CA Douai, 2e ch. sect. 2, 17 novembre 2022, n° 21/03514
DOUAI
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Thera-Sana Développement (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bedouet
Conseillers :
Mme Cordier, Mme Fallenot
Avocats :
Me Laurent, Me Hauwel, Me Pauchet, Me Nallet, Me Mladenovic
FAITS ET PROCEDURE
La SARL Thera-sana développement a pour activité la prise de participation ou d'intérêts directs ou indirects dans des sociétés et entreprises, constituées ou à constituer, avec vocation de promouvoir la réalisation de leurs objectifs économiques par toutes prestations de services spécifiques.
En 2015, elle est entrée en relation avec la SARL AeL création, laquelle est spécialisée dans la production, l'importation, la vente et la distribution de produits écologiques de beauté, d'hygiène et de diététique.
A cette date, le capital social de la société AeL création était réparti entre :
-ses fondateurs ;
-la société Essentiel 16, société d'investisseurs locaux ;
-Monsieur [U] [Z], entré personnellement au capital de la société en 2012, avant d'acquérir de nouvelles parts sociales en 2013 et 2014.
La société Thera-Sana a acquis 76,93 % des parts sociales de la société AeL création.
Le 14 octobre 2015, les associés ont signé un pacte, par lequel la société Thera-Sana est devenue présidente de la société AeL création, transformée en société par actions simplifiée.
Ce pacte avait pour objet de définir :
« -les modalités selon lesquelles les TITRES de Madame [H] [R] de Monsieur [X] [W] seront inaliénables pendant 2 ans,
-les modalités selon lesquelles pourra s'exercer le droit de préemption du MAJORITAIRE en cas de TRANSMISSION des TITRES de la SOCIÉTÉ,
-les MINORITAIRES pourront céder leur participation selon les mêmes conditions que le MAJORITAIRE,
-les modalités de réalisation des promesses de vente de la société ESSENTIEL 16 et de Monsieur [U] [Z],
-les modalités selon lesquelles sera exercée la clause de non-concurrence. »
Il contenait notamment en son article 5 intitulé « PROMESSES DE VENTE » :
-une promesse de vente de la société Essentiel 16 en ces termes : « la société ESSENTIEL 16 s'engage de façon irrévocable à vendre au MAJORITAIRE qui s'engage à acquérir ou faire acquérir par toute personne qu'il se substituerait la totalité des TITRES de la SOCIÉTÉ qu'il détient entre le 1er janvier 2016 et le 31 janvier 2016. » ;
-une promesse de vente des titres de Monsieur [Z] en ces termes : « Monsieur [U] [Z] s'engage de façon irrévocable à vendre au MAJORITAIRE qui s'engage à acquérir ou faire acquérir par toute personne qu'il se substituerait la totalité des 1.747 TITRES de la SOCIÉTÉ qu'il détient dans le mois qui suit l'expiration du délai de détention des titres prévu par l'article 885-0 V bis du code général des impôts le 31 janvier 2020 au plus tard, au prix de transmission interne. ».
Par mails des 19 mai, 2 juin, 9 juin et 6 juillet 2020, la société Thera-Sana a rappelé à Monsieur [Z] la date d'expiration de détention de ses titres et lui a confirmé sa volonté de les racheter.
Celui-ci lui a finalement répondu le 12 octobre 2020 que la promesse de vente était devenue caduque faute pour la société majoritaire d'avoir manifesté son intention d'acquérir les titres avant le 31 janvier 2020, tout en indiquant ne pas être opposé à une cession à un prix à négocier amiablement et non selon la formule de calcul visée dans le pacte d'associés.
Faute d'accord, la société Thera-Sana a mis en demeure Monsieur [Z] d'exécuter son obligation de cession de ses parts le 27 novembre puis le 9 décembre 2020, en vain.
Par requête du 21 janvier 2021, la société Thera-sana développement a demandé au président du tribunal de commerce de Lille Métropole l'autorisation de l'assigner à bref délai, ce qu'elle a fait par acte d'huissier du 28 janvier 2021 conformément à l'ordonnance obtenue le 21 janvier 2021.
Par jugement en date du 20 mai 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :
« -déboute Monsieur [U] [Z] de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions
-condamne Monsieur [U] [Z] à :
-céder à la société Thera-Sana développement l'intégralité de ses 1 747 actions détenues dans le capital de la société AEL Création pour le prix total de 39 595,00 €,
-effectuer sous astreinte de 200, 00 € par jour de retard à compter de la signification du présent jugement toutes les formalités nécessaires à l'accomplissement et au transfert desdites actions et plus spécialement à la signature de l'ordre de mouvement correspondant,
- se réserve la liquidation de l'astreinte ;
- déboute la société Thera-Sana développement de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts ;
- condamne Monsieur [U] [Z] à payer à la société Thera-Sana développement la somme de 2 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamne Monsieur [U] [Z] aux entiers dépens, taxes et liquidés à la somme de 60,22 euros en ce qui concerne les frais de greffe. »
Par acte en date du 30 juin 2021, M. [Z] a interjeté appel, reprenant dans sa déclaration d'appel l'ensemble des chefs de la décision précitée.
Il avait formé antérieurement, par déclaration du 26 juin 2021, un autre appel, enregistré sous le numéro de RG 21/3397, lequel a été joint au présent dossier sous le numéro de RG 21/3514.
En termes procéduraux, il convient de noter :
-la signification des conclusions d'appelant de Monsieur [Z] le 24 septembre 2021 et des conclusions d'intimée de la société Thera-sana Développement le 20 décembre 2021 ;
-une ordonnance d'incident rendue le 6 janvier 2022 par le conseiller de la mise en état ayant notamment rejeté la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau de la demande de nullité du pacte et de l'article 5-2 du pacte pour dol et à titre subsidiaire pour indétermination du prix excipée par la société Thera-sana développement ;
-un avis de fixation en date du 28 février 2022, avec une clôture envisagée le 31 mai 2022 pour une audience de plaidoiries le 30 juin 2022 ;
-la signification de nouvelles conclusions et pièces par l'appelant le 21 mars, le 22 mars et le 16 mai 2022 ;
-la signification de nouvelles conclusions et pièces par l'intimée le 25 mai 2022 ;
-la signification de nouvelles conclusions et pièces par l'appelant le 30 mai 2022 ;
-un report de l'ordonnance de clôture accordé le 31 mai 2022 à la date du 14 juin 2022 à 14h00 ;
-la signification par l'intimée de ses pièces n°41 à 44 le 7 juin 2022 ;
-la signification de nouvelles conclusions par l'appelant le 13 juin 2022 à 17h38 et de nouvelles pièces numérotées 65 à 70 comprenant au total 202 sous-pièces ;
-la signification de nouvelles conclusions de l'intimée le 14 juin 2022 à 12h09, sollicitant, sur le plan procédural, au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile, le rejet des conclusions et pièces signifiées le 13 juin 2022 par l'appelant ;
-une ordonnance de clôture en date du 14 juin 2022 ;
-des conclusions procédurales de l'appelant signifiées le 21 juin 2022, sollicitant que la société Thera-sana développement soit déboutée de sa demande tendant à voir rejeter comme étant tardives les conclusions et pièces notifiées le 13 juin 2022, au motif qu'elles étaient destinées à répondre à la pièce n°41 de l'intimée.
SUR CE
Aux termes des articles 15 et 16 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense. Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Des conclusions signifiées en dernière minute peuvent être jugées irrecevables si elles font échec au principe de la contradiction ou caractérisent un comportement contraire à la loyauté.
En l'espèce, l'appelant a notifié le 13 juin 2022 des nouvelles conclusions assorties de nouvelles pièces numérotées 65 à 70 comprenant en réalité 202 sous-pièces.
Cette transmission à un si bref délai par rapport à la date de la clôture ne peut être jugée satisfaisante et permettre au conseil de la partie adverse de juger utilement et sereinement de l'opportunité d'y répondre, après avoir sollicité l'avis de son mandant.
Monsieur [Z] ne saurait se réfugier derrière la nécessité de répondre à la pièce n°41 de la société Thera-sana développement, notifiée quant à elle dès le 7 juin 2022, étant observé qu'il n'a présenté ni demande de report de l'ordonnance de clôture, ni demande de rejet de ladite pièce, après avoir déjà mis à mal le principe du contradictoire par sa signification de dernière minute du 30 mai 2022 .
Il sera ajouté que les subtiles modifications qu'il a apportées par les conclusions du 13 juin 2022 à celles du 30 mai 2022 ne sont même pas identifiées.
En conséquence, les conclusions et les pièces numérotées 65 à 70 transmises le 13 juin 2022 par Monsieur [Z] doivent être déclarées irrecevables.
Par conclusions régularisées par le RPVA le 30 mai 2022, M. [Z] demande à la cour de :
« Vu les dispositions des articles 1109, 1116, 1134, 1147, 1589 et 1591 du Code civil
Vu les pièces versées aux débats
- Recevoir Monsieur [U] [Z] en son appel
- L'en déclarer bien fondé
- Réformer le jugement rendu le 20 mai 2021 par le Tribunal de commerce de Lille métropole en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société THERA-SANA DEVELOPPEMENT de sa demande de dommages et intérêts pour indemnité suite à exécution forcée
- Et statuant de nouveau
A titre principal
- Prononcer la nullité du pacte d'associé et plus spécialement de l'article 5.2. du pacte d'associés daté du 14 octobre 2015 pour dol,
- En conséquence dire que la valeur de la société AeL CREATION n'était pas de 75.000 euros en 2015,
- Désigner un tiers expert pour dire la valeur de la société AeL CREATION en 2015,
- Rétablir l'actionnariat de [U] [Z] en considération de la valeur de la société AeL CREATION en septembre 2015
- Par effet de l'annulation du jugement,
- Ordonner la restitution des 1 747 actions de [U] [Z] dans la société AeL CREATION à effet rétroactif à compter du 15 juin 2021, date de l'ordre de mouvement sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
Dès lors,
Débouter la société THERA-SANA DEVELOPPEMENT de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire,
- Prononcer la nullité du pacte d'associé et plus spécialement de l'article 5.2. du pacte d'associés daté du 14 octobre 2015 pour prix non déterminé ou non déterminable,
- En conséquence,
- Ordonner la restitution des 1 747 actions de [U] [Z] dans la société AeL CREATION à effet rétroactif à compter du 15 juin 2021, date de l'ordre de mouvement sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
A titre plus subsidiaire,
Débouter la société THERA-SANA DEVELOPPEMENT de sa demande de cession de l'intégralité des titres de Monsieur [Z] pour le prix total de 39.595,00 € ;
- En conséquence,
- Ordonner la restitution des 1 747 actions de [U] [Z] dans la société AeL CREATION à effet rétroactif à compter du 15 juin 2021, date de l'ordre de mouvement sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
A titre très subsidiaire,
Désigner un tiers expert qui sera tenu de déterminer si les conventions visées dans le rapport spécial du commissaire aux comptes sont
' légitimes compte tenu de la nature des prestations rendues à la Société et si, en conséquence,
' elles n'ont pas eu pour effet de diminuer le montant des capitaux propres des exercices 2015 à 2019 de la société AeL CREATION dans des conditions anormales, et le cas échéant, les réévaluer au besoin en se faisant communiquer toutes pièces et documents utiles à l'accomplissement de sa mission en s'assurant du respect du principe du contradictoire, et déterminer en conséquence la valeur des titres de la société AeL CREATION, et par voie de conséquence celle des titres détenus par Monsieur [Z].
En tout état de cause,
Écarter le jeu de l'application du prix de transmission interne prévu à la clause 3.3 du Pacte d'associés relative aux modalités d'exercice du droit de préemption de l'associé majoritaire au profit de la fixation d'un prix d'un commun accord des parties ou à dire d'expert suivant la procédure prévue à l'article 1843-4 du Code civil ;
Débouter la société THERA-SANA DEVELOPPEMENT de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Sur l'appel incident ;
Débouter la société THERA-SANA DEVELOPPEMENT de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Débouter la société THERA-SANA DEVELOPPEMENT de sa demande de condamnation au titre de l'article 9§4 du Pacte d'associés ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens,
Condamner la société THERA-SANA DEVELOPPEMENT au paiement de la somme de 5.000 € au profit de Monsieur [U] [Z] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la société THERA-SANA DEVELOPPEMENT au paiement des entiers dépens d'instance et d'appel. »
Monsieur [Z] affirme avoir avoir été, comme la société Essentiel 16, victime « d'une machination selon une méthode subtile et pernicieuse tant les rouages étaient calculés, difficiles à discerner et à détricoter » l'ayant conduit à signer la lettre d'intention adressée par la société Thera-sana développement, le protocole d'augmentation de capital et le pacte d'associés, « dans le contexte pessimiste et le climat d'inquiétude de l'assemblée générale du 4 juin 2015, (...) dans l'urgence et ne souhaitant pas mettre en péril l'opération présentée comme étant indispensable au sauvetage de la société AeL Création. »
Le pacte d'associés prévoyait deux promesses de vente :
1. la confirmation de la promesse par la société Essentiel 16 de la vente de la totalité de ses titres au majoritaire ou à toute personne qui se substituerait entre le 1er janvier 2016 et le 31 janvier 2016, le prix de cession des titres étant d'ores et déjà déterminé par le pacte d'associés au prix de 17 ,90 euros par titre sur la base d'une valorisation totale de 75 000 euros ;
2. la promesse de vente des titres de Monsieur [U] [Z] prévoyant la cession de ses titres au majoritaire dans le mois suivant l'expiration du délai de détention des titres prévus par l'article 885-V bis du code général des impôts soit le 31 janvier au plus tard.
Ayant donné procuration pour la signature, il n'a pas eu conscience avant le 19 mai 2020, date d'un mail lui demandant de céder ses actions en application des termes « de l'article 5.2 du pacte d'associés », du contenu dudit pacte. Il a été victime d'un dol, ce qui lui permet d'agir sur ce fondement en annulation de la clause 5.2 du pacte d'associés daté du 14 octobre 2015. L'erreur porte tant sur la valeur de la société revue à la baisse par la société Thera-sana développement que sur le contenu du pacte d'associé et plus précisément de son article 5.2.
Il lui a en effet été fait croire que la valeur de la société pour l'opération projetée était non plus de 150 000 euros, comme indiqué dans la lettre d'intention, mais de 75 000 euros en raison d'une dépréciation du stock à la suite d'un audit. Or les atouts de la société AeL création n'ont pas été pris en compte dans la valorisation. Elle avait atteint en 2015 son seuil de rentabilité et n'avait pas besoin de recapitalisation. Pour se convaincre de l'erreur sur la valorisation, il convient d'analyser les résultats de 2016 à 2019, bénéficiaires dès 2016.
Après être longuement revenu sur les manoeuvres qu'il impute à la société Thera-sana développement, Monsieur [Z] reproche aux premiers juges d'avoir procédé à une analyse erronée des documents qui leur ont été soumis, la lecture de l'article 5.2 du pacte d'associés, en tant que promesse synallagmatique de vente n'étant pas conforme à la lettre du texte, ni à l'esprit des parties. Des promesses unilatérales croisées d'achat et de vente ne valent pas vente. L'existence de la faculté de substitution interdit de considérer qu'il y a rencontre des volontés dans la promesse valant vente.
Si la cour retenait que l'engagement de Monsieur [Z] est valable, il ne saurait être question que d'un engagement unilatéral de sa part à céder ses parts avant le 31 janvier 2020. Il n'était donc pas tenu au-delà du 31 janvier 2020, sauf à considérer que son engagement était perpétuel, ce qui est prohibé par l'article 1210 du code civil. Faute d'avoir informé le promettant de sa volonté d'acquérir dans le délai prévu, soit avant le 31 janvier 2020, la promesse est devenue purement et simplement caduque.
Monsieur [Z] conclut que le jugement est également critiquable, en ce qu'il a retenu qu'il existait un accord des parties sur le prix, à savoir le prix de transmission interne. Cette formule de vente, qui ne prend en compte que les capitaux propres, est imparfaite, car la société Thera-sana développement, associée majoritaire, dispose d'éléments pour pouvoir influer sur leur valeur. Dès lors que le prix fixé dépend de la volonté d'une partie, la vente est nulle. Il y a également lieu d'écarter le prix de transmission interne en cas d'exercice du droit de préemption du majoritaire au profit du prix de vente de la cession projetée.
Si la cour estimait que cette méthode léonine de fixation du prix ne justifiait pas la nullité de la vente, elle devrait écarter le mode de fixation du prix et désigner un expert avec la mission d'évaluer les parts sociales en application des dispositions de l'article 1843-4 du code civil.
Monsieur [Z] s'oppose enfin à toutes les demandes formulées par la société Thera-sana développement. A cette fin, il plaide que la résistance à une action en justice ne peut s'assimiler à une résistance abusive permettant l'allocation de dommages-intérêts. Il considère en outre qu'il ne peut à la fois être contraint de céder ses titres et de verser une somme dont l'objectif est de compenser l'impossible exécution.
Par conclusions régularisées par le RPVA le 14 juin 2022, la société Thera-sana développement demande à la cour de :
« Vu ensemble les articles 15, 16 et 135 du Code de procédure civile,
Vu les deux notifications RPVA de l'appelant en date du 13 juin 2022 à 15h10 et 17h38, à la veille de la clôture des débats déjà reportée au 14 juin 2022 ;
Vu le jugement déféré du Tribunal de commerce de LILLE METROPOLE du 20 mai 2021,
Vu ensemble les articles 1003 et 1104 du Code civil,
Vu l'ancien article 1116 du Code civil applicable au litige,
Vu ensemble les articles 1217 et 1221 du Code civil,
Vu l'article 1589, alinéa 1 er , du Code civil,
Vu l'article 1843-4 du Code civil,
Vu les articles 5.2 et 9 du Pacte d'associés du 14 octobre 2095,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats et les présentes écritures,
0- A TITRE LIMINAIRE,
- REJETER comme étant tardives les conclusions récapitulatives et en réponse à l'appel incident n°3 et les cinq pièces numérotées 65 à 70 selon bordereau, notifiées le 13 juin 2022 par Maître Marie-Hélène LAURENT, Conseil de Monsieur [U] [Z].
Subsidiairement,
- RABATTRE la clôture du 14 juin 2022 à telle date qu'il lui plaira de fixer, permettant aux parties d'échanger leurs écritures et pièces dans le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense.
I-
- DEBOUTER Monsieur [Z] de son appel comme étant non fondé.
- JUGER prescrite l'action et l'intégralité des demandes de M. [Z] sur le fondement de la nullité du Pacte d'associés du 14 octobre 2015, et notamment de son article 5.2, pour dol et/ou pour prix non déterminé ou non déterminable.
- DEBOUTER en tout état de cause Monsieur [K] de l'intégralité de ses moyens et demandes sur le fondement de la nullité du Pacte d'associés du 14 octobre 2015, et notamment de son article 5.2, pour dol et/ou pour prix non déterminé ou non déterminable.
II-
- JUGER la société THERA SANA DEVELOPPEMENT recevable et bien fondée en son appel incident.
En conséquence :
- REFORMER le jugement du Tribunal de commerce de LILLE METROPOLE du 20 mai 2021 en ce qu'il a débouté la société THERA-SANA DEVELOPPEMENT de sa demande de dommages et intérêts.
- CONDAMNER Monsieur [Z] à payer à la société THERA-SANA DEVELOPPEMENT la somme de 25.000,00 Euros à titre de dommages et intérêts.
III-
- CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de LILLE METROPOLE en ce qu'il :
- a débouté Monsieur [Z] de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions ;
- a condamné Monsieur [Z] à :
' céder à la société THERA-SANA DEVELOPPEMENT l'intégralité de ses 1.747 actions détenues dans le capital de la société AEL CREATION pour le prix total de 39.595,00 € ;
' effectuer, sous astreinte de 200,00 € par jour de retard à compter de la signification du présent jugement, toutes les formalités nécessaires à l'accomplissement et au transfert desdites actions et plus spécialement à la signature de l'ordre de mouvement correspondant ;
' s'est réservé la liquidation de l'astreinte ;
' condamné Monsieur [Z] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
IV- A TITRE SUBSIDIAIRE, S'IL EN ETAIT BESOIN,
Vu l'article 1231-5, alinéa 1 er , du Code civil,
Vu l'article 9, §4, du Pacte d'associés du 14 octobre 2015,
Vu les présentes écritures,
- DEBOUTER Monsieur [Z] de l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions.
- CONDAMNER Monsieur [Z] à payer à la société THERA-SANA DEVELOPPEMENT la somme de 50.000,00 Euros à titre de dommages et intérêts.
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
- CONDAMNER Monsieur [Z] paiement de la somme de 8.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNER le même aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant distraits au profit de Maître Christophe PAUCHET, avocat au Barreau de LILLE, sur son affirmation de droit. »
Sur le fond, la société Thera-sana développement explique que la société Ael création était dans une situation critique avant qu'elle n'entre dans son capital en 2015, ainsi qu'en attestent ses comptes lourdement déficitaires des exercices 2012, 2013 et 2014. L'apport de Monsieur [Z], qui n'avait aucune connaissance du marché des magasins bio ou des produits, très spécialisés, était purement financier, ce dernier étant un homme d'affaires, particulièrement avisé et bien entouré, rompu au capital investissement et friand de défiscalisation.
Par le pacte d'associés qu'il a signé le 14 octobre 2015, celui-ci s'est engagé de façon irrévocable à céder à la société Thera-sana développement, qui s'est réciproquement engagée à les acquérir, la totalité des 1 747 actions qu'il détenait dans le capital de la société AeL création. A cette période, compte tenu de la situation de cette société, Monsieur [Z] avait conscience du risque pesant sur ses investissements financiers et eu pour principal objectif d'obtenir le remboursement de son compte courant d'associé. Contrairement à ses affirmations dénuées de preuve, il n'a jamais indiqué qu'il souhaitait conserver ses parts sociales. Il n'a pas critiqué le principe de l'opération de rachat à venir. Bien au contraire, il en a étudié et minutieusement analysé les moindres contours, à l'aide de son expert-comptable. Parfaitement rompu à la vie des affaires et titulaire de moult mandats sociaux, Monsieur [Z] est un investisseur chevronné. Il a donc régularisé la promesse en pleine conscience et parfaite maîtrise de sa portée. Il n'a existé aucune entente occulte entre les dirigeants de la société Thera-sana développement et ceux de la société AeL création, les propos de Monsieur [Z] s'apparentant à une véritable théorie du complot.
La prétendue existence d'un dol, parfaitement inédite devant la cour, se heurte à la prescription quinquennale applicable en la matière. Monsieur [Z] n'a rien découvert au jour de l'exécution du pacte, contrairement à ce qu'il prétend.
Le 28 juillet 2015, une promesse d'augmentation de capital et de transformation en SAS a été signée entre la société Thera-sana développement d'une part, et Messieurs [W], Madame [R], la société Essentiel 16 et Monsieur [Z] d'autre part, prévoyant notamment la signature d'un pacte d'associés, aménageant un « engagement des associés ayant investi dans le cadre d'un dispositif TEPA/ISF à céder les actions de la société qu'ils détiennent au Bénéficiaire [Thera-sana développement] ou à toute personne qu'il désignera dans le mois qui suit le terme de chacun des délais de conservation correspondants, à savoir : (..) Monsieur [U] [Z], en 3 temps en janvier 2017, janvier 2018 et janvier 2019 (...) ». Contrairement aux allégations de l'appelant, il était donc déjà question de la vente des droits de Monsieur [Z].
Ce dernier a expressément donné son accord pour la signature du pacte d'associés par Monsieur [X] [W], chargé de le représenter en vertu d'un pouvoir régularisé, annoté, et signé, ce pouvoir étant lui-même valable du 28 septembre 2015 au 31 octobre 2015, soit pendant la période au cours de laquelle le pacte d'associés a été lui-même signé. Monsieur [Z] l'a retourné à Monsieur [W] par courriel en date du 23 octobre 2015 après l'avoir personnellement récupéré la veille, avec les actes procès-verbaux d'assemblée générale et le pacte, pour en prendre connaissance.
Il n'existe pas davantage d'erreur tenant à la valorisation de l'entreprise. Au soutien de sa tentative de démonstration, Monsieur [Z] se livre à une invraisemblable manipulation de chiffres sans documents à l'appui et au mépris de toutes les règles comptables.
L'audit réalisé le 31 juillet 2015 dans le cadre de l'inventaire physique de la société AeL création a révélé un certain nombre d'irrégularités dans la valorisation des stocks qui ont entraîné une surévaluation des résultats d'exploitation antérieurs et donc des fonds propres. Le rapport du commissaire à la transformation et du commissaire aux comptes sur la transformation de la SARL AeL création en SAS a expressément confirmé la perte d'exploitation. Ni Monsieur [Z], ni son expert-comptable, ni la société Essentiel 16 ou encore l'expert-comptable de celle-ci n'ont jamais émis la moindre critique ni réserve sur les valorisations de la société successivement affinées grâce aux audits faisant état de pertes cumulées d'1,2 millions d'euros et de dettes exigibles de 258 000 euros.
En définitive, il n'existe aucune manoeuvre dolosive au sens de l'ancien article 1116 du code civil. Monsieur [Z] le sait pertinemment, mais cherche néanmoins à duper la cour. Sa posture procédurale confine, en conséquence, à l'escroquerie au jugement.
Par ailleurs, le prix de cession apparaît suffisamment déterminé et/ou déterminable dans la mesure où les éléments qui ont servis de base au calcul ont été définis sans ambiguïté et se distinguent par leur caractère objectif, ainsi que l'ont justement souligné les premiers juges.
L'article litigieux 5.2 du pacte d'associés du 14 octobre 2015 s'analyse bel et bien en une promesse synallagmatique de cession de droits sociaux. Une telle promesse est juridiquement considérée comme une vente, dès lors que le prix est déterminé ou déterminable. En l'espèce, les parties ont librement fixé la méthode de détermination du prix de cession des titres sociaux dans le cadre du pacte d'associés les liant, privant de fondement la demande d'expertise présentée par Monsieur [Z].
Ladite promesse n'est assortie d'aucune condition suspensive susceptible d'emporter la caducité du contrat en cas de non-réalisation. Quant à l'échéance du 31 janvier 2020, il ne s'agit que du simple délai de conservation des titres par Monsieur [Z], délai qui n'a été aménagé que pour permettre au cédant de bénéficier de l'avantage fiscal visé à l'article 880-0 V bis du code général des impôts, relatif au calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune.
La résistance et l'organisation même de la défense de Monsieur [Z] sont abusifs et donc fautifs. Sa thèse d'une promesse unilatérale de vente relève d'une mauvaise foi rare, et son refus d'exécuter son engagement de vendre, stipulé comme étant irrévocable, est constitutif d'une véritable résistance abusive. Cette résistance est d'autant plus condamnable et dommageable qu'elle s'accompagne d'agissements déloyaux. Ainsi, après s'être soigneusement assuré du remboursement intégral de ses comptes courants d'associé, Monsieur [Z] excipe d'une lecture volontairement confuse et erronée de ses engagements contractuels pour mieux éluder toute obligation de sa part et obtenir la réévaluation du prix de cession de ses droits sociaux. L'octroi de dommages et intérêts s'impose.
Faisant application de la loi des parties, dans l'hypothèse où l'exécution forcée ne pourrait être appliquée ou applicable, la cour condamnerait, sur le fondement de l'article 9, §4 du pacte d'associés du 14 octobre 2015, Monsieur [Z] à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts. Cette clause évoque une exécution forcée qui ne pourrait être appliquée ou applicable, sans préciser les causes ou motifs pour lesquels une telle exécution serait impossible. Une éventuelle nullité de l'article 5.2 du pacte, quel que soit son fondement (dol ou nullité pour prix non déterminé ou déterminable) ne serait donc pas de nature à priver la société Thera-sana développement du bénéfice de la clause pénale.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 juin 2022.
I - Sur les demandes d'annulation « du pacte d'associé et plus spécialement de l'article 5.2. du pacte d'associés daté du 14 octobre 2015 »
1) Pour dol
Aux termes de l'article 1116 ancien du code civil, applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
Aux termes de l'article 1304 ancien du code civil, applicable au litige, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.
En l'espèce, Monsieur [Z] se contente de longs développements péremptoires sans aucunement démontrer la réalité de l'erreur sur la valorisation de l'entreprise qu'il allègue en tronquant et en déformant les faits objectifs du litige.
Ceux-ci établissent en réalité les grandes difficultés dans lesquelles se trouvait la société AeL création avant l'entrée de la société Thera-sana développement dans son capital et les menaces existant sur sa pérennité au regard de son insuffisance de trésorerie, du montant de ses dettes et de son résultat d'exploitation déficitaire depuis des années. Son redressement n'a été permis que grâce à sa recapitalisation, qui a évité que sa banque ne lui retire son soutien, et à la réalisation d'investissements (remise aux normes réglementaires notamment).
Monsieur [Z], investisseur expérimenté, se montrait particulièrement attentif aux chiffres réalisés par la société AeL création et a régulièrement échangé avec les dirigeants de la société Thera-sana développement sur la valorisation de la société. Celle-ci a, en tout état de cause, été finalisée sur la base d'un audit réalisé par un organisme indépendant, la société In Extenso, et Monsieur [Z] échoue complètement à démontrer qu'elle n'ait pas été conforme à la réalité.
C'est encore de parfaite mauvaise foi que ce dernier, en sa qualité de signataire du pacte litigieux, fut-ce par l'effet de la procuration donnée à Monsieur [X] [W], dont il sera rappelé qu'elle était valable du 28 septembre au 31 octobre 2015, prétend n'avoir eu connaissance « de la portée que la société Thera-sana développement souhaitait donner à l'article 5.2 du pacte d'associés » que lorsque celle-ci a exigé la cession de ses actions le 19 mai 2020.
Les termes dudit article sont parfaitement clairs et l'appelant en a manifestement examiné le contenu avec la plus grande attention, exigeant notamment, par l'effet de la procuration sus-mentionnée, que les modalités de remboursement de son compte courant soient modifiées en sa faveur. La vente de ses titres était en outre prévue de longue date, puisqu'elle figure à la promesse d'augmentation de capital et de transformation en société par actions simplifiée en date du 28 juillet 2015, et dans le projet de pacte qui lui a été envoyé par mail le 1er octobre 2015.
L'action en nullité d'un acte devant être exercée dans un délai de cinq ans à compter de sa conclusion, soit en l'espèce le 14 octobre 2015, et Monsieur [Z] ayant sollicité l'annulation de son article 5.2. par conclusions du 24 septembre 2021, soit plus de cinq ans après la conclusion de l'acte, sans démontrer avoir découvert tardivement une erreur ou un dol ayant vicié son consentement de nature à reporter le point de départ du délai de prescription, sa demande est irrecevable.
2) Pour prix indéterminé et indéterminable
Aux termes de l'article 1591 du code civil, le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties.
Ces dispositions n'imposent pas que l'acte porte en lui-même indication du prix, mais seulement que ce prix soit déterminable.
Pour que le prix soit déterminable, il faut, d'une part, que celui-ci puisse être déterminé, lors de l'exécution, par la seule référence aux clauses du contrat, et, d'autre part, que sa détermination future ne soit pas laissée à la volonté de l'une des parties.
En l'espèce, le pacte d'associés stipule que :
« le PRIX DE TRANSMISSION INTERNE est appliqué lors de chaque TRANSFERT de VALEURS MOBILIÈRES entre ASSOCIÉS de la SOCIÉTÉ à intervenir depuis la date de la dernière assemblée générale ordinaire annuelle d'approbation des comptes. Il est payable comptant si la TRANSMISSION est à titre onéreux. Il est déterminé selon la formule suivante : PTI = KP / K.
PTI : valeur d'entreprise par TITRE
KP : valeur des capitaux propres (ligne DL) des derniers comptes annuels approuvés par les associés
K : nombre de TITRES composant le capital social de la SOCIÉTÉ.
Par exception au paragraphe précédent, si le montant des capitaux propres de la SOCIÉTÉ est inférieur à 0, LE PRIX DE TRANSMISSION INTERNE sera alors égal à 1€. »
Il en résulte que les parties ont précisément défini les éléments constitutifs du prix, dont la fixation ne dépend pas de la volonté discrétionnaire de la société Thera-sana développement.
L'appelant indique lui-même que « la société THERA SANA DEVELOPPEMENT, associée majoritaire, dispose d'éléments pour pouvoir influer sur la valeur des capitaux propres », ce qui implique qu'il reconnaît que l'associée majoritaire ne peut faire varier les capitaux propres de la société AeL création à sa guise, mais seulement avoir une influence sur leur montant. A cet égard, il se contente d'évoquer l'existence de conventions réglementées.
Cependant, les capitaux propres, définis comme la différence entre les éléments de l'actif et les dettes, dépendent à la fois du capital social, des réserves et reports à nouveau, et du résultat de l'exercice, soumis aux aléas inhérents à toute activité économique.
Enfin, la formule de prix n'est pas fondée sur le seul montant des capitaux propres.
La détermination du prix n'est donc pas laissée à la discrétion de la société Thera-sana développement et Monsieur [Z] doit être débouté de sa demande d'annulation pour indétermination du prix.
II ' Sur la cession des parts
1) Sur la qualification des promesses réciproques de vente et d'achat
Aux termes de l'article 1589 alinéa 1 du code civil, la promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix.
En l'espèce, l'article 5.2 du pacte d'associés stipule : « Monsieur [U] [Z] s'engage de façon irrévocable à vendre au MAJORITAIRE qui s'engage à acquérir ou faire acquérir par toute personne qu'il se substituerait la totalité des 1.747 TITRES de la SOCIÉTÉ qu'il détient dans le mois qui suit l'expiration du délai de détention des titres prévu par l'article 885-0 V bis du code général des impôts le 31 janvier 2020 au plus tard, au prix de transmission interne. ».
L'existence de ces promesses croisées de vente et d'achat est concomitante. Elles ont le même objet et sont stipulées dans les mêmes conditions. Par ailleurs, les cocontractants ne se sont pas accordés la moindre faculté d'option, mais se sont engagé réciproquement, de manière immédiate et définitive.
Dès lors, ces promesses, qui comportent un accord sur la chose et sur le prix, valent vente, et opèrent, à défaut de stipulation particulière, le transfert immédiat de la propriété des titres sur lesquels elles portent.
La faculté de substitution qui y est stipulée est sans effet sur le caractère synallagmatique du contrat, le terme fixé consistant uniquement en un délai suspensif accordé à Monsieur [Z] pour des raisons fiscales. Il est purement indicatif, comme le démontre le fait qu'il ne soit pas expressément assorti de la sanction de caducité, et permet à chaque partie, dans un délai raisonnable, de contraindre l'autre à exécuter son engagement, ou d'agir en résolution.
Les moyens élevés par Monsieur [Z] sont donc tous inopérants.
2) Sur la demande de désignation d'un expert
A mauvais escient, l'appelant invoque encore l'article 1843-4 ancien du code civil, alors que les dispositions de l'ordonnance n°2019-738 du 17 juillet 2019 s'appliquent aux demandes introduites à compter du 1er janvier 2020.
Elles disposent :
I. ' Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.
L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.
II. ' Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa.
L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties.
Ces dispositions ne sont donc applicables qu'en cas de cession imposée au cédant par les dispositions légales ou par les statuts. Les parties n'ont pas entendu s'y soumettre conventionnellement. Au contraire, la cession des droits sociaux de Monsieur [Z] et leur rachat par la société Thera-sana développement résultent de la mise en œuvre d'une promesse synallagmatique de vente librement consentie comportant des stipulations précisant les modalités de calcul du prix de cession, celui-ci ayant été jugé déterminable et non laissé à la discrétion de l'une des parties.
La demande de fixation du prix de cession des titres de Monsieur [Z] à dire d'expert et celle tendant à faire écarter « le prix de transmission interne en cas d'exercice du droit de préemption du majoritaire au profit du prix de vente de la cession projetée » ne peuvent qu'être rejetées, et la décision entreprise confirmée en ce qu'elle :
-a débouté Monsieur [U] [Z] de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions
-a condamné Monsieur [U] [Z] à :
-céder à la société Thera-sana développement l'intégralité de ses 1 747 actions détenues dans le capital de la société AeL Création pour le prix total de 39 595 euros,
-effectuer sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement toutes les formalités nécessaires à l'accomplissement et au transfert des dites actions et plus spécialement à la signature de l'ordre de mouvement correspondant,
-s'est réservée la liquidation de l'astreinte.
III ' Sur les dommages et intérêts
En application des articles 1240 et 1241 nouveaux du code civil (1382 et 1383 anciens), l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et nécessite que soit caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice pour que puissent être octroyés des dommages et intérêts à titre de réparation.
L'irrespect de son engagement contractuel, de parfaite mauvaise foi, par l'appelant, est parfaitement caractérisé, ce dernier ayant opposé à la demande d'exécution des arguments totalement fallacieux, équipollents au dol, ayant fait dégénérer en abus son droit de résister.
Ce comportement a nécessairement causé un préjudice à la société Thera-sana développement, contrainte d'agir en justice et d'engager du temps et des frais pour faire reconnaître ses droits pourtant parfaitement établis.
La décision entreprise sera donc réformée en ce qu'elle a débouté la société Thera-sana développement de sa demande de dommages et intérêts. Monsieur [Z] sera condamné à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation.
IV - Sur les demandes accessoires
1) Sur les dépens
Aux termes des articles 696 et 699 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.
L'issue du litige justifie de condamner Monsieur [Z] aux dépens d'appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamné aux dépens de première instance
En conséquence, il convient de d'accorder à Maître [T] le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.
2) Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
La décision entreprise sera confirmée en ses dispositions sur les frais irrépétibles de première instance.
Monsieur [Z], tenu aux dépens d'appel, sera en outre condamné à verser à la société Thera-sana Développement la somme de 8 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, et débouté de sa propre demande de ce chef.
La cour,
Déclare irrecevables les conclusions et les pièces numérotées n°65 à 70 notifiées le 13 juin 2022 par Monsieur [U] [Z] ;
Déclare irrecevable la demande de Monsieur [U] [Z] tendant à faire « prononcer la nullité du pacte d'associé et plus spécialement de l'article 5.2. du pacte d'associés daté du 14 octobre 2015 pour dol » et ses demandes subséquentes ;
Déboute Monsieur [U] [Z] de sa demande tendant à faire « prononcer la nullité du pacte d'associé et plus spécialement de l'article 5.2. du pacte d'associés daté du 14 octobre 2015 pour prix non déterminé ou non déterminable » et de ses demandes subséquentes ;
Confirme le jugement rendu le 20 mai 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole, sauf en ce qu'il a débouté la société Thera-sana développement de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
L'infirme de ce seul chef,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Condamne Monsieur [U] [Z] à payer à la société Thera-sana développement la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Condamne Monsieur [U] [Z] à payer à la société Thera-sana développement la somme de 8 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Déboute Monsieur [U] [Z] de sa propre demande de ce chef ;
Accorde à Maître [T] le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.