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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 13 octobre 2023, n° 21/03222

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Mat Inter (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

Mme Ougier, Mme Vareilles

Avocats :

Me Lextrait, Me Vajou, Me Mathieu

T. com. Nîmes, du 30 juill. 2021, n° 201…

30 juillet 2021

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l'appel interjeté le 20 août 2021 par Madame [W] [O] à l'encontre du jugement prononcé le 30 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance n° 2018J194,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 1er juin 2023 par l'appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 12 septembre 2023 par la S.A.S. Mat Inter, intimée et appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu l'ordonnance du 27 mars 2023 de clôture de la procédure à effet différé au 14 septembre 2023.

Madame [W] [O] est spécialisée dans la représentation de sociétés de bricolage aux fins de commercialisation de leurs produits dans les territoires français d'Outre-Mer, ainsi que par extension l'Ile Maurice et Madagascar.

La société Mat Inter a pour activité la fabrication, l'importation et la revente, principalement sur le territoire français, de produits destinés à la décoration intérieure et aux travaux de décoration intérieure. Elle est présente en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'Outre-Mer (DOM TOM) par le biais de contrats de référencement lui permettant de distribuer ses produits auprès de magasins sous enseignes nationales. Elle contracte également parfois directement avec des magasins hors enseigne.

En septembre 2015, à la suite d'une rencontre sur un salon, Madame [W] [O] a proposé à la S.A.S. Mat Inter de présenter ses produits à des clients qu'elle visitait régulièrement dans les départements et territoires d'Outre-Mer et de mettre en place une étude du marché en respectant les référencements.

Par courriel du 2 novembre 2015, Madame [W] [O] a adressé à la S.A.S. Mat Inter une proposition de contrat de représentation.

Par courriel du 27 mai 2016, la société Mat Inter a élaboré une première proposition de contrat de mandat.

Par couriel du 20 octobre 2016, Madame [O] a adressé une contre-proposition à la société Mat Inter.

Le 30 novembre 2016, la société Mat Inter a retourné à Madame [O] une version amendée et signée du contrat, précisant que celui-ci serait effectif à compter du 1er janvier 2017 et qu'une prime de démarrage à la signature de 4 000 euros HT serait versée.

Madame [W] [O] a adressé à la S.A.S. Mat Inter une facture d'honoraires d'agent commercial datée du 8 juin 2017 d'un montant de 4 800 euros toutes taxes comprises.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 octobre 2017, Madame [W] [O] a mis en demeure la S.A.S. Mat Inter de lui régler cette facture.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er décembre 2017, réitérée par courrier recommandé du 14 février 2018, Madame [O] a mis en demeure la société Mat Inter d'avoir à lui payer la somme de 41 153,06 euros au titre de la rémunération du travail d'agent commercial effectué sur le secteur des DOM TOM depuis septembre 2015. Elle a, en outre, demandé à la société de lui faire parvenir les récapitulatifs des factures établies à partir de septembre 2015.

Ces mises en demeure étant restées sans réponse, Madame [W] [O] a, par exploit du 18 mai 2018, fait assigner la S.A.S. Mat Inter devant le tribunal de commerce de Nîmes en paiement des sommes de 41 153,06 euros au titre de sa rémunération, de 35 274,05 euros au titre de l'indemnité de rupture et de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 30 juillet 2021, le tribunal de commerce de Nîmes a, au visa des articles L. 134-1 à L. 134-17, R. 134-3 du code de commerce, de l'article 1240 du code civil, :

- Condamné la société Mat Inter à payer à Madame [W] [O] la somme de 4 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2016.

- Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts,

- Débouté Madame [W] [O] de ses autres demandes,

- Débouté la société Mat Inter de ses demandes reconventionnelles,

- Condamné la société Mat Inter à payer à Madame [W] [O] la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,

- Condamné la société Mat Inter aux dépens de l'instance que le tribunal a liquidés et taxés à la somme de 200,90 euros, en ce non compris le coût de la citation introductive d'instance, le coût de la signification de la décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.

Le 20 août 2021, Madame [W] [O] a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts, l'a déboutée de ses autres demandes et a rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, Madame [W] [O], appelante, demande à la cour, au visa des articles L. 134-1 à L. 134-17, R. 134-3 du code de commerce, de l'article 1240 du code civil, de l'article 32-1 du code de procédure civile, du jugement rendu le 30 juillet 2021, de :

- Déclarer bien fondé l'appel qu'elle a interjeté,

- Débouter la société Mat Inter de son appel incident,

En conséquence,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Société Mat Inter à payer à Madame [O] la somme de 4 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2016,

- Réformer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à dommages-intérêts, débouté Madame [O] de ses autres demandes, rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,

- Juger que Madame [O] rapporte la preuve de ce qu'elle allègue,

- Juger qu'aucune faute grave n'a été commise par l'agent commercial, Madame [O],

- Ordonner la rupture du contrat d'agent commercial conclu entre Madame [O] et Mat Inter,

- Juger que la société Mat Inter n'a pas fourni les factures à Madame [O];

- Juger que Madame [O] a droit à ses commissions,

- Condamner la société Mat Inter au paiement de la somme de 49 626,72 euros au titre des commissions dues,

- Condamner la société Mat Inter au paiement de la somme de 17 515,31 euros au titre de l'indemnité de rupture,

- Condamner la société Mat Inter à une indemnité de préavis de 3 mois, qui sera évaluée à 2 189,41 euros en l'absence de faute grave de l'agent commercial,

- Condamner la Société Mat Inter à verser à Madame [O] la somme de 17 515,31 euros au titre du préjudice économique subi,

- Condamner la Société Mat Inter à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'au paiement d'une amende civile de 3 000 euros

- Condamner la société Mat Inter à lui payer la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que la conclusion d'un contrat écrit n'est pas une condition à remplir pour bénéficier du statut d'agent commercial ; la relation contractuelle entre les parties a débuté au mois de septembre 2015 et, un mois plus tard, la société mandante a mis à sa disposition tous les éléments afin qu'elle mène à bien sa mission (catalogues, échantillons, tarifs); ainsi, bien qu'aucun contrat écrit n'ait été conclu, la relation mandant-mandataire est démontrée ; de plus, l'appelante s'est rendue dans les différents territoires français d'outre-mer pour assurer son rôle de mandataire de la société intimée ; bien qu'elle n'ait pas signé le contrat transmis par la société intimée, par courriel du 30 novembre 2016, la relation de travail existant entre les parties ne peut être remise en question, l'échange de divers courriels en attestant ; elle a obtenu le référencement des produits de la société intimée dans les magasins de bricolage [...] et [...], ce qui a permis l'augmentation du chiffre d'affaires de cette dernière de 50 000 euros entre 2015 et 2016 ; le non-paiement des commissions est une faute grave imputable au mandant, de sorte qu'elle est en droit de prendre acte de la rupture du contrat ; elle est fondée à réclamer les commissions à la société mandante à hauteur de 7 % du chiffre d'affaires, et ce, à compter du mois de septembre 2015 (date de l'engagement des pourparlers) ; de plus, depuis 2018, la société intimée continue de bénéficier des services de l'appelante puisqu'elle conclut des opérations avec des personnes appartenant au secteur géographique dont elle a obtenu la clientèle ; si elle est à l'origine de la rupture du contrat, celle-ci est justifiée par le non-paiement des commissions et la non-délivrance des factures à cet effet; ainsi, les fautes à l'origine de la rupture des relations contractuelles sont entièrement imputables à la société intimée et l'appelante est donc en droit de demander une indemnité de rupture au moins égale à deux ans de commissions; enfin, elle est toujours liée à la société intimée et ne peut développer de produits similaires dans les DOM TOM, constituant un manque à gagner au niveau de son chiffre d'affaires ; un préavis de 3 mois est dû par la société mandante, de sorte que cette dernière est redevable d'une indemnité compensatrice égale à 3 mois de chiffre d'affaires ; le comportement de la société intimée est déloyal, sa communication de nombreuses pièces en première instance ayant perturbé les débats et la bonne compréhension des litiges ; la somme de 4 000 euros est effectivement due par la société intimée puisqu'il s'agit d'une prime de démarrage, peu importe que le contrat n'ait pas été signé puisque la conclusion d'une telle relation d'affaire ne nécessite pas d'écrit ; elle s'estime lésée par la société intimée, de sorte que c'est à bon droit qu'elle a usé de sa faculté à agir en justice.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la S.A.S. Mat Inter, intimée, forme appel incident et demande à la cour, au visa des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce, des articles 1113 et suivants du code civil, de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il retenu qu'aucun contrat d'agent commercial n'a jamais lié les parties,

A titre subsidiaire sur ce point et si un contrat a régi les relations entre les parties :

- Juger que la durée du contrat en cause est du 1er janvier au 1er décembre 2017,

- Juger que [W] [O] ne justifie d'aucun préjudice,

A titre infiniment subsidiaire sur ce point,

-  Juger qu'en exécution de l'offre de contrat de Mat Inter en date du 30 novembre 2016, l'indemnité maximale à laquelle [W] [O] pourrait prétendre s'élève à 999,75 euros;

Faisant droit à l'appel incident de la concluante,

- Réformer le jugement en ce qu'il a condamné Mat Inter à payer 4 000 euros à [W] [O],

- Réformer le jugement en ce qu'il condamne Mat Inter à payer 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- Débouter Madame [W] [O] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires,

- Condamner Madame [W] [O] à payer à la SAS Mat Inter la somme de 10 000 euros au titre pour procédure abusive,

- Condamner Madame [W] [O] à payer à la SAS Mat Inter la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Lexavoué Nîmes.

Au soutien de ses prétentions, l'intimée fait valoir que le code de commerce ne contient aucune disposition relative à un quelconque formalisme lors de la conclusion des contrats d'agent commercial qui sont donc soumis au droit commun des contrats ; elle n'a jamais mandaté l'appelante mais a toujours, au contraire, soumis son accord à certaines conditions résumées dans l'offre de contrat qui lui a été adressée en mai 2016 puis le 30 novembre 2016 ; ces conditions n'ont jamais été acceptées par l'appelante de sorte qu'aucun contrat d'agent commercial ne s'est formé entre les parties; les éléments communiqués par l'appelante ne démontrent pas l'existence d'un quelconque contrat mais justifient seulement qu'elle a tenté de forcer la société intimée à la conclusion d'un contrat d'agent commercial en proposant des produits à la vente alors qu'elle était simplement censée faire une présentation de ces mêmes produits, dans le cadre d'une étude de marché qu'elle avait proposée elle-même. L'intervention de l'appelante n'a en réalité fait qu'ajouter une strate de remises de référencement à payer et la société intimée n'a jamais été en demande d'un tel accord.

A titre subsidiaire, l'intimée soutient que les demandes de l'appelante sont injustifiées puisque basées sur des évaluations fantaisistes, réalisées par cette dernière, sans aucune pièce ou début de preuve ; à supposer qu'un contrait ait existé, il n'a été effectif qu'entre le 1er janvier (date proposée par la société Mat Inter aux termes du projet de contrat) et le 1er décembre 2017 (date de la mise en demeure de payer et de la prise d'acte de la rupture prétendument fautive d'un mandat qui n'a jamais été confié), soit moins d'un an ; l'appelante ne démontre pas la réalisation des ventes résultant de son action, les différents courriels produits évoquant simplement des 'clients intéressés'; conformément à l'offre de contrat qu'elle a faite le 30 novembre 2016, la rémunération à laquelle elle pourrait prétendre serait de 1 % jusqu'à 90 000 euros et 7 % au-delà de ce montant; ainsi, l'appelante ne peut prétendre à une indemnité supérieure à 999,75 euros ; en l'absence de contrat, le seul préjudice réparable serait celui résultant d'une rupture abusive des pourparlers; or, c'est l'appelante qui n'a pas donné suite à l'offre qui lui était faite, de sorte qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société intimée ; aucune des conditions posées pour le paiement de la somme de 4 000 euros n'a été remplie par l'appelante ; cette dernière a intenté une procédure abusive puisqu'elle a attaqué la société intimée sans aucun élément tangible, ni élément chiffré; de plus, l'appelante a fait dégénérer son droit en abus ; l'appelante ne pouvait ignorer que la société intimée avait toujours imposé la discussion puis la signature d'un contrat comme point de départ d'un éventuel contrat d'agent commercial et que, si elle n'a jamais communiqué les éléments nécessaire à l'exécution d'un mandat, c'est parce que ce mandat était inexistant.

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

MOTIFS

1) Sur l'existence d'un contrat d'agent commercial.

L'article L. 134-1, alinéa 1, du code de commerce définit l'agent commercial comme étant un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale et s'immatricule, sur sa déclaration, au registre spécial des agents commerciaux.

L'article L. 134-2 donne le droit à chaque partie, sur sa demande, d'obtenir de l'autre partie un écrit signé mentionnant le contenu du contrat d'agence, y compris celui de ses avenants.

Il en résulte qu'aucun écrit n'est exigé pour démontrer l'existence d'un contrat d'agent commercial de sorte que la preuve d'un accord par tous moyens est recevable, y compris par attestations.

L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée. (Com., 10 déc. 2003, n° 01-11.923).

Il appartient à Madame [W] [O] qui prétend avoir effectué un travail d'agent commercial au profit de la S.A.S. Mat Inter d'en rapporter la preuve.

A la suite d'un arrêt du 4 juin 2020 (Trendsetteuse, C-828/18) de la Cour de Justice de l'Union Européenne, la Cour de cassation a précisé que doit désormais être qualifié d'agent commercial le mandataire, personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux, quoiqu'il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services (Com., 2 décembre 2020, pourvoi n° 18-20.231).

Le pouvoir de négociation au sens de la directive no86/653/CEE du 18 décembre 1986 est caractérisé par la mission donné à l'agent de rechercher parmi l'ensemble des produits, celui qui serait le plus susceptible de séduire le prospect, puis de présenter le produit pour lequel le client a une préférence et le convaincre de l'acheter, enfin de rechercher, dans les différentes formes de commercialisation du produit en question, les modalités financières les mieux adaptées à la situation économique du client et l'acceptation du prix le plus élevé possible.

Aux termes de l'article 1113 du code civil, le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager.

Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur.

L'article 1114 dispose que l'offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation.

L'article 1117 précise que l'offre est caduque à l'expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l'issue d'un délai raisonnable.

Elle l'est également en cas d'incapacité ou de décès de son auteur, ou de décès de son destinataire.

L'article 1118 définit l'acceptation comme étant la manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans les termes de l'offre.

Tant que l'acceptation n'est pas parvenue à l'offrant, elle peut être librement rétractée, pourvu que la rétractation parvienne à l'offrant avant l'acceptation.

L'acceptation non conforme à l'offre est dépourvue d'effet, sauf à constituer une offre nouvelle.

En l'espèce, suite à une rencontre sur un salon [...], Madame [W] [O] a proposé, par message électronique du 29 septembre 2015, à la S.A.S. Mat Inter de présenter ses produits à des clients qu'elle visitait régulièrement dans les départements et territoires d'Outre-Mer et de mettre en place une étude du marché en respectant les référencements. Le 12 octobre 2015, elle a écrit à la S.A.S. Mat Inter pour lui indiquer qu'elle avait été contactée par des clients auxquels elle avait recommandé ses produits et pour lui demander si son offre de la représenter dans les départements et territoires d'Outre-Mer l'intéressait. Toutefois, aucune réponse écrite n'a été apportée par la S.A.S. Mat Inter à cette demande.

Après une entrevue dans les locaux de la S.A.S. Mat Inter, Madame [W] [O] a adressé le 2 novembre 2015 à la S.A.S. Mat Inter une proposition de contrat de représentation que cette dernière a clairement déclinée, par message électronique du 6 novembre 2015, exposant avoir son propre contrat type qu'il lui fallait revoir de façon détaillée avant de le lui soumettre. La S.A.S. Mat Inter a précisé accepter le niveau de commissionnement de 7 % en cas d'augmentation de son chiffre d'affaires sur les territoires sur lesquels elle mandaterait Madame [W] [O]. Elle a également attiré l'attention de Madame [W] [O] sur les restrictions qu'elle avait avec l'ensemble de ses agents qui pouvaient porter sur des enseignes avec contact en centrale uniquement, sur la non prise en compte d'opérations promotionnelles spécifiques ou, le cas échéant, sur des gammes spécifiques.

Par courriel du 27 mai 2016, la S.A.S. Mat Inter a proposé à Madame [W] [O] sa propre offre de contrat d'agent commercial que cette dernière n'a pas acceptée puisqu'elle a effectué le 20 octobre 2016 une contre-proposition portant sur les articles 3-5 conditions d'exercice du mandat, 6 rémunérations du mandat et 7 durée du préavis.

Par courriel du 30 novembre 2016, la S.A.S. Mat Inter a revu son offre de contrat d'agent commercial en y intégrant la liste des clients et le chiffre d'affaires réalisé, tout en précisant que le contrat ne serait effectif qu'à compter du 1er janvier 2017 et qu'il serait versé à Madame [W] [O] une prime de démarrage de 4 000 euros pour prendre en compte son travail d'exploration de l'année.

Si la S.A.S. Mat Inter a bien signé le contrat adressé le 30 novembre 2016 à Madame [W] [O], tel n'est pas le cas de cette dernière qui ne l'a jamais retourné, après avoir indiqué le 8 décembre 2016 qu'il était à la relecture.

Dès lors, aucune acceptation de l'offre de la S.A.S. Mat Inter n'est intervenue par Madame [W] [O] dans un délai raisonnable. Ainsi les parties n'ont pas trouvé d'accord sur le contenu des obligations contractuelles et les modalités d'intervention de Madame [W] [O].

En dépit de toute convention écrite, Madame [W] [O] prétend qu'elle a effectué un travail d'agent commercial pour le compte de la S.A.S. Mat Inter depuis le mois de septembre 2015.

Madame [W] [O] a essayé dès le 2 novembre 2015 de convaincre la S.A.S. Mat Inter de conclure un partenariat commercial avec la centrale [...] au Havre pour pouvoir commercialiser ses produits dans les magasins de [...] de Martinique, Guadeloupe et La Réunion.

Dès le 27 mai 2016, la S.A.S. Mat Inter à laquelle Madame [W] [O] avait proposé son aide sur le dossier, lui a répondu qu'elle avait elle-même discuté du sujet avec [...] pour s'assurer qu'un accord avec [...] viendrait bien se substituer aux accords internationaux qu'elle avait déjà avec [...] et non pas en addition. Le 18 août 2016, Madame [W] [O] a relancé la S.A.S. Mat Inter au sujet du partenariat avec [...] et lui a suggéré de prendre contact avec son représentant pour qu'ils s'entendent sur les conditions. Le 23 novembre 2016, Madame [W] [O] a encore indiqué qu'il était urgent de trouver un accord avec la centrale [...] pour l'année 2017 et a demandé à la S.A.S. Mat Inter de contacter le représentant de cette centrale. Or, le représentant de [...] a précisé le 15 novembre 2016 ne jamais avoir eu de nouvelles de la S.A.S. Mat Inter.

Ces échanges de courriers électroniques ne permettent pas de démontrer que la S.A.S. Mat Inter ait donné clairement des instructions à Madame [W] [O] pour se présenter en son nom auprès de la centrale [...] à [Localité 6] pour laquelle, au contraire, elle lui a signifié dès le départ son manque d'intérêt ; en effet, la S.A.S. Mat Inter commercialisait déjà ses produits dans le cadre d'un contrat de référencement [...] 'international' lui imposant de pratiquer une remise commerciale de 3,5 % sur le chiffre d'affaires et elle craignait que le référencement supplémentaire [...] auquel Madame [W] [O] cherchait à la convaincre d'adhérer ne la conduise à consentir une seconde remise commerciale de 3,5 %.

Conformément à la proposition faite le 29 septembre 2015 à la S.A.S. Mat Inter, Madame [W] [O] justifie, en produisant des attestations du directeur du magasin [...] de [Localité 7] et des magasins [...] de l'île de la Réunion, avoir présenté l'intégralité des gammes des produits de la S.A.S. Mat Inter avec des fiches produites et des échantillons.

Dans son courriel du 2 novembre 2015, Madame [W] [O] qui était sur le point de partir sur l'île de la Réunion rendre visite à certains de ses clients, a demandé à la S.A.S. Mat Inter de lui transmettre un certain nombre de documents. Par courriel du 6 novembre 2015, la S.A.S. Mat Inter lui a indiqué lui faire parvenir, par message séparé, les books [...] et [...]. Elle lui a demandé d'intégrer dans les prix tous les frais supplémentaires liés à l'activité Dom Tom par rapport aux référencements métropole et lui a précisé lui faire parvenir la semaine suivante les références et prix avec des exemples de promotions qu'elle pouvait proposer.

Si la S.A.S. Mat Inter termine son courrier en souhaitant à Madame [W] [O] beaucoup de succès pour l'introduction de ses produits auprès des clients qu'elle visiterait, elle emploie le temps "futur" lorsqu'elle indique accepter le niveau de commissionnement de 7 % en cas d'augmentation de son chiffre d'affaires sur les territoires sur lesquels elle mandatera Madame [W] [O].

La S.A.S. Mat Inter a donc bien fourni du matériel et ses tarifs 2015 afin que Madame [W] [O] puisse sonder le marché afin d'évaluer les perspectives d'introduction de ses produits auprès des magasins "hors enseigne" ou de ses produits non référencés auprès des magasins sous enseigne, en vue d'évaluer l'intérêt de mettre en place un partenariat commercial. Pour autant, il n'est pas établi que la S.A.S. Mat Inter ait, de manière non équivoque, chargé Madame [W] [O] de conclure des contrats de vente en son nom, alors que des pourparlers étaient en cours au sujet des conditions de son intervention future.

Madame [W] [O] produit un message du 20 février 2016 du chef de secteur sanitaire du magasin Caribam [...] en Guadeloupe qui lui demande de lui faire une proposition de référencement dans le cadre d'une réimplantation d'une gamme de mosaïque ; toutefois, Madame [W] [O] se trouve dans l'incapacité de répondre à cette demande puisque, dans son message du 26 février 2016, elle indique rentrer de l'île de la Réunion, avoir été relancée par des magasins en attente d'offre et demande à la S.A.S. Mat Inter si elle a pu finaliser ses grilles tarifaires.

Le 26 avril 2016, c'est la S.A.S. Mat Inter qui a répondu aux demandes et interrogations du chef de secteur sanitaire du magasin Caribam [...] et lui a transmis elle-même son book 2016 et un devis concernant l'implantation de la gamme Slate Skin. Les discussions se sont ensuite toujours poursuivies directement entre le chef de secteur sanitaire du magasin [...] de [Localité 5] et la S.A.S. Mat Inter comme en témoignent les courriers échangés ensuite entre eux les 8 mai, 13 mai et 7 juin 2016 dont seules des copies ont été adressées à Madame [W] [O] qui n'a pas pris part aux échanges.

Ainsi, Madame [W] [O] ne démontre pas avoir eu le pouvoir de répondre aux demandes spécifiques des clients et de prendre des commandes au nom et pour le compte de la S.A.S. Mat Inter.

A nouveau, dans son message du 11 mai 2016, Madame [W] [O] indique que certains magasins qu'elle a visités et auxquels elle a commencé à présenter les produits de la S.A.S. Mat Inter souhaitaient passer commande et elle a demandé à cette dernière de lui faire parvenir la mise à jour de ses tarifs 2016 afin de les proposer. Elle a terminé son message en proposant à la S.A.S. Mat Inter un contrat de représentation qui a été rejeté par cette dernière.

Il peut en être déduit que Madame [W] [O] n'avait aucune indépendance pour négocier des contrats puisqu'elle ne disposait même pas des grilles tarifaires de la S.A.S. Mat Inter.

Lorsque le 20 octobre 2016, elle a fait parvenir une contre-proposition à l'offre de contrat d'agent commercial de la S.A.S. Mat Inter, Madame [W] [O] a terminé son message en indiquant espérer pouvoir débuter le partenariat basé sur le développement du chiffre d'affaires, reconnaissant ainsi que ledit partenariat n'avait pas encore commencé.

Dans son courriel du 4 novembre 2016, Madame [W] [O] a tenté de relancer la S.A.S. Mat Inter en lui indiquant que des acheteurs de [...] et d'autres clients potentiels lui demandaient de les accompagner afin de mettre en place les produits la S.A.S. Mat Inter, qu'elle avait des demandes pour Mayotte, Nouvelle Calédonie, Tahiti et l'île Maurice, qu'elle repartait le 13 novembre en Martinique, Guadeloupe et Guyane où des magasins à potentiel seraient intéressés et elle termine son courrier en indiquant qu'il devenait pressant de pouvoir finaliser le contrat.

Dans son message du 17 juillet 2017, Madame [W] [O] se prévaut d'un rayon mosaïques mis en place dans un magasin de l'île de la Réunion et demande à la S.A.S. Mat Inter de lui confirmer les tarifs de la gamme slate skin/rénovation dont elle n'était toujours pas en possession.

Il en résulte que si Madame [W] [O] a bien effectué un travail de prospection et de présentation des produits de la S.A.S. Mat Inter, elle ne justifie pas avoir disposé effectivement d'une quelconque marge de manœuvre sur une partie au moins de l'opération économique, ni avoir eu le pouvoir d'engager son mandant qui ne lui fournissait pas les outils nécessaires et ne lui laissait aucune indépendance pour orienter la clientèle en fonction de ses besoins et la convaincre d'acheter.

La preuve d'un mandat donnée à l'appelante afin, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de l'intimée n'est donc pas rapportée. Le jugement critiqué sera, par conséquent, confirmé en ce qu'il a débouté Madame [W] [O] de ses prétentions fondées sur l'existence d'un contrat d'agent commercial.

2) Sur l'appel incident de la S.A.S. Mat Inter.

Le versement de la prime de démarrage de 4 000 euros était subordonné à la signature du contrat d'agent commercial auquel l'appelante n'a pas donné suite. Il sera, par conséquent, fait droit à l'appel incident de la S.A.S. Mat Inter et Madame [W] [O] sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 4 000 euros.

3) Sur les frais du procès.

L'appelante qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'intimée et de lui allouer une indemnité de 5 000 euros, à ce titre.

Le droit d'agir en justice dégénère en abus s'il est exercé de mauvaise foi, ou pour le moins avec une légèreté blâmable révélée par l'absence de tout fondement sérieux.

En l'occurrence, il n'est pas démontré que Madame [W] [O] n'ait invoqué aucun moyen sérieux, à l'appui de sa demande en paiement, quand bien même elle a été rejetée comme non suffisamment fondée. L'intimée sera, par conséquent, déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a condamné la S.A.S. Mat Inter à payer à Madame [W] [O] la somme de 4 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2016, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute Madame [W] [O] de sa demande en paiement de la somme de 4 000 euros.

Déboute Madame [W] [O] de sa demande en paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant,

Déboute la S.A.S. Mat Inter de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive.

Condamne Madame [W] [O] aux entiers dépens d'instance et d'appel, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SELARL Lexavoué Nîmes, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Condamne Madame [W] [O] à payer à la S.A.S. Mat Inter une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.