CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 23 mai 2019, n° 18/16513
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Ventech Capital III Fonds Professionnel de Capital Investissement (Sté), FCPI Idinvest Croissance (Sté), OFCPI SG Innovation (Sté), OFCPI Capital Croissance N°5 (Sté), FCPI Idinvest Patrimoine 2 (Sté), FIP Croissance Grand Est 5 (Sté), FIP Convergence Fortuna 5.0 (Sté), FIP Patrimoine Bien Être (Sté), Idinvest Expansion 2015 (SA), FCPI Capital Croissance 3 (Sté), Mount Silver (Sté), FCPI Objectif Innovation Patrimoine N°5 (Sté), FIP Sigma Gestion Fortuna 3 (Sté), FIP Patrimoine Bien Être 2 (Sté), FCPI Objectif Innovation Patrimoine 3 (Sté), FCPI La Banque Postale Inno (Sté), FCPI Capital Croissance 4 (Sté), FCPI Stratégie PME 2011 (Sté), FCPI Idinvest Patrimoine (Sté), FCPI Allianz Eco Innovation 3 (Sté), FCPI Objectif Innovation 5 (Sté)
Défendeur :
Mount Silver (Sté), Groupe Sebbin (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Picard
Conseillers :
Mme Rohart-Messager, Mme Delière
La Sas Groupe Sebbin a été créé en janvier 2010 suite au rachat du fonds d'activité des laboratoires Sebbin, qui était en liquidation judiciaire, par la société Mount Silver détenue par M. P., par M. P. et par M. Van G.. Elle est spécialisée dans les prothèses et les implants destinés à la chirurgie esthétique et réparatrice.
M. P. était le président de la Sas Groupe Sebbin. Il occupait également des fonctions salariées de directeur marketing. M. Van G. était directeur général et directeur administratif et financier.
En 2011, puis 2013 et 2015, à la suite d'une augmentation de capital, vingt fonds d'investissement (ci-après «'les Fonds'») représentés par les sociétés Ventech, ID Invest Parterns, Sigma Gestion, Sofigue SPRL, FAPRC, et ID Invest Expansion 2015, sont entrés au capital de Groupe Sebbin.
Le capital de la société était ainsi réparti après l'augmentation de capital :
M. P. et la société Mount Silver : 38,54 %
les fonds Ventech, ID Invest et Sigma : 41,03 %
Un pacte a été conclu le 8 juin 2015 entre les actionnaires, qui stipule notamment une promesse unilatérale de vente des titres de M. P. en cas de démission, licenciement ou révocation, au profit des actionnaires qui exerceraient l'option d'achat convenue dans les six mois de l'événement, les titres de M. P. étant alors répartis entre eux à l'amiable, ou à défaut, au prorata de leur participation.
Une assemblée générale a été convoquée le 8 août 2017 pour le 23 août, pour statuer sur la révocation de M. P., mais celui-ci a démissionné le 22 août.
Le 23 septembre 2017, la société Mount Silver détenue par M. P. a notifié à M. P. l'exercice de son option d'achat sur la totalité de ses titres. M. P. ayant accepté, un protocole de cession a été régularisé le 3 octobre 2017.
Le 4 octobre 2017, M. P. a informé les autres actionnaires de la décision de Mount Silver d'exercer l'option d'achat des titres de M. P. au prix de 1,4 million d'euros.
Le 9 octobre 2017,'les Fonds'ont notifié à M. P. leur souhait d'exercer leur option d'achat en lui rachetant, au prorata de sa participation, les titres qu'il avait acquis de M. P..
M. P., au nom de Mount Silver, a refusé, soutenant que M. P. était en droit de ne céder ses titres qu'à Mount Silver, seule à avoir exercé l'option sur la totalité des titres, la cession étant intervenue le 3 octobre 2017 et retranscrite sur le registre du mouvement des titres de la société.
Soutenant que cette cession est en contradiction avec le pacte et bouleverse l'équilibre actionnarial de la société, les Fonds ont saisi le tribunal de commerce de Paris aux fins d'annuler la cession. Ils ont obtenu en référé le 20 décembre 2017 la mise sous séquestre des 42.590 actions cédées.
Autorisés à assigner à bref délai par ordonnance du 20 décembre 2017, les Fonds ont assigné devant le tribunal de commerce de Paris MM. P. et P. ainsi que les sociétés Mount Silver et Groupe Sebbin par acte extrajudiciaire des 21 et 22 décembre 2017.
Par jugement du 25 mai 2018, le tribunal de commerce de Paris a :
. dit nulle pour dol la cession des 42.590 actions de la société Groupe Sebbin intervenue le 3 octobre 2017 entre M. Olivier P. et la société Mount Silver,
. condamné in solidum M. Patrick P. et la société Mount Silver à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 300 euros à chacune des parties demanderesses, ainsi que la somme de 6.000 euros à M. Olivier P.,
. ordonné l'exécution provisoire.
M. Patrick P. et la société Mount Silver ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 28 juin 2018.
Les Fonds ont interjeté appel incident par déclaration du 9 juillet 2018.
Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 6 mars 2019, M. Patrick P. et la société Mount Silver demandent à la cour d'appel de :
- les dire et juger recevables et bien fondés en leur appel, et dire et juger les Fonds mal fondé,
- dire et juger que le défaut de motivation entache de nullité le Jugement du 25 mai 2018 entrepris,
- dire et juger nul et de nul effet le Jugement entrepris sur les dispositions querellées, avec toutes ses conséquences de droit et de fait,
- condamner, en tant que de besoin M. Olivier P. à restituer la somme de 6.000 euros qui lui aura été réglée, avec intérêts de droit à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- dire et juger que les éléments de la cession à savoir le nombre de parts cédées, l'identité des cessionnaires et le prix des actions étaient déterminés ou déterminables de par les dispositions du Pacte d'actionnaire du 8 juin 2015,
- dire et juger qu'aucune contestation sur l'objet ou le prix de cession n'a été relevée par M. Olivier P.,
- dire et juger que M. Olivier P. ne fait état d'aucun élément du contrat de cession de 42590 actions de la société Groupe Sebbin intervenue le 3 octobre 2017 qui aurait été altéré par les manœuvres alléguées,
- dire et juger que la société Mount Silver et M. Patrick P. n'ont usé d'aucune manœuvre dolosive susceptible de caractériser un dol ;
En conséquence, infirmer le Jugement du 25 mai 2018 en ce qu'il a :
. Dit nulle pour dol la cession de 42590 actions de la société Groupe Sebbin intervenue le 3 octobre 2017 entre M. Olivier P. et la société Mount Silver,
. Condamné in solidum M. Patrick P. et la société Mount Silver à payer au titre de l'article 700 du CPC la somme de 6.000 euros à M. P.,
. Condamné in solidum M. Patrick P. et la société Mount Silver aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 567,55 euros dont 94,38 euros de TVA et en ce qu'il a débouté M. Patrick P. et la société Mount Silver de leur demande visant à voir condamner M. Olivier P. à leur verser 30.000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du CPC.
- débouter M. Olivier P. de ses demandes fins et conclusions en ce compris sa demande de nullité de la cession de ses 42.590 titres ;
- condamner M. Olivier P. à verser à Mount Silver et M. Patrick P. la somme de 50.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et le condamner aux entiers dépens.
A titre encore plus subsidiaire,
- condamner M. Olivier P. à verser à Mount Silver et Monsieur Patrick P. la somme de 50.000 euros en remboursement des sommes versées en exécution de la cession de 42590 actions de la société Groupe Sebbin intervenue le 3 octobre 2017 entre Monsieur Olivier P. et la société Mount Silver,
et sur l'appel incident des Fonds,
- dire et juger que les Fonds n'ont pas respecté les termes et délai prévus au Pacte d'actionnaires du 8 juin 2015 pour exercer une option d'achat des titres de M. Olivier P. ;
- dire et juger que l'option exercée par la société Mount Silver sur la totalité des 42.590 titres de M. Olivier P. est intervenue en conformité avec les stipulations du Pacte d'actionnaires du 8 juin 2015 ;
- dire et juger que le Pacte d'actionnaires du 8 juin 2015 ne prévoyant pas de sanction de nullité des cessions intervenues en méconnaissance de ses stipulations et les Fonds n'alléguant ni ne démontrant une quelconque collusion entre Mount Silver et M. Olivier P.;
- débouter les Fonds de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- débouter les fonds Ventech, les ID Invest, les Sigma et ID Invest Expansion 2015 de leur appel et confirmer le jugement sur les points par eux critiqués,
- condamner in solidum les fonds Ventech, les ID Invest, les Sigma et ID Invest Expansion 2015 à verser à la société Mount Silver et à M. Patrick P. la somme de 50.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et les condamner aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 20 mars 2019 , les sociétés Ventech Capital III, FCPI Capital Croissance 3, FCPI Objectif Innovation Patrimoine 3, FCPI La Banque Postale Innovation 11, FCPI Capital Croissance 4, FCPI Stratégie PME 2011, FCPI ID Invest Patrimoine, FCPI Allianz Eco Innovation 3, FCPI Objectif Innovation 5, FCPI ID Invest Croissance, FCPI SG Innovation 2011, FCPI Capital Croissance N°5, FCPI Objectif Innovation Patrimoine N°5, FCPI ID Invest Patrimoine 2, FIP Croissance Grand Est 5, FIP Sigma Gestion Fortuna A 3, FIP Convergence Fortuna 5.0, FIP Patrimoine Bien Etre, FIP Patrimoine Bien Etre 2, et ID Invest Expansion 2015, demandent à la cour de :
- infirmer le jugement du 25 mai 2018 en ce qu'il a débouté les Fonds de leur demande d'annulation de la cession des 42.590 actions (34.519 actions ordinaires et 8.071 actions de préférence A2) de la société Groupe Sebbin appartenant à M. P. à la société Mount Silver le 3 octobre 2017 en ce qu'elle a été réalisée au mépris des stipulations du pacte d'actionnaires du 8 juin 2015,
- dire et juger que la cession des 42.590 actions de la société Groupe Sebbin cédées par M. P. à la société Mount Silver le 3 octobre 2017 s'est faite en violation des stipulations du pacte d'actionnaires du 8 juin 2015,
- annuler la cession des 42.590 actions de la société Groupe Sebbin cédées par M. P. à la société Mount Silver le 3 octobre 2017 sur ce fondement,
- infirmer le jugement du 25 mai 2018 en ce qu'il a condamné M. P. et Mount Silver à payer la somme de 300 euros à chacun des Fonds sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. P. et Mount Silver à payer la somme de 35.000 euros à chacun des Fonds au titre de leurs frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. P. et Mount Silver à payer la somme de 40.000 euros à chacun des Fonds au titre de leurs frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner M. P. et Mount Silver aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Jeanne B.,
- confirmer le jugement du 25 mai 2018 pour le surplus.
Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 17 janvier 2019 , M. Olivier P. demande à la cour de :
- dire et juger que son consentement à conclure la cession du 3 octobre 2017 avec Mount Silver a été vicié par le dol de M. Patrick P., agissant en qualité de mandataire social de Mount Silver ;
- confirmer le jugement rendu le 25 Mai 2018 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a annulé la cession des 42.590 actions de Groupe Sebbin en date du 3 octobre 2017 sur le fondement du dol ;
- dire et juger que M. Patrick P. et la société Mount Silver devront relever et garantir M. Olivier P. de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre du fait de l'annulation ou de l'irrégularité de la cession ;
- débouter M. Patrick P. et la société Mount Silver de leur demande de condamnation de M. Olivier P. au paiement de la somme de 80.000 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile ;
- donner acte à M. Olivier P. qu'il se réserve le droit de compléter ses demandes, notamment indemnitaires, en cours d'instance ;
- condamner in solidum les appelants à régler à M. Olivier P. la somme de 25.000 euros chacun au titre l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Sur la demande de nullité du jugement
M. P. et la société Mount Silver soutiennent que le tribunal a voulu sanctionner une forme de violence qu'il estimait avoir été infligée à M. P. afin de lui faire vendre ses actions et non pas un dol, pourtant retenu dans le dispositif du jugement. Ils soutiennent ainsi que la décision repose sur des motifs impropres à la fonder.
La cour relève que le tribunal de commerce a notamment retenu des manoeuvres émanant de Monsieur P. destinées à convaincre Monsieur P. de lui céder ses actions en lui faisant croire que les Fonds avaient donné leur accord à la transaction et en lui faisant croire qu'il allait être révoqué de ses fonctions.
Ainsi et quand bien même des faits de violence ont également été relevés, ces motifs sont suffisants à caractériser un dol.
Il convient en conséquence de débouter Monsieur P. et la société Mount Silver de leur demande de nullité du jugement.
M. P. soutient que M. P., mandataire de la société Mount Silver, a vicié son consentement à la cession en lui faisant croire d'une part que les Fonds étaient informés du projet de cession et ne comptaient pas exercer l'option d'achat des titres, alors qu'ils n'ont appris son existence que deux jours après la signature de l'acte, et d'autre part que s'il ne cédait pas ses titres au plus vite, ceux-ci seraient placés sous séquestre par Mme C., représentante des Fonds. M. P. soutient que M. P. a exercé à son encontre diverses pressions, tant à l'oral qu'à l'écrit, et a ainsi abusé de sa situation de faiblesse, alors qu'il se trouvait dans une situation financière précaire et qu'il était privé de tout contact avec la direction du Groupe Sebbin et les autres co-actionnaires.
M. P. et la société Mount Silver soutiennent qu'aucun dol n'est caractérisé en l'espèce. Ils font valoir que M. P. était tenu, aux termes de l'article 4.5 du pacte d'actionnaires, de céder ses parts en cas de cessation de ses fonctions, qu'il ne pouvait choisir de vendre ses titres à d'autres actionnaires puisque seule Mount Silver avait levé l'option dans les délais, et enfin que le prix de cession, qui était très avantageux pour M. P., a été librement accepté, et ce d'autant plus qu'il était dans l'intérêt de M. P. de formaliser rapidement un protocole de cession pour ne pas se voir appliquer un prix de rachat de ses actions décôté.
M. P. et la société Mount Silver soutiennent n'avoir exercé aucune menace ni pression sur leur cocontractant, dès lors que ni les rappels insistants, ni la menace d'une voie de fait ne constituent des violences. Ils précisent que les Fonds ont ultérieurement obtenu la mise sous séquestre des actions de M. P., preuve que cette action était fondée. M. P. et la société Mount Silver rappellent en tout état de cause que M. P. n'a jamais prétendu qu'il aurait cédé ses titres à des conditions différentes en l'absence de ces prétendues pressions.
Il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur P. a démissionné de ses fonctions le 22 août 2017, un jour avant l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires dont l'ordre du jour était la révocation ou le maintien de Monsieur P..
Le Pacte d'actionnaire dans son article 4.5 stipule que le dirigeant qui quitte ses fonctions soit par démission soit après avoir été révoqué, doit céder ses actions aux actionnaires bénéficiaires d'une option d'achat. Le prix des actions ainsi cédées diffère selon que le dirigeant est révoqué ou selon qu'il démissionne. Il est plus avantageux si le dirigeant démissionne.
Monsieur P. a été victime d'un accident cardiaque en juillet 2017 et a été hospitalisé pendant quelques semaines. Il a été convoqué à une assemblée générale extraordinaire devant se tenir le 23 août 2017 chargée de décider de sa révocation éventuelle. Il n'ignorait pas que si il était révoqué le prix qu'il recevrait de la cession de ses actions serait bien moindre que s'il démissionnait. C'est ainsi qu'il a accepté de céder ses actions à la société Mount Silver.
La lecture des courriels échangés entre Monsieur P. et Monsieur P. montre que ce dernier a effectivement fait pression sur Monsieur P. pour l'acquisition de ses titres le menaçant de ne pas les acheter et lui laissant croire que les Fonds n'étaient pas intéressés.
Cependant, Monsieur P. ne soutient pas qu'il ne voulait pas céder ses actions ou qu'il aurait pu les céder à un prix plus avantageux. Il n'établit pas qu'il n'aurait pas donné son consentement à la cession si ces manoeuvres n'avaient pas eu lieu.
Le dol affectant le consentement du débiteur principal est destinée à protéger ce dernier.
De fait le prix de cession de ses actions était le prix déterminé par le Pacte dans l'hypothèse la plus favorable et Monsieur P. n'aurait pas pu percevoir un meilleur prix s'il les avait cédées aux autres actionnaires ayant levé l'option.
Les pressions exercées par Monsieur P. n'avaient, semble-t-il, d'autre but que de conclure la cession au plus vite et de prendre de court les autres actionnaires.
Le dol sanctionne un vice du consentement et répare le préjudice subi par le co-contractant.
Or Monsieur P. n'a subi aucun préjudice puisqu'il a cédé ses actions au prix le plus favorable stipulé dans le Pacte.
Dès lors la cour infirmera le jugement attaqué et déboutera Monsieur P. de sa demande.
Les Fonds soutiennent que la cession des actions de M. P. à la société Mount Silver a été faite en violation de l'article 4.5 du pacte d'actionnaires, dont ils contestent l'interprétation faite par le tribunal. Selon les Fonds, le défaut de rédaction de cet article, par lequel il est stipulé d'une part que le promettant doit céder ses titres dans les 30 jours de l'exercice de l'option, et d'autre part que les bénéficiaires ont six mois pour exercer l'option, doit s'interpréter suivant l'intention des parties, qui a été de faciliter l'exercice de l'option par chacun des bénéficiaires. Ainsi, ils soutiennent que le délai de six mois vise la période ouverte pour opter, peu important qu'un bénéficiaire de l'option ait ou non exercé son option sur les titres du dirigeant sortant, et qu'à l'issue de ces six mois, le cédant est tenu d'exécuter ses obligations dans un délai de 30 jours. Les Fonds font valoir que M. P. ayant démissionné le 22 août 2017, le délai d'exercice de l'option expirait le 22 février 2018 ; en conséquence, le transfert de titres intervenus avant cette date au profit d'un seul bénéficiaire de l'option, la société Mount Silver, constitue une violation de l'article 4.5 du pacte qui doit être sanctionnée par la nullité.
Ils ajoutent que dans l'hypothèse où la cour considérerait que le pacte instaure un délai de 30 jours pour lever l'option à compter de la notification, qu'un premier bénéficiaire a déjà fait valoir son droit,
elle devrait constater que ce délai n'a pu commencer à courir faute de notification. Selon eux, l'information donnée oralement par M. P. le 4 octobre 2017 aux seuls fonds ne peut constituer un point de départ valable dès lors qu'en application de l'article 4.1 du pacte, le débiteur de l'obligation d'information est le cédant et non pas le cessionnaire. Ils ajoutent que même si Mount Silver avait été en mesure de se substituer à M. P., cette notification n'a pas respecté les formes prévues à l'article 14.6 du pacte, et n'a été réalisée que postérieurement à la cession et aux seuls Fonds, alors que l'article 4.1 impose une notification a priori et à l'ensemble des parties au pacte.
A titre surabondant, les Fonds soutiennent que même à supposer que le délai de 30 jours ait commencé à courir à compter de l'information donnée par M. P. le 4 octobre 2017, aucune forclusion ne peut leur être opposée puisqu'ils ont levé l'option dès le 9 octobre 2017, par un courrier adressé au cessionnaire M. P., puis à nouveau le 6 novembre 2017, par un courrier adressé au cédant M. P.. S'agissant du premier courrier, ils précisent que la levée d'option était valable même si le pacte prévoit qu'elle devait être adressée au cédant et non pas au cessionnaire, dès lors que M. P. était déjà propriétaire des fonds litigieux depuis le 3 octobre 2017, et que si la notification a pu être valablement faite par le cessionnaire, alors par parallélisme la levée de l'option pouvait également lui être notifiée.
M. P. et la société Mount Silver soutiennent que l'article 4.5 du pacte d'actionnaires prévoyait un premier délai de six mois ayant pour finalité de définir la durée de validité de la promesse de vente consentie par le dirigeant, et un second délai de 30 jours pour réaliser la cession à compter de la levée de l'option par l'un des bénéficiaires, l'intention des parties au pacte ayant été avant tout de sécuriser le capital de la société. Ils soutiennent avoir valablement exercé leur option d'achat le 25 septembre 2017, soit dans le délai de six mois courant à compter de la démission de M. P. le 22 août 2017, les autres parties au pacte ayant donc jusqu'au 25 octobre 2017 pour lever l'option. Or, selon M. P. et la société Mount Silver, si les Fonds ont eu connaissance de la levée de l'option par cette dernière le 4 octobre 2017, ils n'ont notifié leur souhait de lever à leur tour l'option d'achat sur la totalité des titres que le 6 novembre 2017, soit après l'expiration du délai de 30 jours. Ils soutiennent en effet que le courrier du 9 octobre 2017 ne vaut pas levée d'option faute d'avoir été adressé au cédant. Ils précisent enfin qu'aucune condition de forme n'était attachée à l'information des Fonds de la levée d'option par Mount Silver puisqu'une telle notification incombait à M. P. ; M. P., n'ayant fait que pallier ce manquement, n'avait pas à respecter le formalisme prévu par le pacte.
M. P. soutient qu'il pensait légitimement que tous les actionnaires étaient informés de l'exercice de l'option d'achat par Mount Silver. Il verse à cet effet la copie de son courrier d'acceptation de la levée d'option de Mount Silver, qu'il a adressée au Groupe Sebbin le jour même de l'envoi à Mount Silver. Selon lui, le Groupe Sebbin aurait dû l'avertir, en application des dispositions de l'article 14.5 du Pacte qui fait du Groupe Sebbin le garant de la conformité de toute cession aux stipulations du Pacte, de ce qu'il était tenu d'informer l'ensemble des associés de l'existence de la cession par courrier séparé. Il soutient également qu'il n'a été informé que le 6 novembre 2017 de l'intention des Fonds d'acquérir ses titres de Groupe Sebbin, soit après l'expiration du délai qui lui était imparti pour céder ses actions à Mount Silver. Il fait enfin valoir qu'il ne pouvait connaître la position des Fonds dès lors qu'il n'a plus eu aucun contact avec les actionnaires après sa démission, à l'exception de la société Mount Silver via M. P..
Les parties signaient un Pacte d'actionnaires le 8 juin 2017. Ce pacte se substituait à un Pacte précédent signé le 30 spetmebre 2011 modifié par avenant le 1er juillet 2014.
L'article 4.5.1 du Pacte conclu le 8 juin 2015 stipule qu'en cas de cessation des fonctions au sein de la société par l'un des dirigeants, que ce soit suite à sa démission ou à une 'Cessation Fautive de Fonctions', ou encore suite à une violation par le dirigeant de son obligation de non concurrence, chacun des investisseurs bénéficiera d'une option d'achat des actions ( qu'il pourra exiger en cas de cessation fautive des fonctions) pendant six mois à compter de la date de la lettre de démission adressé par le Promettant à la Société ( ou de la réception de la lettre de licenciement). La cession doit alors se faire dans un délai de trente jours à compter de l'exercice de l'option d'achat.
La cour relève avec les premiers juges que les stipulations du pacte sont particulièrement confuses aussi bien sur les délais à respecter que sur les conditions de la promesse de vente des actions puisque l'article 4.5.1 ne mentionne que la 'cessation fautive des fonctions' et la violation de la clause de non-concurrence comme ouvrant l'obligation pour le dirigeant de céder ses actions avec option d'achat par les actionnaires. Néanmoins sur ce dernier point les parties admettent implicitement que la stipulation s'applique également à la démission du dirigeant.
Les stipulations précitées du Pacte n'étant pas claires et précises il appartient au juge de les interpréter en recherchant la commune intention des parties.
A cette fin la cour a examiné notamment l'économie générale du Pacte ainsi que les stipulations du pacte relatives à la procédure à suivre en cas de cession des actions ouvrant droit à droit de préemption de l'article 4.2 du Pacte.
La procédure à suivre dans ce dernier cas de figure ne prévoit qu'un délai de trente jours pour exercer l'option par le bénéficiaire de l'offre à compter de la date de notification de cession. A l'expiration de ce délai le Président de la société qui a pour mission de centraliser les notifications reçues des parties notifie dans un délai de cinq jours à compter de l'expiration du délai de trente jours le résultat de la centralisation des offres. Les cessions ont alors lieu en répartissant les titres proportionnellement au nombre d'actions détenues par l'ensemble des bénéficiaires de l'offre ayant exercé leur droit de préemption.
La procédure de l'article 4.5.1 du pacte, applicable à l'espèce prévoit un délai de six mois pour exercer l'option puis un délai de trente jours à compter de l'option d'achat pour la cession elle-même. Le délai de six mois court à compter de la date de la lettre de démission et non à compter de la connaissance par les actionnaires bénéficiaires du droit de préemption de la démission du dirigeant. Le délai de trente jours court à compter de la levée de l'option d'achat. Le cédant doit cependant informer les autres Parties, préalablement à la cession, de son intention de céder ses actions conformément à l'article 4.1.2 du Pacte qui apparaît applicable dans la quasi totalité des cessions. L'article 14.6 du Pacte stipule plus généralement que toute notification est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception(...) Adressée au siège social ou au domicile de la partie concernée.
Le délai de six mois pour exercer l'option d'achat est incompatible avec le délai de trente jours pour rendre la cession effective sauf à appliquer le principe selon lequel le premier à exercer l'option serait le premier servi, principe qui ne respecte pas le droit des actionnaires et dont aucune mention ne figure dans le Pacte. De même si une telle interprétation était retenue, la cession se ferait en plusieurs étapes, une cession au premier bénéficiaire qui ensuite céderait les actions qu'il a préemptées à ceux exerçant l'option plus tard mais dans les délais avec à la fin du délai de six mois la remise en cause de l'ensemble des cessions en fonction de la règle du prorata.
Enfin, interpréter le Pacte comme le suggèrent Monsieur P. et la société Mount Silver reviendrait à méconnaître le délai de six mois stipulé pour exercer l'option et à ne retenir qu'un délai de trente jours courant à compter de la connaissance par les actionnaires de leur droit d'exercer l'option, délai qui n'est stipulé que pour la cession à compter de l'option d'achat et non pour lever l'option.
La cour considère que les stipulations de l'article 4.5 doivent s'interpréter à la lumière de celles de l'article 4.2, soit un délai de six mois pour exercer l'option puis un délai de trente jours pour la mettre en oeuvre, ce qui permet de répartir les actions au prorata des actions détenues par les actionnaires exerçant l'option conformément à l'article 4.5.2 du pacte paragraphe 3.
Monsieur P. a démissionné de ses fonctions le 22 août 2017. Il n'a pas informé les bénéficiaires de l'option d'achat de sa démission. Les bénéficiaires de l'option avaient donc jusqu'au 22 février 2018 pour exercer leur option d'achat sur ses actions.
La société Mount Silver a exercé son option le 25 septembre 2017 en se référant curieusement aux dispositions du Pacte du 30 septembre 2011 qui n'était plus en vigueur et la cession a eu lieu le 3 octobre 2017.
Cette cession a été effectuée en violation du droit des autres bénéficiaires de l'option. Ceux-ci ont exercé leur option d'achat le 9 octobre 2017 auprès de Monsieur P., alors propriétaire des actions de Monsieur P. pour avoir levé l'option le premier et avoir conclu la cession le 4 octobre, puis à Monsieur P. le 6 novembre 2017 devant le refus de la société Mount Silver de leur céder les actions litigieuses au prorata de leurs participations et de leurs demandes.. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Sur la sanction de la violation du pacte
M. P. et la société Mount Silver soutiennent que la demande d'annulation de la cession des titres de M. P. par les Fonds ne peut prospérer faute pour ces derniers de préciser le fondement juridique de leur demande. Ils font valoir que le pacte d'actionnaires ne contient aucune clause prévoyant la nullité des cessions intervenues en violation de ses dispositions. Ils soutiennent que les Fonds ne peuvent se voir allouer qu'une indemnisation de leur éventuel préjudice, et qu'en tout état de cause celle-ci ne pourrait être dirigée qu'à l'encontre de M. P., seul à avoir manqué à ses obligations au titre du pacte.
Les Fonds opposent qu'en cas de violation d'un pacte d'actionnaires, la sanction de principe est la nullité de la cession réalisée en contravention des stipulations applicables. Ils soutiennent que les obligations de faire ne se résolvent pas uniquement en dommages et intérêts, et que l'exécution forcée des obligations prévues au titre du pacte d'actionnaires est possible même dans le cas où les parties ne l'aurait pas expressément prévue. Ils ajoutent que la sanction de la nullité est la seule susceptible d'empêcher l'accaparement du capital et des droits de vote de la société.
M. P. demande à ce que M. P. et la société Mount Silver soient condamnés à le relever et à le garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre du fait de l'annulation de la cession pour non-respect des stipulations du pacte.
La cour rappelle qu'en application du droit commun des obligations et notamment de l'article 1142 du code civil l'inexécution d'une convention extra statutaire, tel un pacte d'actionnaire, se résout en dommages et intérêts.
Il en va cependant différemment lorsque la violation a été commise par un associé à son seul profit. En effet dans cette hypothèse l'associé ne peut méconnaître les obligations que le Pacte, dont il est signataire, met à sa charge et sa situation est alors comparable à celle d'un tiers qui aurait violé un pacte en toute connaissance de cause suite à une collusion frauduleuse avec l'autre partie.
Dans ce cas il est possible d'annuler l'acte de cession.
En l'espèce, le bénéficiaire de l'option d'achat est la société Mount Silver, signataire du Pacte et qui ne pouvait donc ignorer qu'elle ne pouvait exercer seule son option d'achat sur les titres détenus par Monsieur P., excluant ainsi les autres bénéficiaires de l'option en les mettant devant le fait accompli.
La cession sera en conséquence annulée.
Aucune demande n'étant introduite à l'encontre de Monsieur Olivier P. du fait de l'annulation de la cession, sa demande de garantie est sans objet.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Monsieur P. et la société Mount Silver succombant totalement dans leurs prétentions à l'encontre des Fonds il paraît équitable de les condamner in solidum à payer à chacun des Fonds la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au total pour ce qui concerne la procédure de première instance et la procédure d'appel.
En revanche la demande de Monsieur P. et de la société Mount Silver à l'encontre de Monsieur P. sera rejetée, l'absence de dol ne la justifiant pas et la demande de Monsieur P. à l'encontre des appelants également.
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu patr le tribunal de commerce de Paris le 25 mai 2018,
Déboute Monsieur P. et la société Mount Silver de leur demande de nullité du jugement,
Déboute Monsieur P. de sa demande d'annulation de la cession de ses actions pour dol,
Déboute Monsieur P. de toutes ses autres demandes,
Annule l'acte de cession des 42.590 actions de la société Groupe Sebbin intervenue le 3 octobre 2017 entre Monsieur Olivier P. et la société Mount Silver pour violation du Pacte d'actionnaires,
Déboute Monsieur P. et la société Mount Silver de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne in solidum Monsieur P. et la société Mount Silver à payer la somme de 7.000 euros chacun à FCPR VENTECH CAPITAL III, FCPI CAPITAL CROISSANCE 3, FCPI OBJECTIF INNOVATION PATRIMOINE, FCPI LA BANQUE POSTALE INNOVATION 11, FCPI CAPITAL CROISSANCE 4, FCPI STRATEGIE PME 2011, FCPI IDINVEST PATRIMOINE, FCPI ALLIANZ ECO INNOVATION 3, FCPI OBJECTIF INNOVATION 5, FCPI IDINVEST CROISSANCE, FCPI SG INNOVATION 2011, FCPI CAPITAL CROISSANCE N°5, FCPI OBJECTIF INNOVATION PATRIMOINE N°5, FCPI IDINVEST PATRIMOINE 2, FIP CROISSANCE GRAND EST 5, FIP SIGMA GESTION FORTUNA 3, FIP CONVERGENCE FORTUNA 5.0, FIP PATRIMOINE BIEN-ETRE, FIP PATRIMOINE BIEN-ETRE 2, et IDINVEST EXPANSION 2015.
Condamne in solidum Monsieur Patrick P. et la société Mount Silver aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.