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Décisions

Cass. com., 23 octobre 1990, n° 88-19.216

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defontaine

Rapporteur :

M. Peyrat

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde

Paris, du 16 juin 1988

16 juin 1988

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 1988), que la banque Worms (la banque) a ouvert à Mme X... un compte alimenté par des versements effectués par M. X... ; que la banque a engagé ces fonds en opérant à découvert sur le marché à règlement mensuel ; qu'arguant du solde débiteur présenté par le compte à la suite de ces opérations, elle a signifié à sa cliente une mesure d'interdiction d'émettre des chèques et lui a enjoint de fournir la couverture requise pour les opérations à terme ; que les époux X..., soutenant que la banque avait procédé à la création et à la gestion d'un portefeuille de titres sans en avoir reçu mandat, l'ont assignée en paiement d'une somme représentant le montant des fonds déposés et en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés du premier chef de leur demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que les époux X... avaient notamment fait valoir dans leurs conclusions que la banque avait engagé sa responsabilité en manquant à son devoir d'information et de conseil et sollicitaient la réparation du préjudice causé par cette faute représentant le montant du solde débiteur du compte, soit 856 008,33 francs ; qu'en affirmant que la demande des époux X... était limitée à la somme de 50 000 francs, montant réclamé en réparation d'un préjudice distinct tenant à l'interdiction d'émettre des chèques et en limitant en conséquence le montant de la réparation due à raison de ces deux fautes à cette somme, la cour d'appel a dénaturé leurs conclusions et, par suite violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'en application des articles 1108 et 1134 du Code civil, l'autorisation d'exposer des fonds à des aléas boursiers ne peut résulter d'un accord tacite donné par le client d'une banque dépositaire des fonds que s'il a eu connaissance du risque encouru ; que l'arrêt, qui a constaté que la banque n'avait pas exécuté son devoir de conseil ni exigé la couverture requise pour les opérations à terme mais a estimé que le client avait valablement donné son autorisation tacite à la banque de procéder à des opérations spéculatives, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les dispositions susvisées ; et alors, enfin, qu'en application des articles 1137 et 1992, alinéa 2 du Code civil, la banque, dépositaire de fonds, est tenue de veiller à la conservation de la chose et d'apporter dans l'exécution de ses obligations à l'égard de son client tous les soins d'un bon père de famille et la compétence d'un professionnel ; que la cour d'appel, qui a constaté que la banque avait pris l'initiative de procéder à des opérations sur le marché à règlement mensuel se soldant par la perte totale des fonds et relevé que la banque avait omis d'exiger de son client la couverture requise pour les opérations à terme et avait manqué à son devoir de conseil, mais n'a pas condamné celle-ci à restituer les fonds déposés, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les dispositions susvisées ;

Mais attendu, en premier lieu, que, dans leurs conclusions d'appel, les époux X... demandaient, d'un côté, en chiffrant leurs prétentions à une somme déterminée, que la banque soit condamnée à restituer les fonds déposés et, d'un autre côté, invoquant à l'encontre de la banque diverses fautes, soutenaient que le comportement de celle-ci, qui, notamment, avait interdit à Mme X... d'émettre des chèques, avait causé à cette dernière un préjudice dont elle était fondée à demander la réparation en sollicitant une somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts ; que, dès lors, la cour d'appel, en énonçant que le préjudice causé à Mme X... par le comportement fautif de la banque, qui avait négligé de faire appel à la couverture, puis avait brutalement exigé celle-ci trouverait sa réparation dans l'octroi à la susnommée de dommages-intérêts dans la limite de ce qu'elle avait demandé à ce titre, n'a pas méconnu l'objet du litige ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt, qui limite le manquement de la banque à son devoir de conseil au seul fait d'avoir négligé de faire appel à la couverture, dont l'exigence constitue pour le client l'occasion de recevoir un renseignement nécessaire, voire une mise en garde, retient que Mme X... avait donné à la banque mandat de gérer un portefeuille de titres, qu'elle l'avait autorisée à l'exposer aux aléas boursiers et qu'ainsi elle n'était pas fondée à lui reprocher la mauvaise exécution ou l'abus du mandat donné ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations et dès lors que n'incombait à la banque aucune obligation de restituer des fonds que sa cliente l'avait chargée d'engager dans des opérations spéculatives pouvant entraîner leur perte totale, la cour d'appel a légalement justifié sa décision du chef critiqué par les deux dernières branches ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.