Cass. com., 10 février 2015, n° 12-13.052
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
M. Rémery
Avocat général :
Mme Pénichon
Avocats :
Me Le Prado, SCP Richard, SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur la demande de mise hors de cause :
Attendu que le pourvoi ne formule aucune critique contre le chef de l'arrêt ayant écarté la responsabilité de M. X... et la garantie de son assureur, la société MMA IARD assurances mutuelles ; qu'il y a donc lieu d'accueillir leur demande ;
Sur le moyen unique :
Vu l'arrêt du 22 mai 2013 rendu par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation ;
Vu l'article 4, paragraphes 2, 4 et 5, de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Va Tech JST (la société Va Tech) a chargé, par contrat du 24 septembre 2002, la société SAFRAM intercontinental (la société SAFRAM), établie en France, d'organiser le déplacement d'un transformateur électrique depuis le port d'Anvers (Belgique), où il avait été débarqué en provenance des États-Unis, jusqu'à son principal établissement à Lyon ; que la société SAFRAM, agissant sous son nom, mais pour le compte de la société Va Tech, a confié à la société Haeger & Schmidt GmbH (la société Haeger), établie en Allemagne, le soin de faire exécuter la partie fluviale du déplacement ; que la société Haeger a choisi à cette fin M. X..., domicilié en France, propriétaire de la péniche « El-Diablo » immatriculée en Belgique ; que, lors du chargement à son bord du transformateur, celui-ci a glissé dans la cale, provoquant le chavirement du bateau qui a sombré avec sa cargaison ; que la société Va Tech, puis ses assureurs subrogés, les sociétés Axa Corporate solutions et Ace Insurance NV (les assureurs), ont demandé réparation du préjudice à la société SAFRAM, mise ensuite en liquidation judiciaire, et à la société Haeger ; que l'arrêt condamne celle-ci à payer aux assureurs une indemnité, après avoir retenu que sa responsabilité devait s'apprécier sur le fondement de la loi française ; que, par arrêt du 22 mai 2013, la Cour de cassation a sursis à statuer sur le pourvoi de la société Haeger et interrogé, à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne ;
Attendu que, par arrêt du 23 octobre 2014 (n° C-305/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit :
« 1°/ L'article 4, paragraphe 4, dernière phrase, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, doit être interprété en ce sens que cette disposition s'applique à un contrat de commission de transport uniquement lorsque l'objet principal du contrat consiste dans le transport proprement dit de la marchandise concernée, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier ;
2°/ L'article 4, paragraphe 4, de ladite convention doit être interprété en ce sens que la loi applicable à un contrat de transport de marchandises doit, à défaut de pouvoir être fixée en application de la deuxième phrase de cette disposition, être déterminée en fonction de la règle générale prévue au paragraphe 1 de cet article, c'est-à-dire que la loi régissant ce contrat est celle du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits ;
3°/ L'article 4, paragraphe 2, de la même convention doit être interprété en ce sens que, dans l'hypothèse où il est fait valoir qu'un contrat présente des liens plus étroits avec un pays autre que celui dont la loi est désignée par la présomption figurant audit paragraphe, le juge national doit comparer les liens existant entre ce contrat et, d'une part, le pays dont la loi est désignée par la présomption et, d'autre part, l'autre pays concerné. À ce titre, le juge doit tenir compte de l'ensemble des circonstances, y compris l'existence d'autres contrats liés au contrat en cause ;
Attendu que, pour soumettre à la loi française la responsabilité contractuelle de la société Haeger, l'arrêt retient que le droit allemand, dont elle revendique l'application, n'a aucune vocation à régir un contrat de transport au sens de la convention susvisée, auquel cette société est partie, dès lors qu'il a été conclu pour le compte de la société Va Tech et par l'intermédiaire de la société SAFRAM, toutes deux établies en France, et que le lieu prévu pour le déchargement est également situé dans ce pays ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir qualifié le contrat liant la société Haeger de contrat de commission de transport aux motifs qu'il avait pour objet l'organisation d'un transport par voie fluviale, que la mission de la société Haeger excédait celle d'un simple affréteur et que le choix du moyen de transport ainsi que celui du batelier lui appartenait, sans préciser, dès lors, en quoi ce contrat aurait eu pour objet principal le transport proprement dit, seul cas où un contrat de commission de transport est assimilable à un contrat de transport au sens de l'article 4 § 4 de la convention susvisée, la cour d'appel qui, dans l'hypothèse où elle ne pouvait retenir cette dernière qualification, aurait dû procéder à une comparaison effective, en fonction de l'ensemble des circonstances, des liens existant entre le contrat et, respectivement, l'Allemagne, la Belgique et la France pour déterminer celui de ces pays avec lequel ils étaient les plus étroits, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, infirmant le jugement entrepris, il déclare irrecevables l'ensemble des demandes présentées contre M. X... et la société MMA IARD assurances mutuelles et leur alloue la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 2 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.