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Décisions

CA Dijon, 2e ch. civ., 18 avril 2019, n° 17/00575

DIJON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Cyclo SX21 (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vautrain

Conseillers :

M. Wachter, Mme Garnier

T. com. Dijon, du 10 nov. 2016, n° 20140…

10 novembre 2016

M. Boris W. a développé depuis 2005 un réseau national de distribution de cycles et accessoires, au travers de la SARL Cyclable, initialement installée à Toulouse.

Dans le cadre du développement de points de ventes régionaux, M. W. a créé un établissement secondaire de la SARL Cyclable à [...].

Par acte sous seing privé du 20 juillet 2009 a été constituée la SARL Cyclotaf, dont M. W. était associé majoritaire à 51 %, et dont M. Emmanuel P. associé minoritaire à 49 %, a été désigné gérant.

A la même date, la SARL Cyclable a cédé à la SARL Cyclotaf le fonds de commerce exploité aux [...], comprenant la clientèle, le droit au bail, le nom commercial et l'enseigne Cyclable, ainsi que le matériel, l'outillage, les meubles et ustensiles servant à l'exploitation du fonds.

Le même jour, MM W. et P. ont conclu un pacte d'associés relatif notamment à la rémunération du gérant, à l'indemnité de révocation du gérant, et au droit de préférence et de préemption en cas de cession de participations.

Des dissensions sont par la suite intervenues entre les associés de la société Cyclotaf quant au fonctionnement de celle-ci.

A la demande de M. W., M. P. a réuni le 22 avril 2011 une assemblée générale, portant sur l'ordre du jour suivant : rapport du gérant, fixation de la rémunération du gérant, révocation du gérant à la demande d'un associé, fixation de l'indemnité de révocation, nomination du gérant.

A l'issue de cette assemblée, il a été voté majoritairement contre la rémunération du gérant, pour la révocation sans indemnité de M. P., et M. W. a été désigné en qualité de nouveau gérant de la société Cyclotaf.

Le 15 décembre 2011, MM W., B. et L. ont constitué la SARL Cyclo SX21, dont le siège social a été fixé au [...].

Le 1er mars 2012, la société Cyclo SX21 a acquis le fonds de commerce de la société Cyclotaf, en suite de quoi l'activité exploitée au [...] a été transférée au 73 de la même rue.

Par exploits des 28 janvier 2014 et 4 février 2014, M. P. a fait assigner M. W. ainsi que la société Cyclo SX21 devant le tribunal de commerce de Dijon, sur le fondement des articles L 223-22, L 241-3 du code de commerce, 1134 et suivants, 1382 et suivants du code civil, aux fins :

- de condamnation de M. W. à lui payer :

* la somme de 6 400 € en réparation de la privation d'indemnité de révocation convenue au pacte d'associés ;

* la somme de 1 600 € par mois depuis le mois d'avril 2011 au titre de la privation de rémunération, soit la somme de 51 200 € au jour de l`assignation ;

* la somme de 26 950 € en réparation des droits dont il avait été privé compte tenu de la mutation occulte du fonds de commerce de la société Cyclotaf ;

* la somme de 10 000 € en réparation de son préjudice moral ;

- de condamnation de la société Cyclo SX21 à lui payer :

* la somme de 49 037 € en réparation du préjudice né de la privation des profits générés par le fonds de commerce transféré irrégulièrement à la société Cyclo SX 21 ;

* la somme de 10 000 € en réparation de son préjudice moral.

M. P. a exposé au soutien de ses prétentions que M. W. avait violé le pacte d'associés qui prévoyait la rémunération et l'indemnité de révocation du gérant, auquel il avait fait échec en abusant de sa qualité d'associé majoritaire, et en le révoquant sans juste motif. Il lui a encore fait grief de ne plus avoir établi les comptes sociaux de la société Cyclotaf, ni organisé d'assemblée générale depuis sa nomination en qualité de gérant, ainsi que d'avoir organisé la mutation occulte du fonds de commerce de la société Cyclotaf au profit de la société Cyclo SX21. Le demandeur a par ailleurs soutenu que la création de la société Cyclo SX21 n'avait d'autre dessein que d'organiser et de tirer profit d'une concurrence déloyale au préjudice de la société Cyclotaf, ce qui justifiait son indemnisation par la société défenderesse à hauteur du profit généré par le transfert du fonds.

M. W. et la société Cyclo SX21 ont conclu à l'irrecevabilité, en tout cas au rejet des demandes formées contre M. W., à l'irrecevabilité des demandes formulées contre la société Cyclo SX21, et à la condamnation reconventionnelle de M. P. à leur verser la somme de 15 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive. Ils ont indiqué que la révocation de M. P. résultait d'une décision de la collectivité des associés, et que si le demandeur estimait qu'elle était dépourvue de juste motif, il lui appartenait d'en faire grief, non pas à M. W., mais à la société Cyclotaf, qui était au demeurant la seule à pouvoir verser à l'intéressé une rémunération ou une indemnité de révocation. Ils ont ajouté qu'en sa qualité d'associé majoritaire, M. W. n'avait pas violé les termes du pacte d'associés. S'agissant de la mise en cause de M. W. en qualité de gérant de la société Cyclotaf pour cession occulte du fonds de commerce, les défendeurs ont fait valoir que la demande avait été formée plus de trois ans après le fait dommageable, savoir la cession du fonds, de sorte qu'elle était prescrite par application de l'article L. 223-23 du code de commerce, qu'au demeurant M. P. n'exerçait pas l'action ut singuli, qui supposait que la société Cyclotaf soit attraite dans la procédure, ce qui n'était pas le cas, ni l'action individuelle, dès lors qu'il ne se prévalait pas d'un préjudice personnel, mais de l'amoindrissement du patrimoine social. M. W. et la société Cyclo SX21 ont ajouté qu'en tout état de cause la cession n'avait rien d'occulte, dès lors qu'elle s'était faite dans l'intérêt de la société Cyclotaf moyennant un prix qui avait été intégralement réglé, et qui avait permis le règlement de l'ensemble des dettes de la société, y compris le prêt bancaire dont M. P. s'était porté caution. En ce qui concerne les demandes formées à l'encontre de la société Cyclo SX21 sur le fondement de la concurrence déloyale, les défendeurs ont fait valoir que M. P. était une personne physique sans activité commerciale, qui n'avait donc pas qualité pour agir en concurrence déloyale aux lieu et place de la société Cyclotaf, ajoutant qu'au demeurant il n'était pas caractérisé d'acte de concurrence déloyale dès lors que la société Cyclo SX21 avait valablement acquis le fonds de commerce de la société Cyclotaf, laquelle n'exerçait depuis lors plus aucune activité.

Par jugement du 10 novembre 2016, le tribunal a d'abord relevé que les demandes de paiement d'une rémunération et d'une indemnité de révocation ne pouvaient être adressées qu'à la seule la société Cyclotaf, qui n'était pas dans la cause. Il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription s'agissant de la demande formée sur le fondement du caractère occulte de la cession du fonds de commerce, les assignations ayant été délivrées moins de trois ans après la date de la cession. Il a néanmoins rejeté l'argument tiré du caractère occulte de la cession, considérant que celle-ci avait fait l'objet d'un acte de vente fixant un prix qui n'était pas anormal au regard du chiffre d'affaires réalisé à cette époque, et qui avait effectivement été versé. Le tribunal a ensuite constaté qu'il n'était pas contesté que les comptes sociaux de la société Cyclotaf n'avaient plus été établis, ni les assemblées générales convoquées à compter de la nomination de M. W. en qualité de gérant, et a retenu que cette négligence n'avait pas permis à M. P. d'être informé de la vente du fonds de commerce et d'en appréhender éventuellement le produit proportionnellement à sa part dans le capital social, ce qui justifiait une indemnisation de 3 600 € au titre du préjudice moral. Il a par ailleurs rejeté les demandes formées contre la société Cyclo SX21 sur le fondement de la concurrence déloyale, en relevant qu'elles émanaient de M. P., et non de la société Cyclotaf, et qu'il n'était démontré aucune manoeuvre frauduleuse et déloyale de la part de la société défenderesse, qui avait acquis régulièrement le fonds de commerce de la société Cyclotaf. Le tribunal a en conséquence :

- débouté M. P. de ses demandes en paiement au titre des indemnités de révocation et de sa rémunération ;

- débouté M. P. de sa demande en réparation des droits dont il aurait été privé compte tenu de la mutation occulte du fonds de commerce de la SARL Cyclotaf ;

- condamné M. Boris W. à payer à M. Emmanuel P. la somme de 3 600 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

- condamné M. Boris W. à payer à M. Emmanuel P. la somme de 1 000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 CPC ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, les en a déboutées ;

- condamné M. Boris W. en tous les dépens de l'instance.

M. P. a relevé appel de cette décision le 7 avril 2017.

Par conclusions notifiées le 27 octobre 2017, l'appelant demande à la cour :

Vu les articles L. 223-22, L. 241-3 et suivants du code de commerce,

Vu l'article 1134 et suivants du code civil (dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016) ,

Vu l'article 1382 et suivants du code civil (dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016),

- d'infirmer le jugement déféré ;

- de débouter M. W. et la SARL Cyclo SX21 de leurs demandes contre M. P. ;

- de constater le comportement déloyal et abusif dont à fait preuve M. Boris W. pour faire échec aux engagements qu'il avait pris à l'égard de M. Emmanuel P. dans le pacte d'associés de la SARL Cyclotaf du 20 juillet 2009 ;

En conséquence, de condamner M. W. :

* au paiement d'une somme de 6 400 € en réparation de la privation d'indemnités de révocation de M. P. convenues au pacte d'associés et auxquelles M. W. a fait échec abusivement en usant de sa qualité d'associé majoritaire ;

* au paiement de 102 400 € en réparation de la rémunération dont a été privé irrégulièrement M. P., au mépris des engagements contractuels stipulés au pacte d'associés ;

- de constater la faute personnelle de M. W., gérant de la SARL Cyclotaf, compte tenu de sa défaillance à établir les comptes sociaux et organiser les assemblées générales de la société depuis sa nomination en qualité de gérant le 22 avril 2011 ;

- de constater le comportement déloyal et fautif de M. W. concernant le transfert occulte du fonds de commerce entre la SARL Cyclotaf, dont il est gérant, et la SARL Cyclo SX21, dont il est associé ;

- en conséquence, de condamner M. W. au paiement de 26 950 € en réparation des droits dont M. P. a été privé compte tenu de la mutation occulte du fonds de commerce de la SARL Cyclotaf ;

- de condamner M. W. au paiement d'une somme de 10 000 € au titre du préjudice moral subi par M. P. ;

- de constater la concurrence déloyale de la SARL Cyclo SX21 ;

- en conséquence, de condamner la SARL Cyclo SX21 à réparer le préjudice subi par M. P. privé des profits générés par le fonds de commerce transféré irrégulièrement, soit 140 105 € au titre des exercices sociaux clos à ce jour depuis le transfert du fonds de commerce de la SARL Cyclotaf ;

- de condamner la SARL Cyclo SX21 au paiement d'une somme de 10 000 € au titre du préjudice moral subi par M. P. ;

- de condamner solidairement M. W. et la SARL Cyclo SX21 au paiement d'une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 29 août 2017, M. W. et la société Cyclo SX21 demandent à la cour :

Vu l'article L. 223-20 du code de commerce,

Vu les articles 1382 et 1383 du code civil,

Vu l'article 32-1 du code de procédure civile,

- de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a alloué la somme de 3 600 € au titre du préjudice moral subi par M. P. du fait de l'absence d'établissement des comptes sociaux et d'assemblées générales ordinaires par M. W. ;

Et en conséquence, de réformer et statuer à nouveau sur les points suivants :

- de débouter M. Emmanuel P. de sa demande en réparation du préjudice moral subi ;

- de débouter M. Emmanuel P. de sa demande d'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner M. Emmanuel P. aux dépens de première instance et d'appel ;

- de condamner M. P. à verser à M. W. et à la société Cyclo SX21 la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

A titre subsidiaire :

- de confirmer le jugement déféré dans l'ensemble de ses dispositions ;

- de condamner M. Emmanuel P. à verser à M. W. et à la société Cyclo SX21 la somme de 5 000 € chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'appel interjeté ;

- de condamner le même aux entiers dépens d'appel.

La clôture de la procédure a été prononcée le 5 février 2019.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

Sur les demandes formées par M. P.

1° Sur les agissements reprochés à M. W. en qualité d'associé majoritaire et de signataire du pacte d'associés

L'appelant fait grief à M. W. d'avoir, à l'occasion de l'assemblée générale 22 avril 2011, voté contre sa rémunération et pour sa révocation sans indemnité, alors qu'il s'était engagé dans le cadre du pacte d'associés à ce qu'il puisse bénéficier d'une rémunération et, en cas de révocation sans juste motif, d'une indemnité. M. P. considère en conséquence qu'en votant ainsi qu'il l'a fait, M. W. a manqué aux obligations contractuelles résultant du pacte d'associés.

Toutefois, la lecture du pacte d'associés fait apparaître que le seul engagement de faire adopter une décision déterminée par l'assemblée générale que M. W. ait contracté au travers de cet acte porte sur une résolution attribuant une prime exceptionnelle au gérant dans les cas où l'exercice a permis la distribution de dividendes représentant 3% du chiffre d'affaires HT. Cet engagement est totalement étranger au présent litige. En revanche, force est de constater que le pacte d'associé ne comporte de la part de M. W. aucun engagement de faire voter en assemblée générale une rémunération du gérant ou l'attribution à celui-ci d'une indemnité de révocation.

Le vote émis par M. W. lors de l'assemblée générale du 22 avril 2011 ne peut donc s'analyser en un manquement aux obligations contractées en vertu du pacte d'associés.

Dans ces conditions, et étant rappelé à titre surabondant qu'en sa qualité d'associé majoritaire, M. W. n'est pas tenu personnellement au paiement envers le gérant d'une rémunération ou d'une indemnité de révocation, dont seule la société Cyclotaf peut éventuellement être débitrice, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de M. P..

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

2° Sur les agissements reprochés à M. W. en qualité de gérant de la société Cyclotaf :

M. P. fait grief à M. W., d'une part, d'avoir procédé de manière occulte à la cession du fonds de commerce de la société Cyclotaf au profit de la société Cyclo SX 21, d'autre part de ne pas avoir établi de comptes sociaux ni réuni d'assemblée générale depuis sa nomination en qualité de gérant de la société Cyclotaf. Il sollicite l'indemnisation du préjudice qu'il affirme être résulté pour lui de la cession occulte du fonds par le versement d'une somme de 26 950 € correspondant, en proportion de ses parts dans la société Cyclotaf, à la valeur du fonds de commerce cédé, et réclame par ailleurs l'allocation d'une somme de 10 000 € en réparation de son préjudice moral.

C'est d'abord vainement que les intimés, sans d'ailleurs en tirer les conséquences dans le dispositif de leurs dernières écritures, soulèvent la prescription de la demande portant sur la cession occulte du fonds de commerce par application de l'article L. 223-23 du code de commerce, au motif qu'elle n'aurait été formée que par des conclusions postérieures de plus de trois années à la cession du fonds. Il ressort en effet de l'acte d'assignation, délivré dans le délai de prescription, que M. P. a dès l'acte introductif fait grief à M. W., pris en sa qualité de gérant de la société Cyclotaf, de la cession occulte du fonds.

La cour relèvera à cet égard que le jugement querellé comporte une contradiction manifeste dans la mesure où, après avoir écarté la demande d'indemnisation formée au titre de la cession occulte, en considérant que celle-ci s'était déroulée régulièrement, il a ensuite alloué à M. P., au titre du préjudice moral, une somme de 3 600 € en considérant que la négligence du gérant dans l'établissement des comptes sociaux et la réunion des assemblées n'avait pas permis à l'associé d'être informé de la vente du fonds, et l'avait privé de la possibilité d'en appréhender éventuellement le profit, proportionnellement à sa part dans le capital social. D'ailleurs, ce faisant, le tribunal n'a pas caractérisé l'existence d'un préjudice moral, mais d'un préjudice financier éventuel.

En tout état de cause, la société Cyclotaf n'ayant pas été appelée à la procédure, M. P. exerce, du fait des fautes commises par le gérant, l'action dite individuelle, qui, dans la mesure où elle n'a pour objet que la seule réparation du préjudice personnel subi par l'associé, nécessite la démonstration d'un préjudice personnel distinct de celui souffert par la société elle-même. Or, comme le soulignent pertinemment les intimés, dès lors que le dommage invoqué par M. P. consiste dans la cession du fonds de commerce, et donc dans l'appauvrissement de la société Cyclotaf elle-même, dont l'éventuelle baisse de valeur des titres de l'associé n'est que le corollaire, il n'est aucunement fait la démonstration d'un préjudice personnel de l'appelant. La demande indemnitaire formée du chef de la perte financière résultant de la cession du fonds, dont l'irrecevabilité n'est pas soulevée, est donc à tout le moins mal fondée, faute de préjudice indemnisable.

Le jugement déféré, bien que fondé sur une motivation différente, sera confirmé sur ce point.

Le préjudice moral qu'invoque M. P. ne peut quant à lui constituer un dommage de nature personnelle que dans la mesure où il résulte d'une violation de l'un des droits propres de l'associé.

Tel n'est manifestement pas le cas de la cession, fût-elle occulte, du fonds de commerce de la société Cyclotaf, dès lors que M. P. n'explicite pas en quoi cette cession a pu lui causer à titre personnel un préjudice moral qui ne soit pas le corollaire de l'atteinte portée aux droits de la société elle-même.

L'absence d'établissement des comptes sociaux ainsi que la carence dans la réunion des assemblées générales sont au contraire de nature à avoir pu causer une atteinte aux droits propres d'associé de M. P., en le privant, de fait, de l'exercice de certains d'entre eux.

Les manquements ne sont en eux-mêmes pas contestés par M. W.. Toutefois, force est de constater qu'à l'appui de sa demande d'indemnisation M. P. se limite à stigmatiser les carences reprochées au gérant. Or, le préjudice ne peut consister en la faute elle-même. Au demeurant, il n'est pas démontré, ni même simplement allégué, que M. P. ait, entre la nomination de M. W. et l'assignation, soit pendant près de trois années, adressé la moindre réclamation au gérant pour le rappeler à ses obligations, ou pour l'inviter à s'expliquer sur les motifs de sa carence, ce qui témoigne, de la part de l'appelant lui-même, d'un désengagement, voire même d'un désintérêt pour la vie de la société.

Dès lors ainsi que l'appelant ne caractérise ni la réalité, ni l'étendue d'un préjudice d'ordre moral résultant des manquements de M. W. dans la tenue des comptes et la réunion des assemblées générales, la demande indemnitaire devra être rejetée.

La décision entreprise sera infirmée en ce sens.

3° Sur les actes reprochés à la société Cyclo SX21

M. P. fonde expressément ses demandes indemnitaires en réparation d'un préjudice financier et d'un préjudice moral sur la concurrence déloyale exercée par la société Cyclo SX21 à l'encontre de la société Cyclotaf, par le biais de l'appropriation frauduleuse de son fonds de commerce.

Toutefois, M. P., en sa qualité d'associé de la société Cyclotaf, ne dispose d'aucun droit sur la clientèle de cette dernière, et ne peut donc justifier d'un préjudice personnel résultant d'éventuels actes de concurrence déloyale commis à l'encontre de la société, seule habilitée à en réclamer l'indemnisation.

C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont rejeté ces chefs de demande.

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts

L'exercice d'une action en justice ainsi que d'une voie de recours constituent un droit, qui ne peut dégénérer en abus ouvrant droit à dommages et intérêts qu'en cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol, toutes circonstances qui ne sont en l'espèce aucunement caractérisées par les intimés.

Le jugement déféré sera donc conformé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les autres demandes

La décision entreprise sera infirmée s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.

M. P. sera condamné, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, à payer à M. W. et à la société Cyclo SX21 la somme de 1 000 € chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 10 novembre 2016 par le tribunal de commerce de Dijon en ce qu'il a condamné M. Boris W. à payer à M. Emmanuel P. la somme de 3 600 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et au dépens ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Statuant à nouveau, et ajoutant :

Rejette la demande formée par M. P. à l'encontre de M. W. en réparation du préjudice moral ;

Condamne M. P. à payer à M. W. et à la société Cyclo SX 21 la somme de 1 000 € chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. P. aux entiers dépens de première instance et d'appel.