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Décisions

Cass. com., 16 mars 1999, n° 97-11.428

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grimaldi

Rapporteur :

M. Rémery

Avocat général :

M. Lafortune

Avocat :

Me Hemery

Versailles, 12e ch. civ., 1re sect., du …

12 décembre 1996

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 décembre 1996), que la société Lema a chargé la société Fatton transports (société Fatton) de faire acheminer, en qualité de commissionnaire de transport, des marchandises de Taïwan en France ;

que la livraison des marchandises, qui devait impérativement avoir lieu le 21 février 1991 au plus tard pour satisfaire une commande reçue par la société Lema, n'a été effectuée que les 24 février, 4 et 12 mars 1991 ;

qu'assignée en paiement du prix du transport, la société Lema a demandé reconventionnellement à la société Fatton réparation de son préjudice commercial résultant des retards de livraison ; que la société Fatton, qui a imputé ces retards à la guerre du Golfe, a invoqué la force majeure ;

Attendu que la société Lema reproche à l'arrêt d'avoir exonéré la société Fatton de toute responsabilité dans l'inexécution de ses obligations contractuelles et de l'avoir condamnée à lui payer le prix du transport, alors, selon le pourvoi, d'une part, que toute clause d'exonération de la responsabilité du commissionnaire doit être acceptée par le commettant et le silence gardé par celui-ci, tout comme son absence de protestation, n'établissent ni sa connaissance de la clause, ni son acceptation lors de la formation du contrat ; qu'en jugeant le contraire en l'espèce, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et 97 et suivants du Code de commerce ; alors, d'autre part, qu'il n'y a pas force majeure si le fait était prévisible lors de la passation du contrat ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société Fatton était consciente des difficultés pouvant résulter de la guerre du golfe quant à l'exécution de sa mission lorsqu'elle a défini les modalités contractuelles du transport en indiquant : "ce prix et ce délai sont sous réserve des conséquences dues aux événements pouvant intervenir dans le Golfe persique, ces conséquences seront indépendantes de notre volonté et... considérées comme cas de force majeure" ; qu'en jugeant que, du fait de la guerre du Golfe, la société Fatton s'était trouvée face à des circonstances constitutives d'un cas de force majeure au terme des stipulations contractuelles, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147, 1148, 1150 du Code civil et 97 et suivants du Code de commerce ;

alors, en outre, que la force majeure se caractérise par son caractère irrésistible ; qu'en l'espèce, les juges du fond, qui ont retenu l'existence de la force majeure en faveur de la société Fatton avait rapidement pris des mesures en vue de l'acheminement par avion, avait suivi le dossier et rencontré des difficultés indépendantes de sa volonté avec Air France ;

qu'il leur appartenait de caractériser en quoi les événements de la guerre du Golfe l'avaient empêchée de livrer dans les délais contractuels la marchandise et constituaient pour elle un événement irrésistible ; que l'arrêt manque de base légale au regard des articles 97 et suivants du Code de commerce, 1134 et 1147 et suivants du Code civil ; et alors, enfin, que, dans ses écritures, la société Lema faisait valoir que c'est en raison même de la guerre du Golfe qu'elle avait décidé de conclure un contrat de commission de transport avec la société Fatton afin d'éviter les retards sur les transports maritimes, en sorte que ces événements étaient prévus par les parties lors de la conclusion du contrat ; qu'elle faisait, de plus, valoir que la société Fatton se bornait à faire état de suppressions de vols voyageurs sur Air France et non des vols cargo, seuls concernés en l'espèce, et qu'elle n'établissait pas plus avoir elle-même fait diligence pour acheminer autrement la marchandise ou réserver des vols pour les marchandises en cause, ni que lesdits vols auraient été annulés en raison de la guerre du Golfe et non en raison du volume trop important des marchandises ; qu'en omettant de répondre à ces moyens qui établissaient les manquements de la société Fatton et l'absence de force majeure, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève que, dès avant que la marchandise en provenance de Taïwan n'atteigne, par voie maritime, le port de Bangkok, la société Fatton a "fait toutes diligences sans tarder" pour prévoir son acheminement par voie aérienne vers Paris dans les délais imposés, en formant auprès de plusieurs transporteurs aériens, ainsi qu'en attestent les nombreux télex échangés, des demandes de réservation d'espace pour le déplacement du fret, mais qu'elle s'est heurtée à une situation de blocage qui empirait dans le transport aérien du fait de la guerre du Golfe ; que, par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, en répondant aux conclusions invoquées, a établi que la société Fatton avait pris toutes les mesures requises pour éviter les conséquences de cet événement sur le transport, mais sans pouvoir y parvenir en raison de l'irrésistibilité de la situation ; que, même prévisible, celle-ci présentait, dès lors, les caractères de la force majeure ;

qu'abstraction faite du motif critiqué par la première branche, qui est surabondant, le moyen n'est fondé en aucune de ses autres branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.