Livv
Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 14 septembre 2023, n° 22/02276

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

ASSA Abloy France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Foucher-Gros

Conseillers :

M. Urbano, Mme Menard-Gogibu

Avocats :

Me Chevalier, Me Bali

T. com. Evreux, du 2 juin 2022, n° 2021F…

2 juin 2022

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SAS Assa Abloy est spécialisée dans la fabrication et la vente de portes coupe-feu en France et à l'étranger. Elle vient aux droits de la société Tyco Fermetures Coupe-Feu devenue Portafeu, société ayant été absorbée par la société Assa Abloy dans le cadre d'une fusion intervenue en 2018.

Le 1er mars 2000, un « Contrat d'agent commercial mandataire », a été signé entre M. [E] et la société Tyco.

Le 20 septembre 2007, M. [E] a obtenu pour le compte de la la société Portafeu un acte d'engagement de la SERL, maître d'ouvrage délégué du département du Rhône, portant sur le lot « Menuiserie intérieures Métal Pare Flamme et Coupe Feu » des travaux de construction du Musée des Confluence à [Localité 4], pour un montant total de 1 796 600 euros.

Par courrier du 24 novembre 2008, M. [E] a fait part à la société Portafeu de son intention cesser son activité et de céder sa carte de représentation commerciale.

La société Assa Abloy ayant demandé à M. [E] de ne pas informer les autres agents commerciaux de son intention de céder sa carte de représentation, ce dernier a considéré que l'attitude de la société Assa Abloy s'assimilait à un refus de consentir à ce qu'il puisse présenter un successeur, que le contrat d'agent commercial était rompu et que des indemnités pour rupture lui étaient dues.

Les parties ont signé un protocole d'accord transactionnel le 15 janvier 2009 notamment rédigé comme suit :

Article 1 : Le contrat d'agent commercial entre Monsieur [T] [E] et la société PORTAFEU est résilié à effet de la date de signature du présent protocole, moyennant le versement d'une indemnité transactionnelle de rupture globale, forfaitaire et définitive d'un montant de 200.000 € en réparation du préjudice subi[']

Article 2 : Le montant total des commissions restant dues à Monsieur [T] [E]'s'élève à la somme totale de 61 855,09 €. Ce montant est reconnu par les parties comme ferme et définitif sans aucun ajustement ultérieur à la seule et unique exception de l'affaire Musée des Confluences/SERL [Localité 4] dont l'exécution est différée sans connaissance actuelle d'un délai de réalisation[']

Article 3 : L'affaire spécifique Musée des Confluences / SERL [Localité 4], mentionnée à l'article 2 fera l'objet d'un traitement particulier en fonction de son évolution et de son dénouement ultérieur.

Cette affaire Musée des Confluences fera l'objet d'un commissionnement, prévu à l'enregistrement de la commande, qui sera mis en œuvre lors de la consécration effective de cette affaire, à la condition que celle-ci intervienne dans un délai de 3 ans à compter de la signature du présent accord. Il est accepté que la réalisation des premiers plans d'exécution dans le délai de 3 ans sera le fait déterminant une exécution effective, donnant droit à commissions.

La facturation de cette commission par Mr [T] [E] à la société PORTAFEU sera alors effectuée selon les conditions convenues à la prise de commande. Le règlement de cette commission sera effectué par la société PORTAFEU aux échéances habituelles.

Article 5 : Mr [T] [E] renonce expressément à tous droits à l'encontre de la société PORTAFEU au titre de la formation, de l'exécution, de la rupture et de l'interprétation du contrat d'agent commercial qui la lié à la société PORTAFEU.

Pour les règlements prévus aux Articles 1 et 2, la société PORTAFEU est libérée de toute obligation au titre de la formation, de l'exécution, de la rupture et de l'interprétation dudit contrat d'agent commercial[']

Article 8 : Par le présent accord, les parties renoncent à tout recours l'une envers l'autre pour quelque raison que ce soit »

Le 31 mars 2013, M. [E] a écrit à la société Portafeu dans les termes suivants : « Je vous joins une copie de mail émanant de vos services qui indique qu'au redémarrage du chantier [du Musée] les plans devaient être remis pour le 28 juin 2010'pouvez-vous me transmettre les factures de travaux déjà exécutés afin que je fasse ma propre facture de commission ».

Le 20 juillet 2015, M. [E] a établi une facture de commission de 4,75 % du montant total du marché et par courrier de son conseil du 27 juillet 2015, il a mis en demeure la société Portafeu d'avoir à lui régler la somme de 55 467,50 euros correspondant à sa facture.

Par courrier du 23 août 2019, le conseil de M. [E] a mis à nouveau en demeure la société Assa Abloy de régler la somme de 55 467,50 euros.

Par courrier de son conseil du 18 septembre 2019, la société Assa Abloy a indiqué :

« Il ressort clairement de la lecture des carnets de plans établis dans le cadre de ce projet (que vous trouverez ci-joint) que les premiers plans d'exécution ont été réalisés à partir du 27 juillet 2012 et que leur mise en exécution n'a eu lieu qu'à partir d'octobre 2014, soit bien postérieurement au 15 janvier 2012. Ainsi, les plans n'ont pas été établis dans les temps impartis ce qui était la condition ouvrant droit à commission ».

Aucun paiement n'étant intervenu au titre du marché « Musée des Confluences », M.[E] a fait assigner la société Assa Abloy par acte d'huissier du 17 octobre 2019 devant le tribunal de commerce de Lyon en paiement de la somme de 55 467,50 euros.

Par jugement du 20 avril 2021, le tribunal de commerce de Lyon s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce d'Evreux devant lequel M. [E] a porté sa demande principale à la somme de 110 224,66 euros.

Par jugement du 2 juin 2022, le tribunal de commerce d'Evreux a :

- dit et jugé irrecevable la demande de Monsieur [T] [E],

- condamné Monsieur [T] [E] à payer à la société Assa Abloy la somme de mille cinq cent euros (1 500 euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [T] [E] aux entiers dépens, dont frais de greffe liquidés à la somme de 69,59 euros.

Monsieur [T] [E] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 7 juillet 2022.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 avril 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS

Vu les conclusions du 3 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Monsieur [T] [E] qui demande à la cour de :

- juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par Monsieur [T] [E] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce d'Evreux du 2 juin 2022 (RG n° 2021F00153),

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Evreux du 2 juin 2022 en ce qu'il a jugé prescrite l'action de Monsieur [T] [E] à l'encontre de la société Assa Abloy France venant aux droits de la société Portafeu, déclaré irrecevables ses demandes et l'a condamné au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

- juger recevable et bien fondée l'action en paiement de commission engagée par Monsieur [T] [E] à l'encontre de la société Assa Abloy France venant aux droits de la société Portafeu,

- juger que le droit à commission de Monsieur [T] [E] à hauteur de 110 224,66 euros à l'encontre de la société Assa Abloy France au titre du marché du Musée des Confluences à [Localité 4] est bien fondé et n'est pas sérieusement contestable,

En conséquence,

- condamner la société Assa Abloy France venant aux droits de la société Portafeu à payer à Monsieur [T] [E] la somme de 110 224,66 euros TTC à titre de commission d'agent commercial due sur le marché du Musée des Confluences (SERL [Localité 4]), majorée des intérêts de retard à compter du 27 juillet 2015 d'un montant égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne à ses opérations de refinancement les plus récentes majoré de 10 points de pourcentage,

- condamner la société Assa Abloy France SAS venant aux droits de la société Portafeu à payer à Monsieur [T] [E] la somme de 5 000 euros pour résistance abusive et injustifiée,

- condamner la société Assa Abloy France SAS venant aux droits de la société Portafeu à payer à Monsieur [T] [E] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [E] Soutient que :

- la société Portafeu aux droits de laquelle vient la société Assa Abloy était tenue d'une obligation de loyauté d'ordre public et se devait de l'informer de toutes les commandes entraînant droit à commission ;

- le protocole d'accord conclu le 15 janvier 2009 prévoyait un sort particulier pour le marché du Musée des Confluences ;

- faute par la société Assa Abloy de lui communiquer les éléments permettant de calculer sa commission tels que la date d'établissement des plans, celle des travaux réalisés, les factures émises, les encaissements ou le décompte général définitif, M.[E] a dû se fonder sur le marché initial négocié par ses soins à hauteur de 976 368 euros ;

- en cours d'instance, M. [E] a découvert que le montant du marché s'était finalement élevé à 1 937 020 euros et la société Assa Abloy lui doit une commission calculée sur ce montant outre les pénalités d'ordre public prévues par l'article L. 441-6 du code de commerce ;

- le protocole ne visant pas la commission réclamée par M. [E] au titre du marché du Musée des confluences, aucune autorité de la chose jugée tirée de ce protocole ne peut lui être opposée ;

- M. [E] n'a jamais renoncé à son droit d'obtenir sa commission ;

- aucune prescription extinctive n'a commencé à courir dès lors que la société Assa Abloy a omis de l'informer sur la date de réalisation des plans d'exécution, la date et le montant des travaux déjà réalisés ayant donné lieu à établissement de factures et les relevés des encaissements conditionnant la facturation de M. [E], que le marché du Musée a été réalisé à son insu et que les conditions permettant l'établissement des factures de M. [E] ne sont toujours pas réunies ;

- dès lors que la créance de M. [E] était conditionnée par la communication par la société Assa Abloy de divers éléments, la prescription n'a pas couru par application de l'article 2233 du code civil ;

- tant que la société Assa Abloy ne lui a pas transmis les informations visées dans le protocole, M. [E] a été dans l'impossibilité d'agir et la prescription n'a pas couru par application de l'article 2234 du code civil ;

- le droit à commission de M. [E] est né au fur et à mesure de l'exécution du marché s'agissant d'un contrat à exécution successive ;

- ce n'est que face au refus de la société Assa Abloy de lui communiquer les informations nécessaires que M. [E] s'est résolu à établir sa facture le 20 juillet 2015 sur la totalité du montant du marché et qu'il a obtenu des donneurs d'ordres divers documents permettant d'établir les dates des versements ;

- la société Assa Abloy ne lui oppose aucun moyen de fond s'agissant du défaut de paiement de la commission ;

- la société Assa Abloy ayant pris la suite de la société Portafeu et le dirigeant de cette dernière étant devenu le dirigeant de la société Assa Abloy, elle ne peut sérieusement prétendre ne pas disposer des archives nécessaires au règlement de ce dossier alors qu'elle a déjà communiqué quelques plans d'exécution comportant des dates erronées ;

- par application de l'article 1353 du code civil et L. 134-4 du code de commerce, il appartient à la société Assa Abloy de démontrer que les travaux figurant dans les plans produits n'ont pas été réalisés ou payés ;

- le tribunal a violé le principe du contradictoire en affirmant que rien ne confirmait le fait que les plans d'exécution avaient été créés en juillet 2011 alors que la société Assa Abloy n'avait pas contesté cette date ;

- le tribunal a dénaturé le protocole en affirmant que les plans n'avaient pas été validés alors que seule compte leur date d'établissement et en affirmant que le fait générateur du droit à commission de M. [E] n'était pas avéré puisqu'il n'était pas survenu dans les trois ans de la signature ;

- le tribunal n'a pas indiqué le point de départ de la prescription qu'il a tenue pour acquise.

Vu les conclusions du 13 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Assa Bloy France qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce d'Evreux du 2 juin,

Par conséquent,

- dire et juger irrecevable la demande de Monsieur [T] [E],

A titre subsidiaire,

- constater que Monsieur [E] n'apporte aucune preuve de l'existence d'une créance contre la société Assa Abloy,

Par conséquent,

- débouter Monsieur [E] de l'intégralité de ses demandes,

En tout état de cause,

- condamner Monsieur [T] [E] à payer à la société Assa Abloy la somme de 7 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [T] [E] aux entiers dépens.

La société Assa Abloy soutient que :

- le protocole signé le 15 janvier 2009 à autorité de chose jugée en dernier ressort entre les parties et rend irrecevable l'action de M. [E] ;

- ce même protocole prévoit clairement la renonciation de M. [E] à ses droits à l'encontre de la société Portafeu aux droits de laquelle vient la société Assa Abloy ainsi que la libération de cette dernière ;

- il prévoit enfin la renonciation des parties à toute action en justice sans prévoir aucune exception pour les commissions relatives au marché du « Musée des Confluences » ce qui rend également irrecevable l'action de M. [E] ;

- M. [E] a eu connaissance des faits permettant d'exercer son droit depuis le 31 mars 2013 et c'est à cette date que la prescription de l'article 2224 du code civil a commencé à courir ;

- la société Assa Abloy n'avait aucune information à communiquer à M. [E] dans les trois ans suivant la signature du protocole et n'avait plus à lui communiquer quoi que ce soit au-delà de ces trois ans ;

- à supposer que la créance de M. [E] ait été affectée d'une condition, celle-ci devait survenir dans les trois ans de la signature du protocole, c'est à dire pour le 15 janvier 2012 au plus tard ; soit elle est survenue avant et l'action de M. [E] est prescrite, soit elle n'est pas survenue et la créance de M. [E] n'a jamais existé ;

- la seule condition affectant la créance était la réalisation de travaux dans les trois ans du protocole ;

- M. [E] ne justifie pas de l'impossibilité d'agir qu'il allègue alors qu'il a finalement diligenté une procédure avec les mêmes informations que celles qu'il détenait depuis 2013 en se fondant sur le montant total du marché qu'il connaissait depuis l'origine ;

- l'article L. 134-7 du code de commerce vise un contrat conclu « dans un délai raisonnable » après la cessation du contrat d'agence commerciale alors que le protocole a visé un délai de trois ans ;

- il n'appartient pas à M. [E] de fixer le point de départ de la prescription en émettant des factures selon son bon vouloir;

- l'action de M. [E] est prescrite depuis le 31 mars 2018 ;

- la société Assa Abloy qui a racheté la société Portafeu ne dispose d'aucune archive lui permettant de se défendre ;

- il appartient à M. [E] de justifier du bien-fondé de sa demande et notamment de la concrétisation du chantier du Musée et de l'exécution effective des plans;

- les pièces produites par M. [E] sont invérifiables.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'action diligentée par M. [E] :

1°) Aux termes de l'article 2052 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 applicable aux faits de la cause : « Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.

Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion. »

L'article 1351 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable aux faits de la cause dispose que « L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »

Par acte du 15 janvier 2009, les parties ont signé un protocole transactionnel déterminant l'indemnité pour rupture de contrat due par la société Portafeu à M.[E], établissant le montant définitif des commissions dues à ce dernier et mentionnant expressément que la commission de M. [E] au titre du contrat « Musée des Confluences » ferait l'objet d'un « traitement particulier en fonction de son évolution et de son dénouement ultérieur » et serait due lors de la concrétisation effective de l'affaire à la condition qu'elle survienne dans un délai de trois ans et, plus précisément, que les premiers plans d'exécution soient réalisés dans ce délai.

M. [E] agit en justice en soutenant que la société Assa Abloy, venant aux droits de la société Portafeu, ne lui a pas communiqué spontanément les premiers plans visés dans le protocole et, dans les faits, n'a pas exécuté l'accord les liant concernant le marché du « Musée des Confluences ».

Etant rappelé que la transaction ne met fin au litige que sous réserve de son exécution, il ne saurait y avoir aucune autorité de chose jugée lorsque l'action est fondée sur un accord relatif à une créance dont le sort est repoussé à une date ultérieure, dont le principe est incertain et dont le montant est indéterminé.

Aucune fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée à M. [E].

2°) Le protocole prévoit en, son article 8, que les parties renoncent à tout recours l'une envers l'autre pour quelque raison que ce soit.

Cette stipulation suit celle rappelant que la transaction a autorité de la chose jugée en dernier ressort entre les parties et doit nécessairement suivre le même sort. Elle ne peut être opposée à M. [E] dès lors qu'il réclame le paiement de la créance relative au marché « Musée des Confluences » qui devait être ultérieurement fixée et dont le principe était conditionné à l'existence de plans d'exécution devant être réalisés dans les trois ans suivant l'accord.

3°) Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Selon l'article 2233 1° du code civil, la prescription ne court pas à l'égard d'une créance qui dépend d'une condition, jusqu'à ce que la condition arrive.

L'article 2234 du même code dispose que « la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. »

L'article 3 du protocole du 15 janvier 2009 stipule : « L'affaire spécifique Musée des Confluences / SERL [Localité 4], mentionnée à l'article 2 fera l'objet d'un traitement particulier en fonction de son évolution et de son dénouement ultérieur.

Cette affaire Musée des Confluences fera l'objet d'un commissionnement, prévu à l'enregistrement de la commande, qui sera mis en œuvre lors de la consécration effective de cette affaire, à la condition que celle-ci intervienne dans un délai de 3 ans à compter de la signature du présent accord. Il est accepté que la réalisation des premiers plans d'exécution dans le délai de 3 ans sera le fait déterminant une exécution effective, donnant droit à commissions.

La facturation de cette commission par Mr [T] [E] à la société PORTAFEU sera alors effectuée selon les conditions convenues à la prise de commande. Le règlement de cette commission sera effectué par la société PORTAFEU aux échéances habituelles ».

Aux termes de cet acte et contrairement aux écritures de M. [E], le droit à commission de M. [E] est né lors de l'enregistrement de la commande du marché du « Musée des Confluences » et non au fur et à mesure de l'avancement des travaux, mais il est expressément prévu que ce droit ne sera mis en œuvre et ne pourra donner lieu à facturation de la part de M. [E] qu'à la double condition que des plans d'exécution soient établis et qu'ils le soient dans le délai prévu au protocole s'achevant au 15 janvier 2012.

Si M. [E] allègue que la société Portafeu puis la société Assa Abloy ont sciemment omis de lui communiquer dans le délai de trois ans les plans d'exécution lui permettant d'émettre sa facture de commission, la situation préjudiciable dont il fait état était définitivement fixée et était parfaitement connue de lui au terme du délai de trois ans prévu par le protocole, soit au 15 janvier 2012 et il savait en toute hypothèse qu'à compter de cette date, son droit ne pouvait plus donner lieu à facturation au titre de plans établis postérieurement.

La condition de délai mentionnée dans l'acte ayant expiré le 15 janvier 2012, aucun report du point de départ de la prescription tel que prévu par l'article 2233 n'a pu intervenir.

De la même manière, la mise en œuvre de son droit à commission ayant expiré à cette date et aucune interdiction d'agir n'ayant été stipulé dans le protocole, il n'a jamais été dans l'impossibilité d'agir en justice, au sens de l'article 2234 du code civil, contre la société Portafeu afin de lui réclamer, dans un premier temps, les pièces permettant d'établir le principe et le montant de sa créance et, dans un second temps, le paiement de cette créance.

Il s'ensuit que la prescription quinquennale a commencé à courir à compter du 15 janvier 2012 et ce quelle qu'ait été l'attitude de la société Portafeu à son égard et quand bien même elle n'aurait pas communiqué à M. [E] l'information lui permettant d'émettre sa facture de commission.

M. [E] n'ayant pas délivré l'assignation ayant saisi le tribunal de commerce de Lyon avant le 17 octobre 2019, son action est prescrite et est irrecevable.

A titre surabondant, la cour constate que dès le 31 mars 2013, M. [E] a demandé à la société Portafeu de lui transmettre les factures des travaux déjà exécutés sur le chantier du « Musée des Confluences » au motif qu'il était en possession d'un courrier électronique émanant de la société Portafeu selon lequel les plans d'exécution avaient déjà été établis depuis le 28 juin 2010. Il s'ensuit que depuis le 31 mars 2013, M.[E] s'est convaincu que la société Portafeu n'entendait pas exécuter de bonne foi le protocole les liant et que, faute de diligences effectués par l'appelant entre cette dernière date et le 17 octobre 2019, l'action intentée par M. [E] est également prescrite de ce chef.

Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement du tribunal de commerce d'Evreux du 2 juin 2022 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [E] aux dépens de la procédure d'appel ;

Condamne M. [E] à payer à la société Assa Abloy la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.