CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 19 février 2021, n° 18/05021
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Healthcare Images and Solutions (HIS) (SAS)
Défendeur :
Workflow Innovations Imaging Solutions (WIIS) (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Sentucq
Conseillers :
M. Ardisson, Mme Paulmier-Cayol
La société SystemX, fondée en 2005 par MM. Emmanuel A. et Jérôme R., puis rejointe par M. Thierry L. (les associés fondateurs), spécialisée dans l'édition et l'intégration de solutions informatiques pour l'imagerie médicale exploitait une clientèle essentiellement constituée de cabinets de radiologie.
En 2010, une levée de fonds est organisée à son profit et la société Healthcare images and Solutions (HIS) est créée à cet effet. Ensuite de cette levée de fonds, le capital de la société SystemX s'est trouvé entièrement détenu par la société HIS dont les associés sont d'une part une société holding CCL Capital détenue en majorité par des repreneurs et investisseurs et de façon minoritaire par les associés fondateurs.
La société SystemX et la société HIS reprochant MM. Emmanuel A. et Thierry L. et à la société Workflow Innovations Imaging Solutions (WIIS), créée dans le courant de l'année 2016 par ces derniers, une violation par ceux-ci des engagements de non concurrence souscrits aux termes de différents actes ainsi que dans le cadre des contrats de travail qui leur avaient été consentis, après une mise en demeure restée infructueuse, les a assignés par acte d'huissier des 30 décembre 2016 et 3 et janvier 2017 devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de dommages et intérêts et aux fins de voir ordonner la cession forcée des titres détenus par MM. Emmanuel A. et Thierry L. dans le capital de la société WIIS et la cessation de leurs fonctions de dirigeants au sein de cette société.
Le tribunal, par jugement du 2 mars 2018, après avoir rejeté les fins de non-recevoir soulevées par les défendeurs et leur demande en nullité des engagements de non-concurrence souscrits par MM. Emmanuel A. et Thierry L. par un protocole d'accord du 31 mars 2010 et réitéré par les pactes d'associés qui ont suivi, sur le constat qu'il n'y avait pas eu de violation de ces engagements de non concurrence, a débouté les demanderesses de leurs demandes. Les défendeurs étaient déboutés de leurs demandes reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive. Le tribunal a fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des défendeurs et a mis les dépens à la charge de la société HIS.
La société SystemX et la société HIS ont relevé appel de cette décision par déclaration du 7 mars 2018.
Aux termes de ses dernières écritures remises le 11 juin 2020, la société HIS qui a absorbé le 16 mai 2019 la société SystemX et a adopté la dénomination sociale de cette dernière, demande à la cour de :
Au visa des articles 1134, 1382 et 1383 du code civil (dans leurs rédactions alors applicables),
- débouter MM. Emmanuel A. et Thierry L. et la société WIIS de leurs demandes et de leur appel incident ;
- déclarer les sociétés HIS et SystemX, désormais fusionnées en une seule entité renommée SystemX, recevables et bien fondées en leur appel ;
Y faisant droit,
- confirmer le jugement du 2 mars 2018 en ce qu'il a :
* débouté MM. Emmanuel A. et Thierry L. et la société WIIS de leur fin de non-recevoir opposée à la société SystemX pour défaut de qualité à agir,
* débouté MM. Emmanuel A. et Thierry L. et la société WIIS de leur demande de nullité de l'engagement de non-concurrence souscrit par MM. Emmanuel A. et Thierry L. en faveur de la société HIS au titre du protocole d'accord du 31 mars 2010 et des pactes d'associés qui ont suivi,
* débouté MM. Emmanuel A. et Thierry L. et la société WIIS de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- infirmer le jugement du 2 mars 2018 en ce qu'il a :
* constaté qu'il n'y a pas eu de violation de l'engagement de non-concurrence par MM. Emmanuel A. et Thierry L. à l'encontre de la société HIS et débouté les sociétés HIS et SystemX de leurs demandes à ce titre ainsi que de leurs demandes de cession par MM. Emmanuel A. et Thierry L. de leurs parts dans la société WORKFLOW INNOVATIONS IMAGING SOLUTIONS et de démission de leurs postes dans celle-ci,
* condamné la société HIS à payer 10.000 € à MM. Emmanuel A. et Thierry L. et la société WIS, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* débouté les société HIS et SystemX de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
* condamné la société HIS aux dépens,
Statuant à nouveau,
- constater la violation des obligations de non-concurrence souscrites dans le protocole d'accord du 31 mars 2010, puis dans les pactes d'associés des 7 avril 2010 et 19 janvier 2012 par Monsieur Emmanuel A. et Monsieur Thierry L. ;
- constater la faute délictuelle de la société WIIS qui s'est rendue complice de la violation des clauses de non-concurrence de Monsieur Emmanuel A. et de Monsieur Thierry L. ;
En conséquence,
- ordonner la cession forcée de tous les titres détenus par Monsieur Emmanuel A. et Monsieur Thierry L. dans la société WIIS sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la date de la signification de la décision à intervenir ;
- ordonner la cessation forcée des fonctions exercées par Monsieur Emmanuel A. et Monsieur Thierry L. dans la société WIIS sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ;
- condamner in solidum Monsieur Emmanuel A. et Monsieur Thierry L. ainsi que la société WIIS à payer à la société SystemX anciennement dénommée société HIS venue aux droits de la société SystemX (ancienne) à l'issue d'une opération de fusion absorption la somme de 100.000 euros à titre du préjudice subi du fait de la violation des engagements de non-concurrence de Monsieur Emmanuel A. et Monsieur Thierry L. ;
En toute hypothèse,
- condamner MM. Emmanuel A. et Thierry L. et la société WIIS à payer, à la société SystemX anciennement dénommée société HIS la somme de 15.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner Emmanuel A. et Thierry L. et la société WIIS aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures remises le 21 Juillet 2020, MM. Emmanuel A. et Thierry L. et société WIIS demandent à la cour de :
Au visa des anciens articles 1199 1134, 1382 et 1383 du code civil, des articles 699 et 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Messieurs Emmanuel A. et Thierry L. ainsi que la société WIIS de leur demande de nullité de l'engagement de non-concurrence souscrit par Messieurs Emmanuel A. et Thierry L. en faveur de la société HIS au titre du protocole d'accord du 31 mars 2010 et des pactes d'associés qui ont suivi ;
Statuant à nouveau,
- dire et juger que la clause de non-concurrence ne remplit pas les conditions cumulatives de validité et est donc nulle ;
De même,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Messieurs Emmanuel A. et Thierry L. ainsi que la société WIIS de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Statuant à nouveau,
- condamner solidairement les sociétés SystemX et HIS à payer à Messieurs Emmanuel A. et Thierry L. ainsi qu'à la société WIIS, la somme de 10 000 euros, au titre du préjudice subi pour la procédure abusive ;
De surcroît,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté qu'il n'y a pas de violation de l'engagement de non-concurrence par Messieurs Emmanuel A. et Thierry L. à l'encontre de la société HIS et débouté les sociétés HIS et SystemX de leur demande à ce titre, ainsi que de leurs demandes de cession par Messieurs Emmanuel A. et Thierry L. de leurs parts dans la société WIIS et de leur démission de leurs postes dans celle-ci ;
Plus encore,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société HIS à payer 10 000 euros, à Messieurs Emmanuel A. et Thierry L. ainsi qu'à la société WIIS, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
Enfin,
- condamner les sociétés HIS et SystemX à payer à Messieurs Emmanuel A. et Thierry L. ainsi qu'à la société WIIS, la somme de 10 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'instance en appel, distraction requise au profit de la SELARL Philippe J.-P., Avocat au Barreau de PARIS, au titre de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance en appel.
Les faits sur lesquels la cour doit statuer s'étant tous passés antérieurement à l'opération de fusion absorption de la société SystemX par la société HIS et au changement de la dénomination sociale de cette dernière par adoption de celle de l'absorbée, il sera fait référence dans le corps du présent arrêt, à l'exception de son dispositif, distinctement à ces deux entités sous leurs dénominations sociales qui étaient les leurs alors.
La cour n'étant pas saisie par les intimés d'un appel incident des chefs du jugement ayant rejeté la fin de non-recevoir qu'ils avaient soulevée tirée du défaut de qualité à agir de la société SystemX, la dévolution du litige n'opère pas sur ces chefs qui sont donc définitivement jugés.
***
Comme l'y autorise l'article 455 du code de procédure civile, la cour se reporte aux dernières écritures susvisées des parties pour un l'exposé des faits et de leurs moyens.
Il sera néanmoins succinctement rappelé que la levée de fonds dont il a été fait état en début d'arrêt s'est inscrite dans le cadre juridique d'un protocole d'accord conclu le 31 mars 2010 entre les MM. Emmanuel A. et Thierry L. (ainsi que d'autres associés mais qui ne sont pas concernés par le présent litige) désignés comme étant les ''vendeurs'' d'une part et des personnes physiques et morales désignées ''repreneurs'' et ''investisseurs'', ainsi que la société HIS nouvellement constituée et la société CCL Capital, Holding et principale associée de la précédente et dont le capital est majoritairement détenu par les repreneurs et investisseurs d'autre part.
Par cet acte, les vendeurs s'engageaient à céder l'intégralité de leurs parts sociales dans le capital de la société SystemX, à la société HIS à l'exception des titres que les associés fondateurs s'étaient également engagés à lui apporter. Les associés fondateurs de la société SystemX souscrivaient une garantie de passif et d'actif ainsi que des engagements de non concurrence, de non débauchage et d'exclusivité tandis que les contrats de travail les liant à la société SystemX étaient confirmés ; les associés fondateurs, les repreneurs et les investisseurs ainsi que les sociétés HIS et CCL Capital s'engageaient irrévocablement à signer un pacte d'associé de HIS dont le contenu était déjà en grande partie fixé. Ce protocole était soumis à plusieurs conditions suspensives tenant notamment à l'octroi de financements et de garanties ; il avait été précédé de la transformation de la forme sociale de la société SystemX qui était jusqu'alors une SARL en SAS.
En exécution de ce protocole d'accord, MM. Emmanuel A. et Thierry L. avec d'autres associés fondateurs non concernés par le présent litige devenaient ainsi actionnaires à concurrence de 28,80% du montant du capital social de la société HIS, les 78,20% restant étant détenus par la société CCL Capital.
Le 7 avril 2010, les associés fondateurs réitéraient dans les mêmes termes leurs engagements de non-concurrence, de non débauchage et d'exclusivité pris en vertu du protocole d'accord.
Deux pactes d'associés étaient souscrits entre les associés de la société HIS, l'un le 7 avril 2010 l'autre le 19 janvier 2012 qui a annulé et remplacé le précédent et qui a été justifié par l'ouverture du capital social de SystemX à ses salariés ; ce pacte d'associés a pour objet de fixer les règles gouvernant la cession des titres de la société HIS de façon à ce que la CCL Capital puisse contrôler les modifications de la composition du capital social de cette dernière.
Le pacte du 7 avril 2010 ayant été remplacé par celui du 19 janvier 2012, il sera donc uniquement fait référence à ce dernier.
Deux contrats de travail étaient conclus le 31 mars 2010 entre la société SystemX et MM. Emmanuel A. et Thierry L. mettant à la charge de ces derniers une obligation de non-concurrence. Ces derniers étaient licenciés par courriers respectivement des 22 juin et 16 février 2015, la lettre de licenciement déliant chacun d'eux de la clause de non-concurrence stipulée à leur contrat de travail.
Sur les demandes en inopposabilité et en nullité des engagements de non-concurrence.
Il est stipulé au protocole d'accord du 31 mars 2010 un article 7 intitulé « Engagement de non concurrence/non débauchage/Exclusivité » ; cet engagement était souscrit par MM. Emmanuel A. et Thierry L. ainsi que par MM. R. et Durban non concernés par le présent litige. Cet article rappelle que cet engagement constitue « un élément essentiel et déterminant de la volonté des Repreneurs et de l'Investisseur de réaliser les opérations prévues au Protocole et celle-ci [la délivrance de cet engagement] fait partie intégrante du prix payé aux Fondateurs par HEALTHCARE IMAGES AND SOLUTIONS pour acquérir les Titres à Céder et recevoir les Titres à Apporter. ». Il est précisé qu'à la date de réalisation des conditions suspensives, « les Fondateurs, en tant que de besoin, réitéreront à la date de Réalisation, les engagements de non-concurrence, de non débauchage et d'exclusivité ci-dessous. »
« Chacun des fondateurs consent à Healthcare Images And Solutions, dans le cadre de la cession de ses Titres à Céder et de l'apport de ses Titres à Apporter un engagement de non-concurrence :
- valable dans toute l'Europe, les Etats-Unis et la Chine ainsi que tout autre pays dans lequel la société SystemX sera active à la Date d'Expiration ci-dessous stipulée (ci-après le ''Territoire''),
- valable pendant toute la durée pendant laquelle il détiendra des actions de HEALTHCARE IMAGES AND SOLUTIONS et/ou une participation dans une Filiale de la Société et jusqu'à l'expiration d'une durée de trois (3) ans courant à compter de la date à laquelle il ne détiendra plus aucune participation que ce soit dans la HEALTHCARE IMAGE AND SOLUTIONS ou dans l'une quelconque des Filiales qu'il viendrait à détenir (la ''Date d'Expiration''),
- couvrant toutes les activités actuelles de la société SystemX, à savoir les solutions d'impression d'imagerie médicale et les consoles de diagnostics ainsi que toutes nouvelles activités que viendrait à exercer la Société à la Date d'Expiration liées à l'imagerie médicale (ci-après les ''Activités'').
Ainsi, pendant toute la durée de validité de l'engagement de non-concurrence visé ci-dessus, chacun des Fondateurs s'interdit :
a) d'exercer, directement ou indirectement une activité concurrente ou similaire ou encore nécessaire à l'une quelconque des Activités, ce à quelque titre ou sous quelque forme que ce soit (salarié, intermédiaire, consultant, mandataire social, agent ou autre, associé ou actionnaire d'une entité juridique, membre d'une association même en qualité de simple associé commanditaire ou d'une société en participation) ;
b) de prendre, directement ou indirectement, une participation au capital d'une société nouvelle ou existante, implantée en France ou à l'étranger, qui exercerait l'une quelconque des Activités, sauf toutefois dans une société cotée sur un marché réglementé à la condition que la participation détenue dans cette société ne dépasse pas 1 % du capital social et des droits de vote aux assemblées générales ».
Se prévalant du principe de l'autonomie de la personnalité morale, les intimés font valoir que la clause de non concurrence a été souscrite non pas au bénéfice de la société SystemX, mais de la société HIS, qui est sa société holding, laquelle n'exerce par elle-même aucune activité dans le domaine de l'imagerie médicale que la clause était censée protéger, cette activité étant uniquement exercée par la société SystemX, qui a délié MM. Emmanuel A. et Thierry L. lors de leurs licenciements de la clause de non concurrence stipulée aux termes de leur contrat de travail. Elle pointe une disproportion entre le contenu de la clause de non-concurrence et les intérêts légitimes de la société HIS.
Ils invoquent le caractère disproportionné du territoire où la clause de non-concurrence a vocation à s'appliquer alors que s'agissant de la société HIS aucun territoire ne saurait être affecté par une activité concurrente du fait de son absence d'activité ainsi qu'au regard de la réalité de l'implantation géographique de la société SystemX.
Relevant que la clause de non-concurrence prévoit qu'elle cesse trois années après la cessation de la qualité d'associé de MM. Emmanuel A. et Thierry L. et qu'à l'occasion de leurs licenciements, la société HIS n'a pas mis en œuvre la faculté qui lui était offerte par l'article 5 du pacte d'associés, de racheter leurs parts sociales, les intimés dénoncent le caractère illimité de leurs engagements et partant leur validité.
Se prévalant de la concomitance entre la signature du protocole d'accord et la conclusion des contrats de travail qui était une condition déterminante pour les investisseurs, et de l'exécution de ce protocole d'accord, ils fondent également leur demande de nullité des engagements de non-concurrence de MM. Emmanuel A. et Thierry L. sur l'absence de contrepartie financière.
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Un engagement de non-concurrence consenti au profit d'une société peut être valablement consenti par un de ses associés sans faire obstacle aux principes de la liberté du commerce et de l'industrie et de la liberté du travail pourvu qu'il soit limité dans le temps et l'espace et proportionné aux intérêts des parties.
Le protocole du 31 mars 2010 portant sur le changement de participation et l'augmentation du capital de la société SystemX et leurs modalités, c'est en toute logique que la société SystemX qui en faisait l'objet, n'a pas été partie à cet acte conclu entre d'une part les cédants, soit les associés fondateurs et d'autre part les repreneurs et investisseurs ainsi que la société HIS, société spécialement créée à cet effet.
Le fait que la société SystemX n'ait pas été partie au protocole du 31 mars 2010 n'empêche pas aux engagements de non concurrence souscrits par MM. Emmanuel A. et Thierry L. aux termes de cet acte et repris dans les actes subséquents précités de bénéficier à la société SystemX ; sa société mère, la société HIS qui détient de 100% de son capital social, a cherché légitimement à assurer la pérennité de son investissement chez SystemX, en la protégeant de la concurrence que pourraient lui faire ses fondateurs, dont MM. Emmanuel A. et Thierry L. ; ainsi, le protocole d'accord dans un glossaire indique que le terme ''la Société'' [écrit avec une majuscule] désigne la société SystemX ; l'article 7 de ce protocole qui traite de l'engagement de non concurrence vise le « territoire sur lequel ''la Société'' sera active », « l'une quelconque des Filiales de la Société que cette dernière viendrait à détenir », « toutes nouvelles activités que viendrait à exercer ''la Société'' à la date d'expiration liées à l'imagerie médicales ». Ces multiples références à la société SystemX achèvent de convaincre que l'engagement de non concurrence souscrit par MM. Emmanuel A. et Thierry L. est destiné à protéger l'activité de cette dernière d'une possible activité concurrentielle de ses associés fondateurs ; l'intérêt d'une Holding qui n'a pas d'activité commerciale ou industrielle étant étroitement lié à celui de sa filiale, l'argument de la disproportion entre l'engagement de non concurrence et les intérêts de la société HIS est inopérant.
Le dossier de présentation de la société SystemX lorsque cette dernière était à la recherche d'investisseurs rappelle l'innovation dont sont à l'origine les associés fondateurs de cette société, innovation qui a consisté à « remplacer le film radiologique par du papier ordinaire et devenir l'interlocuteur unique de toute la chaîne d'impression de l'imagerie médicale ». Le protocole d'accord du 31 mars 2010 indique que la société SystemX a développé en propre « un logiciel (XDP) fonctionnant comme un serveur multi-modal capable de communiquer avec l'ensemble des équipements d'un cabinet de radiologie (médical, gestion, impression). Ce rôle central permet à la Société de se positionner en interlocuteur incontournable sur toute la chaîne d'impression de l'imagerie médicale ».
La valeur de la société SystemX qui a été rachetée près de 5 millions d'euros est ainsi étroitement liée à l'expertise et au solutions innovantes développées en son sein par ses associés fondateurs, comme le rappellent les pactes d'associés : «l'implication personnelle des fondateurs au titre des fonctions salariés ou de mandataire social qu'il(s) exerce(nt) ou exerceront au sein de la Société ont conditionné la décision des Repreneurs de permettre auxdits Fondateurs d'investir dans la Société. »
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que la clause de non concurrence est ainsi justifiée par l'intérêt légitime des investisseurs que ne manque pas de rappeller la clause de l'engagement de non concurrence selon laquelle il « constitue un élément essentiel et déterminant de la volonté des repreneurs et de l'investisseur de réaliser les opérations prévues au protocole et celle-ci fait partie intégrante du prix payé aux Fondateurs par Healthcare Images And Solutions pour acquérir les Titres à Céder et recevoir les Titres Apportés ».
Il s'en suit que la société SystemX peut valablement se prévaloir des engagements de non-concurrence obtenus de MM. Emmanuel A. et Thierry L. par sa société mère ; la tentative des intimés qui ne maintiennent pas leur fin de non-recevoir, de déplacer la discussion sur le terrain du fond en invoquant le principe de l'autonomie de la personnalité morale est toute aussi inopérante.
Le pacte d'associés reprenant les termes du protocole a fixé l'étendue du territoire sur lequel l'engagement de non-concurrence a vocation à s'appliquer, soit, l'Europe les Etats-Unis et la Chine ; il opère toutefois une restriction par rapport au protocole puisque les autres pays ne seront concernés par cet engagement que si la société SystemX directement ou indirectement par le biais d'une ses filiales réalisera plus de 5% de son chiffre d'affaires. Si une restriction plus importante est prévue au profit des cadres salariés, le territoire protégé étant alors limité à la France, ainsi qu'à tout autre pays dans lequel le cadre salarié aurait ou aurait eu au cours des dix-huit mois précédent son départ une activité, le bénéfice de cette restriction est spécialement écarté à l'égard des associés fondateurs qui se sont vus consentir un contrat de travail leur accordant le statut de cadre, ce qui est précisément le cas de MM. Emmanuel A. et Thierry L..
Cependant, l'importance du territoire ainsi protégé par l'engagement de non concurrence est proportionnée à l'activité très spécialisée de la société SystemX, à savoir les solutions d'impression d'imagerie médicale et les consoles de diagnostics, avec une extension à toutes les activités que cette société viendrait à exercer à la date d'expiration de la clause mais devant toujours relever de l'imagerie médicale ; de plus MM. Emmanuel A. et Thierry L. ayant une formation généraliste en matière commerciale et non médicale, ils peuvent déployer l'expertise qu'ils ont acquise en matière de copieurs et imprimantes dans d'autres domaines que celui de l'imagerie médicale. L'étendue de ce territoire ne fait donc pas obstacle à la validité de l'engagement de non-concurrence.
L'importance attachée à la personne des associés fondateurs dans la valorisation de la société SystemX et par ricochet de celle de la société HIS peut expliquer que la durée de l'engagement de non concurrence couvre non seulement la période où MM. Emmanuel A. et Thierry L. détiendront des titres de la société HIS et de la société SystemX ou une participation dans une société du Groupe SystemX, mais encore trois années après la cessation d'une telle détention ou participation par ces derniers dans l'une de ces sociétés.
La date d'expiration de la clause de non-concurrence, soit trois ans après la cessation par MM. Emmanuel A. et Thierry L. de leurs qualités d'associés de la société HIS (ou de l'une de ses filiales dont la société SystemX) est inconnue à la date de souscription de cet engagement par le protocole du 31 mars 2010.
Cette date apparaît déterminable par celle de cessation de leur qualité d'associé ; pour autant, aux termes de l'article 5 du pacte d'associés, les associés fondateurs en cas de cessation de leurs ''Fonctions Principales'' ' définies par le pacte comme les fonctions salariées ou de mandataire social occupées au sein de la société HIS ou d'une de ses filiales ' ont souscrit une promesse unilatérale de vente au profit de la société CCL Capital, Holding sans faire peser sur cette dernière aucune obligation d'achat des titres détenus par les associés fondateurs lors de la cessation de leurs ''Fonctions Principales'' alors qu'elle détient la majorité des titres de la société HIS ; il ne repose pas d'avantage sur la société HIS une obligation de rachat de ses parts sociales détenues par les associés fondateurs. De même, le droit de préemption institué par l'article 2 du pacte en cas de cession par les associés de la société HIS de leurs titres en faveur des autres associés ne fait peser sur ces derniers ou sur la société HIS aucune obligation d'achat de ces titres.
Au vu des éléments du dossier, il n'apparaît pas à ce jour que la société CCL Capital ait notifié à MM. Emmanuel A. et Thierry L. son intention d'acquérir leurs actions dans le capital de la société HIS consécutivement à leurs licenciements de la société SystemX qui leur a été notifié il y a plus de cinq ans.
Il ressort donc que la cessation de la qualité d'associé de MM. Emmanuel A. et Thierry L. de la société HIS est soumise au bon vouloir de la société CCL Capital ou des associés de cette dernière.
Du fait de ce caractère potestatif qui permet de conférer aux engagements de non-concurrence souscrits par MM. Emmanuel A. et Thierry L. un caractère illimité en méconnaissance de la prohibition des engagements perpétuels, il convient infirmant les chefs du jugement qui les ont déboutés de leurs demande de nullité de ces engagements, de les déclarer nuls.
La nullité ainsi prononcée entraine le débouté de la demande de l'appelante en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de ces engagements de non concurrence ; ses demandes de cession des titres détenues par MM. Emmanuel A. et Thierry L. dans la société WIIS et de cessation de leurs fonctions de dirigeant qui constitue des réparations en nature du préjudice qu'elle prétend subir du fait de la violation des engagements de non concurrence sont pour le même motif rejetées.
L'exercice d'une action en justice comme la défense à cette action constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol qui ne sont pas constituées en l'occurrence. Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté les intimés se voient en conséquence déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
L'appelante qui échoue en l'essentiel de ses prétentions supporte les dépens de l'instance.
Il est fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'il suit.
Infirme le jugement rendu le 2 mars 2018 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté MM Emmanuel A. et Thierry L. et la société Working Innovations Imaging Solutions de leur demande de nullité de leurs engagements de non-concurrence ;
Statue de ce chef infirmé :
Déclare nul et de nul effet l'engagement de non-concurrence souscrit par MM Emmanuel A. et Thierry L. ;
Confirme pour le surplus les autres chefs du jugement ;
Y ajoutant :
Condamne la société SystemX à payer ensemble à MM Emmanuel A. et Thierry L. et la société Working Innovations Imaging Solutions la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société SystemX aux dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Philippe J.-P. pour ceux dont il a fait l'avance.