TUE, 10e ch., 18 octobre 2023, n° T-769/20
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Ryanair DAC
Défendeur :
Commission européenne, République d’Estonie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kornezov
Juges :
Mme Kowalik Bańczyk (rapporteure), M. Hesse
Avocats :
Me Laprévote, Me Vahida, Me Blanc, Me Rating, Me Metaxas-Maranghidis, Me Pérez de Lamo
LE TRIBUNAL (dixième chambre),
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Ryanair DAC, demande l’annulation de la décision C(2020) 5616 final de la Commission, du 11 août 2020, relative à l’aide d’État SA.57586 (2020/N) – Estonie – COVID-19 : Recapitalisation et prêt à intérêts bonifiés à Nordica (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 25 juillet 2020, la République d’Estonie a notifié à la Commission européenne, au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de la communication de la Commission du 19 mars 2020 intitulée « Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 » (JO 2020, C 91 I, p. 1), telle que modifiée, en dernier lieu, le 29 juin 2020 (JO 2020, C 218, p. 3) (ci-après l’« encadrement temporaire »), une aide individuelle en faveur de la compagnie aérienne Nordica Aviation Group SA (ci-après « Nordica »). Cette mesure d’aide était composée d’une augmentation de capital (ci-après la « recapitalisation en cause ») et d’un prêt à intérêt bonifié, dont le budget total s’élevait à 30 millions d’euros (ci-après, pris ensemble, la « mesure en cause »).
3 Le 11 août 2020, la Commission a adopté la décision attaquée, par laquelle elle a considéré que la mesure en cause, d’une part, était constitutive d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et, d’autre part, était compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’encadrement temporaire.
Conclusions des parties
4 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
5 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
6 La République d’Estonie conclut au rejet du recours.
En droit
7 Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, la Commission émet des doutes sur la recevabilité du recours. Soutenue par la République d’Estonie, elle fait valoir que la requérante n’a pas démontré son statut de « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), n’ayant pas apporté la preuve qu’elle était en concurrence avec Nordica. Opérant sur des marchés distincts de ceux de Nordica, laquelle serait principalement un prestataire de services d’affrètement d’aéronefs avec équipage, entretien et assurance (ci-après les « services ACMI ») pour d’autres compagnies aériennes, la requérante n’aurait ni qualité pour agir afin de protéger ses droits procéduraux ni, par voie de conséquence, intérêt à contester le bien-fondé de la décision attaquée.
8 La requérante conteste les arguments de la Commission et de la République d’Estonie sur la recevabilité du recours.
9 À cet égard, il convient de rappeler que le juge de l’Union européenne est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C 23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52, et du 14 septembre 2016, Trajektna luka Split/Commission, T 57/15, non publié, EU:T:2016:470, point 84). En l’espèce, l’examen de la recevabilité du recours impliquant une analyse complexe, il convient d’examiner d’emblée le bien-fondé du recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité.
10 À l’appui du recours, la requérante soulève quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une application erronée de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et des dispositions figurant dans l’encadrement temporaire. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de certaines dispositions spécifiques du traité FUE et de certains principes généraux du droit de l’Union, à savoir la non-discrimination, la libre prestation de services et la liberté d’établissement. Le troisième moyen est tiré d’une omission de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et d’une violation des droits procéduraux de la requérante. Le quatrième et dernier moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation au sens de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.
Sur le premier moyen,tiré d’une application erronée de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’encadrement temporaire
11 Le premier moyen de la requérante se compose de six branches. La première est tirée de ce que la Commission a fait une application erronée de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, en considérant que la mesure en cause était destinée à remédier à une perturbation grave de l’économie estonienne. La deuxième est tirée de ce que la Commission n’a pas établi que Nordica était éligible à la recapitalisation en cause, en méconnaissance du paragraphe 49 de l’encadrement temporaire. La troisième est tirée de ce que la Commission n’a pas examiné si, en dehors de la recapitalisation en cause, il n’y avait pas d’autres mesures susceptibles de moins fausser la concurrence, en méconnaissance du paragraphe 53 de l’encadrement temporaire. La quatrième est tirée de ce que la Commission se serait abstenue d’appliquer à la recapitalisation en cause les conditions relatives à la sortie de l’État prévues aux paragraphes 56 à 61 de l’encadrement temporaire. La cinquième est tirée de ce que la Commission n’a pas exigé la notification d’un plan de restructuration en temps utile afin de s’assurer que la recapitalisation en cause était appropriée et proportionnée et ne portait pas atteinte à la concurrence. La sixième et dernière est tirée de ce que la Commission n’a pas procédé à une mise en balance des effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée.
Sur la première branche du premier moyen, tirée du caractère inapproprié de la mesure en cause pour remédier à une perturbation grave de l’économie estonienne au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE
12 La requérante fait valoir qu’une aide en faveur d’une seule entreprise n’est pas appropriée pour remédier à une perturbation grave de l’économie estonienne au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et peut même aggraver la perturbation de cette économie. Elle relève, à cet effet, que Nordica n’est pas suffisamment importante pour la connectivité de l’Estonie, n’étant ni un gestionnaire d’infrastructures ni un opérateur en position unique par rapport aux autres compagnies aériennes opérant en Estonie.
13 La Commission, soutenue par la République d’Estonie, conteste l’argumentation de la requérante.
14 Il y a lieu de rappeler que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE dispose, notamment, que les aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur.
15 L’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE est une dérogation au principe général d’incompatibilité avec le marché intérieur des aides d’État énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Il est donc d’interprétation stricte (voir arrêt du 9 avril 2014, Grèce/Commission, T 150/12, non publié, EU:T:2014:191, point 146 et jurisprudence citée). L’article 107, paragraphe 1, TFUE précise que les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sont incompatibles avec le marché intérieur « sous quelque forme que ce soit ». Dès lors, il importe de noter que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE s’applique tant aux régimes d’aides qu’aux aides individuelles [arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T 388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 32].
16 Selon la jurisprudence, la Commission ne peut déclarer une aide compatible au regard de l’article 107, paragraphe 3, TFUE que si elle peut constater que cette aide contribue à la réalisation de l’un des objectifs cités, objectifs que l’entreprise bénéficiaire ne pourrait atteindre par ses propres moyens dans des conditions normales de marché. En d’autres termes, la mesure en cause ne saurait être déclarée compatible avec le marché intérieur si elle apporte une amélioration à la situation financière de l’entreprise bénéficiaire de cette aide sans être nécessaire pour atteindre le but prévu à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, à savoir remédier à une perturbation grave de l’économie nationale concernée [voir, en ce sens, arrêts du 14 janvier 2009, Kronoply/Commission, T 162/06, EU:T:2009:2, point 65 et jurisprudence citée, et du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T 388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 33].
17 Il convient de constater que l’argumentation de la requérante dans la première branche du présent moyen repose sur une lecture erronée de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.
18 En premier lieu, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’exige pas que l’aide en cause soit susceptible, à elle seule, de remédier à une perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné. En effet, une fois que la Commission constate la réalité d’une perturbation grave de l’économie d’un État membre, ce dernier peut être autorisé, si les autres conditions prévues par cet article sont par ailleurs satisfaites, à octroyer des aides d’État, sous forme de régimes d’aides ou d’aides individuelles, qui contribuent à remédier à ladite perturbation grave. Il pourrait ainsi s’agir de plusieurs mesures d’aide qui, chacune pour leur part, contribueraient à cette fin. Dès lors, il ne saurait être exigé qu’une mesure d’aide, pour qu’elle soit valablement fondée sur l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, remédie en elle-même à une perturbation grave de l’économie d’un État membre [arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T 388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 41].
19 Dans ces conditions, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir déclaré que la mesure en cause remplissait les conditions de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, au seul motif que cette mesure ne pourrait pas remédier, à elle seule, à la perturbation grave de l’économie estonienne occasionnée par la flambée de COVID-19.
20 En deuxième lieu, s’agissant des arguments de la requérante selon lesquels Nordica ne serait pas suffisamment importante pour l’économie et la connectivité de l’Estonie pour justifier l’octroi d’une aide individuelle compatible avec l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, celle-ci n’étant ni un gestionnaire d’infrastructures ni un opérateur en position unique par rapport aux autres compagnies aériennes opérant en Estonie, il convient de remarquer que le champ d’application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’est pas limité aux gestionnaires d’infrastructures ni aux entreprises ayant une position unique par rapport aux autres entreprises opérant dans l’État membre concerné.
21 À cet égard, premièrement, la requérante ne saurait tirer une conclusion inverse de l’arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19) (T 388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 57). Dans cet arrêt, le Tribunal n’a pas constaté que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE imposait une condition selon laquelle une mesure d’aide individuelle n’aurait dû être octroyée qu’à un bénéficiaire se trouvant dans une position unique par rapport à ses concurrents. Le Tribunal s’est simplement limité, sur la base de constatations d’ordre factuel, à constater que le bénéficiaire de l’aide en cause, Finnair plc, jouait un rôle important pour l’économie finlandaise.
22 Deuxièmement, concernant l’argument de la requérante fondé sur la décision C(2017) 3987 final de la Commission, du 16 juin 2017, relative à l’aide d’État SA.32543 (2011/N) – Grèce – Mesures en faveur d’OSE S.A., il y a lieu de rappeler que c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée, et non à l’aune d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2013, Nitrogénművek Vegyipari/Commission, T 387/11, non publié, EU:T:2013:98, point 126 et jurisprudence citée). De plus, la mesure en cause a été prise sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’encadrement temporaire dans le contexte spécifique de la pandémie de COVID-19, à la différence de l’aide faisant l’objet de la décision susmentionnée, laquelle n’était ni fondée sur l’encadrement temporaire, ni octroyée dans le cadre de ladite pandémie. En outre, le fait que le bénéficiaire de l’aide dans l’affaire susmentionnée ait pu revêtir une importance systémique dans les infrastructures ferroviaires de l’État membre concerné ne signifie pas que le champ d’application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE soit limité aux entreprises possédant un statut équivalent.
23 Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la mesure d’aide en cause ne serait pas appropriée pour remédier à une perturbation grave de l’économie estonienne et pourrait même aggraver cette perturbation en ne bénéficiant qu’à Nordica, à l’exclusion d’autres compagnies aériennes, il y a lieu de constater que la Commission a conclu à juste titre que cette mesure contribuait à la réalisation de l’objectif cité à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, conformément à la jurisprudence exposée au point 16 ci-dessus.
24 En effet, d’une part, la requérante ne conteste pas que la pandémie de COVID-19 a entraîné une perturbation grave de l’économie estonienne, ni que le secteur du transport aérien dans son ensemble a été particulièrement touché par la crise causée par cette pandémie.
25 D’autre part, il ressort de la décision attaquée que l’objet de la mesure en cause est, en substance, de fournir à Nordica suffisamment de liquidités pour maintenir sa viabilité et ses services de transport aérien pendant la période où la pandémie de COVID-19 perturbe gravement l’ensemble de l’économie estonienne et d’éviter qu’une éventuelle faillite de Nordica ne perturbe davantage cette économie. Or, la Commission a fourni aux paragraphes 19, 20 et 79 à 83 de la décision attaquée un faisceau d’indices démontrant l’importance de Nordica pour l’économie et la connectivité de l’Estonie. Dans ces conditions, la Commission a établi à suffisance de droit que cette mesure pouvait contribuer à remédier à une perturbation grave de l’économie estonienne, conformément aux termes de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.
26 Il découle des éléments qui précèdent que l’argumentation de la requérante dans le cadre de la première branche du présent moyen doit être écartée comme étant dépourvue de fondement.
Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une application erronée des conditions d’éligibilité relatives aux mesures de recapitalisation
27 Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, la requérante soutient que la Commission a erronément conclu que la recapitalisation en cause remplissait les conditions d’éligibilité énoncées au paragraphe 49 de l’encadrement temporaire. Cette branche comporte trois griefs visant la méconnaissance des trois conditions prévues au paragraphe 49, sous a), b) et c), de l’encadrement temporaire.
28 Il convient tout d’abord d’examiner successivement le respect des dispositions du paragraphe 49, sous a) et c), avant d’apprécier le respect des dispositions du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire.
– Sur le premier grief de la deuxième branche du premier moyen, tiré d’une méconnaissance du paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire
29 La requérante soutient que la Commission n’a pas démontré que Nordica aurait cessé ses activités en l’absence de la recapitalisation en cause, ainsi qu’il est exigé par la condition prévue au paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire. La Commission aurait en réalité simplement présumé que tel aurait été le cas.
30 La Commission, soutenue par la République d’Estonie, conteste l’argumentation de la requérante.
31 À cet égard, le paragraphe 49 de l’encadrement temporaire, figurant au point 3.11.2, intitulé « Admissibilité et conditions d’entrée », énumère les conditions qu’une mesure de recapitalisation accordée dans le contexte de la pandémie de COVID-19 doit remplir afin que son bénéficiaire éventuel soit considéré comme éligible au bénéfice de celle-ci. Il doit notamment être démontré, conformément au paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire, que, « en l’absence d’intervention de l’État, le bénéficiaire cesserait ses activités ou éprouverait de graves difficultés à les poursuivre ».
32 En l’espèce, la Commission a considéré au paragraphe 76 de la décision attaquée que, sans l’intervention de l’État estonien, Nordica aurait cessé ses activités ou aurait éprouvé de graves difficultés à les poursuivre. Ce constat était fondé sur le fait que Nordica estimait clore l’exercice comptable 2020 avec des pertes correspondant à un montant d’environ 20 à 30 millions d’euros tandis que ses fonds propres calculés au 31 décembre 2019 s’élevaient à un montant compris entre 10 et 20 millions d’euros. En observant que Nordica avait des fonds propres négatifs et subissait des pertes continues, la Commission a conclu que la viabilité financière de Nordica était en péril.
33 À cet égard, il convient d’observer que la requérante ne conteste pas que, à la suite des restrictions de déplacements et de la suspension de la collaboration avec les compagnies aériennes auxquelles elle fournissait des services ACMI dans le contexte de la pandémie de COVID-19, Nordica a subi des pertes importantes et que ses fonds propres auraient été négatifs sans l’intervention de l’État estonien, de sorte que cette entreprise risquait de cesser ses activités ou d’éprouver de graves difficultés à les poursuivre. L’argumentation de la requérante porte en réalité sur les possibilités pour Nordica d’obtenir un financement sur les marchés pour résoudre ses difficultés financières au lieu de requérir à une intervention de l’État estonien et donc concerne plutôt la condition prévue au paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire.
34 Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante dans le cadre du premier grief de la deuxième branche du présent moyen doit être écartée.
– Sur le troisième grief de la deuxième branche du premier moyen, tiré d’une méconnaissance du paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire
35 La requérante allègue que la Commission n’aurait pas dûment démontré qu’une possibilité de financement sur les marchés afin d’éviter une faillite, que ce soit auprès de banques ou d’investisseurs privés, était exclue, tel que cela est exigé par la condition prévue au paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire. La Commission aurait simplement présumé que cette condition était satisfaite.
36 La Commission, soutenue par la République d’Estonie, conteste l’argumentation de la requérante.
37 Le paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire prévoit qu’une mesure de recapitalisation ne peut être octroyée par un État membre que si « le bénéficiaire [de cette mesure] est dans l’incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables ».
38 En l’espèce, la Commission a conclu au paragraphe 84 de la décision attaquée que les autorités estoniennes avaient démontré que Nordica était incapable de se financer sur les marchés, comme en aurait témoigné l’échec de cette dernière à obtenir un financement auprès d’une banque. Selon la Commission, l’accès de Nordica au financement sur les marchés à des conditions abordables était impossible au regard de la situation très difficile du secteur de l’aviation et du fait que Nordica ne possédait pas d’aéronefs qu’elle pouvait vendre et relouer dans le cadre d’un tel financement.
39 À cet égard, s’agissant, tout d’abord, de l’argument de la requérante selon lequel la Commission ne pouvait conclure que Nordica n’avait pas accès au financement sur les marchés à des conditions abordables sur le fondement d’un seul refus de financement auprès d’une seule banque, il y a lieu de constater qu’il ressort effectivement des paragraphes 7 et 84 de la décision attaquée que Nordica a essayé d’obtenir un financement sur les marchés auprès d’une banque en Estonie en avril 2020. Il s’agit d’un élément de preuve pertinent pour l’examen de la condition prévue au paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire, puisqu’il démontre concrètement que Nordica a essayé, sans succès, d’avoir accès à un financement sur les marchés, lequel n’est pas contesté par la requérante.
40 Ensuite, il convient d’observer que la Commission ne s’est pas appuyée seulement sur cet élément pour soutenir sa conclusion à cet égard dans la décision attaquée. En effet, il ressort du paragraphe 84 de cette décision qu’elle s’est également référée aux circonstances spécifiques concernant Nordica, qui rendaient impossible l’octroi d’un financement sur les marchés à des conditions abordables. D’une part, Nordica ne possédait pas d’aéronefs qu’elle aurait pu éventuellement vendre et relouer pour faciliter un financement sur les marchés de capitaux, comme auraient pu le faire d’autres entreprises du secteur, ni, selon le paragraphe 7 de la décision attaquée, d’autres actifs qu’elle aurait pu mettre en gage dans le cadre d’un financement. D’autre part, elle faisait face à des problèmes financiers accrus à la suite des restrictions de voyage imposées par différents États membres. Il ressort donc de ces éléments que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la Commission n’a pas simplement présumé que l’accès pour Nordica à un financement sur les marchés à des conditions abordables était exclu, mais qu’elle s’est fondée sur plusieurs éléments pertinents, concrets et concordants, relatifs à la situation spécifique de Nordica.
41 Par ailleurs, les arguments de la requérante soutenant que la Commission aurait dû tenir compte d’autres possibilités de financement dans son analyse ne sont pas convaincants.
42 S’agissant, d’une part, des exemples cités par la requérante de financements obtenus par d’autres compagnies aériennes prétendument en difficulté financière, telles que International Consolidated Airlines Group (IAG), easyJet Airline Co. Ltd ou Virgin Atlantic Airways Ltd, la requérante n’est pas en mesure de démontrer que ces exemples sont comparables à la situation particulière de Nordica au moment de l’adoption de la décision attaquée. En effet, comme il a été expliqué aux paragraphes 7 et 84 de la décision attaquée, Nordica ne possédait ni actifs qu’elle aurait pu mettre en gage ni aéronefs qu’elle aurait pu éventuellement vendre et relouer dans le cadre d’un financement dont le bénéfice était crucial pour sa viabilité. En outre, elle s’est vu refuser un prêt bancaire à des conditions abordables, ainsi qu’il est expliqué au point 39 ci-dessus. Dans ces conditions, l’argument de la requérante ne peut qu’être rejeté.
43 D’autre part, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû examiner la possibilité d’un financement provenant d’OÜ Transpordi Varahaldus, une entreprise tierce qui louait des aéronefs à Nordica, force est de constater que la requérante ne présente aucun élément probant relatif à l’intérêt commercial de l’entreprise en question d’offrir un tel financement à Nordica et aux possibilités pratiques qu’elle aurait eues pour cela. Le fait que, selon des articles de presse présentés en annexe à la réplique, une éventuelle fusion entre Transpordi Varahaldus et Nordica faisait l’objet de discussions, avant l’adoption de la décision attaquée, n’est pas de nature à démontrer qu’un financement de la part de Transpordi Varahaldus ou, comme également relevé par la requérante, des banques finançant cette entreprise était une option plausible pour Nordica.
44 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance de droit dans la décision attaquée que Nordica était dans l’incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables, conformément au paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire.
45 Par conséquent, l’argumentation de la requérante dans le cadre du troisième grief de la deuxième branche du présent moyen doit être écartée.
– Sur le deuxième griefde la deuxième branche du premier moyen, tiré d’une méconnaissance du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire relatif à l’intérêt commun à intervenir
46 La requérante fait valoir que la Commission n’a pas démontré l’existence d’un intérêt commun à intervenir au sens du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire. Selon la requérante, les prestataires de service à l’aéroport de Tallinn (Estonie) ne dépendaient pas de Nordica et la Commission n’a pas établi dans la décision attaquée pourquoi la faillite de Nordica aurait mis nécessairement en danger l’économie estonienne et la connectivité de l’Estonie. En effet, contrairement à l’analyse présentée dans la décision attaquée, d’autres opérateurs auraient pu aisément remplacer les services de Nordica au départ et à destination de l’Estonie.
47 La Commission, soutenue par la République d’Estonie, conteste l’argumentation de la requérante.
48 Le paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire prévoit que la mesure de recapitalisation envisagée doit être dans l’intérêt commun. L’existence d’un tel intérêt commun peut être démontrée si la mesure en cause « vise à éviter des difficultés sociales et une défaillance de marché découlant de pertes d’emplois significatives, la sortie du marché d’une entreprise innovante ou d’une entreprise qui revêt une importance systémique, le risque de perturbation d’un service important, ou des situations similaires dûment étayées par l’État membre concerné ».
49 La Commission a estimé, aux paragraphes 79 à 83 de la décision attaquée, que cette condition était remplie sur la base de différents facteurs. Premièrement, elle a relevé que Nordica était, avant la pandémie de COVID-19, l’employeur le plus important du secteur de transport aérien en Estonie et que, selon les autorités estoniennes, les activités de nombreuses entreprises ou institutions estoniennes de ce secteur dépendaient de Nordica. Deuxièmement, elle a mis en avant la contribution de Nordica à la connectivité de l’Estonie en se référant aux vols de rapatriement de citoyens estoniens et de transport d’équipements médicaux assurés par Nordica pendant la propagation de la pandémie de COVID-19 ainsi qu’aux liaisons entre l’aéroport de Tallinn et des destinations internationales importantes qu’elle opérait à travers ses services ACMI. Du fait de ces derniers services fournis à d’autres compagnies aériennes, la Commission a considéré que Nordica possédait également une importance essentielle pour l’aéroport de Tallinn, l’aéroport principal d’Estonie, dans lequel était basée sa flotte. La Commission en a déduit qu’il n’existait pas de compagnie qui, à court terme, aurait été en mesure de remplacer Nordica en cas de sortie de marché et qu’une telle sortie de marché aurait eu des répercussions négatives sur la connectivité et l’économie de l’Estonie, un État membre qui aurait souffert d’un niveau faible de connectivité.
50 À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que les arguments de la requérante selon lesquels la Commission a méconnu le paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire en concluant de manière erronée que les entreprises du secteur aérien en Estonie dépendaient de Nordica et que la sortie de marché de cette dernière aurait mis en danger l’économie estonienne et la connectivité de l’Estonie reposent sur une mauvaise interprétation de la condition relative à l’intérêt commun à intervenir prévue par cette disposition.
51 En effet, rien dans le libellé du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire n’indique, comme le suggère l’argumentation de la requérante, que seules les entreprises dont la sortie du marché entraînerait l’effondrement d’un secteur tout entier sont éligibles à l’aide. Ainsi, une lecture d’ensemble de cette disposition et des exemples non exhaustifs qui y sont cités d’intérêt commun à intervenir, tels que le risque de difficultés sociales ou de pertes d’emplois significatives, ou encore de perturbation d’un service important, démontre que l’interprétation avancée par la requérante est trop restrictive.
52 En deuxième lieu, il y a lieu de conclure que la Commission a démontré, de manière suffisante, que Nordica remplissait la condition d’éligibilité au paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire. Ainsi qu’il est décrit au point 49 ci-dessus, la Commission s’est appuyée aux paragraphes 79 à 83 de la décision attaquée sur un faisceau d’indices pertinents et concordants qu’il était dans l’intérêt commun d’intervenir.
53 Quand bien même la requérante reproche à la Commission, à cet égard, de ne pas avoir effectué une analyse approfondie de la capacité des concurrents à remplacer les services de transport aérien de Nordica, il y a lieu de constater, d’une part, que la Commission a fondé son analyse à ce sujet sur des éléments, tels que les informations fournies par l’État estonien sur les services ACMI offerts par Nordica, la faible connectivité de l’Estonie et les conditions de marché très difficiles au moment de l’adoption de la décision attaquée, qui étaient susceptibles d’indiquer que la faillite de Nordica aurait mené à une diminution, au moins temporaire, du nombre de vols au départ et à destination de l’Estonie. Cela aurait pu entraîner, selon le paragraphe 83 de la décision attaquée, une pause durable des liaisons de transport aérien de passagers vers l’Estonie et un manque de connectivité (connectivity gap) qui aurait eu des conséquences négatives pour la population, le transport, le commerce et le tourisme en Estonie. À cet égard, la requérante n’apporte pas d’informations ou d’arguments montrant que d’autres opérateurs auraient été intéressés par la possibilité d’augmenter leurs liaisons avec l’Estonie en cas de sortie de marché de Nordica. La référence faite par la requérante aux faillites précédentes de Sabena, de Malev et de Spanair, qui ont eu, selon la requérante, un impact positif à terme sur la connectivité de certains États membres et les activités de certains aéroports, ne saurait remettre en cause cette conclusion. En effet, ces exemples n’offrent aucun indice sur l’intérêt d’autres compagnies aériennes à remplacer les services ACMI de Nordica en Estonie dans les circonstances très particulières existant au moment de l’adoption de la décision attaquée.
54 D’autre part, il importe de souligner que la Commission a fondé son appréciation de l’intérêt commun à intervenir sur plusieurs éléments dans le cadre d’une appréciation d’ensemble et pas seulement sur les difficultés à remplacer Nordica, à court terme, en cas de sortie de marché de cette dernière. Partant, la critique formulée par la requérante, même si elle était fondée, ne saurait entacher, à elle seule, la légalité de l’appréciation de la Commission à cet égard.
55 Il s’ensuit que la Commission pouvait, à bon droit, conclure qu’il était dans l’intérêt commun d’intervenir au soutien de Nordica et que la condition prévue à cet égard au paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire était dès lors remplie.
56 Par conséquent, l’argumentation de la requérante dans le cadre du deuxième grief de la deuxième branche du présent moyen doit être écartée.
Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de ce que la Commission n’aurait pas examiné si, en dehors de la recapitalisation en cause, il y avait d’autres mesures susceptibles de fausser moins la concurrence
57 La requérante fait valoir que la Commission a méconnu le paragraphe 53 de l’encadrement temporaire en ce qu’elle a omis d’examiner si la mesure de recapitalisation en cause était la plus appropriée et la moins susceptible de fausser la concurrence. Ainsi, la Commission n’aurait pas comparé les instruments de recapitalisation disponibles et les distorsions de concurrence générées par ceux-ci.
58 La Commission, soutenue par la République d’Estonie, conteste l’argumentation de la requérante.
59 À cet égard, le point 3.11.3 de l’encadrement temporaire, intitulé « Types de mesures de recapitalisation », contient les paragraphes 52 et 53. Le paragraphe 52 énumère les mesures de recapitalisation que les États membres peuvent prendre dans le contexte de la pandémie de COVID-19, à savoir, au paragraphe 52, sous a), dudit encadrement, « les instruments de fonds propres, en particulier l’émission de nouvelles parts ordinaires ou privilégiées », et, au paragraphe 52, sous b), du même encadrement, « les instruments assortis d’une composante fonds propres (dénommés « instruments hybrides »), en particulier les clauses de participation aux bénéfices, les participations tacites et les obligations convertibles garanties ou non garanties ».
60 Le paragraphe 53 de l’encadrement temporaire précise ce qui suit :
« L’intervention de l’État peut prendre la forme de toute variante de [ces] instruments ou être constituée d’une combinaison d’instruments de fonds propres et d’instruments hybrides […] L’État membre doit faire en sorte que les instruments de recapitalisation choisis et les conditions dont ils sont assortis soient les plus appropriés pour répondre aux besoins de recapitalisation du bénéficiaire, tout en faussant le moins la concurrence. »
61 Aux paragraphes 9 et 36 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que la recapitalisation en cause impliquait une augmentation du capital de Nordica à hauteur de 22 millions d’euros, avec l’émission de 3 millions de nouvelles actions ordinaires. La mesure de recapitalisation en cause constituait donc un instrument de fonds propres, tel qu’il est visé au paragraphe 52, sous a), de l’encadrement temporaire.
62 En l’espèce, il y a lieu de souligner, à l’instar de la Commission, qu’une mesure de recapitalisation et les conditions dont celle-ci est assortie peuvent être considérées comme appropriées pour répondre aux besoins de recapitalisation du bénéficiaire concerné, tout en faussant le moins la concurrence, au sens du paragraphe 53 de l’encadrement temporaire, dès lors qu’elles remplissent les différentes exigences prévues à cette fin dans cet encadrement et relatives au montant de la recapitalisation, à la rémunération et la sortie de l’État, à la gouvernance et la prévention des distorsions de concurrence indues et à la stratégie de sortie de l’État de la participation résultant de la recapitalisation. En effet, la référence, au paragraphe 53 de l’encadrement temporaire, aux « conditions dont [la mesure en cause] est assortie » vise des exigences, telles que celles mentionnées dans la phrase précédente, lesquelles ont pour objet précisément de garantir que la mesure en cause et les conditions dont elle est assortie ne dépassent pas ce qui est approprié pour répondre aux besoins de recapitalisation du bénéficiaire concerné, tout en faussant le moins la concurrence. Dès lors, si les exigences susmentionnées sont remplies, l’instrument de recapitalisation choisi doit être considéré comme étant conforme au paragraphe 53 de l’encadrement temporaire.
63 Partant, le présent grief n’a pas de contenu autonome par rapport aux arguments que la requérante soulève dans le cadre des autres branches du présent moyen, lesquelles concernent certaines des autres exigences mentionnées au point 62 ci-dessus et examinées dans la décision attaquée, à savoir la rémunération et la sortie de l’État (à la quatrième branche) et la stratégie de sortie de l’État (à la cinquième branche). Le bien-fondé du présent grief est donc tributaire de l’analyse de ces autres branches, examinées ci-après.
64 Enfin, à supposer même que la requérante cherche par son argumentation à reprocher à la Commission d’avoir omis d’examiner si un autre type de mesure d’aide que la recapitalisation aurait été plus approprié et moins générateur de distorsions de concurrence, lequel ne ressort pas clairement de ses écritures, force est de constater, sans préjudice de la recevabilité de cette argumentation, que celle-ci est trop générale et abstraite. En effet, dans ses écritures, la requérante s’est bornée à faire référence à « d’autres instruments d’aide possibles », sans pour autant expliquer quels seraient exactement ces autres instruments et les raisons pour lesquelles ceux-ci seraient plus appropriés et moins générateurs de distorsions de concurrence que la mesure notifiée.
65 Toutefois, selon la jurisprudence, la Commission n’a pas à se prononcer sur toute autre mesure d’aide envisageable en remplacement. En effet, elle n’est pas tenue de démontrer, de manière positive, qu’aucune autre mesure d’aide imaginable, par définition hypothétique, ne serait plus appropriée et moins génératrice de distorsions de concurrence que la mesure d’aide en cause (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 6 mai 2019, Scor/Commission, T 135/17, non publié, EU:T:2019:287, point 94 et jurisprudence citée).
66 Certes, comme le souligne la requérante, la Cour a également jugé que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C 283/11, EU:C:2013:28, point 50 et jurisprudence citée). Toutefois, en l’espèce, rien n’indique que la Commission devait faire un choix entre plusieurs mesures appropriées, au sens de cette jurisprudence.
Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée de ce que la Commission se serait abstenue d’appliquer à la recapitalisation en cause les conditions relatives à la sortie de l’État
67 La requérante soutient que la Commission a méconnu les paragraphes 56 à 61 de l’encadrement temporaire figurant à son point 3.11.5 et les conditions qui y sont prévues, relatives à la rémunération et à la sortie de l’État. En effet, la Commission aurait erronément omis d’imposer un mécanisme de hausse de la rémunération.
68 À cet égard, la requérante rappelle qu’une mesure de recapitalisation doit obligatoirement prévoir un mécanisme de hausse de la rémunération en vertu du paragraphe 61 de l’encadrement temporaire. Elle souligne également que l’engagement de l’État estonien à vendre les actions supplémentaires de Nordica acquises à la suite de la recapitalisation en cause à travers une consultation prospective d’acheteurs éventuels et à ne pas vendre sa participation à un prix inférieur à un certain montant n’est pas suffisant pour s’assurer du remboursement intégral de la recapitalisation en cause.
69 Selon la requérante, il n’y avait pas de raison valable de déroger à l’encadrement temporaire à ce sujet et, contrairement à ce que la Commission soutient dans le mémoire en défense, les dispositions sur la gouvernance prévues au point 3.11.6 de l’encadrement temporaire, comme l’interdiction de payer des dividendes, ne sont en aucun cas équivalentes à un mécanisme de hausse de la rémunération
70 Enfin, en s’abstenant d’imposer un tel mécanisme à une entreprise publique comme Nordica, la Commission aurait également violé le principe de neutralité à l’égard du régime de propriété consacré à l’article 345 TFUE ainsi que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.
71 La Commission, soutenue par la République d’Estonie, conteste l’argumentation de la requérante.
72 À cet égard, au point 3.11.5 de l’encadrement temporaire relatif à la rémunération et à la sortie de l’État, il est indiqué au paragraphe 56 ce qui suit :
« La recapitalisation COVID-19 devrait être remboursée lorsque l’économie se stabilise. La Commission considère qu’il soit approprié d’accorder au bénéficiaire un délai suffisant pour rembourser la recapitalisation. L’État membre doit mettre en place un mécanisme visant à inciter progressivement au remboursement. »
73 Concernant la rémunération des instruments de fonds propres, le paragraphe 61 de l’encadrement temporaire prévoit que « [t]oute mesure de recapitalisation inclut un mécanisme de hausse de la rémunération (step up), qui augmente la rémunération de l’État, afin d’inciter le bénéficiaire à racheter la participation souscrite par l’État ». Selon le même paragraphe, cette hausse de la rémunération peut prendre la forme d’actions supplémentaires octroyées à l’État ou d’autres mécanismes, et doit correspondre à une augmentation de minimum 10 % de la rémunération de l’État quatre ans après l’injection du capital, si l’État n’a pas vendu au moins 40 % de sa participation résultant de cette injection. Si, six ans après l’injection du capital, l’État n’a pas vendu la totalité de sa participation résultant de ladite injection, le mécanisme de hausse de la rémunération est à nouveau activé.
74 Selon le paragraphe 62 de l’encadrement temporaire, la Commission peut accepter d’autres mécanismes, à condition que ceux-ci produisent globalement un résultat similaire en ce qui concerne les effets incitatifs sur la sortie de l’État du capital et qu’ils aient une incidence globalement similaire sur la rémunération de l’État.
75 À cet égard, il importe de souligner que l’encadrement temporaire, dans sa version applicable ratione temporis, ne prévoit pas de dérogation à l’obligation, s’agissant de la rémunération des instruments de fonds propres, d’imposer soit un mécanisme de hausse de la rémunération au titre de son paragraphe 61, soit un autre mécanisme répondant au même objectif au titre de son paragraphe 62.
76 En l’espèce, au paragraphe 99 de la décision attaquée, la Commission a considéré qu’un mécanisme de hausse de la rémunération, tel qu’il est prévu au paragraphe 61 de l’encadrement temporaire, n’aurait eu aucun effet incitatif sur la sortie de l’État estonien. Elle a justifié cette conclusion en expliquant que Nordica était détenue à 100 % par l’État estonien et que, à la suite de la recapitalisation, toutes les actions de Nordica, qui auraient appartenu exclusivement à l’État estonien en tant que seul actionnaire, auraient été considérées comme des « actions COVID » en raison de la dilution des actions existantes. Selon la Commission, un mécanisme de hausse de la rémunération aurait pu même augmenter l’aide requise par Nordica, ce qui serait allé à l’encontre des principes sous-tendant les règles en matière d’aides d’État. La Commission a également conclu que l’effet incitatif sur la rémunération de l’État était préservé par les conditions énoncées à la section 3.6.6 de la décision attaquée concernant la stratégie de sortie de l’État estonien et les obligations de Nordica en matière de reporting, lesquelles mettaient en œuvre le point 3.11.7 de l’encadrement temporaire.
77 Il est constant, dès lors, que la rémunération de la participation de l’État estonien découlant de la recapitalisation en cause ne prévoit pas de mécanisme de hausse de la rémunération au sens du paragraphe 61 de l’encadrement temporaire, ni d’autre mécanisme venant en remplacement, au sens du paragraphe 62 de cet encadrement.
78 À cet égard, il y a lieu de rappeler à titre liminaire que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation relative aux évaluations complexes d’ordre économique et social effectuées dans le cadre de l’application de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, la Commission peut adopter des lignes directrices afin d’établir les critères sur la base desquels elle entend évaluer la compatibilité, avec le marché intérieur, de mesures d’aide envisagées par les États membres. En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice dudit pouvoir d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C 526/14, EU:C:2016:570, points 39 et 40).
79 Ainsi, dans le domaine spécifique des aides d’État, la Commission est tenue par les encadrements et les communications qu’elle adopte, dans la mesure où ils ne s’écartent pas des normes du traité (voir arrêt du 2 décembre 2010, Holland Malt/Commission, C 464/09 P, EU:C:2010:733, point 47 et jurisprudence citée). Il revient donc au juge de l’Union de vérifier que la Commission a respecté les règles dont elle s’est dotée (voir arrêt du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T 319/11, EU:T:2014:186, point 29 et jurisprudence citée).
80 Pour autant, l’adoption de règles de conduite par lesquelles la Commission limite son pouvoir d’appréciation ne l’affranchit pas de son obligation d’examiner les circonstances spécifiques exceptionnelles qu’un État membre invoque, dans un cas particulier, afin de solliciter l’application directe de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Il s’ensuit que la Commission peut autoriser un projet d’aide d’État dérogeant auxdites règles dans des circonstances exceptionnelles (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C 526/14, EU:C:2016:570, points 41 et 43).
81 Il en découle que, si la Commission s’est autolimitée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation concernant l’examen des aides au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE en adoptant l’encadrement temporaire et ne saurait, en principe, se départir des règles dudit encadrement, elle est néanmoins tenue d’examiner les circonstances spécifiques exceptionnelles qu’un État membre invoque, dans un cas particulier, afin de solliciter l’application directe de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de motiver son refus de faire droit à une telle demande (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C 431/14 P, EU:C:2016:145, points 71 et 72).
82 Partant, quand bien même le libellé du paragraphe 61 de l’encadrement temporaire impose l’instauration d’un mécanisme de hausse de la rémunération dans le cadre d’une mesure de recapitalisation, il convient de vérifier s’il existait des caractéristiques exceptionnelles qui, conformément à la jurisprudence citée au point 81 ci-dessus, justifiaient l’application directe de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE aux faits de l’espèce et, partant, l’inapplication des exigences susmentionnées [voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2022, Ryanair/Commission (Finnair II ; Covid-19), T 657/20, sous pourvoi, EU:T:2022:390, points 64 à 68].
83 À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que les répercussions économiques des circonstances exceptionnelles provoquées par la pandémie de COVID-19 exigeaient une action immédiate tant au niveau des États membres qu’au niveau de l’Union. À cette fin, la Commission a adopté l’encadrement temporaire le 19 mars 2020, soit quelques jours après que les premières mesures de confinement avaient été adoptées par les États membres, afin de permettre à ceux-ci d’agir avec l’urgence que requerrait la situation. Dans cette perspective, la Commission a indiqué, dans l’encadrement temporaire, les conditions que les mesures d’aide d’État temporaires devaient remplir pour qu’elles soient considérées comme étant compatibles avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et soient autorisées très rapidement après leur notification par l’État membre concerné. Cet encadrement, au regard des circonstances d’extrême urgence prévalant lors de son adoption, ne pouvait envisager toutes les mesures que les États membres étaient susceptibles d’adopter en faveur des opérateurs économiques touchés par la crise causée par la pandémie de COVID-19. Pour tenir compte de l’évolution de la situation et des différents types de mesures que les États membres envisageaient d’employer pour faire face aux conséquences néfastes de cette pandémie, la Commission a procédé à la modification de l’encadrement temporaire à plusieurs reprises.
84 D’autre part, il ressort des paragraphes 36, 90, 91 et 99 de la décision attaquée que la recapitalisation en cause présentait des caractéristiques très particulières que la Commission n’avait pas envisagées au moment de l’adoption de l’encadrement temporaire. En effet, Nordica aurait été intégralement détenue par l’État estonien avant la recapitalisation en cause et le serait restée à la suite de cette mesure, ce qui aurait signifié qu’un mécanisme de hausse de la rémunération n’aurait eu aucun effet incitatif sur la sortie de l’État estonien et aurait pu même augmenter l’aide requise par Nordica. Dans ces circonstances spécifiques, la Commission a conclu que l’effet incitatif sur la sortie de l’État estonien et sa rémunération était préservé de manière adéquate par les engagements pris par cet État et décrits à la section 3.3.6 de la décision attaquée. En particulier, ces engagements prévoyaient, d’une part, la présentation à la Commission d’une stratégie crédible de sortie de l’État estonien, à moins que 75 % des actions appartenant à l’État soient rachetées dans les douze mois suivant la date d’octroi de l’aide, et d’informations tous les ans sur le remboursement de la recapitalisation en cause, ainsi que d’un plan de restauration de Nordica pour approbation dans les sept ans suivant la recapitalisation en cause, à moins que cette dernière ait racheté de l’État l’intégralité des actions. D’autre part, ces engagements portaient sur les conditions régissant le rachat d’actions par Nordica et la vente d’actions à des tiers par l’État estonien visant à encourager la sortie de ce dernier du capital de Nordica.
85 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’objectif des mécanismes de hausse de la rémunération prévus aux paragraphes 61 et 62 de l’encadrement temporaire est d’inciter le rétablissement du statu quo ante. En effet, en rendant plus onéreuse la participation de l’État au fil du temps, en augmentant sa part dans le capital du bénéficiaire, et cela sans injection supplémentaire de capital de la part de l’État, ce mécanisme vise à inciter ex post le bénéficiaire concerné à racheter ladite participation le plus vite possible.
86 En l’espèce, l’instauration d’un mécanisme de hausse de la rémunération n’aurait pas eu un tel effet incitatif, ainsi que l’a constaté la Commission au paragraphe 99 de la décision attaquée, en raison des circonstances très spécifiques décrites au point 84 ci-dessus. En effet, le fait que l’État estonien soit le seul actionnaire de Nordica avant et après la mesure de recapitalisation en cause signifiait qu’un mécanisme de hausse de la rémunération n’aurait eu pour conséquence que d’augmenter le nombre d’actions (ou d’autres instruments) détenues par l’État estonien, tout en conservant la même structure capitalistique de Nordica, puisque l’État estonien aurait continué à être le seul actionnaire. Nordica n’aurait pas été incitée, dès lors, à racheter des actions de l’État estonien par un tel mécanisme. En outre, ainsi que l’a souligné également la Commission au paragraphe 99 de la décision attaquée, un mécanisme de hausse de la rémunération aurait pu même augmenter l’aide requise par Nordica, ce qui aurait été contraire aux principes sous-tendant les règles en matière d’aides d’État. Dans ces conditions spécifiques, les engagements adoptés par l’État estonien relatifs à la sortie de ce dernier du capital de Nordica (résumés au point 84 ci-dessus) suffisaient pour garantir l’effet incitatif sur la sortie de l’État estonien.
87 Il convient donc de conclure que la Commission a justifié à suffisance de droit que le mécanisme de hausse de la rémunération prévu au paragraphe 61 de l’encadrement temporaire était inadapté aux circonstances en l’espèce. Dès lors, elle n’a pas commis d’erreur de droit en omettant d’imposer un tel mécanisme.
88 À titre supplémentaire, l’argument de la requérante selon lequel la Commission a violé l’article 345 TFUE, qui pose le principe de neutralité des traités à l’égard du régime de propriété dans les États membres, ne peut prospérer. En effet, la recapitalisation en cause ne concerne pas le régime de propriété dans les États membres en tant que tel.
89 Par conséquent, l’argumentation de la requérante dans le cadre de la quatrième branche du présent moyen doit être écartée.
Sur la cinquième branche du premier moyen, tirée de ce que la Commission n’aurait pas exigé qu’un plan de restructuration lui soit notifié en « temps utile » à la suite de la recapitalisation en cause
90 La requérante fait valoir que la notification d’un plan de restructuration seulement après la période de sept ans telle que prévue par le paragraphe 85 de l’encadrement temporaire est trop longue pour garantir que la recapitalisation reste appropriée et proportionnée et ne porte pas atteinte à la concurrence. En ce sens, un tel délai serait incompatible avec le paragraphe 45 de l’encadrement temporaire, lequel exige que les mesures de recapitalisation soient accompagnées de conditions strictes afin de limiter les distorsions de concurrence et serait contradictoire à l’exigence équivalente posée dans la communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1er août 2013, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière (JO 2013, C 216, p. 1, ci-après la « communication concernant le secteur bancaire »).
91 La requérante soulève également une exception d’illégalité en vertu de l’article 277 TFUE à l’encontre de l’encadrement temporaire, dans la mesure où celui-ci n’exige pas qu’un plan de restructuration soit présenté en temps utile, afin de respecter les principes d’adéquation, de proportionnalité et de maintien de la concurrence effective.
92 La Commission, soutenue par la République d’Estonie, conteste l’argumentation de la requérante.
93 À cet égard, au point 3.11.7 de l’encadrement temporaire, il est prévu au paragraphe 85 ce qui suit :
« Dans le cas où six ans après la recapitalisation COVID-19, l’intervention de l’État n’a pas été ramenée à moins de 15 % des fonds propres du bénéficiaire, un plan de restructuration conforme aux [lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers (JO 2014, C 249, p. 1)] doit être notifié à la Commission pour approbation […] Si le bénéficiaire n’est pas une société cotée en bourse ou est une PME, l’État membre peut décider de notifier un plan de restructuration uniquement si son intervention n’a pas été ramenée à moins de 15 % des fonds propres sept ans après la recapitalisation COVID-19. »
94 Au paragraphe 114 de la décision attaquée, la Commission a précisé que, conformément au paragraphe 85 de l’encadrement temporaire, l’État estonien lui notifierait pour approbation un plan de restauration de Nordica dans les sept ans suivant la recapitalisation, à moins que cette dernière ait racheté à l’État estonien toutes les actions émises aux conditions fixées aux paragraphes 111 à 113 de la décision attaquée.
95 En l’espèce, il importe de souligner que les mesures d’aide ne sont octroyées au titre de l’encadrement temporaire qu’aux entreprises qui n’étaient pas en difficulté au 31 décembre 2019, conformément au paragraphe 49, sous d), dudit encadrement. Dès lors, les bénéficiaires d’une telle aide sont des entreprises dont les problèmes de liquidités ont été causés par la survenance de la pandémie de COVID-19, sur laquelle les bénéficiaires n’ont pas de contrôle. Ainsi, il importe de souligner que les bénéficiaires n’ont ni créé ni contribué à la survenance de cette crise.
96 Partant, il serait contraire à l’objectif même des soutiens étatiques accordés pour combattre les effets économiques néfastes occasionnés par la pandémie de COVID-19 d’exiger dès le début ou aussitôt un plan de restructuration des entreprises qui n’ont aucunement contribué à la survenance desdites difficultés.
97 Il n’est donc aucunement contraire au principe de proportionnalité de prévoir au paragraphe 85 de l’encadrement temporaire qu’un tel plan de restructuration n’est à notifier que si, après sept ans, l’intervention de l’État n’a pas été ramenée à moins de 15 % des fonds propres du bénéficiaire concerné. En effet, ce n’est qu’après ladite période de sept ans qu’il sera devenu clair que les différents mécanismes d’incitation n’ont pas produit le résultat escompté et que, dès lors, un plan de restructuration devra être notifié. Une telle durée est également tout à fait cohérente avec les différents mécanismes mis en place par l’encadrement temporaire afin d’inciter et d’accélérer la sortie de l’État du capital du bénéficiaire concerné, dont certains s’étalent sur une période de temps analogue. Ainsi, à titre d’exemple, le mécanisme de hausse de la rémunération pour les instruments de fonds propres, décrit au paragraphe 61 de l’encadrement temporaire, prévoit l’augmentation, dans certaines conditions, de la rémunération de l’État quatre ans et puis six ans après l’injection du capital, tandis que la rémunération des instruments hybrides, décrite au paragraphe 66 de l’encadrement temporaire, croît au fil du temps jusqu’à la huitième année suivant la recapitalisation.
98 En outre, l’analogie avec la communication concernant le secteur bancaire est inappropriée, car, comme le rappelle la Commission, la crise correspondante a été causée, au moins en partie, par les risques excessifs pris par certaines institutions financières, à la différence de la pandémie de COVID-19, qui est une crise sanitaire. Partant, il ne peut pas être exigé que les mesures autorisées par la Commission afin de remédier aux conséquences de la crise liée au COVID-19 soient de la même nature que celles répondant à cette crise financière.
99 Eu égard à ces considérations, le délai de sept ans pour présenter un plan de restructuration prévu au paragraphe 85 de l’encadrement temporaire ne paraît pas excessif. Ainsi, en appliquant dans la décision attaquée le délai visé au paragraphe 85 de l’encadrement temporaire, la Commission n’a pas méconnu l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.
100 Par ailleurs, il convient de rejeter l’argument de la requérante tiré du paragraphe 45 de l’encadrement temporaire. Si ce paragraphe exige que les mesures de recapitalisation soient accompagnées de conditions strictes afin de limiter les distorsions de concurrence, il est expliqué que ces conditions se rattachent à l’entrée de l’État dans le capital d’une entreprise, à la rémunération liée à cette participation, à la sortie de l’État du capital de l’entreprise en question, aux dispositions sur la gouvernance et aux mesures appropriées pour limiter les distorsions de concurrence. Il s’agit manifestement d’un renvoi aux conditions prévues aux points 3.11.2 à 3.11.7 de l’encadrement temporaire. La requérante n’est donc pas en mesure d’expliquer comment le délai pour présenter un plan de restructuration prévu au paragraphe 85 de l’encadrement temporaire, lequel a été respecté par la Commission dans la décision attaquée, serait en contradiction avec ce paragraphe.
101 En outre, il y a lieu de constater que l’argumentation de la requérante soulevée au point 74 de la requête à l’appui de l’exception d’illégalité à l’encontre du paragraphe 85 de l’encadrement temporaire n’est pas suffisamment étayée et reste trop générale.
102 Par conséquent, l’argumentation de la requérante dans le cadre de la cinquième branche du présent moyen doit être écartée.
Sur la sixième branche du premier moyen, tirée d’une méconnaissance de la prétendue obligation de mettre en balance les effets bénéfiques de la mesure en cause avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et le maintien d’une concurrence non faussée
103 La requérante fait valoir que, lorsque la Commission examine la compatibilité d’une aide, elle est tenue de mettre en balance les effets positifs escomptés pour ce qui est de la réalisation des objectifs énoncés à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE avec les effets négatifs quant aux distorsions de la concurrence et à l’incidence de l’aide sur les échanges entre États membres. L’encadrement temporaire, notamment à son point 1.2 et à son paragraphe 53, obligerait d’ailleurs la Commission à effectuer une telle mise en balance. Or, la Commission aurait omis de mener cette analyse dans la décision attaquée. À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que, dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que l’encadrement temporaire dispense la Commission de procéder ainsi, elle entend soulever une exception d’illégalité de l’encadrement temporaire, en vertu de l’article 277 TFUE, en ce que celui-ci violerait l’obligation de procéder à une mise en balance.
104 La Commission, soutenue par la République d’Estonie, conteste l’argumentation de la requérante.
105 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE prévoit que « [p]euvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur [...] les aides destinées […] à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre ». Il résulte du libellé de cette disposition que ses auteurs ont considéré qu’il était de l’intérêt de l’Union tout entière que l’un ou l’autre de ses États membres fût en mesure de surmonter une crise majeure, voire existentielle, qui ne pouvait qu’avoir des conséquences graves sur l’économie de tout ou partie des autres États membres, et donc sur l’Union en tant que telle. Cette interprétation textuelle de la lettre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE est confirmée par sa comparaison avec l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, qui concerne « les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun », dans la mesure où le libellé de cette dernière disposition comporte une condition, relative à la démonstration d’une absence d’altération des conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun, qui ne figure pas dans l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C 594/18 P, EU:C:2020:742, points 20 et 39).
106 Ainsi, pour autant que les conditions posées à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE soient remplies, à savoir, en l’espèce, que l’État membre concerné soit bel et bien face à une perturbation grave de son économie et que les mesures d’aide adoptées pour remédier à cette perturbation soient, d’une part, nécessaires à cette fin et, d’autre part, appropriées et proportionnées, lesdites mesures sont présumées être adoptées dans l’intérêt de l’Union, de sorte qu’il n’est pas requis par cette disposition que la Commission procède à une mise en balance des effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée, au contraire de ce qui est prescrit à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. En d’autres termes, une telle mise en balance n’aurait pas de raison d’être dans le cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, son résultat étant présumé positif. Qu’un État membre parvienne à remédier à une perturbation grave de son économie ne peut en effet que profiter à l’Union en général et au marché intérieur en particulier (arrêt du 17 février 2021, Ryanair/Commission, T 238/20, sous pourvoi, EU:T:2021:91, point 68).
107 Il convient par conséquent de rejeter l’argument de la requérante selon lequel l’obligation de mise en balance résulterait du caractère exceptionnel des aides compatibles, y compris celles déclarées compatibles en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Pour les mêmes raisons, elle n’est pas fondée à se prévaloir des arrêts du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission (T 447/93 à T 449/93, EU:T:1995:130), et du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission (T 68/15, EU:T:2018:563, points 210 à 214) [voir, en ce sens, arrêts du 17 février 2021, Ryanair/Commission, T 238/20, sous pourvoi, EU:T:2021:91, point 69, et du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T 388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, points 70 et 71].
108 La requérante ne saurait non plus convaincre lorsqu’elle affirme que le caractère obligatoire d’une mise en balance découlerait de l’encadrement temporaire, dès lors qu’une telle obligation ne figure pas dans celui-ci. En particulier, le point 1.2 de cet encadrement, auquel elle se réfère, relatif à la « nécessité d’une étroite coordination européenne des mesures d’aide nationales », est composé d’un seul point, le paragraphe 10, qui ne contient aucune prescription à cet égard. La requérante ne saurait se prévaloir, non plus, du paragraphe 53 de l’encadrement temporaire à cet égard. En effet, ainsi qu’il est expliqué au point 62 ci-dessus, ce dernier paragraphe doit être compris comme exigeant qu’une mesure de recapitalisation soit assortie de conditions qui remplissent les différentes exigences expressément prévues au point 3.11 de l’encadrement temporaire, relatives au montant de la recapitalisation, à la rémunération et à la sortie de l’État, à la gouvernance et à la prévention des distorsions indues de la concurrence et à la stratégie de sortie de l’État de la participation résultant de la recapitalisation.
109 Il s’ensuit que la Commission n’avait pas l’obligation de procéder, dans la décision attaquée, à la mise en balance exigée par la requérante. Si la requérante excipe de l’illégalité de l’encadrement temporaire, l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’exige pas, ainsi qu’il résulte du point 106 ci-dessus, que la Commission procède à une mise en balance des effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée. Dès lors, l’encadrement temporaire, lequel ne prévoit pas une telle mise en balance, ne saurait méconnaître cette disposition.
110 Par conséquent, l’argumentation de la requérante dans le cadre de la sixième branche du présent moyen doit être écartée.
111 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le premier moyen de la requérante.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de non-discrimination, de la libre prestation de services et de la liberté d’établissement
112 La requérante soutient que la mesure en cause enfreint les principes de non-discrimination, de la libre prestation de services et de la liberté d’établissement.
113 La Commission, soutenue par la République d’Estonie, conteste l’argumentation de la requérante.
114 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’une aide d’État qui viole des dispositions du traité ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur (arrêts du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C 390/06, EU:C:2008:224, points 50 et 51, et du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C 594/18 P, EU:C:2020:742, point 44).
Sur la violation du principe de non-discrimination
115 La requérante soutient, en substance, que la Commission a réservé un traitement différent, en dépit de leurs situations comparables, aux compagnies aériennes exploitant des lignes au départ et à destination de l’Estonie en favorisant Nordica sans aucune justification objective. La Commission n’aurait établi ni la nécessité d’octroyer de l’aide uniquement à Nordica ni la proportionnalité de la différence de traitement entre Nordica et les autres compagnies aériennes au regard de l’objectif consistant à remédier à une perturbation grave de l’économie estonienne au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Elle ajoute que si l’aide avait été allouée à toutes les compagnies aériennes opérant en Estonie, en fonction de leur part de marché, l’objectif de la mesure aurait été atteint sans discrimination. La requérante en déduit que la mesure en cause est un « instrument de nationalisme économique évident ».
116 La Commission, soutenue par la République d’Estonie, conteste l’argumentation de la requérante.
117 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe de non-discrimination requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C 390/06, EU:C:2008:224, point 66 ; voir également, en ce sens, arrêt du 5 juin 2018, Montero Mateos, C 677/16, EU:C:2018:393, point 49).
118 Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent en outre être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C 127/07, EU:C:2008:728, point 26).
119 Par ailleurs, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause (arrêt du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25), étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C 611/17, EU:C:2019:332, point 55].
120 En l’espèce, il convient de rappeler que, selon les paragraphes 4 à 8 de la décision attaquée, la mesure en cause vise uniquement à répondre aux besoins de Nordica en matière de liquidités et de fonds propres à la suite des pertes de revenus subies par cette entreprise en raison de la propagation de la pandémie de COVID-19 afin de remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre.
121 En premier lieu, il est certes vrai que d’autres compagnies aériennes contribuent dans une certaine mesure à la connectivité de l’Estonie et qu’elles sont tout autant que Nordica affectées par la pandémie de COVID-19 et les restrictions de voyage qui en ont découlé.
122 Toutefois, il n’en demeure pas moins que, ainsi que le fait valoir la Commission, il n’existe aucune obligation, pour les États membres, d’accorder des aides destinées à remédier à la perturbation grave d’une économie au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE [voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, Ryanair et Laudamotion/Commission (Austrian Airlines ; Covid-19), T 677/20, sous pourvoi, EU:T:2021:465, point 54]. En effet, si l’article 108, paragraphe 3, TFUE oblige les États membres à notifier à la Commission leurs projets en matière d’aides d’État avant leur mise à exécution, il ne les oblige pas, en revanche, à octroyer une aide (ordonnance du 30 mai 2018, Yanchev, C 481/17, non publiée, EU:C:2018:352, point 22).
123 En outre, comme il a été précisé aux points 18 et 19 ci-dessus, une aide peut être destinée à remédier à la perturbation grave de l’économie d’un État membre, conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, indépendamment du fait qu’elle ne remédie pas, à elle seule, à une telle perturbation.
124 Dès lors, contrairement aux arguments de la requérante, la République d’Estonie ne saurait être tenue d’accorder une aide à toutes les entreprises qui contribuent, dans une mesure ou une autre, à la connectivité de son territoire.
125 En deuxième lieu, il convient de relever qu’une aide individuelle, telle que la mesure en cause, ne profite, par définition, qu’à une seule entreprise, à l’exclusion de toutes les autres entreprises, y compris celles se trouvant dans une situation comparable à celle du bénéficiaire de cette aide. Ainsi, de par sa nature, une telle aide individuelle instaure une différence de traitement, voire une discrimination, laquelle est inhérente au caractère individuel de ladite mesure. Or, soutenir, comme le fait la requérante, que l’aide individuelle en cause est contraire au principe de non-discrimination revient, en substance, à mettre en cause systématiquement la compatibilité avec le marché intérieur de toute aide individuelle du seul fait de son caractère intrinsèquement exclusif et par là discriminatoire, alors même que le droit de l’Union permet aux États membres d’octroyer des aides individuelles, pourvu que toutes les conditions prévues à l’article 107 TFUE soient remplies [voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T 388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 81].
126 En troisième lieu et en tout état de cause, à supposer que, comme l’affirme la requérante, la différence de traitement instituée par la mesure en cause, en ce qu’elle ne profite qu’à Nordica, puisse être assimilée à une discrimination, il convient de vérifier si elle est justifiée par un objectif légitime et si elle est nécessaire, appropriée et proportionnée pour l’atteindre. De même, pour autant que la requérante fasse référence à l’article 18, premier alinéa, TFUE, il convient de souligner que, selon cette disposition, toute discrimination exercée en raison de la nationalité dans le domaine d’application des traités « sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient » est interdite. Partant, il importe de vérifier si cette différence de traitement est permise au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, qui constitue la base juridique de la décision attaquée. Cet examen implique, d’une part, que l’objectif de la mesure en cause satisfasse aux exigences prévues par cette dernière disposition et, d’autre part, que les modalités d’octroi de la mesure en cause, à savoir, en l’espèce, le fait que celle-ci ne profite qu’à Nordica, soient de nature à permettre que soit atteint cet objectif et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre [voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T 388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 82].
127 S’agissant de l’objectif de la mesure en cause, il est constant que la pandémie de COVID-19 a gravement perturbé l’économie estonienne et qu’elle a eu des effets négatifs majeurs sur le marché estonien du transport aérien. Dans ce contexte, pour les raisons exposées aux points 23 à 25 ci-dessus, l’objectif de la mesure en cause, à savoir maintenir la viabilité et les services de transport aérien de Nordica, était de nature à remédier à la perturbation grave de l’économie estonienne due à ladite pandémie.
128 S’agissant des modalités d’octroi de la mesure en cause et le fait que la mesure en cause ne bénéficiait qu’à Nordica, ainsi qu’il ressort des points 52 à 55 ci-dessus dans le cadre de l’examen de la deuxième branche du premier moyen, la Commission a démontré de manière suffisante dans la décision attaquée que Nordica contribuait de manière significative à l’économie et à la connectivité de l’Estonie.
129 Selon la requérante, ces circonstances ne permettent pas de justifier la différence de traitement résultant de la mesure en cause. Celle-ci accorderait à Nordica l’intégralité de l’aide alors que d’autres compagnies aériennes, telles que la requérante, auraient été aussi bien placées pour remédier à une perturbation grave de l’économie estonienne. À cet égard, la requérante relève en particulier que ces compagnies aériennes opèrent un nombre égal ou supérieur de liaisons au départ et à destination de l’Estonie en comparaison avec Nordica et que, contrairement à ce qui est indiqué dans la décision attaquée, la part de marché exprimée en termes de nombre de passagers à l’aéroport de Tallinn de Nordica est seulement de 14 %.
130 À cet égard, il convient de souligner que la Commission a fondé sa conclusion relative à l’importance de Nordica pour l’économie et la connectivité de l’Estonie sur un faisceau d’indices et non pas seulement sur la part de marché de Nordica et sur le nombre de liaisons régulières opérées par celle-ci depuis l’aéroport de Tallinn au moment de l’adoption de la décision attaquée. Ainsi, la Commission a constaté aux paragraphes 19, 20 et 79 à 83 de la décision attaquée que Nordica employait un nombre significatif de personnes en Estonie, relevait d’une grande importance pour de nombreux acteurs du secteur aérien en Estonie, dont l’aéroport de Tallinn où était basée sa flotte, avait grandement participé au rapatriement de citoyens et à la livraison d’équipements médicaux pendant la propagation du COVID-19 au printemps 2020 et jouait un rôle essentiel dans la connectivité de l’Estonie par le biais des services ACMI qu’elle fournissait à d’autres compagnies aériennes. Il découle de ce poids économique et social de Nordica en Estonie que la Commission pouvait considérer, à juste titre, qu’assurer la continuité des activités économiques de Nordica était davantage susceptible de contribuer à remédier à une perturbation grave de l’économie estonienne que maintenir les activités des autres compagnies aériennes opérant en Estonie.
131 S’agissant de la question de savoir si la mesure d’aide en cause va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé, la Commission a relevé, au paragraphe 91 de la décision attaquée, que cette mesure n’allait pas au-delà du rétablissement de la structure capitalistique de Nordica telle qu’elle existait au 31 décembre 2019, soit avant la pandémie de COVID-19.
132 En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la mesure d’aide en cause demeure disproportionnée en ce qu’elle bénéficie uniquement à Nordica et que l’objectif pour la République d’Estonie de la mesure en cause est simplement celui de protéger son champion national, dont elle est l’actionnaire, il y a lieu de rappeler qu’il n’existait aucune obligation, pour la Commission, d’examiner si la République d’Estonie devait élargir le cercle des bénéficiaires de l’aide, dès lors que la décision attaquée a établi à suffisance de droit la nécessité de préserver la contribution de Nordica à l’économie estonienne.
133 S’agissant des arguments de la requérante selon lesquels la mesure en cause n’était pas nécessaire, puisque Nordica aurait pu trouver des solutions de remplacement sur les marchés et sa faillite n’aurait pas forcément mis en péril l’économie et la connectivité de l’Estonie, ils se recoupent avec les arguments déjà avancés dans la deuxième branche du premier moyen et rejetés aux points 35 à 55 ci-dessus.
134 Il s’ensuit que, en toute hypothèse et pour autant que la différence de traitement instituée par la mesure en cause puisse être assimilée à une discrimination, il était justifié d’accorder le bénéfice de la mesure en cause uniquement à Nordica.
Sur la violation des principes de la libre prestation de services et de la liberté d’établissement
135 La requérante fait valoir, en substance, que, en ce qu’elle va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif déclaré de l’aide, la mesure en cause restreint de manière injustifiée la libre prestation des services et la liberté d’établissement. À cet égard, la requérante soutient qu’accorder l’aide en cause uniquement à Nordica entraîne une fragmentation du marché intérieur et, dans le cas des compagnies aériennes opérant en Estonie depuis un autre État membre, restreint leurs droits de fournir librement des services de transport aérien au sein du marché intérieur tels qu’ils leur sont accordés par le régime des licences européennes d’exploitation prévu par le règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (JO 2008, L 293, p. 3).
136 La Commission, soutenue par la République d’Estonie, conteste l’argumentation de la requérante.
137 Il convient de rappeler que, d’une part, les dispositions du traité FUE relatives à la liberté d’établissement visent à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil (voir arrêt du 6 octobre 2015, Finanzamt Linz, C 66/14, EU:C:2015:661, point 26 et jurisprudence citée).
138 D’autre part, la libre prestation de services s’oppose à l’application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre, indépendamment de l’existence d’une discrimination selon la nationalité ou la résidence (arrêt du 6 février 2003, Stylianakis, C 92/01, EU:C:2003:72, point 25). Toutefois, il y a lieu de constater que, en vertu de l’article 58, paragraphe 1, TFUE, la libre prestation de services, en matière de transports, est régie par les dispositions du titre relatif aux transports, à savoir le titre VI du traité FUE. La libre prestation de services en matière de transports est ainsi soumise, au sein du droit primaire, à un régime juridique particulier (arrêt du 18 mars 2014, International Jet Management, C 628/11, EU:C:2014:171, point 36). Par conséquent, l’article 56 TFUE, qui consacre la libre prestation de services, ne s’applique pas tel quel au domaine de la navigation aérienne (arrêt du 25 janvier 2011, Neukirchinger, C 382/08, EU:C:2011:27, point 22).
139 C’est dès lors uniquement sur la base de l’article 100, paragraphe 2, TFUE que des mesures de libéralisation des services de transport aérien peuvent être adoptées (arrêt du 18 mars 2014, International Jet Management, C 628/11, EU:C:2014:171, point 38). Or, ainsi que le relève, à juste titre, la requérante, le législateur de l’Union a adopté le règlement no 1008/2008 sur le fondement de cette disposition, qui a précisément pour objet de définir les conditions d’application, dans le secteur du transport aérien, du principe de la libre prestation de services (voir, par analogie, arrêt du 6 février 2003, Stylianakis, C 92/01, EU:C:2003:72, point 24).
140 En l’espèce, il convient de relever que la requérante soutient, en substance, que la mesure en cause constitue une entrave à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services du fait de son caractère discriminatoire, puisqu’elle ne bénéficie qu’à Nordica.
141 Or, s’il est vrai que la mesure en cause porte sur une aide individuelle qui ne bénéficie qu’à Nordica, la requérante n’établit pas en quoi ce caractère exclusif est de nature à la dissuader de s’établir en Estonie ou d’effectuer des prestations de services au départ et à destination de cet État membre. La requérante n’est notamment pas en mesure d’identifier les éléments de fait ou de droit qui feraient que cette mesure produit des effets restrictifs qui iraient au-delà de ceux qui déclenchent l’interdiction prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Au contraire, ainsi qu’il a été jugé aux points 14 à 25 ci-dessus, ces effets sont nécessaires et proportionnés pour remédier à la perturbation grave de l’économie estonienne causée par la pandémie de COVID-19, conformément aux exigences prévues à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.
142 Par conséquent, la mesure en cause ne saurait constituer une entrave à la liberté d’établissement ou à la libre prestation de services. Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission de ne pas avoir examiné la compatibilité de cette mesure avec la liberté d’établissement et la libre prestation de services.
143 Il résulte de ce qui précède que les arguments de la requérante présentés dans le cadre du deuxième moyen n’ont pas démontré l’existence d’une erreur commise par la Commission. Dès lors, ledit moyen doit être écarté.
Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et des droits procéduraux de la requérante
144 La requérante soutient que l’examen mené par la Commission était insuffisant, notamment concernant les effets défavorables de la mesure en cause sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée, les conditions fixées dans l’encadrement temporaire ainsi que la compatibilité de la mesure en cause avec les principes de non-discrimination, de la libre prestation de services et de la liberté d’établissement. Or, le caractère insuffisant de cet examen témoignerait de l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à permettre à la requérante de présenter ses observations et, ainsi, d’influer sur ledit examen.
145 La Commission, soutenue par la République d’Estonie, conteste l’argumentation de la requérante.
146 À titre liminaire, il convient de rappeler que la légalité d’une décision, telle que la décision attaquée, de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, dépend de la question de savoir si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû objectivement susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur, étant donné que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), de ce règlement (voir, par analogie, arrêts du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C 817/18 P, EU:C:2020:637, point 80, et du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C 57/19 P, EU:C:2021:663, point 38).
147 Selon la jurisprudence, la notion de doutes énoncée à l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589, laquelle se traduit par l’existence des difficultés sérieuses que la Commission a rencontrées lors de l’examen du caractère d’aide de la mesure en cause ou de sa compatibilité avec le marché intérieur, revêt un caractère objectif. L’existence de tels doutes doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de l’acte attaqué que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en relation les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission pouvait disposer lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité des aides litigieuses avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C 431/07 P, EU:C:2009:223, point 63). Il en découle que le contrôle de légalité effectué par le Tribunal sur l’existence de doutes dépasse, par nature, la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation (voir arrêt du 10 juillet 2012, Smurfit Kappa Group/Commission, T 304/08, EU:T:2012:351, point 80 et jurisprudence citée).
148 Il ressort également de la jurisprudence que le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la phase préliminaire d’examen constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses (voir arrêts du 9 septembre 2010, British Aggregates e.a./Commission, T 359/04, EU:T:2010:366, point 57 et jurisprudence citée, et du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission, T 68/15, EU:T:2018:563, point 62 et jurisprudence citée).
149 En l’espèce, il convient de relever, ainsi que le fait, en substance, valoir la Commission, que le troisième moyen de la requérante présente, en réalité, un caractère subsidiaire, pour le cas où le Tribunal n’aurait pas examiné le bien-fondé de l’appréciation de l’aide en tant que tel. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante qu’un tel moyen vise à permettre à une partie intéressée d’être jugée recevable, en cette qualité, à introduire un recours au titre de l’article 263 TFUE, ce qui lui serait autrement refusé (voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C 83/09 P, EU:C:2011:341, point 48, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C 47/10 P, EU:C:2011:698, point 44).
150 Ensuite, il y a lieu d’observer que ce moyen reprend de façon condensée les arguments soulevés dans le cadre des premier et deuxième moyens sans mettre en évidence de nouveaux éléments relatifs à d’éventuelles difficultés sérieuses.
151 Or, il ressort de l’examen des premier et deuxième moyens que les arguments présentés par la requérante n’ont révélé l’existence d’aucune erreur commise par la Commission. Il ressort également de l’examen desdits moyens que les arguments soulevés par la requérante ne sont pas davantage susceptibles d’être des indices probants d’un examen incomplet, tel qu’il est soutenu par la requérante. Ce faisant, les arguments de la requérante n’ont pas démontré l’existence de doutes au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589.
152 Par conséquent, il convient d’écarter le troisième moyen de la requérante.
Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE
153 La requérante soutient que la Commission a méconnu son obligation de motiver la décision attaquée conformément à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. Plus précisément, la Commission n’aurait pas dûment expliqué, premièrement, comment une aide attribuée uniquement à Nordica pourrait à elle seule remédier à une perturbation grave de l’économie estonienne, deuxièmement, pourquoi le refus de consentir à un financement opposé par une seule banque aurait dispensé Nordica de chercher d’autres formes de financement fondées sur le marché et, troisièmement, si l’instrument de recapitalisation choisi était celui qui fausserait le moins la concurrence. Quatrièmement, la Commission n’aurait pas procédé à la mise en balance des effets positifs avec les effets négatifs de la mesure en cause et, cinquièmement, elle n’aurait pas vérifié si l’aide était non discriminatoire et respectait les principes de libre prestation de services et de libre établissement.
154 La Commission, soutenue par la République d’Estonie, conteste l’argumentation de la requérante.
155 À titre liminaire, il convient de rappeler que la motivation d’une décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union revêt une importance toute particulière, en ce qu’elle permet à l’intéressé de décider en pleine connaissance de cause s’il entend introduire un recours contre cette décision ainsi qu’à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, et en ce qu’elle constitue donc l’une des conditions de l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C 584/20 P et C 621/20 P, EU:C:2021:601, point 103 et jurisprudence citée).
156 Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article doit être appréciée au regard non seulement de son libellé mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C 390/06, EU:C:2008:224, point 79 ; voir, également, arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas, C 279/08 P, EU:C:2011:551, point 125 et jurisprudence citée).
157 S’il est vrai que les institutions ne sont pas obligées, dans la motivation des décisions qu’elles adoptent, de prendre position sur tous les arguments que les intéressés invoquent devant elles au cours d’une procédure administrative, il n’en demeure pas moins qu’elles doivent exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de leurs décisions (voir arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala C 413/06 P, EU:C:2008:392, point 169 et jurisprudence citée, et du 18 septembre 2018, Duferco Long Products/Commission, T 93/17, non publié, EU:T:2018:558, point 67 et jurisprudence citée).
158 En l’espèce, en premier lieu, s’agissant de la capacité de la mesure en cause à remédier, à elle seule, à la perturbation grave de l’économie estonienne, il convient de rappeler que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’exige pas que la mesure en cause soit susceptible, à elle seule, de remédier à la perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné (voir points 18 et 19 ci-dessus). Partant, il n’était pas nécessaire pour la Commission de présenter de motifs à cet égard.
159 En deuxième lieu, s’agissant des solutions de financement sur les marchés, la Commission a constaté au paragraphe 84 de la décision attaquée non seulement que Nordica s’est vu refuser un financement auprès d’une banque, mais également que l’octroi de financement sur les marchés par Nordica à des conditions abordables était rendu impossible au regard de la situation très difficile du secteur de l’aviation et du fait qu’elle ne possédait pas d’aéronefs qu’elle pouvait vendre et relouer dans le cadre d’un financement. Ce faisant, la Commission a exposé, à suffisance de droit, les raisons pour lesquelles elle avait conclu que Nordica ne pouvait pas bénéficier d’un financement sur les marchés, remplissant la condition d’éligibilité relative aux mesures de recapitalisation prévue au paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire.
160 En troisième lieu, il ressort des points 59 à 63 ci-dessus dans le cadre de la troisième branche du premier moyen que le paragraphe 53 de l’encadrement temporaire, auquel la requérante se réfère dans la requête, n’impose pas à la Commission d’examiner si, en dehors de la mesure de recapitalisation en cause, il n’y avait pas d’autres instruments de recapitalisation susceptibles de fausser moins la concurrence. Il suffisait, à cet égard, que la Commission applique les exigences figurant aux points 3.11.4 à 3.11.7 de l’encadrement temporaire pour satisfaire au paragraphe 53 de l’encadrement temporaire, auquel se réfère la requérante dans la requête. Partant, la Commission n’était pas tenue de présenter de motifs à cet égard.
161 En quatrième lieu, s’agissant de la mise en balance des effets bénéfiques de la mesure d’aide avec les effets défavorables de celle-ci sur les conditions des échanges et le maintien d’une concurrence non faussée, il suffit de relever que, comme il ressort des points 105 à 110 ci-dessus, ni l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ni l’encadrement temporaire n’exige qu’une telle mise en balance soit effectuée. Partant, la Commission n’avait pas à présenter de motifs à cet égard.
162 En cinquième lieu, s’agissant des principes de non-discrimination, de la libre prestation de services et de la liberté d’établissement, il y a lieu de constater que la décision attaquée contient des éléments, notamment aux paragraphes 19, 20, 79 à 83 de celle-ci, permettant de comprendre l’importance particulière de Nordica pour l’économie et la connectivité de l’Estonie et donc les raisons pour lesquelles la République d’Estonie a choisi cette compagnie comme seule bénéficiaire de la mesure d’aide en cause. La requérante ayant pu contester cette analyse, comme en témoigne son argumentation présentée dans le cadre du deuxième moyen, la Commission a fourni une motivation adéquate à la lumière de la jurisprudence citée aux points 155 à 157 ci-dessus.
163 Il s’ensuit que les arguments de la requérante dans le cadre du quatrième moyen n’ont pas démontré que la Commission a violé son obligation de motivation.
164 Par conséquent, il convient d’écarter le quatrième moyen de la requérante et, partant, le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
165 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
166 Par ailleurs, en vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La République d’Estonie supportera donc ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (dixième chambre)
Déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Ryanair DAC supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.
3) La République d’Estonie supportera ses propres dépens.