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Décisions

Cass. com., 10 mai 2006, n° 04-19.133

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Collomp

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, Me Copper-Royer

Pau, du 29 juin 2004

29 juin 2004

Attendu, selon l'arrêt attaqué (rendu en matière de référé), que le 30 août 2000, Mme X... a donné au Crédit lyonnais l'ordre de virer, du compte joint dont elle était titulaire avec son époux dans cet établissement, une somme de 19 818,37 euros sur le compte, dont le numéro était précisé, ouvert en Espagne dans une agence de la Banco de Andalucia, au nom de la société espagnole Lubina Sol ; que celle-ci n'ayant jamais reçu les fonds qui avaient été, par erreur, portés par la banque réceptionnaire au crédit d'un autre client, M. et Mme X... ont fait assigner en référé le Crédit lyonnais pour en obtenir restitution ;

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu l'article 1994 du Code civil, ensemble l'article 873 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour accueillir la demande de M. et Mme X..., l'arrêt retient qu'en dépit de la faute commise par la Banco de Andalucia en exécutant le virement litigieux sans s'inquiéter de la discordance d'identité existant entre le titulaire du compte crédité et le bénéficiaire désigné par le donneur d'ordre, le Crédit lyonnais devait néanmoins, en sa qualité de mandataire originaire, répondre envers ses mandants de l'établissement qu'il était substitué ;

Attendu qu'en statuant ainsi alors qu'elle avait elle-même relevé que la Banco de Andalucia était, en tant qu'établissement teneur du compte où devaient être crédités les fonds litigieux, un intermédiaire obligé, au demeurant expressément visé dans l'ordre de virement par Mme X... laquelle avait ainsi, non seulement autorisé la substitution mais encore désigné la personne du substitué, ce dont il résultait que l'obligation du mandataire originaire envers son mandant était sérieusement contestable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur la recevabilité du grief de la deuxième branche du moyen qui est contestée par la défense :

Attendu que M. et Mme X... soutiennent que le grief tiré de la violation de l'article L. 133-1 du Code monétaire et financier, non articulé devant les juges du fond, serait nouveau et par suite irrecevable ;

Mais attendu que n'est pas nouveau le moyen invoquant la violation d'une prescription légale, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond ;

Et sur la deuxième branche du moyen :

Vu les articles L. 133-1-4 du Code monétaire et financier, ensemble l'article 873 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que, lorsque des virements libellés dans la monnaie d'un des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen, sont effectués, au sein de cet Espace, par les établissements de crédit définis par ce texte, sur ordre ou au bénéfice de leur clientèle, les restitutions auxquelles peuvent donner lieu les opérations qui ne sont pas menées à bonne fin dans le délai de quatorze jours ouvrables après réception d'une demande sont à la charge de l'établissement du bénéficiaire du virement si la non-exécution est de son fait ou de celui d'un établissement intermédiaire choisi par lui ;

Attendu qu'en statuant comme elle a fait, après avoir constaté que le virement litigieux, effectué entre la France et l'Espagne, n'était jamais parvenu à son destinataire du fait de la Banco de Andalucia, établissement du bénéficiaire de ce virement, ce dont il résultait que l'obligation à restitution du Crédit lyonnais, établissement du donneur d'ordre, était sérieusement contestable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 juin 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.