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Décisions

Cass. 3e civ., 5 avril 2011, n° 10-14.215

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Avocats :

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, SCP Waquet, Farge et Hazan

Aix-en-Provence, du 17 déc. 2009

17 décembre 2009

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 décembre 2009), que par acte du 16 janvier 1992, M. Ange X... a donné à bail à M. Y... des locaux à usage commercial ; que M. X... est décédé le 24 juin 1996 en laissant pour lui succéder son fils Jean-Pierre X..., incapable majeur représenté par l'Atiam, ainsi que sa soeur Francine X... ; que par acte du 15 décembre 1997, M. Y... a sous-loué les locaux à la société Au Pain des Dieux ; que le 31 juillet 2000, M. Jean-Pierre X... a délivré congé à M. Y... avec refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction ; que soutenant être locataire commerciale principale depuis le 31 janvier 2001, la société Au Pain des Dieux a assigné le 14 février 2005 M. X... pour le voir condamné à lui payer des dommages-intérêts en raison des désordres affectant les lieux loués ; que M. X... a reconventionnellement demandé l'expulsion de la société Au Pain des Dieux comme occupante sans droit ni titre ; que Mme X..., copropriétaire indivise du local en cause, est intervenue volontairement à l'instance et s'est associée aux demandes de M. X... ;

Attendu que la société Au Pain des Dieux fait grief à l'arrêt de la dire occupante sans droit ni titre, alors, selon le moyen, que le bailleur qui autorise le locataire à sous-louer les locaux sans son autorisation préalable, et renonce ainsi à concourir à l'acte de sous-location, est irréfragablement réputé avoir agréé le sous-locataire ; que la société Au Pain des Dieux faisait valoir que la sous-location était régulière dès lors que le contrat de bail stipulant expressément que le preneur pourra sous-louer sans autorisation préalable du bailleur, cette renonciation valait agrément irréfragable du sous-locataire ; qu'en relevant que la société Au Pain des Dieux ne fournissait aucun élément montrant son agrément exprès ou tacite tant par M. Ange X... que par ses héritiers pour dire qu'elle n'avait aucun droit au renouvellement du bail, quand le bailleur en dispensant expressément le locataire de solliciter son autorisation préalablement à la conclusion d'une sous-location avait, ce faisant, renoncé à concourir à l'acte de sorte qu'il devait être irréfragablement réputé avoir donné son agrément au sous-locataire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ensemble les articles L. 145-31 et L. 145-32 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que l'autorisation générale de sous-louer permise par le bail ne suffisait pas pour conférer au sous-locataire un droit direct au renouvellement, la cour d'appel, qui a relevé que la société Au Pain des Dieux ne fournissait aucun élément montrant son agrément exprès ou tacite tant par M. Ange X..., avant le décès de celui-ci, que par M. Jean-Pierre X... après cette date, ou par Mme Francine X..., propriétaire indivis du bien, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur les deuxième et troisième moyens, réunis :

Vu l'article 883 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble les articles 815-3 et 1719 du même code ;

Attendu que chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n'avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société Au Pain des Dieux en paiement d'une certaine somme pour trouble de jouissance, l'arrêt retient que la société Au Pain des Dieux se prévaut, pour établir l'existence d'un bail conclu à compter du 1er février 2001 avec M. Jean-Pierre X..., de l'autorisation de louer donnée à ce dernier par le juge des tutelles, des reçus du paiement des loyers établis depuis l'origine, de la saisine avec autorisation du juge des tutelles d'experts pour déterminer la valeur locative des locaux, de la réduction du montant du loyer après le rapport de l'expert du 17 mars 2004 et d'un mandat de gestion donné le 1er février 2006 à une agence immobilière relatif à une location, que si ces éléments tendent à la conclusion d'un nouveau bail, celui-ci exige, pour sa validité, l'accord de Mme X..., propriétaire indivis qui n'est jamais intervenu, que la société Au Pains des Dieux n'ignorait pas la nature indivise du bien ainsi que le montrent notamment les mentions des ordonnances du juge des tutelles, que le bail qu'elle aurait conclu avec M. Jean-Pierre X... est donc nul et que, occupante sans droit ni titre des locaux, elle ne peut se prévaloir d'un trouble de jouissance ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le bail d'un bien indivis consenti par un seul indivisaire n'est pas nul mais est seulement inopposable aux autres indivisaires et qu'il produit ses effets, dans les rapports entre bailleur et preneur tant que celui-ci n'en a pas la jouissance troublée par les autres indivisaires, permettant ainsi au preneur de se prévaloir du manquement du bailleur à son obligation d'entretien de la chose louée, la cour d'appel a violé les textes sus-visés ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le quatrième moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Au Pain des Dieux dirigée contre M. Jean-Pierre X... en paiement de la somme de 161 169, 96 euros à titre de dommages-intérêts pour le trouble de jouissance subi en raison des désordres affectant les locaux occupés, l'arrêt rendu le 17 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.