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Décisions

Cass. com., 18 octobre 2023, n° 20-21.579

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Michel-Amsellem

Avocat général :

Mme Texier

Avocats :

Me Descorps-Declère, SCP Richard

Poitiers, du 22 sept. 2020

22 septembre 2020


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 22 septembre 2020) et les productions, la société Calminia, qui a pour activité la taille et le façonnage du calcaire et du marbre, a fait appel durant plusieurs années à la Société de distribution et installation de matériel de levage et élévation (la société Sodileve), spécialisée dans l'installation et l'entretien de machines et équipements mécaniques. En décembre 2016, la société Calminia a accepté un devis proposé par la société Sodileve relatif à une prestation de maintenance sur une scie comptant comme l'un de ses équipements majeurs. En dépit de différentes interventions sur cet outil, la société Calminia a indiqué être insatisfaite des réparations ou réglages effectués par la société Sodileve et les relations entre les parties se sont dégradées.

2. Par lettre du 22 mars 2017, la société Sodileve a indiqué à la société Calminia qu'en raison du comportement du dirigeant de cette dernière, elle n'entendait pas poursuivre sa prestation, puis l'a assignée en paiement de diverses factures.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La société Calminia fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Sodileve le montant des factures FA260327, FA26037 A, FA260343 et FA260365 pour un montant total de 8 275,20 euros TTC, le montant de la facture FA270107 de 8 484 euros TTC, et de rejeter toutes ses demandes contre cette société, alors « que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification ; que sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable ; la société Calminia rappelait que la rupture du contrat du 5 décembre 2016 n'avait été précédée d'aucun manquement grave de la société Calminia à ses obligations susceptible de justifier la résiliation et n'avait été précédée d'aucune mise en demeure de mettre un terme à un tel manquement ; qu'en jugeant que la société Calminia et son dirigeant auraient commis des manquements suffisamment graves pour que la société Sodileve mette unilatéralement fin à sa prestation contractuelle, sans relever que cette dernière aurait mis en demeure la société Calminia de mettre un terme aux dits manquements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1224 et 1226 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

6. Selon l'article 1226 du même code, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

7. Une telle mise en demeure n'a cependant pas à être délivrée lorsqu'il résulte des circonstances qu'elle est vaine.

8. Après avoir relevé qu'il ressort d'attestations versées aux débats que les relations avec les personnels de la société Sodileve intervenant sur le chantier étaient devenues très tendues et conflictuelles, le dirigeant de la société Calminia ayant tenu des propos insultants et méprisants à l'égard de l'un des collaborateurs de la société Sodileve, mettant en cause sa capacité à faire et à suivre le chantier, donnant des ordres directs à l'un des salariés de celle-ci sans en informer sa hiérarchie, l'arrêt retient que si l'agacement de ce dirigeant de voir son outil professionnel hors de fonctionnement peut être compris, cette situation ne pouvait justifier une attitude inacceptable, qu'il s'agisse des propos tenus, ou du fait d'imposer des dates d'intervention non convenues. Il ajoute que ce comportement fautif ne permettait alors plus de poursuivre une intervention dans des conditions acceptables et justifiait le retrait des équipes de l'entreprise, empêchées dans leur exécution contractuelle. Il en déduit que, dans ce contexte d'extrême pression et de rupture relationnelle, la société Sodileve n'était pas en mesure de poursuivre son intervention.

9. En l'état de ces constatations et appréciations par lesquelles elle a fait ressortir que le comportement du dirigeant de la société Calminia était d'une gravité telle qu'il avait rendu manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de rechercher si une mise en demeure avait été préalablement délivrée à cette société, dès lors qu'elle eût été vaine, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.