Cass. 2e civ., 10 janvier 2019, n° 17-17.324
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'invoquant la méconnaissance par la société Laboratoires Filorga d'un contrat de distribution exclusive, la société Oriens International LTD (la société Oriens) a saisi le président d'un tribunal de commerce à fin de voir désigner un huissier de justice pour effectuer diverses mesures sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile au siège social de la société Laboratoires Filorga ; que la requête de la société Oriensayant été accueillie et la mesure exécutée au siège social de la société Laboratoires Filorga, cette dernière ainsi que les sociétés Laboratoires Filorga cosmétiques et The Global Distributive Network (la société GDN) ont assigné la société Oriens pour obtenir la rétractation de l'ordonnance du 17 novembre 2015 ; que M. Y... est intervenu volontairement à cette procédure; que les sociétés Filorga initiatives, Filorga participation, The Medical And Pharmaceutic Distributive Platform (la société MPDP) et The Medical Anti-Aging Platform (la société MAAP) ainsi que M. X... sont également intervenus à cette procédure ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Attendu que les sociétés Laboratoires Filorga, Laboratoires Filorga cosmétiques, ainsi que les sociétés GDN, Filorga initiatives, Filorga participation, MPDP, MAAP et M. X... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes de ces dernières sociétés alors, selon le moyen, que la personne supportant la mesure d'instruction a intérêt à agir en rétractation de l'ordonnance ayant prononcé cette mesure ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande de rétractation formée par les sociétés Filorga initiatives, Filorga participation, GDN, MDPDP et MAAP, que la « mission [de l'huissier de justice] devait s'exécuter au seul siège social de [la] société [Laboratoires Filorga] » et qu'elles n'étaient pas « concernées par la mesure d'instruction », quand l'ordonnance sur requête avait autorisé l'huissier de justice à « avoir accès à l'ensemble des serveurs et postes informatiques de la société, à ceux des personnes directement concernées par le litige, également à ceux de leurs collaborateurs et secrétaires directs, y compris aux serveurs, et à tous autres supports (externes et internes) de données informatiques, aux fins d'y rechercher les éléments nécessaires », et sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'accès au réseau informatique depuis le poste de M. Y..., salarié de la seule société GDN au jour de l'exécution de la mesure, n'avait pas permis à l'huissier de justice d'appréhender sur les serveurs des documents numériques propres aux sociétés Laboratoires Filorga, Laboratoires Filorga cosmétiques, Filorga initiatives, Filorgaparticipation, GDN, MPDP, MAAP , la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 496 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'ordonnance donnait mission à un huissier de justice de se rendre au siège social de la société Laboratoires Filorga ou de ses filiales, avec mention d'un numéro de RCS correspondant aux seules sociétés Laboratoires Filorga et Laboratoires Filorga cosmétiques, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante relative aux conditions d'exécution de la mesure, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les sociétés Laboratoires Filorga, Laboratoires Filorga cosmétiques, GDN, Filorga initiatives, Filorga participation, MPDP, MAAP et M. X... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes alors, selon le moyen :
1°/ qu'une copie de la requête et de l'ordonnance prescrivant l'exécution d'une mesure d'instruction avant tout procès doit être laissée au représentant légal de la personne morale à laquelle elle est opposée, à un fondé de pouvoir ou à toute autre personne habilitée ; qu'en retenant, pour débouter les sociétés Laboratoires Filorga et Laboratoires Filorga cosmétiques de leur demande de rétractation faute de remise d'une copie de l'ordonnance et de la requête, que la « copie a[vait] été laissée à Mme B..., sans que celle-ci [...] ne signale qu'elle n'était pas habilitée à représenter lesdites sociétés, étant en réalité salariée de la société Filorga initiatives », ce dont il résultait pourtant que Mme B... était dépourvue de tout pouvoir pour recevoir un acte pour le compte des sociétés Laboratoires Filorga et Laboratoires Filorga cosmétiques, en sorte que l'ordonnance sur requête devait être rétractée faute d'avoir été laissée en copie à la personne qui en supportait l'exécution, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 16, 495, alinéa 3, et 654, alinéa 2, du code de procédure civile ;
2°/ qu'une copie de la requête et de l'ordonnance prescrivant l'exécution d'une mesure d'instruction avant tout procès doit être laissée au représentant légal de la personne morale à laquelle elle est opposée, à un fondé de pouvoir ou à toute autre personne habilitée ; qu'en retenant, pour débouter les sociétés Laboratoires Filorga et Laboratoires Filorga cosmétiques de leur demande de rétractation faute de remise d'une copie de l'ordonnance et de la requête, que la « copie a[vait] été laissée à Mme B..., sans que celle-ci [...] ne signale qu'elle n'était pas habilitée à représenter lesdites sociétés [...] [et que] l'huissier n'avait dès lors pas à vérifier la qualité de la personne qui a[vait] accepté la remise », bien qu'elle ait elle-même constaté que, antérieurement à cette remise, l'huissier de justice ne s'[était] pas présenté [...] en indiquant avoir une mission à exécuter à l'égard de la société Laboratoires Filorga et de la société Laboratoires Filorga cosmétiques mais en demandant uniquement à parler aux cinq personnes physiques » désignées dans l'ordonnance, ce dont il résultait que l'acceptation de la remise ne pouvait impliquer aucune prise de qualité à l'égard de ces sociétés – les parties reconnaissant que Mme B... n'avait pas déclaré avoir qualité pour recevoir l'acte – en sorte que l'ordonnance sur requête devait être rétractée faute d'avoir été laissée en copie à la personne qui en supportait l'exécution, la cour d'appel a violé les articles 16, 495, alinéa 3, et 654, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que Mme B..., qui s'était déclarée directrice financière sans mentionner ne pas être habilitée à représenter les sociétés supportant la mesure, avait demandé communication de la copie de l'ordonnance et de la requête qui lui avait été transmise et dont elle avait pris connaissance avec M. C..., avocat, l'adressant, selon son attestation, aux représentants légaux des sociétés Laboratoires Filorga et Laboratoires Filorgacosmétiques, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que l'huissier de justice n'avait pas à vérifier la qualité de la personne ayant accepté la remise de l'acte et que les exigences de l'article 495, alinéa 3, du code de procédure civile avaient été respectées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 122 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ;
Attendu que l'arrêt, après avoir déclaré irrecevables les demandes formées par les sociétés GDN, Filorga initiatives, Filorga participation, MPDP, MAAP et M. X... et retenu que le juge de la rétractation n'avait pas le pouvoir pour statuer sur la demande indemnitaire formée par la société Laboratoires Filorga, a confirmé l'ordonnance du 15 avril 2016 en ce qu'elle avait débouté ces sociétés et M. X... de leurs demandes ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait de statuer sur les première et deuxième branches du troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il déboute les sociétés Filorga initiatives, Filorga participation, The Global Distributive Network, The Medical And Pharmaceutic Distributive Platform, The Medical Anti-Aging Platform et M. X... de l'ensemble de leurs demandes ainsi que la société Laboratoires Filorga de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 7 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi;
Condamne la société Oriens International LTD aux dépens;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer aux sociétés Laboratoires Filorga, Laboratoires Filorga cosmétiques, The Global Distributive Network, Filorga initiatives, Filorga participation, The Medical And PharmaceuticDistributive Platform et The Medical Anti-Aging Platform et à M. X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille dix-neuf.