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Décisions

Cass. 1re civ., 25 octobre 1989, n° 87-15.352

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jouhaud

Rapporteur :

M. Thierry

Avocat général :

M. Dontenwille

Avocat :

Me Boullez

Paris, du 12 mars 1987

12 mars 1987

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que le 8 juillet 1981, un marché d'importation en Algérie de 1 500 tonnes de viande ovine congelée a été passé entre la société de droit français Barron et l'Office national des aliments du bétail (ONAB), organisme algérien ; que, le 13 août 1981, la même société Barron a conclu avec Promocomex, société de droit suisse, le contrat suivant :

"A l'occasion de chaque contrat de vente réalisé par la société Barron auprès de l'ONAB, grâce à l'action commerciale de Promocomex SA, la société Barron s'engage, en rémunération et en contrepartie de ses services, à lui régler une commission de 4 % du montant total du marché, au fur et à mesure des encaissements" ; qu'à la fin de l'acte figurait une mention dactylographiée :

"Ceci concerne l'appel d'offre de 1 500 tonnes de viandes ovines congelées en carcasse avec os", complétée par deux autres mentions manuscrites :

"750 tonnes à 2 675 dollars US", "750 tonnes à 2 375 dollars US" ; Attendu que, se plaignant de ne pas avoir reçu les commissions convenues, Promocomex a, le 24 mai 1984, assigné Barron en paiement de la somme de 150 000 dollars US ou de sa contrepartie en francs français au jour du règlement ; que Barron a alors soulevé la nullité du contrat du 13 août 1981, au motif que la loi algérienne du 11 février 1978, relative au monopole de l'Etat sur le commerce extérieur, prohibait formellement toute

mission d'intermédiaire ; que, par jugement du 20 mars 1985, le tribunal de commerce de Paris a décidé que la loi algérienne s'appliquait effectivement au contrat litigieux, a prononcé en conséquence la nullité de ce contrat et a débouté la société Promocomex de toutes ses demandes ; que ladite société a interjeté appel et, subsidiairement, a sollicité qu'en cas de confirmation, il lui soit alloué 500 000 francs de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le dol commis par la société Barron à son encontre ; que l'arrêt attaqué (Paris, 12 mars 1987), tout en confirmant le jugement entrepris, a déclaré cette demande irrecevable comme nouvelle ; Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches, qui est préalable :

Attendu que Promocomex fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la loi algérienne applicable au litige, alors, d'une part, qu'en faisant prévaloir un indice extrinsèque au contrat, son lieu d'exécution, au détriment des indices intrinsèques à ce même contrat, la cour d'appel aurait violé l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en s'abstenant de rechercher si les deux parties, dont l'une était de droit français, n'avaient pas cherché à se placer sous l'empire de la loi française en concluant en France un contrat rédigé dans la langue française, ladite cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de ce même texte ; et alors, enfin, que le lieu d'exécution du contrat de commission, c'est-à-dire le lieu de paiement, se situerait en France, et non en Algérie ; Mais attendu, sur les deux premières branches, que c'est par une interprétation souveraine de la commune intention des parties que la cour d'appel, après avoir relevé, tant par motifs propres qu'adoptés, que l'ensemble des circonstances de nature à déterminer la localisation du contrat convergeait vers l'Etat algérien et après avoir constaté que la prestation caractéristique dudit contrat était exécutée dans cet Etat, a estimé que le contrat en question "est régi par la loi algérienne, nonobstant la circonstance qu'il a été conclu et signé en France" ; Attendu, sur la troisième branche, que celle-ci se révèle inopérante dès lors que le contrat du 13 août 1981, dont le laconisme a été souligné par les premiers juges, demeure totalement muet sur le point de savoir si les commissions dues à Promocomex sont payables en France ou en Algérie ; Qu'ainsi, pris en ses trois branches, le deuxième moyen ne peut être accueilli ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est également reproché à la cour d'appel d'avoir

débouté la société Promocomex de sa demande en paiement de commissions, alors, d'une part, qu'il serait formellement acquis aux débats que le premier contrat du 8 juillet 1981 a été conclu entre

la société Barron et l'ONAB grâce à son activité commerciale ; et alors, d'autre part, que ladite cour d'appel aurait dénaturé le chef de conclusions suivant lequel la société Promocomex avait reconnu qu'elle était totalement étrangère à ce premier contrat, ces conclusions visant seulement à préciser qu'elle était un tiers par rapport à la convention, et que la clause tendant à l'application de la loi algérienne lui était, en conséquence, inopposable ; Mais attendu, en premier lieu, que si les conclusions d'appel de la société Barron admettent que l'activité commerciale de Promocomex en Algérie a précédé le deuxième contrat du 13 août 1981, lequel a prévu le droit à commission de cet intermédiaire et en a fixé le taux, en revanche aucune disposition de ces conclusions n'admet que la convention initiale du 8 juillet 1981 soit le fruit des efforts de Promocomex, ni surtout que celle-ci ait droit rétroactivement à une commission ; Attendu, en second lieu, que la loi applicable au contrat du 13 août 1981, qui fixe le droit à commission de Promocomex, est la loi algérienne ; qu'il importe peu, dès lors, que soit inopposable à ladite société Promocomex le contrat antérieur du 8 juillet 1981 lequel, dans les rapports entre Barron et ONAB, déclare expressément applicable cette même loi algérienne ; que le grief tiré de la dénaturation du chef des conclusions d'appel de Promocomex, relatif à ce contrat du 8 juillet 1981, est irrecevable pour défaut d'intérêt ; Qu'il s'ensuit que le premier moyen manque en fait dans sa première branche et est irrecevable dans la seconde de ces branches ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande subsidiaire de la société Promocomex, sans répondre à ses conclusions d'appel selon lesquelles cette demande additionnelle résultait d'un fait révélé par le jugement entrepris, à savoir la nullité du contrat du 13 août 1981 invoquée par la société Barron, et tendait aux mêmes fins, consistant à percevoir la contrepartie du travail exécuté, soit sous forme de commissions en application du contrat, soit sous forme de dommages-intérêts après annulation dudit contrat ; Mais attendu, d'une part, que contrairement à ses allégations, la société Promocomex n'a jamais tenté de justifier sa demande subsidiaire par la survenance d'un fait nouveau ; que la cour d'appel n'avait donc pas à statuer, au regard de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile, sur le fondement de cette demande ; identique entre l'action principale qui tend au paiement d'une rémunération en exécution d'un contrat prétendument valide, et l'action subsidiaire en nullité pour dol de ce même contrat, avec paiement de dommages-intérêts compensatoires du préjudice subi du fait de cette nullité, la cour d'appel a répondu directement aux conclusions prises sur ce point par Promocomex, et légalement justifié sa décision ; Que, pris en ses deux branches, le troisième moyen doit être, lui aussi, écarté ; PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.