CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 13 juin 2019, n° 18/20448
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Financière Amplegest (SAS), Invest Securities Holding (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Picard
Conseillers :
Mme Rohart-Messager, Mme Delière
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Amplegest, ayant pour activité la gestion de portefeuilles pour le compte de tiers, était détenue au 30 avril 2010 par la société Invest Securities Holding à hauteur de 35% et pour le reste par ses fondateurs Mrs D., L., G. et M..
En mai 2010, dans le cadre d'une opération dite 'owner buy out' la société Financière Amplegest, créée à cet effet, détenue à hauteur de 44,17% par la société Invest Securities Holding et pour le surplus par les dirigeants et les salariés de la société Amplegest, a racheté l'intégralité du capital social d'Amplegest, M. M. étant devenu propriétaire de 90 831 actions de la nouvelle société et par ailleurs salarié de la société Amplegest en qualité de gestionnaire de portefeuille.
Le 23 juillet 2010, un pacte a été conclu entre les associés de la société Financière Amplegest et la société Invest Securities Holding, en présence des sociétés Financière Amplegest et Amplegest.
En décembre 2013, M M. a fait part à la société Amplegest de son souhait de céder une partie de ses titres.
Le 16 janvier 2014, il a notifié au président et aux associés de la société Financière Amplegest, qui disposent aux termes du pacte d'un droit de préemption, un projet de cession de l'intégralité de ses actions à des tiers, M. Pierre-Yves C.'h, Mme Elodie C.'h et M. Stéphane M., et a sollicité l'agrément des cessionnaires en application des statuts de la société.
Les 28 janvier et 14 février 2014 la société Financière Amplegest a répondu qu'il ne pouvait en vertu de l'article 10.6 du pacte procéder à la cession des actions pendant la durée de validité de la promesse, sauf à obtenir l'accord préalable de tous les autres associés, et l'invitait à réitérer sa demande d'agrément après avoir obtenu cet accord.
Aucun des associés n'a exercé son droit de préemption.
Le 23 avril 2014 M M. a signé les actes de cession de ses titres au profit de M. et Mme C.'h et de M. M. et par acte d'huissier du 23 avril 2014 a signifié ces cessions ainsi que les actes d'adhésion des cessionnaires au pacte d'associés du 23 juillet 2010 à la société Financière Amplegest.
M. C.'h a ainsi acquis 23 000 actions de la société Financière Amplegest au prix total de 368 000 euros.
Le président de la société Financière Amplegest ayant refusé d'enregistrer les ordres de mouvement, au motif que les cessions sont nulles, M. M. a assigné la société Financière Amplegest et la société Invest Securities Holding devant le tribunal de commerce de Paris pour voir condamner la société Financière Amplegest à signer les ordres de mouvements des titres, à annuler les décisions de l'assemblée générale postérieures à la cession et à lui payer des dommages et intérêts.
Par jugement du 28 novembre 2014, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :
- ordonné à la société Financière Amplegest de signer les ordres de mouvement des titres, de les reporter sur les registres de la société sous astreinte de 5000 euros par jour de retard à compter de la justification de la notification par M. M. de cette cession à l'Autorité des marchés financiers,
- dit irrecevable la demande d'annulation des assemblées générales,
- débouté M. M. de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné la société Financière Amplegest et la société Invest Securities Holding in solidum aux dépens et solidairement à payer 20 000 euros à M. M. au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres demandes.
La société Financière Amplegest et la société Invest Securities Holding (nouvellement dénommée Invest et associés) ont fait appel le 6 janvier 2015 et ont assigné en intervention forcée M. et Mme C.'h ainsi que M. M. par actes d'huissier du 13 août 2015.
Par arrêt du 26 janvier 2016 la cour d'appel de Paris a :
- confirmé le jugement dans toutes ses dispositions,
- débouté les époux C.'h et M. M. de leurs demandes de dommages et intérêts,
- débouté la société Financière Amplegest et la société Invest Securities Holding de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnées à payer aux époux C.'h et à M.M. la somme de 2000 euros chacun et à M. M. la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Financière Amplegest et la société Invest Securities Holding aux dépens.
Sur pourvoi en cassation de la société Financière Amplegest et de la société Invest Securities Holding la cour de cassation a, par arrêt du 27 juin 2018, statué ainsi :
« Casse et annule, sauf en ce qu'il dit irrecevable M. M. en sa demande d'annulation des assemblées générales de la société Financière Amplegest, ordonne à la société Financière Amplegest de signer les ordres de mouvement des titres cédés par M. M. à Mme C.'h et M. M., rejette les demandes de dommages-intérêts formées par Mme C.'h et M. M., l'arrêt rendu le 26 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée».
Les motifs de l'arrêt sont les suivants :
«Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que pour ordonner à la société Financière Amplegest de signer les ordres de mouvement des titres cédés par M. M. à M. C.'h, l'arrêt retient que M. M. a «résilié '' la promesse de vente stipulée dans le pacte d'actionnaires, et que cette « résiliation constitue un fait juridique constant que la cour d'appel doit nécessairement prendre en compte '' ; qu'il relève que cette résiliation avec effet immédiat est intervenue avant la cession consentie à M. C.'h, et avant toute levée d'option par les bénéficiaires, qu'aucune disposition du pacte ne prévoit la sanction applicable en cas de résiliation anticipée, à la supposer fautive, et que l'article 11.3 des statuts, qui sanctionne de nullité les cessions contrevenant aux dispositions du pacte, ne se prononce pas davantage sur la sanction prévue en cas de résiliation de cette promesse, de sorte qu'il n'est pas établi que les parties aient entendu déroger aux dispositions de l'article 1142 du code civil selon lequel toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur ; Qu'en statuant ainsi, alors que la révocation unilatérale de la promesse et, par suite, la cession litigieuse constituaient une violation du pacte d'associés entraînant la nullité de la cession en application de l'article 11.3 des statuts de la société Financière Amplegest, la cour d'appel a violé le texte susvisé».
Le 27 août 2018 la société Financière Amplegest et la société Invest Securities Holding ont saisi la cour d'appel de Paris.
Les cessions au profit de Mme C. et de M. M. ne sont pas remises en cause, une transaction ayant été signée entre les parties.
La société Financière Amplegest et la société Invest Securities Holding exposent leurs moyens et leurs demandes dans leurs dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 19 mars 2019 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Elles concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. M. de sa demande de dommages et intérêts.
Elles concluent à son infirmation quant à ses autres dispositions.
Elles demandent à la cour de :
- prononcer la nullité de la cession d'actions de M. M. du 23 avril 2014 au profit de M. C.'h,
- condamner M. M. à leur payer, chacune, la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts et celle de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. M. et M. C.'h à leur rembourser les sommes versées par elles au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, dans le cadre des procédures de première instance et d'appel.
M. M. et M. C.'h exposent leurs moyens et leurs demandes dans leurs dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 26 mars 2019 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Ils concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Financière Amplegest et la société Invest Securities Holding à signer les ordres de mouvement de titres conclus entre M. M. et M. C.'h, puis à les reporter et retranscrire dans les livres et registres de la société et les a condamné solidairement à payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à M. M..
Ils réclament la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1) Sur la demande de nullité de la cession des actions de M. M.
La société Financière Amplegest et la société Invest Securities Holding soutiennent que M. M. a consenti, lors la signature du pacte d'associés, une promesse de vente de ses titres aux associés stipulée en des termes très clairs et limitée dans le temps, qu'elle est irrévocable, que sa révocation constitue une violation du pacte d'associés, que dans ce cas les statuts sanctionnent la cession par la nullité et non par l'allocation de dommages et intérêts. Elles ajoutent que la nullité est également encourue parce que la cession litigieuse résulte d'une collusion frauduleuse entre le cédant et le cessionnaire, qui voulaient empêcher les bénéficiaires de la promesse de vente des titres d'exercer leurs droits.
M. M. et M. C.'h répondent que la cession est définitivement formée entre les parties et agréée par la société et doit être reportée dans les registres sociaux, que la procédure de cession des titres prévue aux termes du pacte d'associés a été parfaitement respectée et que les actionnaires n'ont pas contesté les projets de cession dont ils ont reçu notification et n'ont pas exercé'leur droit de préemption. Elles ajoutent que l'article 10-6 du pacte n'a pas la portée que veut lui donner le président de la société Financière Amplegest car il organise une promesse de cession portant uniquement sur les actions détenues au jour de la cessation des fonctions salariées et de la mise en œuvre du rachat forcé par les autres actionnaires en raison de cette cessation de fonction, afin de pouvoir empêcher un ancien salarié de conserver des titres après son départ de la société. Enfin, s'il est jugé que les dispositions du pacte d'associés n'ont pas été respectées, elle soutient que cette violation ne peut être sanctionnée que par des dommages et intérêts.
Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.
L'article 10 «'Promesse de Vente de Titres par les Managers'» du pacte d'associés stipule:
* 10-1 « Chacun des Managers (ci-après le « Promettant » pour cet article 10) confère par les présentes aux autres Associés pour ce qui concerne les Titres et à FINANCIERE AMPLEGEST pour ce qui concerne les actions AMPLEGEST (ci-après les « Bénéficiaire » pour cet article 10) une promesse irrévocable de cession (la « Promesse ») portant, chacun pour ce qui le concerne sur les Titres et sur les actions AMPLEGEST qui seront détenues par chacun d'eux à la date d'exercice telle que définie à l'article 10.3.1 ci-après (ci-après les « Titres Objet de la Promesse ») dans les termes et conditions ci-après.'»
* 10-3-1'« La Promesse est consentie pour la durée du Pacte telle que fixée à l'article 18 ci-après et à compter de la date de signature du Pacte. Les Bénéficiaires pourront à leur choix et à tout moment lever la Promesse à compter de cette date et jusqu'au terme du Pacte (la «'Date d'exercice'») dans les hypothèses visées à l'article 10-3-2 ci-après.'»
* 10-3-2 «'La levée de la promesse est subordonnée à la réalisation de l'une ou l'autre des conditions suivantes : (i) ' « Départ fautif » ' (ii) « Départ non fautif »
* 10-6 «'Pendant la durée de la Promesse, le Promettant s'interdit de céder les Titres Objets de la Promesse, de les transférer, de les donner en gage, en nantissement ou en garantie quelle qu'elle soit et plus généralement d'en disposer de quelque façon que ce soit. »
L'article 18 du pacte d'associé stipule : «'Le pacte est conclu pour une durée de 10 ans qui débutera à compter de sa signature. Au terme de cette première période de 10 ans, le Pacte sera automatiquement renouvelé pour des périodes successives d'une année.
A l'occasion de chaque renouvellement, y compris du premier d'entre eux, toute Partie pourra dénoncer le Pacte pour ce qui la concerne, en notifiant sa décision au moins six mois à l'avance aux autres parties.
Néanmoins, à la date à laquelle une partie ne détiendrait plus aucun Titre de la Société, le Pacte prendrait fin à l'égard de cette partie, sous réserve qu'elle ait préalablement respecté les dispositions du Pacte. Il resterait toutefois en vigueur à l'égard des autres Parties.'»
M. M. est désigné en page 2 du pacte d'associés comme étant manager, ce qu'il ne conteste pas, et est tenu par l'article 10 du pacte. Il a donc l'obligation, en application de l'article 10-6 du pacte, de ne pas céder ses titres entre le 23 juillet 2010, date de la signature du pacte d'associé, et le 23 juillet 2020.
Contrairement à ce que soutiennent les intimés cette interdiction ne porte pas que sur les titres détenus au jour de la cessation de ses fonctions, ce qui implique qu'il pourrait céder ses titres tant qu'il est en fonction dans la société, mais porte sur tous ses titres pendant toute la durée de la promesse de cession. Il ne peut les céder pendant cette durée sauf en cas de départ de la société, selon les modalités de la promesse de cession.
Aux termes de l'article 10-1 du pacte d'associé la promesse de cession de ses actions est irrévocable.
La résiliation unilatérale de la promesse notifiée dans ses courriers des 14 mars et 5 mai 2014 à la société Financière Amplegest n'a donc pu avoir d'effet et libérer M. M. de la promesse de cession et de l'interdiction de céder ses titres jusqu'au 23 juillet 2020.
Le tribunal de commerce a retenu qu'aucune disposition du pacte d'associés ou des statuts de la société Financière Amplegest n'empêche un salarié de la société, toujours en poste, de céder ses titres à des tiers.
Pourtant, l'article 11-3 «'Pacte d'associés'» des statuts de la société Financière Amplegest dispose : «' Il est précisé que les cessions et les transmissions d'actions sont régies par un pacte d'associés (ci-après le Pacte d'Associés) qui est joint au Registre de Mouvement de Titres de la Société. '
Toutes cessions d'actions contrevenant aux dispositions du présent article et au Pacte d'Associés sont nulles.'»
En cédant ses actions à M. C.'h le 23 avril 2014, pendant la durée de la promesse et alors qu'il était toujours en fonction au sein de la société Amplegest, M. M. a contrevenu aux articles 10-1, 10-3-1 et 2 et 10-6 du pacte d'associés.
En conséquence la cession de ses actions est nulle, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal de commerce.
M. M. et M. C.'h rappellent les dispositions de l'article 4-1 «'Droit de préemption'» du pacte d'associés qui prévoient les modalités de cession des titres par les associés, à tout moment, font valoir que l'interprétation actuelle du pacte par la société Financière Amplegest est contraire aux écrits de son président des 19 septembre et 10 octobre 2013 dans lesquels il veut ajouter à l'article 4-1 une interdiction de céder ses titres à un tiers pendant la durée des fonctions de salarié ou mandataire, estimant ainsi que les titres, en l'état des statuts, peuvent être cédés à tout moment à des tiers ou d'autres associés, et invoquent la cession de ses titres par M. G., manager comme M. M..
L'article 4-1 du pacte d'associé dispose «'Préalablement au Transfert par un Associé (ci-après dénommé un «'Cédant'») de tout ou partie des titres qu'il détient (ci-après dénommé les «'Titres Cédés'») au bénéfice d'un Tiers ou d'un autre Associé (Ci-après dénommé un «'Cessionnaire'»), le Cédant devra notifier le projet de Transfert («'le Projet de transfert'») aux autres associés (ci-après dénommés les «'Autres Associés'») et à la Société en indiquant '.'».
D'une part, s'il ressort de ces dispositions qu'un associé peut céder ses titres à un tiers ou à un autre associé à tout moment, sous réserve de respecter la procédure relative au droit de préemption, dans le cas où l'associé a également la qualité de manager il reste cependant tenu par les dispositions de l'article 10 du pacte d'associés «'Promesse de Vente de Titres par les Managers'» et par l'interdiction de céder ses titres pendant 10 ans ou jusqu'à la levée de la promesse de vente. En l'espèce M. M. a le statut de manager et est tenu par ces dispositions.
D'autre part, le principe «'nul ne peut se contredire au détriment d'autrui'» ne concerne que la contradiction au détriment d'autrui lors des débats judiciaires et les intimés ne démontrent pas que les appelantes ont adopté depuis l'introduction de l'instance devant le tribunal de commerce une position contraire à leur position actuelle, les moyens qu'elles ont invoqués à titre subsidiaire ne pouvant caractériser une contradiction dans leur position. En outre la proposition d'ajouter une restriction à la cession des titres prévues par l'article 4-1 du pacte d'associés ne signifie pas que le président de la société considérait que l'associé ayant la qualité de manager pouvait comme tout associé céder ses titres à un tiers à tout moment.
Enfin la cession de ses titres en janvier 2013 par M. G., à qui l'article 11-3 du pacte d'associés n'a pas été opposé, est intervenue dans des conditions particulières et il ne peut en être déduit que la société Financière Amplegest et la société Invest Securities Holding ont renoncé à opposer à M. M., qui voulait également céder ses titres, les dispositions du pacte lui interdisant de les céder pendant la durée de la promesse de vente.
Dès lors que les statuts de la société prévoient expressément que la violation des dispositions du pacte d'associé a pour conséquence la nullité de la cession des titres, la nullité doit être prononcée, sans qu'il y ait lieu de substituer à cette sanction l'attribution de dommages et intérêts pour violation d'une obligation de faire ou ne pas faire.
La nullité de la cession litigieuse étant acquise en application de l'article 1134 du code civil et de l'article 11.3 des statuts de la société Financière Amplegest, il n'y a pas lieu de statuer sur le second fondement relatif à la collusion frauduleuse invoqué par les appelantes.
Le jugement sera donc infirmé pour avoir ordonné la signature des ordres de mouvements des titres de M. M. à M. C.'h et ceux-ci seront déboutés de leur demande à ce titre.
2) Sur la demande de dommages et intérêts de la société Financière Amplegest et de la société Invest Securities Holding
Elles réclament chacune à M. M. la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil au motif qu'il a eu un comportement fautif et déloyal afin de se faire licencier et obtenir l'application de clauses de sortie du capital de la société Financière Amplegest plus favorables.
M. M. leur oppose les dispositions des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile et soutient que leur demande est irrecevable en ce qu'elle est nouvellement fondée sur un litige qui oppose la société Amplegest à la société concurrente Kirao.
L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
La demande de dommages et intérêts de la société Financière Amplegest et de la société Invest Securities Holding a déjà été formée devant le tribunal de commerce qui l'a rejetée sans motiver sa décision. Le fondement de la demande de dommages et intérêts devant la cour d'appel est toujours celui de l'article 1382 ancien du code civil mais le montant de la demande est plus élevé.
Au sens de l'article 564 du code de procédure civile la demande de dommages et intérêts formée par les appelantes n'est dans ce cas pas nouvelle.
L'article 910-4 du code de procédure civile dispose : «'A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.»
Ces dispositions s'appliquent aux procédures de renvoi après cassation engagées à compter du 1er septembre 2017, ce qui est le cas en l'espèce, la cour ayant été saisie le 27 août 2018.
Les conclusions de la société Financière Amplegest et de la société Invest Securities Holding notifiées le 26 octobre 2018 comprennent leur demande de dommages et intérêts à l'encontre de M. M. sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil et visent déjà, entre autres faits fautifs, les détournements au profit de la société Kirao.
Au regard des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile la demande de dommages et intérêts des appelants n'est pas non plus nouvelle et est donc recevable.
La société Financière Amplegest et la société Invest Securities Holding reprochent à M. M. d'avoir mis en place une stratégie de harcèlement dans le but de provoquer des conflits, annoncé avoir « résilié » les clauses du pacte d'associés qui lui interdisaient de procéder à la cession de ses actions pour échapper à la nullité des cessions, usé de manipulations qui ont conduit les deux sociétés à rester à son écoute, notamment en mettant en place une procédure de médiation, alors qu'au même moment il cédait ses actions et organisait le désinvestissement de lignes de portefeuilles et la captation massive de sa clientèle, déloyalement détourné des actifs sous gestion chez Amplegest pour favoriser la société Kirao qu'il a rejointe ensuite, et commis des actes de concurrence déloyale et violé l'obligation de secret professionnel prévu à l'article 8-1 de son contrat de travail.
Le seul fait que M. M. a pensé qu'il était possible, comme M. G. avait pu le faire auparavant, de céder ses actions à des tiers alors qu'il était encore en fonction dans la société ne caractérise pas un comportement fautif de sa part.
Les pièces versées par chaque partie à la procédure montrent que leurs relations sont devenues conflictuelles à partir du moment où M. M. a voulu céder ses titres à des tiers et les appelantes interprètent tous les agissements de M. M. comme des agissements fautifs à son égard.
Or, aucune des pièces produites ne démontre que M. M. a agi fautivement, notamment en formulant des reproches véhéments et en faisant des crises d'hystérie qui auraient eu pour but de provoquer son licenciement, en manipulant les autres associés et en violant son obligation contractuelle de secret professionnel, comme il lui est reproché.
Quant au détournement d'actifs gérés par la société Amplegest au profit de la société Kirao et la captation de clientèle par celle-ci, qui auraient été organisés dans le cadre d'une stratégie globale des anciens fondateurs et salariés de la société Amplegest, dont M. M., ces faits sont l'objet d'une procédure en cours qui oppose la société Financière Amplegest, la société Amplegest et la société Kirao, dans laquelle M. M. n'est pas partie.
Ils sont contestés par M. M. et ne sont pas démontrés dans le cadre de la présente procédure.
La demande de dommages et intérêts de la société Financière Amplegest et de la société Invest Securities Holding n'est pas fondée et le jugement, qui l'a rejetée, sera confirmé.
3) Sur la demande de remboursement des dépens et de l'indemnité pour frais irrépétibles payées par la société Financière Amplegest et la société Invest Securities Holding
L'obligation de rembourser des sommes versées en exécution d'une décision assortie de l'exécution provisoire résulte de plein droit de la réformation de cette décision.
La demande de remboursement des dépens et de l'indemnité fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile payés par les appelantes en exécution du jugement déféré est donc sans objet.
4) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Le jugement qui a mis les dépens et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la charge de la société Financière Amplegest et de la société Invest Securities Holding sera infirmé.
Les dépens de première instance seront mis à la charge de M. M.. Les dépens d'appel seront mis à la charge de M. M. et de M. C.'h, parties perdantes, dont la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Financière Amplegest et de la société Invest Securities Holding les frais qu'elles ont exposés qui ne sont pas compris dans les dépens et leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Statuant sur renvoi après cassation partielle de l'arrêt rendu le 26 janvier 2016 par la cour d'appel de Paris,
DÉCLARE recevable la demande de dommages et intérêts de la société Financière Amplegest et de la société Invest Securities Holding à l'encontre de M. M.,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Financière Amplegest et la société Invest Securities Holding (nouvellement dénommée Invest et associés) de leur demande de dommages et intérêts à l'encontre de M. M.,
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a ordonné à la société Financière Amplegest de signer les ordres de mouvement des titres, de les reporter sur les registres de la société sous astreinte de 5000 euros par jour de retard à compter de la justification de la notification par M M. de cette cession à l'AMF, condamné la société Financière Amplegest et la société Invest Securities Holding aux dépens et à payer à M. M. la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
PRONONCE la nullité de la cession du 23 avril 2014 portant sur les titres de la société Amplegest détenus par M. M. au profit de M. C.'h,
DÉBOUTE M. M. et M. C.'h de leurs demandes relatives à ces titres,
DIT que la demande de la société Financière Amplegest et de la société Invest Securities Holding (nouvellement dénommée Invest et associés) de remboursement des dépens et de l'indemnité fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile par le tribunal de commerce est sans objet,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. M. aux dépens de première instance et in solidum M. M. et M. C.'h aux dépens d'appel.