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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 14 mars 2019, n° 18/06680

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Obteam (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Picard

Conseillers :

Mme Rohart-Messager, Mme Delière

T. com. Paris, du 2 févr. 2018, n° 20160…

2 février 2018

FAITS ET PROCÉDURE :

La Sas Obteam est l'associé majoritaire de la société D-Engineering, qui a pour activité la réalisation de prestations techniques pour des opérateurs de téléphonie.

Par acte du 29 octobre 2014, M. Dominique S. a acquis 2.500 actions de la société D-Engineering auprès de la société A.K Invest Sal., également associée dans D-Engineering.

Par acte intitulé 'Promesse d'achat d'actions' également en date du 29 octobre 2014, la société Obteam s'est engagée à acquérir auprès de M. S., bénéficiaire de la promesse, l'intégralité des 2.500 actions de la société D-Engineering à un prix convenu en cas d'exercice de la levée d'option devant intervenir au plus tard le 30 juin 2016 selon les termes de l'article 3 de ladite promesse.

Par courrier recommandé en date du 21 juin 2015, M. S. a levé l'option qui lui était consentie.

La société Obteam n'ayant pas répondu, elle a été mise en demeure par courrier du conseil de M. S., en date du 18 janvier 2016, d'avoir à remplir ses obligations nées de la promesse d'achat.

La société Obteam n'ayant pas donné suite à la mise en demeure, M. S. l'a assignée devant le tribunal de commerce de Paris par acte extrajudiciaire en date du 20 avril 2016. Il demandait, notamment, l'exécution forcée de la promesse d'achat et la condamnation de la société Obteam à la somme de 10.172,96 euros au titre du prix de vente des parts, à la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 2 février 2018, le tribunal de commerce de Paris a dit la vente parfaite au sens de l'article 1583 du code civil, a condamné la société Obteam à verser le prix de cession fixé contractuellement ainsi qu'à verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'a condamné aux dépens, et a ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La société Obteam a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 29 mars 2018.

***

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 29 juin 2018, la société Obteam demande à la Cour de :

- réformer le jugement du 2 février 2018 par déclaration adressée au greffe le 29 mars 2018 en ce qu'il a :

- dit la vente à la société Obteam des 2500 actions D-Engineering détenues par M. Dominique S., en exécution de la promesse d'achat du 29 octobre 2014 parfaite au sens de l'article 1583 du code civil, compte tenu de la levée d'option effectuée par M. Dominique S. par courrier du 21 juin 2015,

- condamné la société Obteam à verser le prix de cession fixé contractuellement à 10.010 euros, majoré d'un taux de 2,5% l'an calculé prorata temporis entre les dates du 29 octobre

2014 et du 21 juin 2015, le prix ainsi majoré portant lui-même intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2016 et ce jusqu'au jour du paiement du prix, contre remise le même jour par M. Dominique S. à Obteam d'un ordre de mouvement portant sur le transfert de propriété des 2500 actions D-Engineering,

- condamné la société Obteam à verser à M. Dominique S., une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Obteam aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 euros dont 12,85 euros de TVA ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir, en ce compris les dépens ;

- rejeté les autres demandes, plus amples ou contraires à son dispositif ;

Statuant à nouveau, de :

- condamner M. S., contre restitution des actions D-Engineering, à rembourser l'ensemble des sommes payées en exécution du jugement du 2 février 2018, ainsi que les intérêts au taux légal à compter dudit paiement,

- condamner M. S. à payer une somme de 10.000 euros à la société Obteam pour procédure abusive,

- condamner M. S. à payer une somme de 7.500 euros à la société Obteam sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. S. aux dépens.

***

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 5 septembre 2018, M. Dominique S. demande à la Cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris du 2 février 2018 en ce qu'il a :

-dit la vente à la société Obteam des 2500 actions D-Engineering détenues par M. Dominique S., en exécution de la promesse d'achat du 29 octobre 2014 parfaite au sens de l'article 1583 du code civil, compte tenu de la levée d'option effectuée par M. Dominique S. par courrier du 21 juin 2015 ;

-condamné la société Obteam à verser le prix de cession fixé contractuellement à 10.010 euros, majoré d'un taux de 2,5% l'an calculé prorata temporis entre les dates du 29 octobre 2014 et du 21 juin 2015, le prix ainsi majoré portant lui-même intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2016 et ce jusqu'au paiement du prix contre remise le même jour par M. Dominique S. à Obteam d'un ordre de mouvement portant sur le transfert de propriété des 2500 actions D-Engineering ;

-condamné la société Obteam à verser à M. Dominique S. une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné la société Obteam aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 euros dont 12,85 euros de TVA ;

-débouté la société Obteam de ses demandes, et notamment, celle visant à faire condamner M. Dominique S. à lui verser une somme de 10.000 euros pour procédure abusive et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 2 février 2018, en ce qu'il a débouté M. Dominique S. de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau sur ce point,

- condamner la société Obteam à verser une somme de 3.000 euros à M. Dominique S. à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause,

- condamner la société Obteam à verser à M. Dominique S. une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société Obteam de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la société Obteam aux dépens, en ce compris les frais éventuels d'exécution.

SUR CE

Sur la promesse d'achat

La société Obteam fait valoir que lors de son achat à A.K Invest des 2.500 actions de D-Engineering, M. S. avait adhéré à un pacte d'actionnaires, aux termes duquel 'Chacune des Parties s'interdit de procéder à un Transfert de tout Titre qu'elle détient ou détiendra, si ce n'est conformément aux dispositions du Pacte qui s'appliqueront par priorité à toutes autres dispositions ayant le même objet et convenues entre les Actionnaires (ou certains d'entre eux)'.

La promesse d'achat d'actions prévoyait également dans son article 7.1 que 'La cession des Actions n'exigera aucune décision ni aucune formalité autre que celles spécifiées aux présentes ou stipulées dans le Pacte'. La société Obteam soutient qu'en application de ces dispositions, et conformément à l'article 6.2 du pacte, tout actionnaire souhaitant céder ses titres a l'obligation de notifier son projet de cession aux autres actionnaires, ce que n'a pas fait M. S.. Selon la société Obteam, l'obligation de notification prévue à l'article 6.2 ne s'applique pas seulement aux «'Offres d'Acquisition'», définies à l'article 1 du pacte comme 'l'offre par un tiers d'acquérir (...) des Titres auprès d'un Actionnaire', mais à toute offre émanant même d'un actionnaire. Elle soutient que cela ressort de l'interprétation que les parties ont faites du pacte : ainsi, M. C., qui comme M. S. était actionnaire minoritaire de D-Engineering et bénéficiaire d'une promesse d'achat d'Obteam, a été expressément dispensé par un avenant au pacte d'actionnaires de son obligation de notification du projet de transfert des titres qu'il détenait chez D-Engineering. Obteam soutient ainsi que M. S. ne peut prétendre avoir valablement exercé la promesse d'achat qui lui a été consentie sans avoir respecté les formalités prévues au pacte d'actionnaires.

M. Dominique S. fait valoir que la société Obteam, qui lui a consenti une promesse unilatérale d'achat, régulièrement levée par courrier du 21 juin 2015, se trouvait dans l'obligation de s'acquitter du prix de vente dans le délai d'un mois. M. S. reconnaît que le pacte d'actionnaires lui est opposable, mais soutient que les dispositions de l'article 6.2 ne sont pas applicables à la cession objet du litige dès lors que l'obligation de notification qui y est stipulée ne s'applique qu'à 'l'offre par un tiers d'acquérir (...) des Titres auprès d'un Actionnaire', alors que tant lui-même que la société Obteam étaient actionnaires de D-Engineering et parties au pacte d'actionnaires. Selon M. S., la lecture du pacte ne laisse place à aucune interprétation. Il ajoute avoir respecté l'esprit de l'article 6.2 susvisé en informant l'ensemble des actionnaires de son intention de céder ses parts de D-Engineering.

La cour relève qu'aux termes de l'article 1.1 de la promesse d'achat signée le 29 octobre 2014 par monsieur B. pour la société Obteam et par monsieur S., la société Obteam s'obligeait irrévocablement à acheter à monsieur S. 2.500 actions. L'article 3.1 stipule que la promesse est consentie jusqu'au 30 juin 2016 et que la promesse pouvait s'exécuter à tout moment. L'article 4 et l'article 10 précisent les modalités d'exercice de la promesse et l'article 5 précise le prix de cession des actions, soit 4,004 euros l'action avec une valorisation de 2,5% l'an prorata temporis de la date de signature de la promesse à son exercice. Enfin, l'article 6 stipule que le transfert de propriété doit intervenir au plus tard à compter d'un mois suivant la notification faite par le bénéficiaire au promettant de sa volonté d'exercer la promesse.

En l'espèce monsieur S. a adressé un courrier recommandé le 21 juin 2015 à la société Obteam lui notifiant sa volonté d'exercer la promesse. Ce courrier a été reçu le 24 juin 2015. La société Obteam n'y a pas répondu.

Le pacte d'actionnaires signé le 24 juin 2013, dont le tribunal de commerce a jugé à juste titre qu'il était opposable à monsieur S., stipule dans son article 6.2 que tout actionnaire qui reçoit une 'offre d'acquisition' doit le notifier à la société et aux autres actionnaires afin que ceux ci puissent exercer leur droit de préemption ou leur droit de sortie conjointe.

La définition de l'offre d'acquisition figurant dans le préambule du pacte désigne l'offre par un tiers d'acquérir des titres auprès d'un actionnaire,. Or la société Obteam, actionnaire de D Engineering, n'est pas un tiers au pacte d'actionnaire puisqu'elle en est signataire.

Il résulte de ces textes qui sont clairs et qui ne nécessitent aucune interprétation que la notification stipulée dans le pacte d'actionnaires n'est pas applicable à l'espèce en l'absence d'offre d'acquisition par un tiers. Peu importe à cet égard la situation de monsieur C. et ce qu'il a estimé devoir faire avec l'accord des autres actionnaires.

La vente des actions de monsieur S. à la société Obteam est devenue définitive par la levée de la promesse par monsieur S. le 21 juin 2015. Il appartient donc à la société Obteam d'exécuter la promesse.

Le jugement sera donc confirmé.

Sur le prix des actions, la cour constate qu'il n'est pa discuté.

Le jugement sera en conséquence également confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts pour réparation de son préjudice de M. S.

M. S. fait valoir que le défaut de versement du prix puis d'exécution du jugement attaqué par la sociéte Obteam lui a causé un préjudice en le privant d'une source de revenus sur laquelle il comptait alors qu'il avait été licencié, et en le forçant à engager des frais supplémentaires. Il ajoute avoir subi un préjudice moral, cette affaire étant pour lui une source de stress.

La société Obteam ne conclut pas sur ce point.

La cour considère que la position de la société Obteam, tout d'abord en ne répondant pas à la levée de la promesse puis en tentant de ne pas l'exécuter alors que monsieur S. avait été licencié et ne percevait plus de revenus comme l'établissent les pièces produites aux débats a causé à ce dernier un préjudice qu'il convient de réparer en lui allouant la somme de 3.000 euros.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à monsieur S. la charge des frais qu'il a engagés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Il convient de lui allouer à ce titre la somme de 5.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 2 février 2018 hormis sur l'allocation de dommages et intérêts,

L'INFIRMANT sur ce point,

CONDAMNE la société Obteam à verser à monsieur Dominique S. la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Obteam à verser à monsieur Dominique S. la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la société Obteam aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

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