Cass. com., 26 octobre 2022, n° 20-22.528
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Ipso facto (SAS), Ekip' (SELARL)
Défendeur :
Win System International Limited
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vaissette
Rapporteur :
Mme Fontaine
Avocats :
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Piwnica et Molinié
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 6 octobre 2020), la société Win System International Limited (la société Win), ayant son siège social à [Adresse 4], réalise des transactions financières et des opérations de commerce transfrontières.
2. Au début de l'année 2011, elle a commandé à la société française Ipso facto différents vins bordelais destinés à l'exportation. Les deux factures, émises pour un montant total de 4 682 388 euros, ont été payées par les sociétés Wai Hing Money, Sunny Wide et Sun Sing, habilitées à cet effet.
3. Soutenant que la société Ipso facto n'avait livré qu'une partie de la commande et lui devait la somme de 2 172 000 euros, la société Win l'a assignée en paiement.
4. La société Ekip' a été désignée mandataire judiciaire par le jugement du 14 octobre 2020 ouvrant le redressement judiciaire de la société Ipso facto.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches
Enoncé du moyen
6. Les sociétés Ipso facto et Ekip', ès qualités, font grief à l'arrêt d'écarter l'exception de forclusion, de dire la société Win recevable en son action, de prononcer la résiliation judiciaire des contrats de vente des vins Chevalier de Lascombes 2009, pour un montant de 372 000 euros, et Château Lascombes 2009, pour un montant de 1 800 000 euros, soit au total 2 172 000 euros, de condamner la société Ipso facto à restituer à la société Win la somme de 2 172 000 euros et de condamner la société Ipso facto à verser à la société Win la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors :
« 2°/ que l'article 1 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 stipule que "la présente Convention s'applique aux contrats de vente de marchandises" ; qu'en retenant, pour débouter la société Ipso facto de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue par l'article 39 de la Convention de Vienne, que cette Convention n'est pas applicable au motif que "la vente de vins n'est pas constitutive d'un contrat de vente au sens de cette Convention (article 3-1)", quand le vin constitue une marchandise dont la vente internationale relève de la Convention de Vienne, la cour d'appel a violé le texte susvisé par refus d'application ;
3°/ que l'article 3.1 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 stipule que "sont réputés ventes les contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ou à produire, à moins que la partie qui commande celles-ci n'ait à fournir une part essentielle des éléments matériels nécessaires à cette fabrication ou production" ; qu'en retenant, pour débouter la société Ipso facto de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue par l'article 39 de la Convention de Vienne, que cette Convention n'est pas applicable, aux motifs adoptés que la "Convention de Vienne s'applique, selon son article 3, aux contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ou à produire, ce qui n'est pas le cas de la vente de bouteilles de vins de Bordeaux", quand la stipulation de l'article 3.1 a pour objet d'inclure dans le champ d'application matériel de la Convention la vente de choses futures lorsque l'acquéreur ne fournit pas l'essentiel de la matière première et non de limiter ce champ d'application aux seuls contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ou à produire, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application ;
4°/ que l'article 1.1 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 stipule que "la présente Convention s'applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des États différents lorsque ces États sont des États contractants, ou lorsque les règles du droit international privé mènent à l'application de la loi d'un État contractant" ; qu'en retenant, pour débouter la société Ipso facto de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue par l'article 39 de la Convention de Vienne, que cette Convention n'est pas applicable sur le territoire de Hong Kong, tout en constatant que l'article 3 de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 désigne la loi française pour régir la vente litigieuse en tant que loi du pays où le vendeur a sa résidence habituelle, ce dont il résultait que la Convention de Vienne du 11 avril 1980, qui constitue le droit substantiel français de la vente internationale de marchandises, était applicable au litige, la cour d'appel a violé le texte susvisé par refus d'application ;
5°/ que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 instituant un droit uniforme sur les ventes internationales de marchandises s'impose au juge français, qui doit en faire application sous réserve de son exclusion, selon l'article 6, qui s'interprète comme permettant aux parties de l'éluder tacitement, en s'abstenant de l'invoquer devant le juge français ; qu'en considérant que les parties avaient tacitement exclu l'application de la Convention de Vienne, quand les commémoratifs du jugement établissent que la société Ipso facto invoquait l'application de la Convention de Vienne dans l'instance au fond ayant abouti au jugement du tribunal de commerce de Bordeaux de l'appel duquel elle était saisie, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention de Vienne par fausse application ;
6°/ en toute hypothèse, la portée du silence des parties dont s'induirait un accord procédural doit s'apprécier au regard de l'objet du litige ; qu'en déduisant l'exclusion tacite de la Convention de Vienne par les parties de ce que la société Ipso facto n'en avait jamais fait mention dans l'instance en référé, quand le débat devant la juridiction des référés avait trait à son incompétence à raison de l'existence d'une contestation sérieuse tenant à l'absence de tout contrat conclu entre les sociétés Win System International et Sun Sing International, demanderesses en restitution d'un indu prétendu, et la société Ipso facto, de sorte que le silence gardé par cette dernière sur l'applicabilité de la Convention de Vienne ne pouvait avoir aucune portée dans l'instance au fond introduite par la seule société Win System International sur le fondement, différent de celui invoqué dans l'instance en référé, de l'inexécution partielle du même contrat dont la conclusion était auparavant déniée, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 ;
7°/ en toute hypothèse, que la portée du silence des parties dont s'induirait un accord procédural doit s'apprécier au regard de l'objet du litige ; qu'en déduisant l'exclusion tacite de la Convention de Vienne par les parties de ce que la société Ipso facto n'en avait jamais fait mention dans le cadre du litige l'opposant à la société Usa Piilii Jepen International, quand l'instance introduite à l'encontre de cette dernière par la demande de la société Ipso facto tendant à l'exécution des contrats conclus avec elle pour un montant de 17 239 869,08 euros, portait sur des contrats différents de ceux objet du présent litige opposant la société Ipso facto et la société Win System International, de sorte que le silence gardé sur l'applicabilité de la Convention de Vienne dans l'instance à l'encontre de la société Usa Piilii Jepen International était dépourvu de portée dans l'instance l'opposant à la société Win System International, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte de l'article 7, § 2, de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises (la CVIM) que les questions concernant les matières régies par la CVIM et qui ne sont pas expressément tranchées par elle sont réglées selon les principes généraux dont elle s'inspire ou, à défaut de ces principes, conformément à la loi applicable en vertu des règles du droit international privé.
8. Selon l'article 39, § 2, de la CVIM, l'acheteur est, dans tous les cas, déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité, s'il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises.
9. Les dispositions de la CVIM ne prévoient pas de délai de prescription ou de forclusion et ce délai de deux ans est un délai de dénonciation du défaut de conformité et non un délai pour agir. La fin de non-recevoir soulevée, au visa de ce texte, par la société Ipso facto pour cause de forclusion de l'action formée par la société Win doit être rejetée.
10. Par ces seuls motifs substitués d'office à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ipso facto aux dépens.