Cass. com., 9 janvier 2019, n° 17-21.872
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 20 mars 2017), que Mme Y... était propriétaire indivise d'actions de la société anonyme X... frères dont les statuts comportent une clause d'agrément des nouveaux associés ; que le 7 octobre 2014, envisageant de vendre ses droits indivis sur 610 actions à la société Spiricap, Mme Y... a demandé l'agrément de cette dernière ; que par une délibération de son conseil d'administration du 23 décembre 2014, la société X... frères a refusé son agrément ; que souhaitant acquérir les droits sociaux de Mme Y..., la société X... frères et M. X..., son actionnaire majoritaire, ont déposé deux requêtes devant le président d'un tribunal mixte de commerce aux fins, d'une part, de désignation d'un expert pour évaluer les actions en application de l'article 1843-4 du code civil et, d'autre part, de prolongation de trois mois du délai de rachat des titres en application de l'article R. 228-23 du code de commerce ; que par deux ordonnances du 19 mars 2015, le président de ce tribunal a désigné un expert avec pour mission de fixer la valeur des droits indivis de Mme Y... et accordé à la société X... frères un délai supplémentaire de rachat de trois mois à compter du 29 mars 2015 ; que le 27 mai 2015, Mme Y... a cédé ses droits indivis sur ses actions à la société Spiricap ; que celle-ci a saisi le juge des référés pour obtenir la rétractation des ordonnances du 19 mars 2015 ;
Attendu que M. X... et la société X... frères font grief à l'arrêt de rétracter les ordonnances sur requête du 19 mars 2015 et de déclarer de nul effet tous actes pris en application de ces ordonnances alors, selon le moyen :
1°/ que la désignation de l'expert prévue à l'article 1843-4 du code civil, à défaut d'accord entre les parties sur la valeur des droits sociaux, est faite par le président du tribunal qui accorde par ordonnance de référé, l'actionnaire cédant et le cessionnaire appelés, la prolongation de délai prévue au 3ème alinéa de l'article L. 228-24, ces ordonnances n'étant pas susceptibles de recours ; que, pour déclarer recevable le référé aux fins de rétractation formé par Mme Y..., cédante, et la société Spiricap, tiers cessionnaire, contre les ordonnances du 19 mars 2005, la cour d'appel a retenu qu'il ne constituait pas une voie de recours, faute pour le président du tribunal qui les a rendues d'avoir été saisi en la forme des référés, et pour l'avoir été sur requête de la société cessionnaire et sans appel de l'associée cédante, ces ordonnances dérogeant à la règle de la contradiction ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas constaté d'excès de pouvoir a violé l'article R. 228-23, alinéa 2, du code de commerce ensemble l'article 1843-4 du code civil ;
2°/ que dans leurs conclusions, M. X... et la société X... frères faisaient valoir sans être démentis qu'ils avaient informé la société Spiricap et Mme Y... de l'introduction des procédures de désignation d'expert et de prorogation du délai et ce, dès leur engagement, et que l'expert désigné avait adressé à Mme Z... des courriers dès le 15 mai 2015 ; que cette dernière s'était abstenue d'y répondre aux fins de dissimuler la cession de ses actions à la société Spiricap frauduleusement intervenue le 27 mai 2015 avant le dépôt du rapport par l'expert qui l'avait informée de son imminence, et en l'état des ordonnances du 19 mars 2015 prorogeant les délais, contre lesquelles aucun recours n'avait encore été exercé ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions tout en déclarant recevable et fondée la demande en rétractation de ces ordonnances, délibérément méconnues par les appelantes, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que le référé afin de rétractation ne constitue pas une voie de recours mais s'inscrit dans le nécessaire respect par le juge du principe de la contradiction qui commande qu'une partie, à l'insu de laquelle une mesure urgente a été ordonnée, puisse disposer d'un recours approprié contre la décision qui lui fait grief ; qu'ayant constaté que les ordonnances du 19 mars 2015 avaient été rendues sur requête, la cour d'appel en a exactement déduit que le référé aux fins de rétractation était recevable, peu important que ces ordonnances aient été rendues sur le fondement des articles 1843-4 du code civil et R. 228-23 du code de commerce ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que les ordonnances rendues le 19 mars 2015 l'avaient été selon une procédure erronée et sans respect du principe de la contradiction, la cour d'appel n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes visées par la seconde branche ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et la société X... frères aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Spiricap et la somme globale de 3 000 euros à Mme Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille dix-neuf.