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Décisions

Cass. 1re civ., 7 février 1990, n° 87-10.887

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Viennois

Rapporteur :

M. Viennois

Avocat général :

Mme Flipo

Avocats :

Me Choucroy, SCP Boré et Xavier

Orléans, du 3 déc. 1986

3 décembre 1986

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'à la suite de difficultés intervenues entre les époux Kamin et la société Longsault, chargée de la construction d'une maison d'habitation, a été dressé, le 10 septembre 1974, par M. X..., notaire, en présence de M. Y..., également notaire, un acte par lequel cette société se reconnaissait débitrice des époux Kamin pour une somme de 300 000 francs, qui devait être prise en compte sur le prix des travaux de construction ; que, pour sûreté de cette créance, il était prévu à l'acte qu'une hypothèque serait inscrite sur un immeuble appartenant à la société, devant venir à expiration le 11 décembre 1976 ; que cette inscription fut prise par M. X... pour une durée expirant à la date précitée ; que la liquidation des biens de la société ayant été prononcée, la créance des époux Kamin a été admise définitivement, mais seulement à titre chirographaire, en raison de la péremption de l'hypothèque qui n'avait pas été renouvelée à la date de son expiration ; qu'imputant à faute aux deux notaires de ne pas avoir fait procéder en temps utile au renouvellement de l'hypothèque et, en tout cas, de ne pas les avoir informés d'avoir à procéder à cette formalité, les époux Kamin les ont assignés en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les époux Kamin reprochent à l'arrêt confirmatif attaqué (Orléans, 3 décembre 1986) d'avoir refusé de se prononcer sur le caractère diffamatoire et injurieux de propos tenus lors d'une plaidoirie par un avocat à l'encontre d'un confrère adverse, alors, selon le moyen, d'une part, que le pouvoir donné aux juges saisis de la cause de prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires tenus devant eux s'exerçant sur des faits indépendants de la cause, et en l'espèce, à l'égard de propos émis lors de l'audience de plaidoirie, les juges ne peuvent refuser de l'exercer au prétexte qu'ils n'ont pas fait l'objet de conclusions écrites antérieures à l'ordonnance de clôture, de sorte qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 et l'article 783 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'en laissant sans réponse une note en réplique à des propos diffamatoires, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, par exception au principe de l'immunité couvrant les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux consacré par l'article 41, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l'alinéa 4 du même article confère aux juges saisis de la cause la faculté de prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires ; qu'en estimant souverainement que la " note en réplique " constituait en réalité de véritables conclusions - dont il n'est pas soutenu qu'elles aient été dénaturées - contenant l'articulation d'éléments de fait et de droit dans leurs motifs ainsi qu'un dispositif soumettant des prétentions nouvelles non contenues dans les écritures antérieures à l'ordonnance de clôture, la cour d'appel, qui a implicitement mais nécessairement considéré qu'il n'y avait pas lieu de faire application de l'article 41, alinéa 4, précité, a fait une exacte application de l'article 783 du nouveau Code de procédure civile ; d'où il suit

qu'en aucune de ses deux branches le moyen n'est fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens réunis, pris chacun en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à la cour d'appel d'avoir débouté les époux Kamin de leur action en responsabilité contre M. X... et M. Y..., alors, selon le deuxième moyen, d'une part, que si le notaire n'a pas pour mission de procéder au renouvellement des inscriptions d'hypothèque, il en est autrement lorsque ses clients lui ont donné mandat tacite de le faire ; qu'en l'espèce, la preuve de l'acceptation d'un mandat tacite résultait de ce que le notaire avait porté sur son registre de renouvellement que l'inscription hypothécaire de son client devait faire l'objet d'un renouvellement avant le 11 décembre 1976 ; qu'un tel registre n'étant pas obligatoire, sa tenue procède d'une volonté affirmée du notaire de se considérer comme obligé de procéder au renouvellement des inscriptions hypothécaires y mentionnées ; d'où il suit qu'en déniant l'existence d'un mandat tacite la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ; et alors, d'autre part, que le devoir de conseil et de renseignement du notaire lui impose de prendre toutes les dispositions pour assurer l'efficacité de ses actes ou, à tout le moins, d'informer son client de formalités nécessaires à la sauvegarde de ses droits, de sorte qu'en déniant toute responsabilité du notaire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; qu'en un troisième moyen, il est soutenu, d'une part, que commet une faute le notaire en second qui ne s'assure pas que le notaire principal, rédacteur de l'acte, procède aux formalités de publication ou de renouvellement d'un titre et, à défaut, ne se substitue pas au notaire principal pour l'accomplissement de ces formalités ; et, d'autre part, que le notaire en second doit, en tout état de cause, attirer l'attention de ses clients sur les formalités à accomplir pour éviter la péremption de leur titre lorsqu'il le leur transmet et qu'il appartenait à la cour d'appel de constater que ce notaire avait bien exécuté ce devoir ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel énonce que les époux Kamin reconnaissent dans leurs propres écritures l'inexistence d'un mandat, exprès ou tacite, obligeant les notaires au renouvellement de l'inscription hypothécaire avant sa péremption et fondent leurs prétentions sur la méconnaissance par les officiers publics de leur devoir de conseil et d'information ; que, dès lors, pris en sa première branche, le deuxième moyen ne peut être présenté pour la première fois devant la Cour de Cassation ;

Attendu, ensuite, que le devoir de conseil qui pèse sur les notaires n'a pas de caractère absolu et dépend des circonstances de la cause ; que la cour d'appel relève que les deux officiers publics sont restés totalement étrangers aux négociations ayant précédé l'acte et n'étaient pas chargés de recevoir le paiement de la créance justifiant la constitution de la sûreté ; que M. X... s'est dessaisi de la grosse de l'acte, du bordereau hypothécaire et de l'état des inscriptions en les adressant à M. Y..., notaire en second, qui a fait parvenir ces documents par lettre recommandée en date du 9 décembre 1974, aux époux Kamin qui, assistés d'un avocat et d'un conseil juridique, se sont trouvés, dès cette époque, en possession des pièces nécessaires à la surveillance et au maintien de l'efficacité de leur sûreté, le bordereau d'inscription d'hypothèque mentionnant expressément qu'elle avait effet jusqu'au 11 décembre 1976 ; qu'elle énonce, ensuite, que les époux Kamin ne rapportent pas la preuve qu'ils ont avisé les notaires de la non-exécution de ses obligations par la société Longsault avant le 11 décembre 1976, pas plus qu'ils ne les ont tenus informés de leurs tractations ultérieures avec ladite société ; que de ces constatations et énonciations la cour d'appel a pu déduire que les notaires, chargés seulement d'établir l'acte constatant la dette de la société Longsault à l'égard des époux Kamin n'avaient, en aucune façon, manqué à leur devoir de conseil ; d'où il suit qu'irrecevable en sa première branche, le deuxième moyen n'est pas fondé en sa seconde et que le troisième moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.