, la notion de « doutes » énoncée à l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589, laquelle se traduit par l’existence des difficultés sérieuses que la Commission a rencontrées lors de l’examen du caractère d’aide de la mesure en cause ou de sa compatibilité avec le marché intérieur, revêt un caractère objectif. L’existence de tels doutes doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de l’acte attaqué que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en relation les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission pouvait disposer lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité des aides litigieuses avec le marché intérieur. Il en découle que le contrôle de légalité effectué par le Tribunal sur l’existence de doutes dépasse, par nature, la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C 431/07 P, EU:C:2009:223, point 63, et du 10 juillet 2012, Smurfit Kappa Group/Commission, T 304/08, EU:T:2012:351, point 80 et jurisprudence citée).

278 Il ressort également de la jurisprudence que le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la phase préliminaire d’examen constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses (voir arrêts du 9 septembre 2010, British Aggregates e.a./Commission, T 359/04, EU:T:2010:366, point 57 et jurisprudence citée, et du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission, T 68/15, EU:T:2018:563, point 62 et jurisprudence citée).

279 En l’espèce, il convient d’observer que, dans le cadre du présent moyen, la requérante reprend de façon condensée les arguments soulevés dans le cadre des premier et deuxième moyens, sans mettre en évidence de nouveaux éléments susceptibles de démontrer l’existence de difficultés sérieuses et, dès lors, de doutes que la Commission aurait dû éprouver à cet égard.

280 Or, il ressort de l’examen des premier et deuxième moyens que les arguments présentés par la requérante n’ont révélé l’existence d’aucune erreur commise par la Commission. Il ressort également de l’examen desdits moyens que les arguments soulevés par la requérante ne sont pas davantage susceptibles d’être des indices probants d’un examen incomplet, tel qu’il est soutenu par la requérante. Ce faisant, les arguments de la requérante n’ont pas démontré l’existence de doutes au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589.

281 Par conséquent, il convient d’écarter le troisième moyen de la requérante.

4. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE

282 La requérante soutient que la Commission a manqué à son obligation de motivation, dans la mesure où elle a omis d’apprécier un certain nombre d’éléments en rapport avec l’application, en l’espèce, de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’encadrement temporaire et d’expliquer, dans la décision attaquée, la raison de ces omissions.

283 La Commission, soutenue par la République de Lettonie et airBaltic, conteste l’argumentation de la requérante.

284 Il y a lieu de rappeler que la motivation exigée à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question de son bien-fondé, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C 413/06 P, EU:C:2008:392, point 181 et jurisprudence citée). La motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Ainsi, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences prévues à l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C 367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 ; du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C 42/01, EU:C:2004:379, point 66, et du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C 390/06, EU:C:2008:224, point 79).

285 En outre, une décision adoptée à l’issue de la phase préliminaire d’examen et déclarant une mesure d’aide d’État compatible avec le marché intérieur, qui est prise dans de brefs délais, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur (arrêts du 22 décembre 2008, Régie Networks, C 333/07, EU:C:2008:764, point 65, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C 47/10 P, EU:C:2011:698, point 111).

286 En l’espèce, en premier lieu, la requérante soutient que la Commission a omis de déterminer de quelle manière une aide ciblant airBaltic pourrait, à elle seule, remédier à une perturbation grave de l’économie lettone. Or, il convient de rappeler que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’exige pas que la mesure d’aide en cause soit susceptible, à elle seule, de remédier à la perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné (voir point 52 ci-dessus). Partant, il n’était pas nécessaire pour la Commission de présenter de motifs à cet égard.

287 En deuxième lieu, la requérante soutient que la Commission a omis d’expliquer pour quelle raison airBaltic ne disposait pas d’autres sources de financement que l’aide litigieuse et d’apprécier si l’instrument de recapitalisation choisi était celui qui faussait le moins la concurrence. À cet égard, il convient de renvoyer, d’une part, aux points 93 à 111 ci-dessus qui démontrent que la Commission a motivé, à suffisance de droit, aux considérants 93 à 97 de la décision attaquée, son analyse relative à l’application en l’espèce du paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire relatif à l’existence d’autres solutions de financement. D’autre part, il ressort des points 114 à 118 ci-dessus que l’encadrement temporaire n’impose pas à la Commission d’examiner si, en dehors de la mesure de recapitalisation en cause, il n’y avait pas d’autres instruments de recapitalisation susceptibles de fausser moins la concurrence. Il suffisait que la Commission applique les exigences figurant aux points 3.11.4 à 3.11.7 de l’encadrement temporaire pour les dispositions du paragraphe 53 de l’encadrement temporaire auquel se réfère la requérante. Partant, la Commission n’était pas tenue de présenter de motifs à cet égard.

288 En troisième lieu, la requérante fait valoir que la Commission a omis de procéder, même de manière succincte, au test de mise en balance. À cet égard, il convient de rappeler que, comme il ressort des points 162 à 167 ci-dessus, ni l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ni l’encadrement temporaire n’exigent qu’une telle mise en balance soit effectuée. Partant, la Commission n’avait pas à présenter de motifs à cet égard.

289 En quatrième lieu, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir expliqué pour quelle raison la puissance sur le marché d’airBaltic devrait être évaluée exclusivement en se basant sur le niveau de congestion des aéroports de Riga, de Vilnius et de Tallinn et pour quelle raison, au regard de toutes les données disponibles, airBaltic ne disposait pas d’un PMS. Eu égard aux considérations figurant aux points 235 et 236 ci-dessus, le présent grief n’est pas fondé.

290 En cinquième lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir omis d’expliquer la contradiction entre sa supposition selon laquelle la contribution d’airBaltic à l’économie ne pouvait être remplacée et son argument tiré de ce que cette compagnie aérienne ne détenait pas un PMS compte tenu des faibles barrières à l’entrée sur le marché. À cet égard, il suffit de constater qu’il n’existe pas de contradiction entre l’analyse de la Commission au considérant 89 de la décision attaquée, selon laquelle il était improbable que les services d’airBaltic soient reproduits avec la même envergure par ses concurrents, et sa conclusion, au considérant 149 de la décision attaquée, relative à l’absence de PMS d’airBaltic. Le considérant 89 de la décision attaquée est fondé sur les données fournies au tableau no 1 de cette décision, tandis que la conclusion sur l’absence de PMS est fondée sur les trois facteurs examinés aux considérants 145 à 148 de la décision attaquée. Le fait que les trois aéroports pertinents disposent de capacités disponibles en ce qui concerne les créneaux horaires ne contredit pas le constat opéré par la Commission au considérant 89 de la décision attaquée. Le grief de la requérante doit être rejeté.

291 En sixième lieu, la requérante fait grief à la Commission d’avoir omis d’apprécier si l’aide litigieuse respectait les principes de non-discrimination, de libre prestation de services et de la liberté d’établissement. À cet égard, il y a lieu de constater que la décision attaquée contient des éléments, notamment aux considérants 19, 21 et 85 à 92, permettant de comprendre l’importance particulière d’airBaltic pour l’économie et la connectivité de la Lettonie et donc les raisons pour lesquelles la République de Lettonie a choisi cette compagnie comme seule bénéficiaire de l’aide litigieuse. La requérante ayant pu contester cette analyse, comme en témoigne son argumentation présentée dans le cadre du deuxième moyen, la Commission a fourni une motivation adéquate à la lumière de la jurisprudence citée aux points 284 et 285 ci-dessus.

292 Il s’ensuit que les arguments de la requérante dans le cadre du quatrième moyen n’ont pas démontré que la Commission avait violé son obligation de motivation.

293 Par conséquent, il convient d’écarter le quatrième moyen de la requérante et, partant, le recours dans son intégralité.

IV. Sur les dépens

294 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission et d’airBaltic, conformément aux conclusions de ces dernières.

295 La République de Lettonie supportera ses propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Ryanair DAC supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne et Air Baltic Corporation AS.

3) La République de Lettonie supportera ses propres dépens.